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Seclal Collections
Library of tbe Museum
OF
COMPARATIVE ZOOLOGY,
AT HARVARD COLLEGE, CAMBRIDGE, MASS.
Pounded bp private subscription, în 1861.
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| From the Library of LOUIS AGASSIZ.
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HISTOIRE NATURELLE
DES
ZOOPHYTES.
INFUSOIRES,
COMPRENANT
LA PHYSIOLOGIE ET IA CLASSIFICATION
€” _ DE CES ANIMAUX,
ET
LA MANIÈRE DE LES ÉTUDIER A L'AIDE DU MICROSCOPE,
PAR M. FÉLIX DUJARDIN,
PROFESSEUR DE ZOOLOGIE, DOYEN DE LA FACULTÉ
DES SCIENCES DE RENNES,
Ouvrage accompagné de planches.
PARIS.
LIBRAIRIE ENCYCLOPÉDIQUE DE ROMET,
RUE HAUTEFEUILLE, N° 10 mis.
4841.
exo H. MILNE-EDWARDS,
JAM PRIDEM ARCANORUM NATURÆ CONSCIO ,
ET ARTIS DELINEANDI ZOOPHYTA ;
VEL OCULI ACIE, VEL MICROSCOPIL OPE DETECTA ,
QUAM MAXIMÉ PERITO,
HOC MEUM OPUS, QUANTUMVIS INDIGNUM ;
PERENNIS AMICITIÆ PIGNUS
D. D. D.
F. DUJARDIN.
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PRÉFACE.
Quoique le microscope , par les perfectionnements
qu'il a recus depuis quinze ans, soit devenu en quelque
sorte un instrument nouveau et inconnu de nos pré-
décesseurs , nous sommes loin de croire qu’il soit arrivé
au terme de ses perfectionnements possibles. La net-
teté obtenue dans cet instrument avec des grossis-
sements de 300 à 400 diamètres, nous a appris à
chercher avec nos yeux seuls la vraie forme et la
structure des corps, au lieu de la deviner à travers un
contour diffus et nébuleux ; nous avons donc dü pro-
scrire les grossissements exagérés de six cents, de mille
diamètres, etau delà, qui n'étaient tant soit peu accep-
tables qu’à l’époque où l’on ne voyait guère avec plus
de précision aux grossissements moindres; mais aussi
nous avons dü sentir davantage combien sont véri-
tablement restreints nos moyens d'observation. En
effet, des organes filiformes épais d’un 30000° de mil-
limèlre, ne nous paraissent pas moins simples dans
le meilleur microscope, qu’un brin de soie vu à l'œil
mu; bien plus, un corps globuleux d’un millième de
millimètre, ne nous parait que comme un grain de
pollen de mauve vu à l'œilnu ,et cependant nous savons
VIIL PRÉFACE.
combien ces dimensions sont éloignées de la limite
de divisibilité des corps les plus composés. Il y a done
beaucoup à connaître encore au delà des limites de
nos moyens d'observation ; telle combinaison que nous
entrevoyons dans l'avenir, peut , en perfectionnant de
nouveau le microscope , nous révéler un espace im-
mense dont l'imagination seule ne pourrait donner
aujourd hui que des notions mensongères.
Comme celui qui bâtit sur le sable mobile ou sur
un sol inconnu , nous sommes donc exposé à voir
notre œuvre à peine édifiée , s’écrouler ou perdre tout
d’un coup sa valeur, par suite de telle découverte
pressentie vaguement et qui doit multiplier un jour là
puissance de notre vue. |
_ Cette idée, vraiment décourageante , et qui ne 6e
présente point dans l'étude des autres branches de la
zoologie, aurait dû nous empêcher de publier‘en cet
instant une histoire des Infusoires ; et c'était bien aussi
notre pensée, quand , songeant à perfectionner préa-
lablement nous-même le microscope, nous consa-
crions un temps considérable à la réalisation de cer-
taines conceptions théoriques. Mais le but de nos
recherches constantes est loin encore d’être atteint ,
nous ignorons si d’autres plus heureux arriveront
avant nous à ce but; et cependant beaucoup de
personnes qui se livrent avec ardeur à l'étude du
microscope attendent un ouvrage pouvant servir de
guide pour des recherches ultérieures sur les Infusoires.
PRÉFACE. 1
La publication si importante des Suites à Buffon
appelait nécessairement cetouvraäge dans son cadre; et
M. Milne-Edwards , que ses recherches sur les animaux
inférieurs mettent à même de juger nettement de
l'état de nos connaissances sur les Infusoires, m’en-
gageait à entreprendre ce travail. Son opinion, aussi
précieuse pour moi que son amitiè, m'a déterminé à
passer par-dessus les désavantages que présentent à la
fois le sujet et les circonstances; et dans l'espoir que
je trouverai parmi mes lecteurs des juges bienveillants
et disposés à me tenir compte des difficultés de ma
tâche, j'ai depuis deux ans mis en ordre et complété
les matériaux recueillis pendant les cinq années pré-
cédentes.
Si mes premiers travaux sur ce sujet ont eu Île
caractère d'une polémique contre M. Ehrenberg,
dont cependant j'aime à proclamer le mérite, c’est
que cet auteur, cédant trop facilement à l’entraine-
ment de son imagination , avait pris pour base de tous
ses travaux sur les Infusoires et de la classification de
ces êtres, des principes tout à fait erronés et que l’ob-
servation n'a jamais confirmés. C’est aussi que les
faits inexacts sur l’organisation des Infusoires, qu’il à
mêlés à la foule de ses observations neuves et réelles,
avaient longtemps arrêté ma marche; comme sans
doute ils ont arrêté celle de beaucoup d’autres obser-
vateurs sincères, en nous forçant à regarder comme
incomplètes et défectueuses toutes nos études sur ce
x PRÉFACE.
sujet, et à regarder nos microscopes comme trop
imparfaits, puisqu'ils ne voulaient pas nous laisser
voir les mêmes détails qu'au célèbre naturaliste de
Berlin. Cela dura jusqu’à l'instant où , d’une part, l’ob-
servation directe de quelques détails qui avaient
échappé à cet habile micrographe , et, d’un autre côté,
les variations de ses opinions successives dans ses divers
mémoires, me conduisirent d’abord au doute, puis,
un peu trop loin peut-être au delà du doute, par un
effet de réaction; mais, je me plais à le répéter,
malgré la vivacité de mes attaques contre certaines
opinions de M. Ehrenberg , je peux déclarer qu'aucun
observateur n’a jamais fait une plus riche moisson de
faits, et n’a contribué davantage au progrès de la mi-
crographie ; et si malheureusement il n’eût persisté
à prendre pour bases de sa classification les mêmes faits
que jai contestés, que je regarde comme absolu-
ment inexacts, j'aurais avec empressement pris pour
guide le grand ouvrage qu’il vient de publier. On verra
d'ailleurs que j'ai adopté, autant que possible, les
genres , et mème les familles , établis par cet auteur ; et
je dois dire qu’en cela, j'ai eu en vue de rendre té-
moignage à son mérite , autant que d'éviter l'introduc-
tion d’un grand nombre de noms nouveaux dans ia
science.
Dans ce livre, n'ayant point assurément l'in-
tention de poser des bases invariables pour une partie
de la zoologie qui ne se prête point encore à une clas-
PRÉFACE. XI
sification définitive, mais voulant seulement faciliter
les études micrographiques et mettre les observateurs
sur la voie de l'immense profit qu'on en doit attendre
pour la physiologie, je n’ai parlé que de ce que j'ai vu
moi-même. Or , je n’ai pas vu tous les Infusoires décrits
par les auteurs, tant s’en faut; il est donc probable
qu’il me manque encore la connaissance de beaucoup
de faits importants , connaissance que je ne pouvais
prendre que par mes yeux et non dans des livres
dictés trop souvent par un esprit de système ; ma
tâche était d’aplanir les difficultés de plus en plus
grandes qui s'opposent à l'étude des Infusoires, et
d'aider les observateurs par des renseignements con-
sciencieusement donnés.
Cette tâche est remplie pour le moment ; je retourne
donc à mon microscope pour interroger de nouveau
la nature avec le désir sincère de connaître la vérité ;
et, plus tard , dans des mémoires que je publierai sur
chaque famille en particulier , je ne craindrai pas d’a-
vouer toutes les erreurs que je puis avoir commises.
Cependant, que d’autres veuillent bien chercher de leur
côté; ils seront assurément dédommagés de leurs
peines par des observations neuves et par des décou-
vertes nombreuses; et s'ils sont animés du même
désir que moi, nous ne manquerons pas de nous ren-
contrer plus d’une fois sur la route.
Je dois, en terminant cette préface, me justifier aux
yeux du lecteur d'avoir presque à chaque pas , dans le
XII PRÉFACE.
cours de mon ouvrage, parlé de moi et en men seul
nom: c'était une nécessité, car sur un sujet si mal
connu , je n'ai dû parler que de ce que j'ai vu; or je
voyais seul dans mon microscope en faisant les obser-
vations dont je rends compte. Ainsi , je dois le dire,
j'apporte souvent ici un témoignage unique et ne pou-
vant par conséquent avoir d'effet que sur Fesprit du
lecteur qui aura essayé d'y joindre le témoignage de sa
propre observation.
HISTOIRE NATURELLE
DES
INFUSOIRES.
DISCOURS PRÉLIMINAIRE.
L'histoire des Infusoires est entièrement liée à
l'histoire du microscope, car on ne pouvait, avant
la découverte de cet instrument , soupconner l’exis-
tence d'une foule d'animaux peuplant le monde
nouveau que le microscope a fait connaître; mais
aussi cette histoire a dû être mêlée à celle de tous
les êtres vivants que leur extrême petitesse avait
jusqu'alors dérobés aux yeux des observateurs. L’at-
tention avait été singulièrement excitée par la vue
des Animalcules qui apparaissent en foule dans les
infusions de diverses substances végétales ou ani-
males : on reconnut bientôt l’analogie de ces êtres
avec ceux qui fourmillent dans les eaux stagnantes,
au milieu des herbes aquatiques plus ou moins dé-
composées , qui souvent rendent ces eaux de véri-
tables infusions ; par conséquent on a dù confondre
dans la même série d’études, et sous la même dé-
nomination d'Infusoires, d'Animalcules, ou de
Microscopiques, tous les êtres divers qu’on obser-
vait dans les eaux stagnantes.
INFUSOIRES. 1
2 HISTOIRE NATURELLE
Le départ, la distinction de ces êtres, n'ont pu
avoir lieu que tardivement, et peu à peu. On en sé-
para d’abord les insectes et leurs larves, puis les crus-
tacés branchiopodes ou entomostracés ; plus tard on
distingua aussi des Vers, des Zoophytes, confondus
dans la foule des êtres microscopiques. Dans ces
derniers temps, on en a séparé encore divers objets,
tels que des lambeaux de branchie de Mollusques ;
mais d’un autre côté on leur a réuni mal à propos,
tantôt les Zoospermes, tantôt des familles entières
d’'Algues microscopiques, les Desmidiées, les Dia-
tomées.
Une distinction plus rigoureuse des vrais Infu-
soires doit sans doute être établie; mais quelque
soin qu’on prenne pour l'établir, cette classe reste
encore une réunion de types très - différents, et
n'ayant de commun que des caractèresnégatifs ; aussi
des naturalistes philosophes n’y veulent voir qu’une
association provisoire des types primordiaux de
diverses séries du règne animal, lesquelles pour
avoir été étudiées à partir du plus haut degré d’'or-
ganisation, ont paru sans rapport aucun avec les
types correspondant à un minimum d'organisa-
tion. Nous aurons à examiner plus loin ces difhiciles
questions , sans oser nous flatter de pouvoir les ré-
soudre ; pour le moment nous commençons par
exposer l'historique des découvertes microscopi-
ques , et du microscope lui-même , qui, soumis à
de nombreuses variations, a souvent été décrit et
même construit par chaque auteur d’une manière
chftférente.
DES INFUSOIRES. 3
Mais remarquons-le d'abord, on aurait grand
tort de croire que les Infusoires ne peuvent être
aperçus qu'avec le secours de nos microscopes
achromatiques dotés de tous les perfectionnements
les plus récents. Bien au contraire, la plupart des
Infusoires peuvent être vus, quoique moins distinc-
tement, par le moyen d’un microscope composé,
très-médiocre et non achromatique; leur forme
extérieure est souvent même indiquée d'une ma-
nière bien reconnaissable. Ce qui manquait et ce
qu'on n’a obtenu que dans les derniers temps, c'est
une netteté permettant de constater la forme réelle
des parties internes ou externes, et la présence ou
l'absence de tels ou tels organes. Le microscope
simple ou la loupe montée, suffit même bien sou-
vent pour étudier certains Infusoires ou Systolides ;
notamment les Paramécies, les Plœsconia , les Bra-
chions , les Rotifères , etc., dont les dimensions at-
teignent ou dépassent un quart ou un tiers de milli-
mètre , et qui s'aperçoivent à l'œil nu. En effet,
une lentille ou un doublet de 4,5 millimètres
( deux lignes) de foyer amplifie le diamètre de
l'objet quarante fois, et fait voir une Paramécie
de : millimètre, longue de 8 millimètres, ce qui est
déjà considérable ; une lentille de 2,25 millimètres
(une ligne ) de foyer, double ce grossissement, et
une lentille ou un doublet de 1,12 millimètres
(< ligne) de foyer, le rend quadruple, et montre
la même Paramécie, longue de 32 millimètres,
avec une grande netteté , si la lentille est bien mon-
tée et bien centrée, et surtout si lon a un bon sys-
k HISTOIRE NATURELLE
tème de diaphragmes sur le trajet de la lumière;
mais alors le champ est tellement restreint, et la po-
sition de l’œil est tellement limitée, qu'on éprouve
une fatigue fort grande, et que, d’un autre côté,
on perd un temps considérable à chercher l’objet
qui s'est écarté du champ de la vision. Toutefois de
telles lentilles simples sont de beaucoup préférables
à un microscope composé non achromatique ; et les
meilleures observations, antérieures à la construc-
tion du microscope achromatique, ont été faites par
ce moyen.
L'histoire des découvertes microscopiques peut
se diviser en trois périodes : la première, celle des
simples observateurs, commence à Leeuwenhoek ,
le père de la micrographie, et dut ses meilleurs
résultats au microscope simple ; la deuxième, celle
des classificateurs, commence à Otto - Frédéric
Müller, qui le premier essaya de classer méthodi-
quement les Infusoires, et qui se servit du micro-
scope composé, ainsi que les observateurs qui le
suivirent; dans la troisième enfin, signalée par
l'emploi du microscope achromatique, et par les
découvertes et les hypothèses de M. Ehrenberg , on
s'est occupé à la fois de la classification et de l’or-
ganisation des Infusoires.
. Leeuwenhoek (1680-1723) construisait lui-même
des microscopes simples qu’il tenait d’une main, tan-
dis que de l’autre main il en approchait un tube de
verre , contenant dans l’eau les objets à examiner.
Ses microscopes étaient de très-petites lentilles bi-
convexes , enchâssées dans une petite monture d’ar-
DES INFUSOIRFS. (e)
gent; il en avait formé une collection de vingt-
six qu'il légua à la Société royale de Londres. Ces
instruments , sujets à tous les inconvénients d'un
maximum d'aberration de sphéricité et d’un man-
que total de stabilité, n'avaient pu servir utilement
qu'entre les mains de Leceuwenhock, qui, durant
vingt années de travaux, avait acquis une habitude
capable de suppléer en partie à la stabilité de nos
appareils modernes ; aussi personne après lui ne put
tirer parti de ses microscopes, et l'on renonca en
quelque sorte à ce mode d'observation en attendant
le microscope composé. Cet habile micrographe,
dirigeant surtout ses études vers le progrès de la
physiologie, et vers la solution de certaines ques-
tions en particulier, telles que celle de la généra-
tion, ne s occupa qu'en passant de l'étude des Infu-
soires , et comme pour chercher seulement de nou-
veiles preuves en faveur de l’axiome omne vivum
ex 0vo. En observant l’infusion de poivre, l’eau
des marais, la matière blanche pulpeuse qui s’a-
masse autour des dents, ses excréments et ceux de
plusieurs animaux, il eut l’occasion de voir des
Vibrions, des Volvox, des Monades, des Kérones,
des Paramécies , des Kolpodes, divers Vorticelliens
et Systolides , les Anguilles du vinaigre, Îles Zoo-
spermes, etc.; mais 1] ne songea pas à distinguer les
Infusoires des autres Animalcules microscopiques.
Baker (1), qui publia successivement deux traités
(1) The Microscope made easy, London, 3743, — Employment for
the Microsc. 1752.
6 HISTOIRE NATURELLE
sur l'usage du microscope, et qui paraît s'être pré-
férablement servi du microscope simple de Wilson,
dont il vante avec raison les avantages, a décrit et
figuré un grand nombre d'Infusoires observés par
lui, soit dans les eaux de marais, soit dans des in-
fusions de foin, de poivre, de blé, d'avoine, etc.
Ses dessins, qui par la suite ont servi beaucoup
aux nomenclateurs, présentent donc un mélange
de vrais Înfusoires avec d’autres Animalcules, et
notamment avec des Brachions bien reconnais-
sables.
Trembley (1) (1544), fut conduit par ses belles
observations sur le Polype à bras ou l’'Hydre, à dé-
crire d'une part certains Infusoires parasites de ce
Polype ; et d'autre part, quelques grandes et belles
espèces de Vorticelliens qui se trouvent avec les
Hydres dans les marais, et qu'il nomma Polypes à
bulbe et Polypes à bras
Hill (2), en 1952, fut le premier qui essaya de
donner des noms scientifiques aux Animalcules
microscopiques. Joblot (3), quelque temps après,
en 1794, publia des observations microscopiques
assez bonnes pour cette époque, et qui ne sont
point encore sans valeur, malgré le ridicule des
dénominations, souvent très-sigmificatives, adaptées
par Jui à ses Animaicules, parmi lesquels il com-
(1) Philosophic. Transact. 17946. — Histoire du Polype d'eau douce,
1544.
(2) Essay of natural history, 1752.
(3) Observations d'histoire naturelle faites avec le microscope, par
Joblot, 1754-3755.
»
DES INFUSOIRES, 7
prend, outre les Infusoires, desSystolides, des En-
tomostracés, des larves d'Insectes, etc. Plusieurs
des figures qu'il en donne portant l'empreinte d’une
admiration trop vive que ne réglait aucune idée
scientifique, sont tellement bizarres et fantastiques
qu’elles durent surtout contribuer à discréditer
l'emploi du microscope.
A cette même époque, Schæffer avait fait con-
naître quelques animaux microscopiques. Rœæsel(1),
à la suite de son bel ouvrage sur les Insectes , avait
décrit et donné d'assez bonnes figures de plusieurs
grands Vorticelliens, du Volvox ; et surtout il avait
fait connaitre son petit Protée, qui est aujourd'hui
le type du genre Amibe. Ledermuller, dans ses
Amusements microscopiques , avait aussi représenté
des Animalcules d’infusion, des Vorticelles et quel-
ques Systolides. Et Wrisberg (2) (1764), avait pu-
blié des Observations sur la nature des Animalcules
infusoires, que le premier il nommait ainsi.
Linné, qui n'avait point étudié par lui-même
les Infusoires , les confondit d’abord sous la déno-
mination trop significative de Chaos, en distinguant
toutefois le J’olvox globator ; et plus tard il admit
un genre Vorticelle (3). Pallas, dansson ouvragesur
les Zoophytes (4), en 1766,se borna à réunir, dans les
deux genres J’olvox et Brachionus , ceux des Ani-
malcules microscopiques dont l'existence lui parut
(1) Insecten Belustigung von Rôsel. 4 vol. in-4, 1546-1761.
(2) Observationes de animalcul. infusor. naturä, Gôttingen. 1764. in-8.
(3) Systema naturæ. Edit. X, 1558. — Syst. nat. Edit. XIT, 156%.
(4) Elenchus zoophytorum. 1566.
8 HISTOIRE NATURELLE
mieux démontrée d’après les travaux antérieurs.
Ellis décrivit aussi, sous le nom de Volvox, divers
Infusoires dans les Transactions Philosophiques de
Londres, en 1769. Puis vint Eichhorn, qui, dans
un fort bon recueil d’observations(1), fit connaître
un plus grand nombre d'Infusoires que tous ses
prédécesseurs ; il ne songea nullement à les classer,
et les désigna seulement par des noms allemands,
exprimant quelque analogie de forme ; mais encore
avec ses Infusoires se trouvaient mêlés beaucoup
d'autres Animalcules. Spallanzani(2)(1776), étudia
plus particulièrement quelques Infusoires et le Ro-
tifère sous le point de vue physiologique; et son
ami, l'illustre Saussure, contribua ävec lui à
mettre en lumière quelques faits importants sur
ce sujet.
Gleichen (3), en poursuivant ses recherches sur
Ja génération des êtres, eut l’occasion de faire beau-
coup de bonnes observations sur les Infusoires et sur
les Animalcules qui s’y développent dans des cir-
constances variées; malgré limperfection de ses
figures, on reconnait, ou plutôt on devine quels
sont les Infusoires qu'il a pu rencontrer. Enfin
Gœze (4) et Bloch (5), qui, chacun de leur côté,
s'occupaient de l'étude des Vers intestinaux , Roeut
connaître les curieux Infusoires qui vivent den l'in-
testin des Grenouilles.
(1) Kleinste Wasserthiere. Berlin, 1581. — Beyträge, 1775
(2) Opuscol. phys. 1576. — Traduits en français, 1787.
(3) Infusionsthierchen, 1558. — Trad. en fancrais, 1709.
(4) Naturgeschichte der Eingeweidewürmer, 1782.
(5) Abhandl. über dieErseugung der Eingew. 1782.—Trad. en francais.
DES INFUSOIRES. 9
La seconde période, celle des classificateurs,
commence à O.-F. Müller, car les tentatives de
nomenclature qu'avait faites Hill étaient restées dans
oubli; et quoique Müller lui-même ait fait de
nombreuses découvertes dans l'étude des Tafusoires;
c’est surtout comme créateur d’une classification et
d’une nomenclature de ces animaux qu'il est plus
célèbre. Vouloir soumettre aux règles de la mé-
thode linnéenne la multitude des animalcules mi-
croscopiques, déjà signalés par ses prédécesseurs, et
de ceux encore plus nombreux qu'il avait observés
lui-même ; c'était là une tâche bien autrement dif-
ficile que celle de caractériser et de classer des
plantes ou des insectes, dont la forme est tou-
jours définie, dont les organes sont nombreux et
bien distincts, et dont enfin le mode de développe-
ment est connu. En caractérisant comme autant
d'espèces, une foule d'objets divers dont la nature
animale ou l'individualité, ou même l'intégrité
n’était pas toujours constatée, il s’exposa donc à
faire beaucoup de doubles emplois et de fausses dé-
signations. Aussi, doit on le reconnaître, ses genres, à
l'époque même de leur création, étaient trop vague-
ment tracés ; et la plupart de ses espèces, caractéri-
sées par une phrase linnéene de quelques mots, ne
peuvent être reconnues sans le secours des figures
qui en disent bien plus que cette phrase; et, même
encore avec ce secours, la moitié des espèces sont
à laisser de côté comme tout à fait équivoques ou
douteuses. Mais ce tort ne doit pas lui être imputé
tout entier : en effet, après avoir essayé une pre-
10 HISTOIRE NATURELLE
mière fois dans son histoire des vers marins et flu-
viatiles (1) de classer les Infusoires, il se proposait
de réunir dans un grand traité tous les résultats de
douze années de recherches laborieuses, quand la
mort vintle surprendre; ce fut donc son ami O. Fa-
bricius qui se chargea de publier cet ouvrage pos-
thume en le complétant au moyen des notes sou-
vent contradictoires qu'il put trouver dans les pa-
piers de l’auteur. Beaucoup d'espèces, et même
un genre, celui d’'Æimantopus, que Müller vivant
n'eut peut-être pas admis ou conservés en re-
voyant son travail, furent donc établis d’après ces
notes. Ainsi fut porté à 379 le nombre des espèces
décrites, parmi lesquelles il en est à peine 150 que
l'on puisse aujourd'hui rapporter avec certitude à
des Infusoires connus. De ses dix-sept genres, le
dernier (Brachion) ne comprend que des Systolides,
et les animaux du même ordre composent une par-
tie de son genre Vorticelle et se trouvent en outre
disséminés parmi ses Trichodes et ses Cercaires.
Müller d’ailleurs avait, comme ses prédécesseurs,
confondu avec les Infusoires des objets bien diffé-
rents , tels que des propagules d'algues, des Bacil-
laires, des Navicules, des Anguillules, des Disto-
mes, de jeunes Alcyonelles, des lambeaux de
branchies de Mollusques; et surtout il avait multi-
plié à l'excès certaines espèces en donnant un nom
(1) Müller. Vermium terrestrium et fluviatilinm Historia. 2 vol.
in-4, 1954. vi
(2) Müller. Animaleula Infusoria fluvialilia et marina. În-4, 1566.
DES INFUSOIRES, 11
différent au même Animalcule en divers états, on
même à des Infusoires devenus incomplets par suite
d'une décomposition partielle. Cela tient à ce que
Jon ne peut comparer les Animacules microsco-
piques qu’en les dessinant séparément et en notant
les caractères de chacun d'eux à mesure qu'on les
observe ; mais la plupart de ces Animalcules sont si
variables dans leurs formes , que si l’on vient à com-
parer un grand nombre de dessins faits à différen-
tes époques, on sera tenté d’abord de les rapporter
à autant d'espèces différentes, à moins qu'on n'ait
appris, par un long usage d'un excellent microscope,
à déméler la vérité. Or, je le répète, ce fut Fabricius
qui eut à mettre en ordre les notes de Müller.
Son histoire des Infusoires n'en mérite pas moins
d'être considérée comme un recueil d'observations
consciencieuses et tout à fait exemptes d'esprit de
système ; ses figures surtout sont ce qu'on pouvait
faire de mieux à cette époque, aussi ont-elles servi
de matériaux aux nomenclateurs qui vinrent en-
suite, pour l'établissement d’une foule de genres
nouveaux.
Bruguières, dans l'Encyclopédie méthodique, se
borna à copier les figures et les descriptions de
Müller en y ajoutant seulement quelques espèces
de Baker.
Cuvier, comme les naturalistes allemands du
commencement de ce siècle, ne s'occupa qu'en pas-
sant et d’une manière générale de la classification
des Infusoires. Il en avait préalablement séparé
12 HISTOIRE NATURELLE
mal à propos les vraies Vorticelles qu'il plaçait dans
son ordre des Polypes gélatineux ; et il avait senti la
nécessité de séparer les Systolides pourvus d'un in-
testin et d'organes compliqués, et les vrais Infu-
soires, « animaux à corps gélatineux de la plus ex-
trême simplicité, sans viscères, et souvent même
sans une apparence de bouche (1). »
Lamarck, dans son Histoire des animaux sansver-
tèbres (2), conserva beaucoup trop la classification
de Müller ; cependant, il démembra heureusement
plusieurs de ses genres, notamment celui des Vor-
ticelles d’où il retira les Rotifères et les autres Sys-
tolides pour en faire son genre Furculaire; mais
n'ayant point observé par lui-même, il laissa sub-
sister dans les divers genres les autres rapproche-
ments erronés de Müller, et même en ajouta de
nouveaux dans son genre Furcocerque. Il placa
avec raison les Systolides dans une autre classe que
les Infusoires proprement dits, mais avec eux, il
eut le tort de placer les Vorticelles parmi les Poly-
pes ciliés. M. Bory de Saint-Vincent (1825), appelé
à terminer la partie de l'Encyclopédie méthodique
commencée par Bruguières, eut à s'occuper beaucoup
de la classification des Infusoires qu'il veut nommer
des Microscopiques. Riche de ses propres obser-
vations, quoiqu'il n'ait pu échapper au repro-
che de s'être trop souvent servi des figures de Mül-
:
T4
(1) Cuvier. Règne animal. 1817.
(2) Lamarck. Hisioire des animaux sans vertèbres. 5 vol. in-8,
1815-1819.
DES INFUSOIRES. 13
ler , il subdivisa les 15 genres de l’auteur danois en
99 genres dont plusieurs ont dû être conservés
comme bien précis. Dans sa classe des Microscopi-
ques, 1l laisse encore confondus les Systolides, et il
en distrait les seules Vorticelles pédicellées qu’il re-
porte, avec les Navicules et les Lunulines, dans son
règne psychodiaire. Dans sa dernière publication
sur ce sujet(1831), iln'a faitque confirmer ses idées
précédemment émises sans y ajouter de nouvelles
observations. Cependant, dès 1817, en Allemagne,
Nitzsch, qui, parle caractère de ses travaux, devrait
être inscrit dans la dernière période, avait publié
des observations précieuses sur les Navicules et sur
les Cercaires qu'il démontra n'être point de vrais
Infusoires, et, plus tard, en 1827, dans une Ency-
clopédie allemande, il avait proposé l'établissement
de plusieurs genres bien convenables. M. Dutrochet,
en France , avait étudié les Rotifères et les Tubico-
laires; M. Leclerc avait fait connaître les Difilu-
gies ; et Losana, en Italie, avait décrit des Amibes,
des Kolpodes et des Cyclides dont il multipliait les
espèces sans raison et sans mesure.
Dans la période actuelle , illustrée par les travaux
de M. Ehrenberg et caractérisée par l'emploi du
microscope achromatique, on veut à la fois s’occu-
per de la classification des Infusoires et pénétrer les
mystères de l’organisation de ces petits êtres. Les
résultats obtenus pendant cette période seront donc
bien autrement importants sous tous les rapports
que ceux des périodes antérieures; mais par cela
même ils doivent être plus difliciles à obtenir; et
14 HISTOIRE NATURELLE
l'on aurait tort, je crois, de s'attendre à en trouver
jamais d'aussi positifs que dans les autres branches
de la zoologie.
M. Ehrenberg le premier a distingué nettement,
pour en former deux classes séparées, les Infusoires
qu'il nomme Polygastrica, et ies Systolides qu'il
nomme Rotatoria ; mais il laisse parmi les vrais
Infusoires, les Clostéries ou Lunulines, les Navicu-
les et toutes les Diatomés et Desmidiées, que, par un
singulier abus de l'esprit de système, il regarde
comme des animaux pourvus d’une bouche et d’une
multitude d’estomacs, Aussi a-t-il pu porter le nom-
bre des espèces d'Infusoires polygastriques à 533.
Sa classification, basée sur des faits entièrement er-
ronés relativement à l’organisation des Infusoires, a
été admise par les auteurs et les compilateurs qui
n'avaient nul souci de vérifier les faits annoncés.
Mais les vrais observateurs , d’abord frappés de stu-
peur par l'annonce des découvertes du micrographe
de Berlin, ne tardèrent pas à s’apercevoir de l’inuti-
lité de tous leurs efforts pour arriver à la vérification
de ces faits; et quand ils se furent bien assurés que
cette impossibilité ne tenait ni à la faiblesse de leur
vue n1 à l’imperfection de leurs microscopes, ils osè-
rent relever la tête et renvoyer la dénégation la plus
formelle à celui qui avait eu l’habileté de rendre en
quelque façon solidaires de ses assertions et de sa
renommée, des académies célèbres et des noms il-
lustres.
Si l'édifice des hypothèses Ehrenbergiennes vient
à étre totalement renversé, sa classification aura
F4
DES INFUSOIRES,. 145
disparu en même temps, et l'on se retrouvera en
présence d’une multitude confuse et croïssant cha-
que jour d'objets à classer, et pour lesquels on n’a
souvent que des caractères négatifs. À la vérité, on
aura appris de M. Ehrenberg à distinguer tout d'a-
bord les Systolides, et de lui comme de Nitzsch et
de M. Raspail, à séparer des Infusoires quelques
animaux ou débris d'animaux regardés à tort comme
autant d'espèces; puis enfin l'opinion des botanistes
allemands et français aura prévalu pour faire ran-
ger désormais les Navicules et les Clostéries dans le
règne végétal; mais le nombre des êtres, laissés,
comme résidu de cette exclusion, parmi les Infusoi-
res sera encore très-considérable, et l’on manquera,
pour les classer, de ces caractères précis fournis dans
“les autres branches du règne animal par des organes
dont la forme et les usages sont bien déterminés.
Ainsi que je l'ai dit plus haut, je crois que l'in-
stant n’est pas arrivé de proposer pour eux une clas-
sification définitive; mais ayant accepté la tâche de
faire connaître ce qu'il y a de vrai dans l’histoire
des Infusoires, je dois essayer de les classer au
moins provisoirement, en séparant, sauf à l’étudier
à part, ce qui ne peut-être laissé parmi les Infusoires.
Je suis donc conduit à partager mon travail en trois
parties : la première, relative aux Infusoires propre-
ment dits, formera les deux premiers livres, l’un
consacré aux généralités sur l'étude de ces animaux,
l'autre à la description méthodique; la deuxième
partie consacrée aux Systolides formera aussi deux
livres, l'un pour les généralités, l'autre pour la des-
|
16 | HISTOIRE NATURELLE éd:
cription méthodique; enfin, une troisième partie
formant le cinquième livre contiendra une énumé-
ration détaillée des objets microscopiques qui ontété
-confondus avec les Infusoires. .
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DES INFUSOIRES, 47
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LIVRE LH
OBSERVATIONS GÉNÉRALES SUR LES INFUSOIR£ZS.
PREMIÈRE PARTIE.
SUR L'ORGANISATION DES INFUSOIRES.
CHAPITRE I.
DÉFINITION.
Les Infusoires sont des animaux très-petits, dont les
dimensions extrêmes sont de un à trois millimètres,
d’une part, et d’un millième de cette grandeur d'autre
part ; leur grandeur moyenne est de un à cinq dixièmes
de millimètre. Les plus grands se montrent à l'œil nu
sous la forme de points blancs ou colorés, fixés à divers
corps submergés , ou comme une poussière ténue flot-
tant dans le liquide. Les autres ne se voient qu'avec
- l'aide du microscope simple ou composé. Ils sont pres-
que tous demi-transparents, et paraissent blancs ou in-
colores ; mais plusieurs sont colorés en vert ou en bleu ;
d'autres moins nombreux sont rouges ; enfin il en existe
de brunâtres ou noirâtres. Tous vivent dans l’eau liquide
ou dans des substances fortement humides ; mais ils
ne se développent et ne se multiplient le plus souvent
que dans des liquides chargés de substances organi-
ques et salines , tels que des infusions préparées artifi-
INFUSOIRES. 2
18 HISTOIRE NATURELLE
ciellement avec des substances animales ou végétales,
ou des eaux stagnantes dans lesquelles se sont décom-
posées naturellement ces mêmes substances ; c'est ainsi
que l’on peut trouver sûrement des Infusoires dans
l'eau trouble des ornières, des mares et des fossés, et
dans la couche vaseuse de débris qui couvre la base
des plantes et des autres objets submergés au bord des
rivières et des étangs, de même que dans l’eau qui
baigne ces objets. Aussi la dénomination d’Infu-
soires, quoique critiquée par quelques naturalistes,
doit-elle être conservée comme la plus propre à don-
ner une idée de ces petits êtres. M. Bory les voulait
nommer des Wicroscopiques d’après cetle considéra-
tion que beaucoup d'entre eux vivent dans les eaux
pures et non dans les infusions ; mais d’une part, ceux
qu'il citait comme présentant cette exception, appar-
tiennent presque tous à la classe des Systolides, et
d’ailleurs, il s’en faut bien que l’eau limpide qui bai-
gne les conferves ou les végétaux en décomposition
dans les marais et dans les rivières soit de l’eau pure.
Les Infusoires observés au microscope paraissent
formés d’une substance homogène glutineuse , dia-
phane , nue ou revêtue en partie d’une enveloppe plus
ou moins résistante. Leur forme la plus ordinaire est
ovoïde ou arrondie. Les uns, et ce sont ceux qu’on
rencontre le plus fréquemment et qui frappent tout d’a-
bord l'œil du micrographe, sont pourvus de cils vibra-
tiles qui, se mouvant tous, par instants, ou continuelle-
ment , servent comme des rames innombrables au mou-
vement de l'animal, ou bien servent seulement à ame-
ner les aliments à sa bouche: d’autres n’ont, au lieu
de cils vibratiles, qu’un ou plusieurs filaments d'une
ténuité extrême qu'ils agitent d’un mouvement ondu-
DES INFUSOIRES. 19
latoire pour s’avancer dans le liquide ; d’autres enfin
n’ont aucuns filaments ou cils et ne se meuvent que
par des extensions et contractions d’une partie de leur
masse.
Ceux des Infusoires qui présentent distinctement
une bouche contiennent souvent, à l'intérieur, des
masses globuleuses de substances avalées qui les colo-
rent, surtout en vert quand ce sont des particules végé-
tales ; tous les Infusoires peuvent en outre présenter une
ou plusieurs cavités sphériques ou vacuoles remplies
d'eau, lesquelles sont essentiellement variables quant
à leur grandeur et à leur position , et disparaissent en
se contractant, pour être remplacées par d’autres va-
cuoles creusées spontanément dans la substance char-
nue vivante et n'ayant rien de commun avec les pré-
cédentes que leur forme et leur mode de production.
La plupart des Infusoires se multiplient par divi-
sion spontanée ; c'est-à-dire que chacun de ces animal-
cules, arrivé au terme de son accroissement , présente
d'abord au milieu, s’il est oblong, un léger étrangle-
ment qui devient de plus en plus prononcé jusqu’à ce
que les deux moitiés, qui sont devenues deux ani-
maux complets, ne tenant plus ensemble que par une
partie très-étroite, se séparent. Elles commencent alors,
chacune pour leur compte, une nouvelle vie, une
nouvelle période d'accroissement au bout de laquelle
elles se diviseront de même, et ainsi de suite à l’in-
fini si les circonstances le permettent. C’est pourquoi
on pourrait imaginer tel Infusoire comme une partie
aliquote d’un Infusoire semblable qui aurait vécu des
années et même des siècles auparavant, et dont les
subdivisions par deux, et toujours par deux, se se-
raient, continuant toujours à vivre , développées suc-
>.
20 HISTOIRE NATURELLE
cessivement. Il n’est donc pas rare de rencontrer dans
les infusions quelques animalcules en voie|de se diviser
ainsi et paraissant doubles.
Quand, par suite de laltération chimique du liquide
soumis au microscope ou de son évaporation, ou par
toute autre cause, un Infusoire n’est plus dans des con-
ditions favorables à son existence , il se décompose par
diffluence, c'est-à-dire que la substance glutineuse
dont il est formé s'écoule en globules hors de la masse,
laquelle, si les mêmes circonstances continuent à agir,
se décompose tout entière en ne laissant pour dernier
résidu que des particules irrégulières ou des globules
épars; mais si, par une addition d’eau fraîche ou d'un
liquide convenable, on change ces circonstances fu-
nestes, le reste de l’animalcule reprenant sa vivacité
primitive, recommence à vivre sous une forme plus
ou moins modifiée.
CHAPITRE IL.
OPINIONS DIVERSES SUR LE DEGRÉ D ORGANISATION
DES INFUSOIRES.
Parmi les auteurs qui ont écrit sur les Infusoires ,
les uns, comme Leeuwenhoek, ont attribué à ces ani-
maux l’organisation la plus compliquée; les autres,
comme Müller, n'y ont voulu voir le plus souvent
qu'une substance glutineuse homogène (mera gela-
tina). Cette dernière opinion, adoptée par Cuvier, par
Lamarck, par Schweigger, par Treviranus, et par
M. Oken, paraissait désormais la plus probable, quand
M. Ehrenberg vint hardiment, en 1830, offrir au
monde savant des preuves qu'il croyait a voir trouvées,
DES INFUSOIRES. 21
et que maiheureusement personne n'a pu constater
depuis, sur la richesse d'organisation des Infusoires.
M. Bory de St.-Vincent, tout en partageant les idées
de Lamarck sur la simplicité d'organisation de cer-
tains Infusoires, et sur leur génération spontanée, ad-
mettait néanmoins les organes, que l'œil armé du mi-
croscope n'y peut découvrir, comme pouvant bien
exister dans leur transparence ; il voyait d’ailleurs, dans
les différents types de cette classe , le début ou l'ébauche
de certaines classes d'animaux plus élevés dans la série
animale. Ces idées de types primitifs où prototypes
furent professées en Allemagne par MM. Bacr de Koe-
nigsherg, Leukart et Reichenbach, qui se trouvèrent
par là conduits à supprimer la classe des Infusoires pour
en reporter les membres dans différentes autres classes :
ces animalcules formant ainsi comme un premier
terme ; renfermant en quelque sorte le principe d’une
forme et d’une organisation qu’on voit développée de
plus en plus dans les autres termes de la série.
Leeuwenhoek avait été beaucoup plus explicite dans
son opinion sur l’organisation des Infusoires. Ce grand
observateur, entraîné par le sentiment d’admiration
qu'il éprouvait à chaque pas dans le nouveau monde
révélé à ses yeux par le microscope, crut pouvoir
supposer encore un infini d'organisation parfaite, au
delà de ces détails infinis que lui montrait le mi-
croscope dans tous les objets de la nature vivante.
On le voit, dans ses écrits, s’extasier avec complai-
sance sur le tableau qu’il vient de tracer de l’organi -
sation des plus petits animalcules. « Quand nous
voyons, dit-il, les animalcules spermatiques contrac-
ter leur queue en l’agitant , nous concluons avec raison
que cette queue n’est pas plus dépourvue de tendons, de
22 HISTOIRE NATURELLE
muscles et d’articulations que la queue d’un loir ou d'un
rat; et personne ne doutera que ces autres animalcules
nageant dans l’eau des marais et égalant en grosseur
la queue des animalcules spermatiques, ne soient pour-
vus d'organes tout comme les plus grands animaux.
Combien donc est prodigieux l'appareil de viscères
renfermé dans un tel animalcule (1)! » En procédant
avec cette logique, Lecuwenhoek arrive à conclure
«qu’il n’est pas difficile de concevoir que, dans un ani-
malcule spermatique, sont contenus les ébauches ou
les germes des parties qui peuvent plus tard se déve-
lopper en un animal parfait, analogue à celui qui l'a
produit. » Eh bien! c’est à peu près de même qu'on a
raisonné en attribuant aux Infusoires Îles plus petits ,
une perfection el une complexité imaginaires d’orga-
nisalion,
Les Infusoires, en raison de leur extrême petitesse
et de leur transparence, n’ont pu être étudiés au mi-
croscope qu'à l’aide d’une vive lumière qui, en les tra-
versant , fait paraître la plupart d’entre eux entière-
ment homogènes, et ne les rend visibles que moyen-
nant un effet de réfraction, d’où résulte un contour
plus ou moins ombré. Les observateurs ont donc dû
recourir à l’analogie pour se faire une idée de l’orga-
nisation de ces êtres, ou bien ils se sont abandonnés à
des idées préconcues ; or, par l’une ou l’autre voie, ils
ont bien pu être conduits à l’erreur : en effet, la mé-
thode analogique à laquelle nous sommes redevables
d’une grande partie de nos connaissances physiques,
n'est généralement bonne que quand elle nous ramène
à l'observation directe pour y chercher la preuve des
(1) Leeuwenhoek, Æpistol. physiol, XLI, p. 305.
Ÿ
DES INFUSOIRES. 23
6
résultats qu’elle a fait pressentir ; « mais on doit, comme
dit Bonnet, se défier des explications et des hypothè-
ses que fournit une analogie imparfaite.» Êt qui donc
oserait dire aujourd'hui que l’analogie soit parfaile
entre le filament ondulatoire d’un Zoosperme ou d'un
Infusoire , et la queue d’un mammifère comme le sup-
posait Leeuwenhoek ? Ne sait-on pas au contraire que
l'analogie , prise des animaux les plus parfaits, va en
s’affaiblissant de plus en plus à mesure qu'on descend
dans la série animale, à partir de l’homme et des car-
nassiers ? Ainsi, par exemple, quoiqu'un type général
d'organisation se reconnaisse bien chez tous les ver-
tébrés, on rencontre déjà, chez les Poissons, des or-
ganes et même des fonctions incomplétement détermi-
nées. Chez les Mollusques, et bien plus encore chez
les articulés, l'analosie primitive devient plus difücile
à suivre; chez ceux-ci notamment, les mêmes fonc-
tions, si elles existent, peuvent se montrer en sens
inverse, et des contrastes deviennent alors plus frap-
pants que des analosies. Chez les Radiaires, chez les
Acalèphes, chez les Helminthes enfin , l’analogie qu'on
voudrait invoquer n’est le plus souvent qu'un indice
trompeur : à plus forte raison , l’argument analogique
ne doit plus avoir de valeur s’il s’agit de déterminer les
organes des Infusoires par comparaison avec les ani-
maux supérieurs. L’on ne peut en effet accorder une
importance réelle aux déterminations arbitraires faites
pour ces prétendus organes d’après la simple appa-
rence de certaines parties plus ou moins translucides,
plus ou moins sranuleuses , mais dont les fonctions ne
peuvent être prouvées par aucune connexion réelle,
et que l’indécision de leur forme rend également pro-
pres à recevoir une dénomination quelconque.
2% NISTOÏRE NATURELLE
M. Ebrenberg qui, guidé par de fausses analogies,
a dépassé encore Leeuwenhoek , en attribuant aûx
Infusoires une richesse prodigieuse d'organisation ,
s’est également fondé sur ce principe que « les idées
de grandeur sont relatives et de peu d'importance
physiologique. » Principe qui n’est que la conséquence
d’une idée préconcue sur la divisibilité indéfinie de la
matière. Or, en supposant que l’absence de toute li-
mile à la divisibilité de la matière soit une loi de la
nature : et une foule de phénomènes physiques ou chi-
miques semblent prouver le contraire: cette loi ne suf-
firait pas pour prouver la possibilité d’une organisa-
tion très-complexe au delà d’une certaine limite de
orandeur ; car on sait que beaucoup de phénomènes
physiques ou dynamiques sont considérablement in-
fluencés ou même supprimés.par des actions molécu-
laires , quand les corps ou les espaces qui les séparent
ont des dimensions trop pelites. Ainsi, par exemple ;
le liquide cesse de s’écouler, même sous une forte
pression, dans un tube capillaire dont le calibre est
suflisamment petit. Or, dans les animaux dont le cœur
est le plus puissant, les derniers vaisseaux capillaires
ont au moins —- millimètre de diamètre : voudrait-on
donc supposer à des Infusoires grands de = milli-
mètre des vaisseaux de —— millimètre? mais la loi
de la capillarité s’opposerait entièrement à une pa-
reille supposition, dût-on même centupler le diamètre
de ces vaisseaux. Il est donc bien plus conforme aux
lois de la physique d'admettre que, dans ces petits
animaux , les liquides pénètrent simplement par imbi-
bition; comme il est plus conforme aux règles bien
comprises de l’analogie de ne pas supposer que le type
des organismes supérieurs se puisse reproduire dans
BES INFUSOIRES. CE
les plus petits êtres ; puisque nous voyons les éléments
de ces Organismes, les globules du sang, la fibre mus-
culaire et les vaisseaux capillaires , au lieu de subir un
décroissement progressif dans leurs dimensions chez les
vertébrés de plus en plus petits, montrer à peu près
les mêmes dimensions chez l'éléphant et chez la souris.
Ce n’est pas à dire pourtant que là où le microscope
ne montre rien qu'une substance homogène, transpa-
rente , et cependant douée du mouvement et de la vie,
il faille conclure d’une manière absolue qu'il n'existe
ni fibres, ni organes quelconques. Non sans doute ;
mais seulement on doit reconnaître qu'en y supposant
par analogie des membranes, des muscles, des vais-
seaux et des nerfs imperceptibles, on ne fait que re-
culer la difficulté au lieu dela résoudre. En effet, puis-
que l'absence de toute limite à la divisibilité physique
n’entraîne pas l'adoption du même principe pour la
constitution des êtres vivants et pour la production des
phénomènes physiologiques, il faudra bien en venir
à concevoir un dernier terme de grandeur, où une
substance homo:ène est contractile par elle-même ;
soit que les fibres musculaires se composent d’autres
fibres de plus en plus petites et contractiles elles-
mêmes ; soit que les fibres élémentaires se composent
d’une série de globules, agglutinés par une substance
molle susceptible de se contracter seule. Alors, pour-
quoi n’admettrait-on pas que ce dernier terme est déjà
dans ce que nous montre de plus petit le microscope ,
dans des corps larges de quelques millièmes de milli-
mètre; puisque nous savons qu’à ce degré de petilesse,
ou un peu plus loin, les actions moléculaires contre-
balancent les autres lois physiques. Aïnsi les liquides
et les gaz ne peuvent s’écouler par des ouvertures trop
26 HISTOIRE NATURELLE
petites; et les corps solides réduits en particules très-
fines cessent en quelque sorte d’être soumis aux lois
de la pesanteur et de l’inertie, pour se mouvoir indé-
niment comme le reconnut d'abord M. R. Browu.
CHAPITRE TITI.
SUBSTANCE CHARNUE DES INFUSOIRES. —— DIFFLUENCE. —
SARCODE (1).
Les Infusoires les plus simples , comme les Amibes
et les Monades, se composent uniquement, au moins
en apparence, d’une substance charnue glutineuse
homogène , sans organes visibles, mais cependant or-
ganisée, puisqu'elle se meut en se contractant en di-
vers sens, qu'elle émet divers prolongements, et
qu'en un mot elle a la vie. Dans les Infusoires d’un
type plus complexe on voit, d’une part, des granules
de diverses sortes, des matières terreuses engagées
accidentellement, et même des cristaux de sulfate ou
de carbonate de chaux, qui paraissent s’y être formées
successivement ; d'autre part, des globules intérieurs,
ou des masses ovalaires plus ou moins compactes , et
des vésicules remplies d’eau et de substances étran-
gères ; enfin des cils ou des prolongements filiformes
de différentes sortes, et quelquefois une apparence
de tégument réticulé, ou une cuirasse plus ou moins
résistante. Mais toujours la substance charnue gluti-
neuse paraît en être la partie essentielle. Elle peut
être étudiée dans les Infusoires vivants (A) Jorsqw'ils
. . . L … L
(1) Ce chapitre et les suivants sont extraits de mon mémoire sur l'or-
ganisatiou des Infusoires. { Annales des Sciences naturelles, 1838. )
DES INFUSOIRES. 27
se sont agglutinés avec d’autres corps (A—a), ou
lorsqu'ils sont accidentellement déchirés en lambeaux
(Ab); elle peut être étudiée également dans les In-
fusoires mourants (B), soit qu'ils se décomposent par
difluence (B—a), soit qu'ils fassent exsuder hors de
leur corps cette substance dans un état d'isolement
presque parfait (B—0).
—(A—a). Les eéxpansions des Amibes, des Difilu-
gies et des Arcelles, comme celle des Rhizopodes, ne
sont formées que d’une substance glutineuse vivante,
sans fibres, sans membranes extérieures où inté-
rieures (1). Cela est prouvé suffisamment par la faculté
qu'ont ces expansions de se souder et de se confondre
entre elles, ou derentrer dans la masse commune qui
en produit de nouvelles sur un point quelconque de sa
surface libre. Peut-être pourrait-on prétendre que.
cette soudure n’est qu'apparente, et qu'il ny a là
qu’agolutinalion temporaire de deux filaments ou de
deux expansions qui n'en sont pas moins distinctes ;
ce seraient alors les mucosités de la surface, ou bien
mieux ce seraient de petits organes invisibles, qui
détermineraient lagglutination ; mais pour quicon-
que aura vu ces objets, il n'y aura plus d'équivoque ;
et les particularités qu'on ne peut suffisamment dé-
crire sur ces soudures et sur les mouvements des ex-
pansions au-dessus où au-dessous , n'échapperont pas
à l’œil de l'observateur, et ne lui laisseront pas le
moindre doute à ce sujet.
(1) Ce fait de l'absence des téguments chez des animaux inférieurs,
qu'il me paraît si important de voir admettre définitivement dans la
science , a été constaté de la maniére la plus formelle par des obser-
vations de M. Peltier sur les Areelles, communiquées à la Société phi-
lomalique et publiées dans le journal l'Institut, 1836, n. 164, p. 209.
28 HISTOIRE NATURELLE
C'est surtout sur les Rhizopodes que le phénomène
est facile à observer. Les expansions filiformes de ces
animaux, qui ont tant de rapport d'organisation avec
les Difflugies, se soudent quand ils se rencontrent, et
leur soudure se propage d'avant en arrière, en pro-
duisant une sorte de palmure, une lame étendue entre
les deux filaments , comme la membrane qui unit les
doigts des Palmipèdes et des Grenouilles (voyez An-
nales des Sciences naturelles, décembre 1833). Si
cette palmure était le résultat d’une simple aggluti-
nation des expansions, on ne la verrait que là où deux
expansions se séparent; mais puisque, au contraire,
elle se montre en avant de la soudure qui se propage,
on n’y peut voir qu'un effet de la fusion de deux par-
ties d’une même substance visqueuse. Mais, m'a-t-on
dit, pourquoi, si les expansions d’un KRhizopode,
d’une Diflugie ou d’une Amibe, se peuvent souder
ensemble sur le même animal, pourquoi celles de
deux animaux qui se rencontrent ne se soudent-elles
pas aussi ? Et, en effet, comme M. Peltier l'a bien
observé, deux Arcelles qui se rencontrent se touchent
sans se souder. À ce pourquoi, comme à tous ceux qui
portent sur l’essence de la vie dans les animaux, je
serais fort embarrassé, je l'avoue, pour faire une ré-
ponse satisfaisante (1).
Les divers Infusoires appartenant au type des Mo-
nades, c’est-à-dire ayant le corps nu, de forme varia-
—
(1) Entre des animaux primitivement séparés , on n'a point observé,
d'une manière positive, de soudure organique. Je crois que les sou-
dures des polypes sont le résultat de la gemmation et non le produit
de la réunion de plusieurs animaux. Si les jeunes Ascidies composées,
qu'on a vues nager librement, ne sont pas déjà des réunions de plu-
sieurs jeunes animaux, je n'en conclus pas, cependant , que des ani-
DES INFUSOIRES. 23q
ble , sans bouche , sans tégument et sans cils vibratiles,
sont susceptibles de s’agglutiner temporairement, soit
entre eux, soit à la plaque de verre du porte-objet : il
en résulte des prolongements irréguliers qui s’allon-
gent à mesure que l'Animalcule s’agite, jusqu'à ce
que, leur adhérence cessant, il reste comme une queue
qui se raccourcit en se contractant peu à peu, et finit
même par disparaître. Ces prolongements accidentels
sont quelquefois aussi déliés que les filaments mo-
teurs. Dans tous les cas, ils ont eux-mêmes une cer-
taine motilité. Ce sont des prolongements de cette
sorte qui unissent des Monades, pour en faire ces
combinaisons que Gleichen et d’autres ont nommées des
boulets-ramés, des jeux-de-nature, etc. Ge sont eux
aussi qui donnent aux Monades de certaines infusions,
des caractères qu’on a crus suffisants pour établir des
genres, mais qui n'ont rien de constant. Dans ces pro-
longements encore on ne voit aucunes fibres, aucunes
traces d’une organisation déterminée; et, en effet,
on concevrait difficilement comment un corps, sou-
tenu par des fibres et renfermé dans un tégument ré-
sistant , pourrait s’allonger et s’étirer presque indéfi-
niment dans tous les sens : ils concourent donc encore
à prouver, chez les Infusoires qui les produisent, une
extrême simplicité d'organisation. Il faut bien faire
attention d’ailleurs que, en uiant dans certains ani-
maux la présence d’un tégument propre, je ne pré-
maux primilivement séparés se soient soudés pour former des amas,
mais bien plutôt que ces amas proviennent d'une gemmation conti-
nuelle, puisqu'on trouve toujours, dans la même masse , des indivi-
dus de tous les âges. Quant aux Crustacés parasites et aux Entozoaires,
ils n'ont point de communication organique réelle avec l'animal aux dé-
pens duquel ils vivent.
30 HISTOIRE NATURELLE
tends pas du tout nier l’existence d’une surface; j’ad-
mettrai même volontiers que cette surface peut, par
le contact du liquide environnant, acquérir un cer-
tain degré de consistance , comme la colle de farine
ou Ja colle de gélatine qu’on laisse refroidir à l'air,
mais simplement de cette manière , et sans qu'il se soit
produit une couche autrement organisée que l’inté-
rieur, sans que cette surface ait acquis, par le seul
fait de sa consolidation, des fibres , un épiderme , des
bulbes pilifères, ou seulement une contractilité plus
grande ; et encore, si cette surface est réellement plus
résistante, ce n’est pas, du moins sensiblement, chez
les Monades et les Amibes.
Ici encore se présente une question que je ne me
flatte pas plus de résoudre que celle de là non-sou-
dure des Arcelles. Comment se produit Fagglutination
des Monades aux corps étrangers ? Est-elle subordon-
née à la volonté de ces petits êtres? Je ne voudrais
pas même à ce sujet entrer dans une discussion sérieuse
sur Ja vo'onté, sur le Moi des Infusoires, comme l’ont
fait pourtant des philosophes célèbres, I] paraît toute-
fois qu’une agglutination du même genre et vraisem=
blablement involontaire se produit chez les Loxodes
vivant très-nombreux dans des infusions. Il m'est ar-
rivé souvént de voir deux ou trois de ces animalcules
agglutinés d’une manière fortuite, les uns par telle
partie, les autres par une partie différente , et nageant
en bloc dans le liquide jusqu’à ce qu’ils se détachas-
sent , sans qu'on püt soupconner là rien d’analogue à
. un accouplement.
— (A—6) Les Infusoires en voie de multiplication
par fissiparité ou division spontanée , et mieux encore
ceux qu’un accident a dilacérés , montrent la substance
DES INFUSOIRES. 31
charnue, étirée, transparente et sans traces appré-
ciables d'organisation intérieure. Il m'est arrivé fré-
quemment de voir cela sur des Infusoires déchirés et
déformés de la manière la plus bizarre, quand, pre-
nant un petit paquet de conferves , je le comprimais à
plusieurs reprises sur une lame de verre, pour en ex-
primer l’eau que je voulais explorer. On y arrivera
plus sûrement encore, en laissant tomber brusquement
sur une goutte d’eau très-riche en Infusoires une lame
mince de verre, qu’on relève ensuite, ou enfin en
appuyant un grand nombre de fois , à plat sur le verre,
une aiguille à travers la goutte d’infusion. Ce sont
surtout les Trichodes et les Kérones (Oxytricha pel-
lionella, Kerona pustulata), qui se prêtent le mieux
à cette opération. Les déformations qui en résultent
ont donné lieu à l'établissement de plus de trente es-
péces de Müller ; car les vrais Infusoires, déjà si re-
marquables par leur fissiparité, ont la propriété de
continuer à vivre, tout mutilés qu’ils aient été, pourvu
que Île liquide n'ait pas changé de nature, soit par
l'addition de quelques nouveaux principes , soit par la
privation d'oxygène. Il est même extrêmement proba-
ble que, si, malgré leur petitesse, on pouvait parvenir
à les couper en morceaux , chaque partie continuerait
à vivre et deviendrait un Infusoire complet: c’est ce
que démontrent les fragments qui, restant après la
diffluence presque totale d’un Infusoire, recommen-
cent à nager dans le liquide , si on y ajoute une goutte
d'eau , et mieux encore l'exemple d’une Kerona pustu-
lata (voyez mon Mémoire, pl. I, fig. D, 3), qui s'était
accidentellement trouvée partagée presque compléte-
menten trois fragments, vivant en communet nageant
en tournoyant autour de la partie moyenne. On doit
32 HISTOIRE NATURELLE
remarquer que les parties, ainsi mises à découvert
par une déchirure, et qui évidemment n'ont pas de
tégument, ne paraissent pas différer, quant à leur
aspect extérieur, du reste de la surface : elles sont plus
diaphanes ; mais elles ne montrent ni moins de fibres
ni plus de traces de l'intestin et des organes inté-
rieurs.
—(B—a). Un des phénomènes les plus surprenants
que l’on rencontre dans l'étude des Infusoires, c’est
leur décomposition par difiluence. C’est en même
temps l'un de ceux qui tendent le plus à prouver la
simplicité d'organisation de ces animaux. Müller l'avait
bien vu dans une foule de circonstances : il l’exprime
par les mots effusio molecularum , efflundi ou dirumpi
ou solyi in moleculas, difiluere , efflari, etc. Il avait
été extrêmement surpris de cette singulière décompo-
sition d’un animal vivant. Tantôt il a vu des Infu-
soires au seul contact de l’air se rompre et se répandre
en molécules, ou bien arriver au bord de la goutte
d’eau entrainant une matière muqueuse qui semblait
être le principe de leur diffluence; d’autres, traver-
sant avec vitesse la goutte d’eau, se rompaient et
diffluaient tout à coup au milieu de leur course (Æni-
malcula infusoria, præf. p. xv).) Il décrit ainsi la dif-
fluence de l’Enchelis index, p. 38. « L’animalcule,
s'étant échoué sur la rive et ayant pris une forme ovale
ventrue, se décomposa depuis l'extrémité antérieure
jusqu’au tiers de sa longueur en molécules, qui , au lieu
de se répandre des deux côtés, comme chez les autres
Infusoires, s’éloignaient en formant une colonne droite,
comme Ja fumée d’une cheminée. Le reste du corps,
au lieu de diffluer de même, s’'échappa au milieu au
liquide, et, recommençant une nouvelle vie, com-
DES INFUSOIRES. 33
pléta bientôt une forme sphérique ». [l dit aussi (p. 106)
avoir vu le Xolpoda meleagris se résoudre en molé-
cules jusqu’à la sixième partie, et le reste se remettre
à nager, comme s’il ne lui füt rien arrivé. Dans vingt
autres endroits (p. 100 , 109, 215, 270, 290, etc.),
il décrit avec admiration la difiluence des Infusoires,
commencant à une extrémité et se continuant sans in-
terruption jusqu’à la dernière particule qui , l'instant
d'avant sa décomposition, agitait encore ses cils vibra-
tiles, pour chasser au loin les molécules qui se sont
détachées d’elle.
Si j'ai cité Müller, ce n’est pas faute de pouvoir
citer des observations qui me soient propres ; mais
celles de l’auteur danois sont tellement exemptes
de préventions, et ont un tel cachet de sincérité,
qu'on ne peut, je crois, leur refuser une croyance
entière. J'ai vu moi-même nombre de fois la difiluence
des Infusoires, qui sont susceptibles de la montrer,
c'est-à-dire qui sont dépourvus de téguments plus ou
moins résistants, tels que les Trichodes et les Kérones;
tandis que les Paramécies, les Vorticelles et les autres
Infusoires, dont la surface est réticulée, offrent un
autre genre de décomposition , qui sera décrit plus
loin. On détermine aisément la difiluence, en appro-
chant du porte-objet une barbe de plume trempée dans
l'ammoniaque , et l’on peut alors suivre commodément
sa marche. L'animal s'arrête; mais 1l continue à
mouvoir rapidement ses cils; puis tout à coup, sur un
point quelconque de son contour , il se fait une échan-
crure, et toutes les parcelles provenant de cette dé-
composion partielle sont chassées au loin par le mou-
vement vibratile. L'échancrure s'augmente sans cesse
jusqu'à ce qu’il ne reste plus que l’une des extrémités,
INFUSOIRES. 3
34 HISTOIRE NATURELLE
qui disparaît à son tour ; à moins qu'on n'ajoute une
goutte d'eau fraîche, qui arrête tout à coup la décom-
position et rend la vie au reste de l’animalcule. La
même chose s’observe par suite de l’évaporation pro-
gressive, quand on laisse la goutte d’infusion à décou-
vert sur le porte-objet, comme le faisait Müller, au
lieu de la recouvrir d’une lame mince de verre poli.
Dans ce dernier cas, on voit même mieux l'effet d’une
affusion d’eau fraîche.
Cette diflluence, cette dispersion des molécules sans
que l’animalcule meure tout entier, M. Ehrenberg ,
qui l’a fort bien vue (1), la regarde comme un phé-
nomène de reproduction : c’est la ponte, et les gra-
nules sont les œufs. Nous discuterons plus loin cette
opinion ; pour le moment, je dois dire seulement que
les granules en question , qui sont de plusieurs sortes,
paraissent être pour la plupart étrangers aux phéno-
mènes de vitalité des Infusoires. Les uns sont évidem-
ment des particules inertes ou organiques avalées par
l’animalcule pendant sa vie; les autres sont des con-
crétions produites dans la substance glutineuse vivante.
Le résidu, laissé sur ie porte-objet, peut aussi mon-
trer un bien plus grand nombre de granules, si on le
regarde avec un microscope médiocre, qui donne cet
aspect à toutes les parcelles irrégulières. Au milieu de
ce résidu se voient aussi un ou plusieurs globules plus
(1) Cet auteur, dans son mémoire de 1836 (Zusätze zur Erkennt-
niss, etc.), dit à la page 5 : a On peut faire pondre artificiellement les
Stentor, si on les observe avec peu d'eau sur une lame de verre. Ils
s'élargissent d'abord et laissent sortir d'un endroit quelconque de leur
corps des grains verts par la déchirure de l'enveloppe. Si on ajoute alors
un peu d'eau nouvelle, ils s'arrondissent de nouveau, ia déchirure de
la peau se ferme , et ils recommencent à nager , tandis que , dans d’au-
tres cas, ils continuent à se décomposer (zerfliessen) entièrement. »
DES INFUSOIRES. 35
où moins volumineux, que Müller avait déjà observés
et qu'il prenait pour des œufs ou des ovaires, et que
M. Ehrenberg, en certains cas, a nommés testicules
(Samendrüse ).
Je dis que le phénomène de la diffluence offre une
des preuves les plus frappantes de la simplicité d’or-
ganisation des Infusoires ; car il est certain que si des
fibres musculaires, si un tégument résistant, si un
intestin et des estomacs existaient à l’intérieur, on en
verrait quelque indice pendant cette décomposition
progressive. On ne pourrait, en effet, supposer que
tous ces éléments de l'organisme se décomposent à la
fois, et qu'il n’y en a pas un seul qui subsiste un in-
stant de plus que les autres ; puisque l’on voit les
Planaires, les Distomes, les Méduses même qui oc-
cupent dans la série du règne animal un rang encore
moins élevé que celui qu’on voudrait assigner aux
Infusoires ; puisque l’on voit, dis-je, ces animaux,
en se décomposant, montrer distinctement les divers
éléments de leur structure, et notamment des fibres
bien visibles.
DU SARCODE.
(B—b). Un autre phénomène de décomposition des
Infusoires, c’est l’exsudation de la substance gluti-
peuse de l’intérieur à travers les mailles du tégument
lâche qu’on aperçoit comme un réseau à la surface ; il
s’observe en général chez les Infusoires, qui ne se dé-
composent pas par difluence; chez les Paramécies,
les Leucophres, les Vorticelles, etc., et chez d’autres
espèces dont le tégument, quoique non réticulé, est
cependant bien réel , telles que les Euglènes , les Disel-
3.
36 HISTOIRE NATURELLE
mnis , etc. (1). On voit cependant que'quefois aussi des
globules de cette substance glutineuse , que j’ai pro-
posé de nommer Sarcode ; se montrer sur le contour des
Infusoires décomposables par difluence , et, chez ceux
qui se décomposent déjà, dans les parties qui sont
moins exposées au mouvement vibratile des cils. Dans
ce dernier cas ces globules, pouvant rester adhérents
par un étranglement ou.une sorte de pédicule à la
partie déchirée Ce l’animalcule , ressembleront quel-
quefois aux prétendus estomacs de M. Ehrenberg ; je
crois même que cet auteur a représenté des globules
sarcodiques , ainsi pédicellés, dans plusieurs figures
de son ouvrage. Souvent aussi de tels globules, se
détachant tout à fait, flottent dans le liquide et sui-
vent les courants occasionnés par les cils. On pourrait
alors, ainsi que M. Ehrenberg, les regarder comme des
estomacs tout à fait isolés et maintenus fermés par la
contraction spontanée de leur pédicule rompu, si l’on
pouvait concilier cette supposition avec la largeur de
ce même pédicule avant la séparation. On ne pourra
d’ailleurs conserver le moindre doute à ce sujet, si
l’on examine attentivement, pendant un temps sufli-
sant, les exsudations globuleuses ou discoïdes des
Infusoires, et surtout celles plus volumineuses de la
Leucophra nodulata, qui vit dans l’intérieur des Lom-
(1) Quand on brise ou déchire les Navicules, les Bacillaires, les
ÆEuastrum , les Clostéries, etc., que M. Ehrenberg classe parmi les
Infusoires, la substance vivante qui en sort a beaucoup plus de rap-
port avec celle des Characées et des Conjugées qu'avec celle des Infu-
soires, Elle montre, dans ses différents lobes, une disposition à se
mettre en globules, qui semble bien annoncer un certain degré de
coutractililé ; quelques lobules même, dans les Bacillaires et les Na-
vicules sont diaphanes comme le sarcode des Infusoires, mais je n'y ai
jamais pu d'stinguer ni motitilé, n! formation de vacuoles.
DES INFUSOIRES,. 37
brics, et qui à fait l’objet d’un des chapitres de mes
recherches sur les organismes inférieurs( {nnales des
Sciences naturelles , décembre 1835). On ne manquera
pas, en effet, de voir quelques-unes de ces exsuda-
tions glutineuses se creuser de cavités sphériques ou
de vacuoles, qui iront en s’agrandissant jusqu’à l’en-
tière destruction des masses glutineuses ou sarcodi-
ques. Ce qu'on voit plus difficilement dans les Infu-
soires, on peut l’observer avec la plus grande facilité,
au contraire , sur les vers intestinaux, et particulière-
ment sur la Douve du foie ( Distoma hepaticum), qui
laisse exsuder des globules sarcodiques de + millimètre
environ, dans lesquels la production des vacuoles se
voit admirablement (1).
Dans ces différents cas, cette substance se montre
parfaitement homogène , élastique et contractile, dia-
phane, et réfractant la lumière un peu plus que l’eau,
mais beaucoup moins que l'huile, de même que la
substance gélatineuse ou albumineuse sécrétée par les
vésicules séminales de plusieurs mammifères, et que
celle qui accompagne les globules huileux dans le vi-
(1) Je ne puis qu'engager les naturalistes à répéter cette observation
sur les Entozoaires , et particulièrement sur les Tænias et les Distomes,
pour acquérir une notion claire de la nature du sarcode et de la pro-
priété qu'il a de se creuser spontanément de vacuoles. Tous les Ento-
zoaires trématodes et cestoides m'ont fait voir de nombrenx globules
de sarcode , lorsque je les conservais vivants avec un peu d'eau entre des
lames de verre ; mais le Distome hépatique , si commun dans les canaux
biliaires du foie des moutons, où sa présence est dénotée par un gon-
flement bien visible, est celui qui m'a donné cette substance en glo-
bules plus gros. Quand on a appris à l'observer, on le trouve aisément
malgré sa transparence sur le contour desplus petits Tænias, des Scolex
habitant l'intestin des poissons, des Distomes du poumon ou de la vessie
des grenouilles , et de tous les autres Entozoaires qu'on laisse mourir
entre les plaques de verre , ainsi que sur le bord des plaies de diverses
Annelides et des jeunes larves vermiformes d'insectes.
56 KISTOIRE NATURELLE
tellus des œufs d'oiseaux , de poissons, de mollusques
et d’articulés. On n'y distingue absolument aucune
trace d'organisation, ni fibres, ni membranes, ni ap-
parence de cellulosité , non plus que dans la substance
charnue de plusieurs Zoophytes ou Vers, et dans celle
qui, chez les jeunes larves d'Insectes, est destinée à
former plus tard les ovaires et les autres organes inté-
rieurs. C'est là ce qui m'avait déterminé à donner à
cette substance le nom de sarcode, indiquant ainsi
qu'elle forme le passage à la chair proprement dite,
ou qu'elle est destinée à le devenir elle-même. L'idée
exprimée par cette dénomination univoque, a d’ail-
leurs commencé à s’introduire dans la physiologie; on
a dû reconnaître en eftet que, dans les embryons et
dans les animaux inférieurs , le tissu cellulaire ne peut
avoir encore les mêmes caractères que dans les verté-
brés adultes, et qu'il a dü être primitivement une
sorte de gelée vivante. Qu’on l'appelle de ce dernier
nom, ou qu'on l'appelle tissu hypoblasteux, comme
le propose M. Laurent, ce sera toujours la même sub-
stance dont on aura voulu parler : une substance qui,
dans les animaux supérieurs, est susceptible de rece-
voir avec l’âge un degré d'organisation plus complexe ;
mais qui, dans les animaux du bas de l'échelle, reste
toujours une simple gelée vivante, contractile, exten-
sible, et susceptible de se creuser spontanément de
cavités sphériques ou de vacuoles occupées par le li-
quide environnant qui vient toujours, soit directe-
ment, soit par imbibition , occuper ces vacuoles. Telie
paraît être la cause qui, dans les animaux plus éle-
vés, détermine la transformation de cette substance
homogène en une substance plus organisée.
Ilest d’ailleurs toujours facile de distinguer les £lo-
DES INFUSOIRES. 39
bules sarcodiques qui agissent sur la lumière comme
des lentilles convexes faibles, comparativement aux
globules huileux , et les vacuoles qui agissent au con-
traire comme des lentilles concaves, puisque ce sont
des cavités sphériques remplies d’eau, au milieu d’une
substance plus dense ou plus réfringente.
Cette substance, Lamarck la nommait, dans les
Infusoires, tissu cellulaire, d’après l'usage qui vou-
lait que ce füt là le tissu le plus élémentaire ; cepen-
dant il en parlait comme d’une masse glutineuse ho-
mogène , et, s’il y supposait des cellulosités, c'étaient
donc des cellulosités absolument invisibles.
Müller, qui avait vu les exsudations de sarcode au-
tour des Infusoires ou dans leurs déchirures, les décrit
comme des vésicules ou des bulles diaphanes ; il a même
vu des vacuoles dans quelques-unes de ces exsudations,
et les regarde comme des vésicules inciuses (voy. Kol-
poda nucleus, Anim. inuf., pag. 99); il les regarde
en général comme des ovaires ou des ovules. En par-
lant du Kerona histrio, il les désigne simplement sous
le nom de molécules muqueuses ( moleculæ mucideæ ).
Gleichen et beaucoup d’autres observateurs les ont
vues également, mais se sont mépris sur leur signifi-
cation; il est présumable que le prétendu gaz intesti-
nal, observé par M. Ehrenberg sur son Ophryoglena
flavicans (Infusionsthierchen, p. 360, et pl. xz,
f.1x d.), n'était autre chose qu'une exsudation de la
substance glutineuse.
Lorsque je décrivis pour la première fois cette sub-
stance sous le nom de sarcode, en 1835, ses propriétés
d’être insoluble , mais décomposable par l’eau; d'être
coagulée par l'acide nitrique, par l'alcool et par la
chaleur ; de se dissoudre bien moins que lalbumine
Lk0 HISTOIRE NATURELLE
dans la potasse, qui paraît seulement hâter sa décom-
position par l’eau; sa faible réfringence et son carac-
tère de viscosité et d’élasticité, m’avaient paru suffire
pour la distinguer des autres produits de l'organisme,
tels que l’albumine, le mucus et la gélatine. La sin-
gulière faculté de se creuser de cavités sphériques ou
vacuoles remplies d'eau , m'avait paru tenir à un reste
de vitalité qui l'aurait encore plus essentiellement
distinguée des substances que j'ai citées. Mais nous
connaissons si peu ce qu'on a confondu sous le nom
commun d'albumine, qu'il n'est peut-être pas im-
possible que diverses substances , essentiellement dif-
férentes, aient les caractères que j'ai assignés au
sarcode, et qu'il reste encore à trouver un caractère
spécial pour distinguer la substance charnue des ani-
maux inférieurs.
Malgré de légères variations dans la manière de se
comporter avec l’eau, il me semble que cette sub-
stance est bien analogue à celle des embryons de mol-
lusques, quand la vie commence à s’y manifester ; à
celle de très-jeunes articulés , et même à la substance
que dans les poissons on trouve entre la peau et la
chair; et que, chez plusieurs vertébrés, on fait sortir
par expression de l'épaisseur des membranes mu-
queuses.
Le vitellus des œufs d’articulés et des poissons est en
partie formé d’une sorte d’albumine peu soluble dans
l'eau, et susceptible de se creuser de vacuoles comme
la substance des Infusoires, mais bien moins consi-
stante et moins élastique; d’où résulte qu’au lieu de
former des globules dans l’eau , elle forme des disques
ou des gouttes aplaties sur la plaque de verre. La por-
tion la plus consistante de la liqueur spermatique,
BES INFUSOIRES. ki
celle qui est sécrétée par les vésicules séminales,
ou par les vésicules accessoires, chez le cochon
d'Inde, par exemple, a la propriété de former dans
l’eau des gouttes aplaties ou des disques lenticu-
laires, et de se creuser aussi de vacuoles; mais ce
phénomène dure très-peu et Ja dissolution est bientôt
complète, La partie extérieure et demi fluide du cris-
tallin , celle qui , immédiatement au-dessous de la cap-
sule, se confond avec l'humeur de Morgagni, m'a
présenté aussi des particularités très-analogues ; ainsi
elle forme des globules qui réfractent fort peu la
lumière, paraissent assez élastiques, et se creusent
ordinairement de vacuoles; mais ici cette propriété
est absolument étrangère aux phénomènes vitaux, car
on l’observe encore au bout de plusieurs jours, lors-
que les humeurs de l’œil ont déjà subi un commence-
ment de putréfaction.
Le fait de la formation spontanée (1) des vacuoles
pourrait être un phénomène physique et non organi-
que; ces derniers exemples tendent à le faire croire ;
quoi qu'il en soit, cependant, on devra reconnaître
que ce fait doit avoir une grande influence sur le pas-
sage de la substance glutineuse homogène à un degré
d'organisation plus élevé.
La substance glutineuse qui constitue la presque
totalité ou la plus grande partie du corps des Infu-
soires étant dès lors considérée comme simple et homo-
(1) Quand on a préparé une émulsion avec de l'huile et de l'eau gom-
mée ou sucrée ou albumineuse, et qu'on la soumet au microscope, on
voit, dans les plus grosses gouttes d'huile, des gouttelettes d'eau em-
prisonnées ou simplement enchässées à la surface , et qui sont de véri-
tables vacuoles occupées par un liquide moins dense que le milieu en-
vironnant ; mais ce ne sont pas des vacuoles formées spontanément.
Lk2 HISTOIRE NATURELLE
gène , il devient sans doute fort difficile de s'expliquer
son extensibilité et sa contractilité; mais, vérita-
blement, on ne serait pas plus avancé en la considé-
rant comme du tissu cellulaire à mailles invisibles,
puisque le tissu cellulaire, tel que nous le connaissons
dàns les vertébrés, est tout à fait privé de ces pro-
priétés.
Au lieu de dire dans ce cas, comme dans beaucoup
d’autres, que nous ne savons pas comment se produi-
sent, et le mouvement et les phénomènes de la vie,
il peut paraître plus simple de supposer, comme
M. Ehrenberg l’a fait pour les expansions des Amibes
et des Arcelles, qu'il y a dans cette substance si dia-
phane et en apparence si homogène, des membranes,
des muscles, des fibres et des nerfs imperceptibles ;
mais, encore une fois, à part les réflexions que fait
naître cet abus étrange de l'argument analogique, ne
voit-on pas que c’est seulement reculer la difficulté
que de supposer des organes invisibles là où l’on ne
peut rien apercevoir.
CHAPITRE IV.
ORGANES LOCOMOTEURS ET ORGANES EXTÉRIEURS OU
APPENDICULAIRES DES INFUSOIRES.
Les principaux organes extérieurs des Infusoires sont
les divers prolongements de leur substance charnue
vivante, qui, sous la forme d’expansions, ou de fila-
ments, ou de cils, ou de sotes, servent à la fois à la
locomotion et à la nutrition , ou à la respiration, en
multipliant les points de contact de la substance vi-
vante avec le liquide environnant et avec l'air contenu.
DES INFUSOIRES. Là
D'autres prolongements filiformes, comme ceux des
Actinophrys ne peuvent servir qu'à ce dernier usage,
puisqu'ils sont presque immobiles. Les soies plus
dures et cornées qui servent à l’armure de la bouche
de certains genres, et les diverses sortes de cuirasse
ou de têt, peuvent aussi être considérées comme or-
ganes extérieurs.
Les expansions des Amibes et des Difilugies , tantôt
plus courtes, tantôt plus efhlées , et enfin tout à fait fili-
formes , simples comme dans le 7rinema (Difflugia en-
chelis Ehr.), ouramifiées dans les Gromies et les Rhizo-
podes, offrent tous les passages jusqu’au long filament
flagelliforme qui sertd’organelocomoteur aux Monades.
Ces derniers Infusoires eux-mêmes sont susceptibles ,
comme je l’ai déjà dit , de s’agglutiner aux corps solides
par une parlie quelconque de leur surface, et s’éti-
rent ensuite de manière à présenter un ou plusieurs
filaments latéraux ou postérieurs également contrac-
tiles et mobiles. Ces filaments, qu'on reconnaît bien
n'avoir rien de fibreux, de membraneux ou d’épider-
mique , se contractent et se meuvent par eux-mêmes ,
et ne sont point du tout mus par des muscles insérés à
Jeur base, qui leur feraient décrire une surface coni-
que ayant son sommet au point d'attache, comme
M. Ehrenberg l’a supposé et même figuré (Monas
guttula, Infusionsth. 1838, pl. 1, fig. 11). Pour
s’en convaincre, il faut observer les Monades vivant
dans les vieilles infusions ; on en verra dont le fila-
ment, trois ou quatre fois aussi long que le corps,
se meut simplement à l'extrémité comme un fouet
vivement agité, et demeure roide ou légèrement
courbé vers sa base.
M. Ebrenberg, qui nomme ce filament une trompe,
L
4% HISTOIRE NATURELLE
et qui, particulièrement chez les Monades, dit l'avoir
observé en laissant évaporer sur le -porte-objet du mi-
croscope la goutte d’eau contenant ces animalcules,
ne paraît pas avoir connu sa vraie longueur : il l'avait
pris d’abord pour une vraie trompe, et avait même
représenté l’afflux des particules nutritives à l’extré-
mité, chez ses 7'rachelomonas et Chætoglena (n° mé-
moire 1833, pl. vx, f. iv). Maintenant, à la vérité,
il prend cette trompe pour un prolongement de la
lèvre supérieure ; et même, en parlant de son genre
Phacelomonas, qui est pourvu de huit à dix sembla-
bles filaments, il dit que les trompes et les cils nesont
point des organes trop différents entre eux (/nfus.,
p. 28). La bouche, suivant lui, est à la base des fila-
ments; mais rien ne prouve que cette supposition soit
fondée, car chez un grand nombre d’Infusoires pour-
vus de cet organe, tels que les Euglena, on ne voit
point d'intromission réelle de matière nutritive ou
colorante ; et chez les Monades, qui souvent présen-
tent de petits amas de matières étrangères à l’inté-
rieur , l’intromission n’a point eu lieu à la base de la
trompe , non plus que par l'extrémité.
Si personne aujourd'hui ne veut persister à voir
dans ces filaments de vraies trompes contenant un
œsophage (1), je ne reviendrai pas sur les arguments
(1) M. Ehrenberg décrit sous le nom de Z'rachelius trichophorus
(Infusionsthierchen , p. 322, pl. 33, f. xur), un Infusoire qui parait bien
être le même que j'ai nommé Pyronema en 1836 ; il représente comme
une trompe assez épaisse et terminée par un bouton , ce que j'ai décrit
comme un filament flagelliforme qui s'amincit considérablement à l'ex-
trémité. A la vérité , il dit dans le texte que cette trompe est extraor-
dinairement mince et difficile à voir , et que dans les individus observés
en Russie , il n'a pas vu de bouton à l'extrémité de la trompe. D'ailleurs,
LE
DES INFUSOIRLS, 5
que dans mes précédents mémoires je tirais de la té-
nuité de ces filaments, qui deviennent de plus en plus
minces à l’extrémité, et de leur facile rupture, et enfin
de leur multiplicité. Je dirai pourtant que cette der-
nière circonstance s'oppose même à ce qu'on suppose
la bouche à leur base, puisque, chez l’'Infusoire que
j'ai nommé //examila, rien n'indique la présence
d’une bouche à la base d'aucun des six filaments qui
partent de différents points, de sorte qu'il y aurait
autant de raison à y supposer six bouches invisibles
qu’à en supposer une seule.
Les divers prolongements filiformes des Infusoires,
quoique de même nature, se montrent plus où moins
consistants, plus ou moins contractiles : ainsi, tandis
que ceux des Gromia, pouvant à chaque instant s'é-
tendre, puis se fondre dans la masse , ne montrent que
rarement un desré de tension qui leur permette d'aban-
donner le plan de reptation; ceux du 7rinema, qu’on
aurait tort de confondre avec les Diflugies (1), se
dressent dans toute leur longueur, et s’inclinent d’un
côté à l’autre, cherchant un point d'appui où ils se
fixent et s'agglutinent pour faire avancer l’animalcule
en se contractant; ceux du Diselmis viridis ont encore
la faculté de s'agulutiner au verre; cependant ils ne
sont pas susceptibles de se contracter entièrement, et
même, aprés s'être rompus ou détachés, ils restent
en assimilant ce filament au prolongement antérieur garni de cils vi-
bratiles des autres Z'rachelius , il ne le considère de même que comme
un organe de tact et de mouvement , et il place la bouche à sa base.
(4) La Diffluzia enchelys de M. Ehrenberg est évidemment le même
Iufusoire que j'ai nommé Z'rinema en 1836; mais on reconnailra à l'in-
speclion des figures qu'il en donne ( Zaf. pl. 1x, fig. iv) que l'auteur
aémand n'a pas bien vu ni compris les filaments de cei animalcule.
&G HISTOIRE NATURELLE
quelque temps visibles dans l’eau comme des filaments
flottants , sans mouvement. Dans d’autres espèces, des
filaments agglutinés par l'extrémité se contractent
brusquement , de manière à lancer l’animalcule à une
certaine distance.
Les cils vibratiles paraissent être de la même nature
que ces divers filaments : on les voit, dans un grand
nombre d’Infusoires, se crisper et se décomposer après
la mort comme une substance glutineuse, à moins
qu'ils n'aient été fixés à la plaque de verre par l’éva-
poration du liquide : quelques-uns persistent pendant
quelque temps , maisils ne sont jamais d’une substance
cornée comme ceux des Entomostracés et des articulés
en général, puisque aucun ne persiste si on y ajoute
un peu d’alcali.
On ne peut donc, dans aucun cas, les assimiler à
des poils cornés, sécrétés par un bulbe et mus par des
muscles ; l’analogie, prise des animaux supérieurs, a
donc évidemment entraîné trop loin ceux qui admet-
tent une telle similitude, et supposent des muscles
insérés à la base des cils. M. Ehrenberg dit cependant
avoir vu dans les grandes espèces de ses genres Stylo-
nychia et Kerona, la base de chaque cil en forme de
bulbe, et ce cil décrivant une surface conique, dont le
sommet est au bulbe même : il croit pouvoir expliquer
ce mouvement par l’action de deux muscles qui agis-
sent sur leur base. De plus, il regarde la distribu-
tion constante des cils en rangées , comme due à l'exi-
stence des muscles longitudinaux qui les mettent en
mouvement par série; mais il a soin d'ajouter que ce
fait n’est pas facile à observer directement : je le crois
bien; je dirai même que la difficulté de les apercevoir
est si grande , que jamais je n'ai rien pu voir de sem-
DES INFUSOIRES. k7
blable. C’est de ce résultat négatif que j'ai tiré la con-
séquence toute contraire, qu'il n'y a point de muscles
moteurs pour les cils; je crois même que les cils vi-
bratiles, au lieu. d’être portés sur les granules de la
surface réticulée de certains Infusoires, sont situés
dans les intervalles; quant aux appendices plus vo-
lumineux des Kerones ( Stylonychia, Kerona, Oxy-
tricha), ceux qu'on a nommés crochets et styles, ils
montrent en effet un épaississement à leur base ; mais
rien ne prouve qu'il y ait un vrai bulbe; bien au con-
traire, la décomposition totale, par diffluence de ces
Infusoires, montre que c'est partout une même sub-
stance.
Müller avait déjà distingué, parmi les appendices
ciliformes des Infusoires, ceux qui sont plus fins et
vibratiles ( Cilia micantia), et ceux qui , plus gros ou
plus roides, sont immobiles (Setæ), ou simplement
capables de se plier ou de s’infléchir en divers sens,
pour servir à la progression ou au toucher ; il nom-
mait ces derniers cirri ou cornicula. M. Ehrenberg, en
outre des cils et des soies, distingue aussi des styles et
des crochets (uncini ).
Il peut paraître surprenant que des organes aussi
divers soient resardés comme des expansions plus ou
moins consistantes de la substance même qui consti-
tue en majeure partie le corps des Infusoires ; peut-
être devra-t-on admettre quelque autre différence dans
leur nature, puisque véritablement une substance
organisée peut être modifiée de plusieurs manières ;
mais cette différence, si grande qu’on la veuille sup-
poser, ne pourra jamais aller jusqu’à en faire de vrais
poils sécrétés par des bulbes comme ceux des vertébrés;
ou même des poils cornés tubuleux, comme ceux des
48 HISTOIRE NATURELLE
animaux articulés. Müller, quoiqu'il parle à plusieurs
reprises de la base globuleuse de ces appendices , comme
s’il leur supposait des bulbes sécréteurs, rend aussi
témoignage de leur nature molle et glutineuse et de
leur décomposition dans l’eau , notamment à l’occasion
de la difiluence du 77ichoda charon et de l'Himan-
topus sannio (1). On peut d’ailleurs se convaincre fa-
cilement de ce fait, en approchant d'un flacon d’am-
moniaque le porte-objet chargé d’Infusoires tels que les
Kerones , les Plæsconies, etc. Ces animalcules cessent
bientôt de se mouvoir, et subissent des déformations
curieuses; leurs cils se crispent et se contractent , et
finissent par disparaître, comme on le voit dans les
figures que j'ai données , représentant les changements
successifs de la Kerona pustulata et de la Plæsconia
charon.
Ge dernier exemple montre aussi que la cuirasse
des Plæsconia n’est pas plus de nature cornée que
les cils, car elle se déforme et se décompose en
même temps, bien différente en cela de la cuirasse des
Brachions , qui se censerve dans l’eau et résiste même
à la putréfaction. Le têt des Arcelles, des Diflugies,
des 7'rachelomonas et de plusieurs autres 7’hecamo-
nadiens, se conserve aussi sans altération, ainsi que
l'étui des Dynobryum et des Tintinnus, et Vagini-
cola : il en peut assurément résulter de fort bons ca-
ractères pour la distinction des groupes, mais on ne
peut rigoureusement donner à ces parties la dénomi-
nation commune de cuirasse.
(1) Muller s'exprime ainsi (Animalcula Infusoria , p. 229) : Cilia
in mortus evanescunt, ctp. 250 : aqua deficiente… cilix rigida absqué
môtu, pauéis mormentis persistentia , evanuére denique prorsus.
DES INFUSOIRES. L9
Les petites baguettes solides qui entourent comme
une nasse la bouche des Chilodon, des Prorodon et des
Nassula, résistent beaucoup plus à la décomposition
que les autres appendices. Je les ai même vus persis-
ter après l'action d’une solution de potasse, qui avait
dissous tout le corps d’un gros Chilodon ( Kolpoda
cucullulus, Müller ?) (1); mais celles des Vassula se
dissolvent au contraire très-bien dans ia potasse. On
peut sans doute admettre que ce sont des productions
cornées analogues aux soies des Naïs, et plus encore
aux crochets des Tænias, des Cysticerques et des
Echinocoques. Nous ne savons comment se forment
celles-ci; mais nous savons que leur présence n’est
pas l'indice d’une organisation très-complexe ; et celle
des Infusoires étant encore plus simple, nous n’avons
pas de motifs pour les regarder comme indiquant
tout un système d'organes qu'on ne saurait aper-
cevoir.
Les pédicules contractiles des Vorticelles peuvent
aussi être comptés parmi les organes extérieurs des
Infusoires. Leur structure et le mécanisme de leurs
mouvements présentent un des problèmes les plus
difficiles de cette étude. On voit, à la vérité, dans leur
cavité centrale, une substance charnue moins transpa-
rente, mais ce n'est point, comme on à paru le croire,
une vraie fibre musculaire : au contraire, la partie
diaphane enveloppant ce cordon charnu et formant
une bande plus mince vers un de ses bords, se con-
(1) Cet Infusoire, observé dans l’eau de l'Orne en 1835, était beau-
coup plus gros que les Chilodon cucullulus que j'ai revus ailleurs , car
il était long de ? millimètre; il avait en outre un point oculiforme rou-
geätre, qui persista avec le cercle aréolaire qui l'entourait, ainsi que
l'armure de la bouche après l'action de la potasse.
INFUSOIRES. %
50 ‘4 HISLOIRE NATURELLE
tracte seule ; et comme elle le fait davantage au bord
le plus épais, il en résulte une courbe en LA dont
le bord externe est occupé par le tranchant du pé-
dicule.
Leur substance paraît plus résistante que celle des
cils , car on en voit quelquefois qui restent assez long-
temps isolés dans le liquide. Les pédicules simples ou
rameux des Epistylis sont encore plus résistants : ils
restent fixés aux plantes aquatiques bien longtemps
après que les animaux ont disparu, et présentent alors
le plus grand rapport avec les polypiers cornés des
Sertulariées , ainsi que les étuis des Dynobryum.
Pour compléter l’examen des organes externes
des Infusoires, il faut encore parler de l'enveloppe
réticulée si évidente des Paramécies, des Vorticel-
les, etc., laquelle se contracte dans un sens ou dans
l’autre avec plus ou moins de rapidité. Cette enve-
loppe est susceptible de laisser exsuder la substance
intérieure , et paraît constituer un réseau contractile
dont les nœuds en séries transverses ou obliques , don-
nent à la surface l'apparence d’une granulation régu-
lière; mais la substance contractile elle-même est ho-
mogène et non granulée ou formée de granules. 1] y
a donc véritablement ici une certaine analogie avec la
fibre élémentaire qui, dans les insectes, se montre es-
sentiellement homogène et simplement noduleuse par
l'effet de la contraction. On pourrait dès lors vouloir
poursuivre l’analogie jusque chez les expansions si
diaphanes des Arcelles et des Amibes, mais encore
faudrait-il alors reconnaître que la contractilité est
dans la masse tout entière et non dans des fibres
incluses où dans un tégument.
DES INFUSOIRES. s 5
CHAPITRE V.
BOUCHE ET ANUS DES INFUSOIRES.
Sans remonter jusqu'aux plus anciens microgra-
phes, qui ont cherché à deviner, plus qu'ils n’ont
observé réellement, l’organisation des Infusoires ; nous
trouvons l’existence d’une bouche chez les Infusoires,
mentionnée positivement par Gleichen chez les Kol-
podes, et indiquée sept ou huit fois directement ou
indirectement par Müller, quand il parle de l'intestin.
Ainsi, à la page 240 de son ouvrage, il dit que le
Kerona mitylus avale continuellement beaucoup d’eau;
à la page 197, il dit que le 7richoda linter présente
une incision par laquelle il paraît avaler l'eau. Son
Trichoda lyncœus aurait aussi, suivant lui, un canal
intérieur , allant de la bouche aux viscères du milieu
du corps; cependant il déclare, bien positivement ail-
leurs, n'avoir jamais vu un Infusoire avaler sa nour-
riture.
Lamarck donna précisément à ses vrais Infusoires
le caractère d’être astomes ou sans bouche; mais :il
accorda cet organe à ceux qu'il place parmiles Polypes
ciliés. M. Bory refusa également une ouverture buc-
cale à ses deux ordres d’Infusoires, des Gymnodés et
des Trichcdés, et n’en recornut l'existence que chez
ses Stomoblepharés, comprenant les Vorticelles sans
pédicule.
M. Ehrenberg, en annoncant ses idées sur l’organisa-
tion des Infusoires en 183%, accorda à tous ces animaux
une bouche entourée de cils, et attacha tant d’impor-
tance à la position de cet organe, qu’il caractérisa par
L..
52 d HISTOIRE NATURELLE
là ses divers genres de Aonadines ; les uns devant avoir
une bouche tronquée terminale dirigée en avant, les
autres cette même bouche tronquée , dirigée en divers
sens dans le mouvement , quelques autres enfin une
bouche oblique sans bords et bilobée. Les Cryptomo-
nadines étaient aussi distingués par une bouche ciliée
ou nue ; celle des Euglènes était positivement ciliée ;
les Vibrions eux-mêmes devaient avoir une bouche
terminale. Les Enchelides et les Leucophres étaient
pourvus d’une bouche terminale droite ou oblique,
presque aussi large que leur corps. De tels résultats,
quoiqu'ils eussent été modifiés, en 1832 et 1833, par
la découverte d’une trompe chez quelques Cryptomo-
nadines et chez l’'Euglena viridis, étaient trop inadmis-
sibles pour que je ne fusse pas tenté de les contredire.
Ma contradiction, en 1835, a été trop loin; et con-
vaincu , comme je le suis encore, de l’inexactitude des
faits que je viens de citer, j'ai conclu que les autres
vrais Infusoires ne pouvaient non plus avoir de bou-
che. Je ne tardai pas à revenir sur cette assertion ha-
sardée ; et, au commencement de 1836 (_{nnales des
Sciences naturelles, avril 1836), je dis avoir vu non-
seulement l'introduction des substances colorées par
une ouverture particulière dans les Kolpodes, mais
encore la déglutition de plusieurs brins d’oscillaires
par une Vassula, ayant la bouche entourée d’un fais-
ceau de soies cornées roides.
Dans son mémoire de 1836, M. Ehrenberg confirma
son observation du filament flagelliforme de certains
Infusoires, qu'il a continué depuis à nommer une
trompe, quoiqu'il en ait trouvé plusieurs à la fois dans
certains genres et qu'il les regarde comme analogues
aux cils. La bouche, suivant lui, n’est donc point
DES INFUSOIRES. 53
située à l'extrémité, mais à la base de ces trompes. Il
n’a pu toutefois établir autrement que sur des conjec-
tures l'existence de cette bouche dans les Infusoires à
filaments. Quant aux Infusoires qu’il avait représentés
primitivement avec une si large bouche, il a quelque
peu varié à leur égard; et sans renoncer positivement
à ses anciennes figures de la Leucophra patula, où il
avait représenté leur intestin, il en donne de nouvel-
les, qui ne montrent ni l'intestin ni la grande bouche.
On ne peut toutefois douter de la présence d'une
bouche que chez les Monadiens, les Vibrions, les
Amibes, les Euglènes et les autres espèces d’Infusoires
non pourvus de cils vibratiles, sans parler des Navi-
cuies et des Clostéries. Chez beaucoup d’Infusoires
ciliés , il existe réellement une ouverture servant à l’in-
troduction des aliment, et chez quelques-uns même,
cetle ouverture est munie d’appendices particuliers,
d’un faisceau de petites baguettes cornées, qui l’entou-
rent comme l'entrée d’une nasse, chezles Chilodon, Nas-
sula, Prorodon et Chlamidodon, ou d’une lame vibra-
tile, sorte de valve charnue chez les Glaucoma. Il est
bien certain aussi que cette ouverture est susceptible de
dilatation à la volonté de l’animalcule, et que les ba-
guettes cornées qui l'entourent peuvent s’avancer plus
ou moins, s’écarter et se rapprocher pour faciliter la
déglutition d’une proie plus ou moins volumineuse.
Il n’en faut pas davantage sans doute pour qu’on puisse
regarder cette ouverture comme une bouche. Si cepen-
dant on devait conclure de l’existence d’une bouche à
celle d’une cavité digestive permanente, il faudrait
ne lui donner ce nom qu'avec une certaine réserve.
En effet il y a une ouverture pour l'introduction des
aliments, et la cavité destinée à loger ces aliments
54 HISTOIRE NATURELLE
n'existe point d’abord : elle est formée successivement
par ces aliments eux-mêmes et par l’eau que le mou-
vement des cils y pousse incessamment. La substance
charnue intérieure arrive jusque contre la bouche et
se trouve progressivement creusée d’un tube en cul-
de-sac, dont l'extrémité est interceptée de temps en
temps par le rapprochement des parois.
L'existence d’une ouverture anale chez les Infusoires
est bien moins certaine, et si quelquefois on remarque
une véritable excrétion dans une partie quelconque du
corps, on ne peut dire absolument qu'elle s’est faite
par un anus. Îl ne suffit pas d’ailleurs de voir un amas
de substances analogues aux aliments d’un Infusoire,
retenues à sa partie postérieure > pour conclure que ce
sont là des excréments ; car les courants produits par
les cils sur les deux côtés du corps doivent nécessaire-
- ment porter en arrière des particules plus ou moins
liées entre elles par des mucosités, et qui restent lé-
gèrement adhérentes à l’animalcule, là où les courants
ne se font plus sentir (1). On conçoit que, si les deux
courants produits par les cils, au lieu de se rencontrer
tout à fait en arrière, viennent se joindre sur un des
côtés, en avant ou en arrière, ce sera encore au point
de jonction que sera placé l’amas de particules en ques-
tion ; et, pour peu que l’on aime les déterminations
hasardées, on verra l’anus, ainsi placé dans telle ou
telle position, en rapport avec la disposition des cils.
C’est ce simple fait qui a pu faire croire aussi aux
anciens microsraphes que les Infusoires sont pourvus
d’un orifice excréteur ; cependant il arrive quelquefois
(1) Gleichen, ayant vu des Kolpodes trainer après eux un amas de
particules étrangères, a cru y voir le frai de ces animalcules.
DES IXFUSOIRES, 50
que l’on voit réellement sortir du corps des Infusoires,
sur quelque point de leur contour, des substances
contenues dans l’intérieur ; et probablement le résidu
de leur digestion.
Müller dit positivement avoir vu sortir les excré-
ments du Kerona mytilus (sordes excernere vidi,
Anim. inf., p.240). On ne peut douter que M. Ehren-
berg ne l'ait vu aussi; car il l’a représenté pour beau-
coup de ses Infusoires. Moi-même je l'ai vu plusieurs
fois, et notamment, dela manière la plus distincte, dans
l'Amphileptus anser, Ehr. ( Vibrio anser, Müller ).
Mais ce que j'ai vu ne m'a point convaincu de l’ana-
logie de cette ouverture accidentelle avec une ouver-
ture anale, qui devrait être la terminaison d’un in-
testin.
J'avais recueilli, le G décembre, dans des ornières
au nord de Paris, un enduit brun au fond de l’eau,
sur une terre blanchâtre. Croyant avoir pris ainsi des
Navicules, je ne fus pas médiocrement surpris de voir
l’eau de mes flacons fourmiller de ces Amphileptus,
que j'avais auparavant rencontrés toujours isolés. Avec
eux se trouvaient quelques Hydatines et des Théca-
monadiens qui leur servaient de nourriture. Il me
fut donc bien facile d'étudier mon Amphileptus ; car
chaque goutte , Mise sur le porte-objet , en contenait
plusieurs. À l'intérieur se voyaient toujours cinq ou
six vacuoles distendues par de l'eau, et par des Mo-
nades ou d’autres substances avalées. Ces vacuoles
changeaient de place, en s'avançant peu à peu vers
l'extrémité postérieure , où se trouvait une vacuole ou
vésicule plus grande, souvent irrégulière, lobée et
évidemment formée par la réunion de plusieurs va-
cuoles plus petites, amenées successivement en con-
56 HISTOIRE NATURELLE
tact pour se fondre en une seule, comme des bulles de
gaz. Cette grande vésicule postérieure s’emplit ainsi
de plus en plus; ses parois s’amincissent , et elle finit
par s'ouvrir latéralement pour verser son contenu au
dehors; puis elle se referme avec des dimensions beau-
coup moindres. Ce mode d'excrétion est parfaitement
en rapport avec la nature molle et glutineuse de cet
Infusoire .que la pression entre deux lames de verre,
et, mieux encore, que la vapeur d'ammoniaque dé-
compose en gouttelettes diaphanes de cette substance
olutineuse dont j'ai parlé plus haut.
Cet orifice excréteur temporaire est bien à la place
indiquée par M. Ebrenberg, pour son genre Amphi-
leptus. Sera-t-il toujours au même endroit ? Je ne sais,
mais il me paraît probable que, dans la paroi formée
par le rapprochement et la soudure de substance glu-
tineuse homogène, une nouvelle ouverture ne pourra
pas se produire exactement au lieu même qu'occupait
la précédente. Si ce mode d’excrétion est général,
comme je le présume (1), l'orifice excréteur devra être
placé à l'endroit où les vésicules intérieures , les pré-
tendus estomacs, s'arrêtent après avoir parcouru un
certain espace dans la substance glutineuse de l'in-
térieur; et sa position alors, bien qu'il ne soit pas à
l'extrémité d’un intestin, pourrait fournir de bons ca-
ractères pour la classification.
Dans les Vorticelles, cet orifice accidentel paraît
se produire à côté de l’ouverture buccale, c'est-a-lire
(1) L'excrétion des substances avalées par les Infusoires se voit d'une
manière analogue chez les Kerona pustulata, Oxytricha pellionella et
chez d'autres espèces sans tégument, qui, tenues captives entre des
lames de verre, s'ouvrent latéralement pour laisser sortir lentement
une masse plus ou moius volumineuse et se referment ensuite.
DES INFUSOIRES. 57
que les vésicules , remplies d’eau et d'aliments , par-
courent à l’intérieur un circuit qui les ramène contre
l'entrée du cul-de-sac, au fond duquel se creusent et
se séparent ces vésicules ou prétendus estomacs.
La décomposition par difiluence des Infusoires
peut présenter aussi l'apparence d’un large orifice ex-
créteur sur le contour d’un de ces animalcules, et par-
ticulièrement dans la partie postérieure. En effet, si,
par suite de l’évaporation de l'eau, un Infusoire ne se
trouve plus dans les conditions normales, il commence
à se décomposer, en rejetant à une certaine distance,
par l'effet du mouvement des cils , et les corps étrangers
dont il s'est nourri, et sa propre substance. Si alors on
lui rend du liquide convenable, il reprend Ja vie, sa
blessure se ferme et la partie désagrégée reste comme
une excrétion.
C’est dans des circonstances à peu près semblables
qu'on voit se former sur leur contour des exsudations
globuleuses et diaphanes de la substance glutineuse
interne, que j ai nommée sarcode.
CHAPITRE VI.
ORGANES DIGESTIFS DES INFUSOIRES,.
A. Globules intérieurs ou vésicules stomachales.—
Dans l’intérieur de certains Infusoires se voient des glo-
bules ou des vésicules variables, quant à leur nombre,
quant à leur forme et à leur position, qui ontété vus par
tous les micrographes,mais interprétés diversement par
chacun d'eux. Ges vésicules, remarquables par leur ex-
tensibilité indéfinie et par leurs contractions subites,
renferment quelquefois des corps étrangers , et même
58 HISTOIRE NATURELLE
d’autres Infusoires plus petits, morts ou vivants,
u’on doit supposer avoir été avalés. Plus souvent elles
ne contiennent que de l'eau ou du moins un liquide
aqueux moins réfringent que la substance charnue en-
vironnante, comme on s’en assure en faisant varier la
distance du microscope à l’objet. En ellet , ces vésicules
deviennent plus sombres à mesure qu’on les éloigne,
et paraissent au contraire comme des globules plus
brillants au centre, si on les rapproche. Le contraire
a lieu pour le corps diaphane de l'Infusoire, de telle
sorte que, dans certains cas, on croit voir dans l’a-
mimalcule un véritable trou librement traversé par
la lumière. En général, les micrographes, faute d’a-
voir établi des comparaisons convenables avec des glo-
bules de diverses substances plus ou moins réfrin-
gentes, ont pris les vésicules intérieures des Infu-
soires pour toute autre chose que pour ce qu’elles sont
réellement , et ont attribué une même signification à
toutes les apparences globuleuses observées dans ces
animalcules.
Müller avait bien vu ces objets, et quoique dans la
même acceplion, il comprenne des choses véritable-
ment différentes , ses expressions sont bien préciseset
bien propres à en donner une idée. Dans plus de qua-
rante endroits de son Histoire des Infusoires, il en
parle sous le nom de pésicules hyalines , de globules,
de bulles et de nodules, qui lui paraïssent caractériser,
parmi les Infusoires, un groupe qu’il veut nommer
Bullaria, par opposition avec d’autres Infusoires ({)
“
(1) Ceux-ci, tels que les Monades et certains Vibrions, animaleules
gélatineux, homogènes et sans organes apparents, lui paraissent seuls
susceptibles de se produire spontanément dans les infusions, tandis que
DES INFUSOIRES. 39
d’une organisation plus simple, dans lesquels on ne
voit pas de ces bulles ou vésicules. Il regarde avec
doute les plus grands globules comme des ovaires, et
donne le nom d’ovules à ceux des plus petits qui se
trouvent disposés en rangées dans le Stentor poly-
morphus, dans les Kerona mrytilus et lepus, etc. Il
distingue, chez quelques individus de Kolpoda me-
leagris, trois globules plus grands au milieu (Sphæ-
rulæ), qu'il suppose pouvoir remplir les fonctions
d'estomac ou d’intestin, parce que, dans Pétat de va-
cuité, elles sont moins visibles; tandis que les Glo-
bules pellucides, formant une rangée près du bord,
persistent après la difluence del'animalcule, ce qui, sui-
vant lui, ne permet pas de douter que ce ne soient des
œufs (Anim. inf., p. 109). Dans le Kolpoda culcullus,
il a compté de huit à vingt-quatre vésicules pellucides,
qu'il regarde encore comme des œufs (soboles), et
qu’il a vus expulsés au dehors à la mort de l'animal.
Ailleurs, Müller mentionne lapparition et la dis-
parition alternative de ces vésicules pendant la vie de
l'animal (1), ou leur disparition après la mort (2); et
enfin, en parlant du 7richoda aurantia (1. c., p. 185),
il signale « une vésicule qui, se montrant quelquefois
à la partie postérieure, offre l'apparence trompeuse
d’un trou, mais dont la vraie nature, ajoute-t-il, est
indiquée par la comparaison de vésicules semblables
_—
les Bullaria sont membraneux, présentent des parties hétérogènes in-
ternes et externes, et se propagent par des petits vivants (Ænimalcula
infusoria , Préf. , p. vu).
(1) In postica extremitate pustula hyalina interdum apparet (Anim.
inf. — Leucophra pustulata, p. 150).
(2) In morte ., globuli omnes evaneseunt (Anim. inf. — Trichoda
linter, p. 197). /
60 HISTOIRE NATURELLE
dans d’autres parties du corps. » Il parle d’ailleurs
toujours de ces vésicules, comme étant en nombre
variable. |
Quoique l'Italien Cortiet, plus anciennementencore,
Joblot eussent dit avoir vu des Infusoires avaler leur
nourriture, ce fait paraissait si peu certain quil ne
put influer sur l'opinion de Müller, relativement à la
signification des vésicules ou globules intérieurs. Une
expérience concluante restait à faire: il s'agissait de
vérifier si des Infusoires auraient avalé les parcelles
de matière colorante en suspension dans le liquide.
Cette expérience, Gleichen la fit avec succès, en 1777,
sur des Paramécies, des Kolpodes et des Vorticelles ;
et, chose surprenante, après avoir vu des globules
colorés par le carmin à l’intérieur des Infusoires, il
en tira une conclusion absurde. Il avait voulu, disait-
il, constater une déglutition effective de la nourriture;
et, après avoir reconnu que le carmin avait passé dans
l’intérieur, il regarda les globules colorés comme des
œufs, attendu que, quand ils sont séparés par des in-
terstices, on les voit entourés d’un anneau clair,
comme les œufs de grenouille (1). Cependant, il n’était
pas satisfait lui-même de cette supposition ; et, après
avoir dit qu’il a vainement tâché de voir éclore ces
prétendus œufs, sortis spontanément du corps des
Infusoires , il ajoute un peu plus loin, en appréciant
les doutes qu’on peut élever à ce sujet , que si les glo-
bules excrétés ne sont pas les excréments de ces ani-
malcules, ce qui, dit-il, souffre bien des difficultés ,
il ne sait plus qu'en dire. I} avait bien remarqué,
(1) Dissertation sur la génération , les animaleules, elc., parGleichen;
trad. franc. , p. 177-198.
DES INFUSOIRES. 61
d’ailleurs, que tous les animalcules qui ne contien-
nent pas de globules , ne prennent jamais de couleur ,
et c’est ce qui rend son erreur encore moins conceva-
ble. D'un autre côté , il disait aussi (1) que «les bulles
vues à l’intérieur ne sont souvent que l'effet du gonfle-
ment de la fine peau musculeuse de l’animalcule, et
qu'elles disparaissent instantanément. »
L'expérience de Gleichen demeura comme oubliée
jusqu’à l'instant où M. Ehrenberg a su en tirer un si
grand parti; et, dans l'intervalle, on continua à re-
garder les globules intérieurs comme des corps repro-
ducteurs, ou même, avec Schweigger, comme des
Infusoires plus petits, comme des monades logées
dans les plus gros animalcules.
M. Bory, dans sa dernière publication sur ce sujet
(Dict. cl. d’'Hist. nat.,t. 17, p. 52), jugeant d'après
ce qu’on sait de certains Gymnodés, qui réellement
ne peuvent avoir d’estomacs, a nié la signification
réelle de ces vésicules dans les autres Infusoires : il
a même Cru pouvoir, d'après ses expériences, assu-
rer que ce ne sont pas les globules internes ou pré-
tendus estomacs qui se pénètrent de la teinture, et
en cela il se trompait. D'un autre côté, il eut en-
tièrement raison de contester leur communication
directe avec l’extérieur , et surtout leur liaison avec
un intestin central; car, dit-il, « ces globules sont
tellement mobiles, qu'ils se déplacent en tout sens,
passent de devant en arrière selon les moindres
mouvements que se donne l'être dans lequel on les
distingue. S'ils étaient mis en rapport avec la sur-
face par quelques tubes, tous ces intestins se mé-
(1) Mème ouvrage, pages 126-127.
62 HISTOIRE NATURELLE
leraient d’une manière inextricable ». M. Bory, d’ail-
leurs, par une singulière contradiction, quoiqu'il re-
fusât même une bouche véritable à ses Gymnodés,
disait avoir vu plusieurs grosses espèces en avaler
d’autres
B. Intestin des Infusoires. — Les expériences de
coloration artificielle avaient conduit M. Ehrenberg à
reconnaître en 1830 la réalité d’une déglutition chez
beaucoup d'Infusoires; considérant alors comme des
estomacs toutes les vésicules où s'était logée la matière
colorante, cet observateur chercha à deviner le mode
de connexion de ces estomacs avec une bouche et un
anus. Trompé sans doute par quelque illusion, il crut
voir un tube central droit ou diversement courbé,
auquel les vésicules stomacales sont suspendues par :
des tubes plus étroits, comme les grains d’une grappe
de raisin. 11 décrivit et représenta l'£nchelys pupa
avec un intestin droit, la Zeucophra patula avec Pin-
testin courbé trois fois, et la Forticella citrina avec
cet intestin formant un cercle presque complet et re-
venant s'ouvrir pour l'excrétion à côté de l’orifice buc-
cal. Dans des Monades, au contraire, il représentait
tous les estomacs longuement pédicellés autour de la
bouche et non suspendus à un intestin. Quoique, dans
le texte de son mémoire, il eùt soin de dire que les
vésicules remplies d’une nourriture solide sont sphé-
riques et paraissent isolées, parce que l'intestin qui
les réunit se rétrécit et devient transparent, cepen-
dant ses dessins, censés faits d'après nature, repré-
sentaient cet intestin partout également gonflé , et
même rempli de matière colorante chez la Vorticelle,
de sorte qu'on était naturellement conduit à penser
que toutes ces figures étaient idéales. Il reconnaissait
TR
DIS INFUSOIRES. 65
bien qu'une vésicule pouvait se dilater considéra-
blement, de manière à loger une proie très-volumi-
neuse, et, conséquemment, il admettait que l’intes-
tin avait dù se dilater également pour livrer passage à
cette proie. Il n'avait point encore apercu de différence
entre les vésicules ou les globules de l’intérieur, mais il
attachait alors tant d'importance à la découverte qu'il
croyait avoir faite de l'intestin des Infusoires qu'il en
fit la base de sa classification : nommant polygas-
triques les Infusoires proprement dits, par opposition
avec les Rotateurs, qui sont monogasiriques, et qui,
réunis par lui sous la même dénomination, lui four-
nissent de fausses analogies. I} distinguait les anenté-
rés (anentera), qui, dépourvus d’intestin, comme
les Monades, ont leurs estomacs pédicellés suspendus
simplement autour de la bouche, et les entérodélés,
qui ont un intestin. Ceux-ci étaient divisés en cy-
clocæla, orthocæla, et campylocæla, suivant que
l'intestin formait un cercle, comme dans les Vorticelles,
qu'il était droit comme dans les £nchelys, ou con-
tourné comme dans les Leucophres; mais l’auteur,
pour se conformer, disait-il, aux rèoles admises en
zoologie, substituait immédiatement à ces dernières
divisions d'autres coupes établies sur des caractères
extérieurs dépendant de la position de l’anus et de la
bouche. I nommait donc anopisthia, les cyclocæla qui
ont les deux ouvertures réunies en avant ; enantiotreta,
ceux qui ont ces deux ouvertures opposées, ct situées
aux extrémités du corps, et qui peuvent se subdiviser
eu Orthocèles et en Campylocèies ; a{lotreta , ceux qui
ont l’une des ouvertures terminale et l’autre latérale;
et enfin katotrela ceux chez lesquels les deux ouver-
tures sont latérales ou non terminales.
6% HISTOIRE NATURELLE
Dans son deuxième mémoire (1832), M. Ehrenberg,
sans apporter de nouveaux faits à l'appui de son opi-
nion , développa davantage ses premières idées. Dans
son troisième mémoire (1833), il représenta dans deux
nouveaux types, le Chilodon cucullulus et le Stylo-
nychia mytilus, l'intestin aussi large, sinon plus large
que dans les trois espèces précédentes, ce qui semble
être en contradiction avec la contractilité extrême qui
aurait dérobé cet organe aux investigations persévé-
rantes des autres observateurs. En même temps, il
commença à établir une distinction entre les vésicules
que peut remplir la matière colorante, et celles qui,
toujours remplies d’un liquide diaphane, et ordinai-
rement plus volumineuses et plus susceptibles de con-
tractions subites, sont prises par lui pour des organes
génitaux mâles. Déjà, en 1776, Spallanzani avait si-
snalé chez les Paramécies ces dernières vésicules, qui,
dans cette espèce, sont en forme d'étoile , mais il leur
avait assigné des fonctions respiratoires. M. Ebren-
berg, au contraire, en poursuivant ses idées sur la
signification qu’il leur attribue, s’est donné un moyen
de lever en apparence les difficultés que présente l’ex-
plication du jeu de toutes ces vésicules intérieures.
Dans son grand ouvrage publié tout récemment,
en 1838, il a reproduit sans changement les figures
des cinq espèces précédemment représentées avec un
inlestin largement dilaté; et de plus, il a ajouté,
comme représentant aussi ce même organe, la figure du
Trachelius ovum , déjà décrit en 1833 (11° mémoire),
avec une large bande foncée au milieu, d’où partent
des rameaux très-minces, anastomosés, ce qui n'a pour-
tant aucun rapport avec l'intestin primitivement sup-
posé, si contractile et si difhicile à apercevoir. Il a bien
DES INFUSOIRES, 65
représenté aussi un intestin plus ou moins complet
chez plusieurs Vorticelliens ; et cet intestin, uniformé-
ment dilaté dans quelques-unes, se montre, dans la
figure de l’une d’elles (Epistylis plicatilis),renflé d’es-
pace en espace , comme si les estomacs, au lieu d’être
appendus en grappe, étaient enfilés à la suite les uns des
autres. Quant à la figure qu’il donne de la Paramécie
aurélie avec un intestin replié, il avertit lui-même que
c’est une figure idéale. Plus loin, il déclare que dans
sept espèces seulement, dont quatre Vorticelles, il
a pu voir l'intestin assez clairement (1) pour le des-
siner, puis, au nombre des quatre espèces où il n'a pu
lapercevoir que par le passage successif des aliments,
il compte précisément les deux Infusoires donnés en
1830 comme lui ayant montré les premiers cel intestin;
et encore a-t-il mis à côté de ses anciennes figures de la
Leucophre (2), des figures nouvelles qui semblent les
contredire. On doit remarquer aussi linsistance avec
laquelle cet auteur recommande les Vorticelliens pour
la vérification de ce fait si important, et la tendance
qu'il a toujours montrée à négliger, pour y repré-
_senter l'intestin, les espèces qu'il avait citées dans
son premier mémoire pour y avoir remarqué d'abord
cet organe : ainsi l'exemple de la Leucophre perd une
grande partie de sa valeur par la comparaison des nou-
velles figures, les Paramécies n’ont fourni qu'une fi-
gure idéale, et les Kolpodes n'ont jamais été repré-
sentés par lui avec un intestin quelconque.
Voudra-t-on, comme on l'a déjà fait, invoquer l’a-
nalogie des Rotateurs ou Systolides, etc., pour prouver
(1) Die Infusionsthierchen , 1838, p. 362.
(2) Die Infusionsthierchen , 1838, pl. xxx. fig. 1,2, 3, 4, 6.
INFUSOIRES. 5
66 HISTOIRE NATURELLE
l'existence de l'intestin chez les Infusoires , là où on
n’en a pas même pu signaler un indice ? Mais, comme
je l'ai dit plus haut, la diflérence des deux types est si
grande, que cette analogie est des plus imparfaites ;
et tout en persistant à nier l’intestin des Infusoires
proprement dits, j'admets, chez les Systolides, non-
seulement un intestin, mais encore de vraies mâ-
choires, des organes respiratoires, des glandes et un
ovaire.
Dira-t-on qu’il suffit d’avoir démontré que les sub-
stances alimentaires ont pénétré du dehors dans ces
vésicules, pour conclure d’abord que ce sont des es-
tomacs, et ensuite que ces estomacs doivent commu-
niquer avec un intestin, car on ne concevrait pas des
estomacs sans communicationavec l'extérieur ? Eh bien !
voilà précisément ce qu’on pourra contester ; car cette
conséquence s'appuie sur une fausse analogie avec des
animaux supérieurs chez lesquels l'estomac est tou-
jours la continuation de l'intestin. Maïs avant d’en ve-
nir aux preuves directes, nous devons examiner une
objection qui , présentée d’abord par M. Bory de Saint-
Vincent , en 1832, a été reproduite de nouveau par le
docteur Focke de Bremen , en 1835 (1); et vient encore
d'être présentée à M. Ehrenberg par le professeur
Rymer-Jones , devant l'association britannique à New-
(1) Voyez dans le journal allemand l'Zsis pour 1836, p. 985, l'ana-
lyse de la communication faite par Ic Dr. Focke à la réunion des natu-
ralistes allemands à Bonn , en 1835. M. Focke dit n'avoir pu aucune-
ment distinguer l'intestin supposé dans le Stentor Mülleri, dans le
Loxodes bursaria et dans une espèce de Vaginicola , et déclare que le
mouvement évident des amas de nourriture ou de couleur à l'intérieur
du corps de ces animalcules est incompatible avec la supposition de
l'existence d'uu intestin (Hier muss also eine andere Organisation des
Darmcanals, als die von Ehrenberg angegebene statt finden ).
DES INFUSOIRES. 67
Gastle, Cette objection, que je crois parfaitement fon.
dée , repose sur le mouvement intérieur des globules
ou vésicules stomacales, qu'on ne peut aucunement
concilier avec l'hypothèse d’un intestin reliant ensem-
ble tous ces globules, et qui prouve au contraire leur
indépendance absolue, Comme le disait M. Bory, les
intestins , les tubes de communication , s'ils existaient,
seraient bientôt mêlés d’une manière inextricable ; et,
à moins de les supposer indéfiniment extensibles , ils
ne permettraient pas aux globules de se promener
comme ils le font à l’intérieur.
Aux objections fondées sur le déplacement des pré-
tendus estomacs à l’intérieur des Infusoires, M. Ehren-
berg répond , dans son grand ouvrage, que ce mouve-
ment n’est qu'un déplacement apparent, analogue à
celui qu’éprouvent les petites figures en bois peint que
fontmanœuvrer les enfants sur le bras extensible, formé
de tiges assemblées en losanges, qui leur sert de jouet.
Ce déplacement intérieur que j'avais cru, en 1835,
pouvoir expliquer par le changement de position des
Infusoires , par leur rotation autour de l’axe de leur
corps, je le regarde depuis deux ans comme bien réel,
et il a été surtout bien vu et bien décrit par le profes-
seur Rymer-Jones (1). Ce savant observateur, en dé-
clarant publiquement à New-Castle n'avoir jamais pu
apercevoir la moindre trace du canal central décrit par
M. Ebrenberg, ni des branches qui en dérivent, pour
communiquer avec les petits sacs (sacculi), ajoute que,
par de nombreuses observations , il s’est convaincu que
dans la Paramécie aurélie et dans les espèces voisines,
(1) Voyez le compte rendu del’Association britannique dans le journal
anglais The Athenœum , n. 567, p. 635.
D.
68 HISTOIRE NATURELLE
les petits sacs gastriques ( les vésicules ) se meuvent,
suivant une direction déterminée, tout autour du corps
de j'animalcule ; fait qui, en lui-même, dit l’observa-
teur anglais, parait incompatible avec l’arrangement
indiqué par le professeur de Berlin. À cela, M. Ebren-
berg, sans recourir de nouveau à la comparaison des
jouets d'enfant, à répondu qu'il est extrêmement dif-
ficile de voir le tube central (l'intestin), et que c'est
seulement en suivant la marche des grosses masses de
nourriture qu'il a été à même de le tracer.
Ce n’est pas là ce qui avait été dit d’abord, et moins
encore ce qui avait été représenté sur les figures de
1830 , reproduites en 1838. Mais, on le voit à présent,
de l’'aveu même de l'inventeur, toute la théorie de la
structureintérieuredes Infusoires repose sur des figures
idéales et sur des observations impossibles à vérifier en
prenant les Infusoires mêmes qui en avaient été l’objet.
Etqu’on y fasse bien attention, ces observations, cette
découverte de l'intestin, ont été faites, avant 1830,
avec des instruments évidemment moins bons que ceux
dont l’auteur s’est servi depuis, et qui lui ont fait dé-
couvrir l'armure de la bouche des Vassula et des Chi-
lodon , et reconnaître les organes génitaux de tous les
Infusoires , et le filament locomoteur des Monadiens et
des Euglènes, etc. Or, un fait aussi important que
celui qui servait de base à la physiologie et à la classi-
fication des Polygastriques, ne mérite-t-l pas, non
pas dix , mais cent confirmations ? ne devait-il pas être
constaté cent fois avec les moyens d'observation que
Yauteur nous dit être devenus entre ses mains de plus
en plus puissants ? ne devait-il pas surtout être ex-
primé clairement dans la plupart des figures, de ma-
nière à pouvoir être vérifié? Bien loin de là, ce fait,
DES INFUSOIRES. 59
amoindri et disparaissant presque dans la vaste éten-
due du grand traité des Infusoires, est limité aux
mêmes exemples cités précédemment; et devenus en
quelque sorte surannés par le fait même de l'auteur.
Et M. Ehrenberg , dédaignant de répondre aux objec-
tions qui lui ont été faites depuis plusieurs années,
traverse le continent pour aller à New-Castle entendre,
en présence de l'Association britannique, des objec-
tions non moins instantes.
J'ai essayé en 1835 ( Ann. sc. nat., déc.), de prou-
ver la non-existence de l'intestin des Infusoires; par
ce seul fait que, pour être aussi extensible et aussi
contractile qu'on le suppose, il devrait contenir dans
ses parois au moins quelques fibres qui persisteraient
et deviendraient visibles quand l’Infusoire se décom-
pose avec difiluence ? Or, disais-je, dans cette sorte de
dissolution , on ne peut saisir absolument aucune trace
d'intestin; et, de toute manière, ce phénomène de
difluence tend à prouver davantage la simplicité d'or-
ganisation des Infusoires. Ayant vu, en 1836, des
Nassula avaler de longs brinsd’Oscillaires qui se cour-
baient à l’intérieur, et les distendaient en manière de
sac, Je citai ce fait dans un mémoire suivant, comme
prouvant à la vérité la déglutition que j'avais eu le
tort de nier précédemment, mais aussi comme tout à
fait inconciliable avec l'hypothèse d’un intestin et d’un
vrai estomac. En eilet, d’autres vésicules contenant des
débris d'Oscillaires se voyaient en même temps entière-
ment indépendantes les unes des autres ; et la grande
vésicule, creusée par l’élasticité de l'Oscillaire, com-
muniquait avec la bouche par toute sa largeur, et non
par un tube ou un rameau de l'intestin central. L'ob-
jection que je faisais alors contre l'existence d’un in-
70 HISTOIRE NATURELLE
testin dont les fibres auraient dü persister , je la fais
encore aujourd'hui, d'autant plus que M. Ehrenberg
insiste davantage (1) sur la grande contractilité de cet
intestin , pour expliquer pourquoi on ne les voit jamais
dans un grand nombre d'espèces : « C'est parce que,
dit-il, ce canal, comme l’œsophage des gros animaux,
sert seulement pour livrer passage aux aliments, etnon
pour lés contenir ou les digérer , ce qui a lieu seule-
ment dans les vésicules stomacales ; il s’élargit à vo-
lonté pour le passage de la nourriture , comme la
"petite bouche et le gosier d’un serpent qui avale un
lapin, et se contracte aussitôt après, et devient complé-
tement invisible s’il n’est pas en action. » Mais, dira-
t-on, si on admet la contractilité indéfinie des vésicu-
les stomacales et leur action digérante, à plus forte
raison devra-t-on leur supposer une membrane assez
complexe et contenant autant, sinon plus de fibres
que l'intestin ; or, ces vésicules, dans la décomposition
par diffluence, ne montrent jamais de fibres : il faut
donc en conclure, ou bien que la contraction s'opère
sans fibres, ou bien que ces fibres sont réellement in-
visibles dans les vésicules comme dans l'intestin. Je
vais prouver tout à l'heure que l’on doit considérer les
vésicules comme des vacuoles creusées à volonté dans
la substance glutineuse de l’intérieur , et que , par con-
séquent, elles sont sans membrane propre et se con-
tractent par le rapprochement de la masse: je dirai
que les prétendues vésicules diaphanes observées hors
du corps des Infusoires ne sont que des globules de
sarcode, sortis par expression ou par déchirement , ou
DE D SE mn
(x) Die Infusionsthierchen.… 1838; p. 362.
DES INFUSOIRES. 71
par diffluence du corps de l’animalcule; comme le
prouve leur réfringence et leur faculté de se décompo-
ser en se creusant de vacuoles. Cependant il estun fait,
un seul fait rapporté par M. Ehrenberg dans son troi-
sième mémoire, en 1833, et que je n'ai pu compren-
dre en 1836 (Ann. sc. nat., avril 1836), non plus
qu'aujourd'hui. Il s’agit d’une vésicule stomacale qui
sortait d’une Bursaria vernalis, se décomposant par
diffluence, et qui contenait encore deux fragments
d'Oscillaire. C'est ainsi, du moins, qu'il l’a représen-
tée alors (IIT° mém., pl. IIT, fig. 4 x), et il a repro-
duit la même figure , par conséquent le mème fait,
dans son grand ouvrage, en 1838.
M. Ehrenberg (1) regarde la séparation et l’isole-
ment des vésicules stomacales comme ne devant sur-
prendre que ceux qui n’ont point observé des vers de
terre coupés en morceaux. Ces morceaux, dit-il, si
petits qu’ils soient, se contractent à chaque extrémité,
tellement qu’il en sort très-peu des sucs contenus , et
un pareil effet se produit par la contraction sur les
estomacs isolés des Infusoires. Un fait, sans doute,
est plus puissant que tous les arguments, et je regrette
seulement que celui d’une vésicule contenant des frag-
ments d'Oscillaires ne se soit pas présenté plusieurs
fois à l'observateur ; mais pour ce qui est des prétendus
estomacs sans aliments contenus, quand même ils pa-
raissent légèrement colorés, la similitude si fausse
des morceaux de ver de terre ne suffirait pas pour me
prouver que cesoient autre chose que des globules de la
substance glutineuse de l’Infusoire : en effet, j'ai vu
(1) Die Infusionsthierchen..….. 1838, p. 361.
72 HISTOIRE NATURELLE
souvent ces globules un peu colorés, soit qu ils eussent
une teinte propre, soit que cet effet fût le résultat
d’une illusion d’optique ou d’un phénomène de cou-
leurs accidentelles. |
C. £xpériences de coloration artificielle des
Infusoires.
Lors de mon premier mémoire sur les estomacs des
Infusoires en 1835 , j'avais observé la coloration quel-
que temps après qu’elle s’était produite et non point
dans l'instant même où ces animalcules avaient la
substance colorante. J'avais cru, mal à propos, pou-
voir conclure de ce qui, comme je le crois, est bien
certain pour les Monades et les Amibes, à ce qui doit
avoir lieu dans les Infusoires ciliés ; et j'eus le tort de
dire que la couleur a pénétré dans les vacuoles des
Paramécies et des Kolpodes à travers les mailles du
tégument. Je m'empressai, quelques mois après, de
revenir sur cette assertion ; cependant , il est bon, je
crois, de m'arrêter un instant, sur les deux motifs qui
m'avaient conduit à adopter d’abord cette opinion.
Les Infusoires non ciliés, mais munis d’un ou de plu-
sieurs filaments flagelliformes locomoteurs , sont dé-
pourvus de bouche et ne peuvent se nourrir que par
leur surface extérieure ; ainsi les Euglènes , les Cryp-
tomonadines, les Vibrions et les Volvociens ayant un
tégument perméable seulement aux substances dis-
soutes dans l’eau , ne peuvent jamais être colorés arli-
ficiellement par du carmin ou de lindigo, dont les
particules , relativement trop grosses, sont arrêtées
par ce tégument. Et ceci doit paraître plus plausible
que de dire, avec M, Ehrenberg , que ces animalcuales
€
DES INFUSOIRES,. 75
n'aiment peut-être pas la couleur (1); car, comme je
l'ai déjà dit dans mes précédents mémoires (1835), on
ne peut supposer à des Infusoires quelconques un ap-
pétit particulier (2) pour une substance telle que l'in-
digo , qui ne peut être digérée. Les Monades , au con-
traire, et les autres Infusoires non ciliés qui n'ont pas
de téguments , présentent près de leur surface des
vacuoles variables, plus ou moins profondes , qui, don-
nant accès au liquide extérieur , multiplient la surface
d'absorption et conséquemment aussi les moyens de nu-
trition. Des corps étrangers et des matières colorantes
peuvent donc être entraînés avec le liquide dans ces
vacuoles et rester engagés dans l’intérieur du corps,
sans cependant être entrés par une bouche. On pour-
rait être surpris de voir des vacuoles ou prétendus
estomacs plus chargés de couleur que le liquide envi-
ronnant , si l’on ne considérait d’une part que ces ani-
malcules se tiennent souvent contre les plaques de
verre où la couleur est en plus grande quantité, et,
d'autre part , qu’une vacuole , après s’être remplie par
(1) Ehrenberg's Abhandl. 1. 1830, p. 183. « V’ielleicht liebt es diese
Farben nicht. »
(2) Cette supposition d'un appétit particulier n'embarrasse pas le
professeur de Berlin, qui va plus loin encore, en admettant qu'une Para-
mécie , dans un liquide coloré à la fois par de l'indigo et du carmin,
choisit parmiles corpuscules Lenus en suspension , tantôt les uns, tantôt
les autres, pour en remplir exclusivement et à volonté tels ou tels de
ses estomacs. Ce fait, qu'il dit avoir observé quelquefois (zuweilen) lui
parait démontrer chez ces animalcules le sens du goût (Geschmacksinn)
(Die Infusionsthierchen, 1838, p. 351); mais pour quiconque voudra
considérer le mode d'intromission des aliments et des substances colo-
rantes dans les Infusoires , il paraîtra bien plus rationnel d'admettre que
cette différence de coloration provient seulement de ce que l'animalcule
s'est trouvé successivement dans divers endroits où, par suite d’une dif-
férence de densité ou d’un mélange imparfait , l'une ou l’autre des deux
couleurs était en excès,
74 HISTOIRE NATURELLE
une large ouverture , peut s’être vidée lentement de
manière à retenir les particules colorantes.
Ce mode d'explication, également applicable aux
Amibes, je l'avais cru d’abord convenable pour tous
les Infusoires ciliés , d’après une analogie trompeuse ,
et surlout parce que certaines vacuoles se forment
spontanément près de la surface, soit dans les In-
fusoires à l’état normal, soit dans les Infusoires
mourants, et se remplissent d’eau seulement, à tra-
vers les mailles du tésument lâche des Vorticelles,
des Kolpodes, des Paramécies, etc. Ces vacuoles,
susceptibles de se contracter entièrement pour ne plus
revenir les mêmes, paraissent ne point difiérer , par
leur structure, de celles que produit au fond de la
bouche le courant excité par les cils ; ce ne sont égale-
ment que des cavités non limitées par une membrane
propre, mais creusées à volonté dans la substance
charnue et contractile de l’intérieur. Souvent même
les vacuoles formées au fond de la bouche paraissent
remplir exactement les mêmes fonctions que celles
de la surface, c'est-à-dire qu’elles ne contiennent
que de l’eau ; de même aussi, dans ce cas, elles sont
susceptibles de disparaître entièrement, en se con-
tractant.
Ces vacuoles de la surface sont ordinairement ron-
des, très-volumineuses et peu nombreuses; ce sont elles
surtout qui peuvent présenter l’apparence de trous;
mais en outre elles présentent, dans certaines espèces,
un degré de complication bien remarquable; ce sont
elles queSpallanzani avait soupçonnées être des organes
de respiration chez les Paramécies où elles ont la forme
d’une étoile dont le centre et les branches se contrac-
tent alternativement; ce sont elles aussi que M. Ehren-
DES INFUSOIRES. 7
bers a prises pour des vésicules séminales ; maïs il suffit
de faire remarquer pour le moment qu'elles se multi-
plient singulièrement chez les Infusoires mourants et
chez ceux qui sont un peu comprimés entre des lames
de verre , comme si elles avaient en effet pour objet de
multiplier les points de contact de la substance inté-
rieure avec le liquide. Ce qui d’ailleurs prouve bien
leur nature, c'est que très-souvent ces vésicules se sou-
dent et se confondent comme deux bulles de gaz , ou
mieux encore comme deux gouttes d'huile à la surface
d’un liquide. J’ai représenté dans mes planches plu-
sieurs exemples de ces réunions de vacuoles.
Dans mon mémoire de 1836 ( Ann. sc. nat., avril
1836), je revins sur la coloration artificielle des Kol-
podes, dans lesquels j'avais vu le carmin occuper
d’abord une bande irrégulière oblique à partir de
la bouche, puis se circonscrire en globules sur plu-
sieurs points etse trouver successivement transporte
aux extrémités du corps. Je n'avais pu apercevoir
la moindre trace d’intestin ou de tubes quelconques
de communication; et, pour expliquer ces phénomè-
nes, j'admettais une succession irrégulière de vacuo-
les, dans lesquelles le liquide extérieur avait pénétré
avec les matières colorantes.
Ce qui me manquait alors, c'était d’avoir vu com-
ment les vacuoles se produisent successivement au
fond de la bouche, et comment ensuite elles parcourent
un certain trajet dans l’intérieur du corps. Depuis cette
époque, des observations nombreuses m'ont mis dans
le cas de rendre compte entièrement du phénomène.
Voici donc ce qui a lieu : quand une Paramécie , un
Kolpode, un Glaucoma , une Vorticelle ou quelque
autre Infusoire cilié commence à produire le mouve-
76 HISTOIRE NATURELLE
ment vibratile destiné à amener la nourriture à la
bouche (mouvement différent de celui qui détermine
le changement de lieu), le courant produit dans le
liquide vient heurter incessamment le fond de la bou-
che, qui est occupé seulement par la substance gluti-
neuse vivante de l’intérieur ; ille creuse en forme de
sac ou de tube fermé par en bas et de plus en plus
profond, dans lequel on distingue par le tourbillon des
molécules colorantes , le remous que le liquide forme
au fond. Les particules s'accumulent ainsi visible-
ment au fond de ce tube, sans qu'on puisse voir en cela
autre chose que le résultat physique de l’action même
du remous. En même temps que le tube se creuse de
plus en plus, ses parois, formées non par une membrane,
mais par la substance glutineuse seule, tendent sans
cesse à se rapprocher en raison de la viscosité de cette
substance, et de la pression des parties voisines. Enfin
elles finissent par se rapprocher tout à faitet se soudent
vers le milieu de la longueur du tube en interceptant
toute la cavité du fond, sous la forme d’une vésicule
remplie d’eau et de particules colorantes. C’est une
véritable vacuole, une cavité creusée dans ure sub-
stance homogène ; mais puisqu'elle renferme les ali-
ments entrés par la bouche, et que ses parois , formées
d’une substance vivante, ont la faculté de digérer le
contenu , on peut, si l’on veut, la nommer estomac.
Ce ne sont point, d’ailleurs, les matières colorantes
seules que l'on voit se loger ainsi dans une vacuole
au fond de la cavité buccale ; divers corps étrangers,
animaux ou vésétaux , où même d’autres petits Infu-
_soires vivants amenés avec le liquide parle tourbillon,
peuvent écalement se trouver emprisonnés ainsi; et
je crois même avoir observé que la séparation de la
DÉS INFUSOIRES, 77
vésicule du fond a lieu plus promptement quand l'In-
fusoire ressent le contact d'une proie plus volumi-
neuse. Cependant on voit bien souvent aussi se former
des vésicules ne contenant que de l'eau, et d’un autre
côté, divers observateurs disent avoir vu des Infu-
soires avalés , par de plus gros, être rendus à la vie et
à la liberté; ce dernier fait, je n'ai pas eu l’occasion
de le vérifier, mais j'ai vu des Infusoires demeurer
Jongtemps vivants dans le corps de ceux qui les avaient
avalés,
Aussitôt après que le rapprochement des parois a
intercepté une vésicule à l'extrémité du tube partant
de la bouche; le tube restant, devenu beaucoup plus
court, recommence à se creuser par l’afilux continuel
du liquide , etla vésicule se trouve repoussée successi-
vement par la substance qui la sépare du fond du sac ;
de sorte qu'une nouvelle vésicule venant à se former,
doit se trouver presque à égale distance du tube res-
tant et de l’ancienne vésicule. Celle-ci étant donc tou-
jours repoussée par Îles vésicules formées successi-
vement après elle, doit suivre à travers la substance
molle et glutineuse de l’intérieur une direction dé-
pendant à la fois de impulsion primitive, de la forme
du corps et de la présence de quelques autres corps
ou organes à l’intérieur. C'est ainsi que, dans les In-
fusoires allongés , tels que les 7 rachelius et Amphi-
leptus, les vésicules se mouvront en ligne droite, et
arrivées à l'extrémité dans une partie plus étroite,
elles se réuniront, se fondront plusieurs ensemble, et
finiront par évacuer au dehors tout ou partie de leur
contenu, par une ouverture qui se forme à l'instant
même et disparaît ensuite complétement. Dans les
infusoires dont le corps est globuleux, tels que les
78 HISTOIRE NATURELLE
Vorticelles, les vésicules devront décrire un cercle et
revenir se vider près du point de départ; dans les
Infusoires ovales-oblongs, comme les Paramécies, après
être arrivées à l'extrémité postérieure, en partant
de la bouche située au milieu et en suivant un des
côtés , elles reviendront jusqu’à l’autre extrémité, en
suivant le côté opposé, puis reviendront encore et
pourront décrire un circuit très-complexe; dans les
Kolpodes enfin, qui présentent en avant une saillie
volumineuse prolongée comme un capuchon au-dessus
de la bouche, les vésicules pourront venir s’accumuler
en nombre considérable dans cette saillie. J'ai repré-
senté dans mes dessins ces dispositions des vésicules
remplies de carmin dans plusieurs types d’Infusoires,
et j'insiste particulièrement sur l'analogie parfaite que
présentent, sous ce rapport, les Vorticelles PrApEÉMENT
dites, parce que leur organisation a été envisagée de
diverses manières par “3 bons observateurs ; et parce
que M. Ehrenberg indiquant plus particulièrement les
Vorticelliens comme les Infusoires polygastriques qui
montrent mieux l'intestin, on aurait pu être tenté de
leur accorder cet organe, tout en le refusant aux au-
tres Infusoires ciliés.
Il faut remarquer que le trajet parcouru par les vé-
sicules à l’intérieur correspond assez bien à l'intestin
qu'on y a supposé, et, véritablement, si M. Ehren-
berg veut se borner aujourd’hui à dire que le passage
successif de la nourriture lui a donné l’idée d’un intes-
ün, et ne plus dire qu'il a vu cet intestin, il aura seu-
lement donné une fausse interprétation d’un fait incon-
testable et bien réel. Quant à ce que dit cet auteur du
passage des aliments d’une vésicule dans une autre , en
même temps qu'il nie la réalité du déplacement de ces
DES INFUSOIRES. 79
vésicules , il est encore là dans l'erreur, car les vési-
cules se déplacent réellement en suivant le trajet indi-
qué ci-dessus , et si parfois elles communiquent entre
elles, c’est seulement par la fusion complète de deux
ou plusieurs vésicules en une seule, et non par le pas-
sage successif du contenu de l’une dans l’autre, ces
vésicules demeurant distinctes. Cette fusion de plu-
sieurs vésicules, qui s’observe bien dans lÆmphileptus
anser, prouve suffisamment , d’ailleurs, que les vési-
cules n’ont pas de membrane propre.
Les vésicules stomacales ou vacuoles, à l'instant où
ellesse forment, sont sphériques et sonflées de liquide;
elles conservent ce caractère pendant un certain temps
et quelquefois durant tout leur trajet, mais sou-
vent aussi elles se contractent peu à peu en cédant
le liquide contenu à la substance environnante, ou
en le chassant à travers les parois du corps; ainsi,
après avoir présenté les particules colorantes ou les
corps étrangers au milieu d’une quantité de liquide
de moins en moins considérable , elles finissent par
disparaître comme vésicules , laissant les matières co-
lorantes simplement interposées en petits amas irré-
guliers dans la substance charnue glutineuse. C’est ce
qu'on voit surtout à la partie antérieure des Kolpodes,
dix ou douze heures après qu’on leur a fait avaler du
carmin. |
Tel est le mécanisme du transport de la matière
colorante , et sans doute aussi du transport des ali-
ments dans l’intérieur du corps des Infusoires. Si on
voulait considérer comme de vrais estomacs ces vési-
cules sans membrane interne, sans communication di-
recte avec l'extérieur, et susceptibles de se contracter
jusqu'à disparaître ; alors , sans doute , on serait fondé
80 HISTOIRE NATURELLE
à nommer polygastriques les Infusoires qui les possè-
dent ; mais encore faudrait-il reconnaître que cette
dénomination ne pourrait s'appliquer à tous les Infu-
soires , à ceux, par exemple, qui sont dépourvus de
bouche; et à ceux, en général, chez lesquels on
n'observe aucune intromission de matière colorante.
Tel était l'état de Ia question, quand M. Meyen à
inséré dans les Archives allemandes d'anatomie ( Mul-
ler’s AÆrchiv.), en 1839, une notice (1) qu'il m'a fait
l'honneur de m'adresser, et dans laquelle sont exposées
avec clarté des observations presque entièrement sem-
blables aux miennes, et devant conduire aux mêmes
conclusions , relativement aux prétendus organes di-
gestifs des Infusoires.
Ces observations sont très-importantes par elles-
mêmes, et comme confirmation des miennes, et sur-
tout parce qu'elles montrent que les hypothèses de
M. Ehrenberg perdent, même en Allemagne, leur
crédit passager. Je crois donc devoir traduire ici les
passages suivants de la notice de M. Mevyen :
« Que sont, dit-il, les grosses vésicules et les 2lobules
qui se présentent dans l'intérieur des Infusoires, et
qui ont été pris pour leurs estomacs ? » À cette ques-.
tion il répond ainsi :
« Les vrais Infusoires sont des animaux vésiculeux
dont la cavité est remplie d'une substance glutineuse,
(1) Cette notice est traduite dans les Annales des Sciences naturelles,
1839.
DES INFUSOIRES, Si
presque en consistance de gelée. L'épaisseur de la
membrane qui forme cette vessie est facile à constater
dans quelques-uns de ces animaux; et, pour différents
genres, j'ai pu observer dans cette membrane une
structure en spirale très-reconnaissable , de sorte que
sous ce rapport la structure de ces Infusoires me paraît,
en général, analogue à celle des cellules des végétaux.
» Chez les plus gros Infusoires un canal cylindrique
ou æsophage partant de la bouche se dirige oblique-
ment à travers la membrane qui constitue l’animal-
cule. L’extrémité inférieure de ce canal se dilate plus
ou moins par suite de l'introduction de la nourriture,
mais ordinairement jusqu’à la dimension des vési-
cules ou globules qu’on voit dans l’intérieur de ces mé-
mes Infusoires. La paroi interne de cette partie de
l'œsophage est garnie de cils dont l'agitation fait tour-
ner circulairement avec une extrême rapidité la nour-
riture et les corpuscules étrangers avalés en même
temps, jusqu'à ce que ces objets soient agglomérés en
une boule régulière. Pendant la formation de cette
boule , l’estomac, car on ne peut nommer autrement
cet organe, est en communication ouverte avec l’œso-
phage, et l'appareil des cils vibratiles extérieurs y
pousse sans cesse de nouvelles substances ; mais quand
enfin la boule formée des substances avalées a atteint
les dimensions de l'estomac, elle est expulsée par l’au-
tre extrémité de cet estomac et poussée dans la cavité
interne de l'animal ; immédiatement après, une nou-
velle boule commence à se former dans l’intérieur de
l'estomac, si des particules solides se trouvent dans le
liquide environnant; cette seconde boule est à son
tour poussée dans la cavité interne de l’animal, et
pousse devant soi la première boule avec la substance
INFUSOIRES, 6
82 HISTOIRE NATURELLE
glutineuse interposée, et ainsi de suite tant que de
nouvelle nourriture est avalée. Ce sont ces boules d’où
M. Ehrenberg a conclu la multiplicité des estomacs de
ces animaux. S'il n’y a pas beaucoup de particules so-
lides dans le liquide environnant , alors ces boules ou
globules sont moins compactes et paraissent comme
celles qu'on remarque ordinairement dans les infu-
sions non colorées, où de tels globules montrent seu-
lement quelques petites particules solides, et con-
sistent , pour la plus grande partie , en une masse de
mucus agelutinant ces particules. Quelquefois deux de
ces globules à l’intérieur d’un Infusoire sont tellement
comprimés l’un contre l’autre, par suite des contrac-
tions de l'animal , qu'ils demeurent réunis.
«.…. Le nombre de ces globules est quelquefois si
considérable que tout l’intérieur des Infusoires en est
rempli, et ces globules sont si rapprochés qu'ils forment
ensemble comme une grosse boule, qui souvent, comme
chez les Vorticelles en particulier, tourne lentement
autour de son centre. Mais cette rotation provient,
comme je m'en suis assuré , complétement de limpul-
sion reçue par les nouveaux globules chassés de l’esto-
mac, et communiquée par eux à la périphérie de la
masse déjà formée. »
Plus loin, examinant aussi la question de ces va-
cuoles ou cavités vésiculeuses qui se forment souvent
en si grande quantité et de diverses grosseurs dans
l'intérieur des Infusoires, et qu’il déclare bien n'être
pas des estomacs, «on peut, dit-il, observer la for-
mation de ces vésicules, comme aussi leur soudaine et
complète disparition dans la substance glutineuse de
l'intérieur des Infusoires , aussi bien que la formation
des globules, puisque même quelquefois on voit se
DES INFUSOIRES. 83
former une telle cavité entourant un globule et dispa-
raissant au bout de quelque temps. Le microscope
montre que ces cavités n'ont aucune paroi membra-
neuse qui leur soit propre, mais qu’elles consistent en
de simples excavations (Æushôhlungen , vacuoles) de
la substance glutineuse; elles se produisent aussi le
plus souvent près de la paroi interne de la membrane
qui forme le tégument de l'animal , et quelquefois une
d’entre elles s'agrandit d’une manière si considérable
qu’elle occupe un tiers ou la moitié du volume total
de l'animal. Que ces cavités (vacuoles) contiennent un
liquide aqueux peu dense, et non de l'air, c'est ce que
démontre leur faible réfringence sur les bords. Chez
les plus gros Infusoires on peut aussi voir très-claire-
ment qu’elles ne s'ouvrent pas à l'extérieur. De sem-
blables cavités se forment également dans la substance
muqueuse ou gélatineuse (Schleime ) des cellules des
végétaux. » |
CHAPITRE VIT.
DE LA GÉNÉRATION DES INFUSOIRES PAR DIVISION SPONTANÉE.
Des différents modes de propagation qu'on peut
admettre chez les Infusoires, un seul est bien constaté,
c’est la fissiparité ou multiplication par division spon-
tanée; et encore il n’a pas été observé dans tous les
types de cette classe d'animaux. Les deux autres sont
encore plus ou moins hypothétiques : c'est l’oviparité
et la génération spontanée. On a bien signalé un fait
de viviparité (1), mais ce fait est unique et tellement
(1) Le Monas vivipara de M. Ehrenberg , dans son mémoire de 1836
6,
Su HISTOIRE NATURELLE
en désaccord avec ce qu’on connaît des autres Infu-
soires qu'on doit hésiter beaucoup à l’admettre.
Le phénomène de la division spontanée des Infu-
soires avait été vu d’abord par Beccaria et pris pour un
accouplement ; ce fut Saussure , en 1765, qui recon-
nut la vraie signification de ce fait. Dans les années
suivantes , il se trouva bien encore quelques observa-
teurs qui ne virent là qu'un accouplement; mais,
depuis plus de soixante ans, ce mode de propagation,
si extraordinaire qu'il püt paraître, a été générale-
ment admis dans la science. Rien , en effet, n’est plus
éloigné du mode de reproduction des animaux supé-
rieurs et ne contrarie davantage les lois de l’analogie,
si, pour en juger, on part de l’autre extrémité de la
série du règne animal.
Les gemmes, les bourgeons qu on voit se déta-
cher du corps des zoophytes, peuvent encore être
comparés jusqu'à un cerlain point avec les germes
détachés de l'ovaire des animaux plus parfaits : le
corps de l’animal mère, par le fait de cette produc-
tion, même chez les polypes, ne perd aucun de ses
organes, aucune partie essentielle de l'individu. Dans
les Infusoires, au contraire, la division spontanée fait
deux individus complets, des deux moitiés d’un seul
individu, et ces deux moitiés, nous les voyons, sui-
vant les espèces, se séparer tantôt en long, tantôt en
travers, ou bien indifféremment de l’une de ces maniè-
res, dans une même espèce. Certaines petites espèces
de Naïs ont montré un phénomène analogue, quoique
avec plus d’uniformité. Mais, pour ne nous occuper
(Zusätze zur Erkenntniss, ete., p. 22), et dans son Traité des Infu-
soires, 1839, P. 10.
DES INFUSOIRES. 85
ici que des Infusoires , nous devons dire que leur mul-
tiplication par division spontanée prouve ou bien que
le corps susceptible de se partager ainsi en deux moi-
tiés ne contenait pas d'organes essentiels, ou bien
que s’il en contenait quelqu'un dans une de ses moitiés,
cet organe a dû se produire spontanément dans l’autre
moitié; car on ne peut croire que les organes de la
partie antérieure, par exemple, se soient dédoublés
pour envoyer une de leurs moitiés à la partie posté-
rieure, à travers tous les organes intermédiaires,
tandis que les organes dédoublés de la dernière partie
auraient fait à la première un envoi correspondant.
Or, l’une et l’autre supposition, inconciliables avec
l’idée de développement d’un germe, viennent égale-
ment à l’appui des idées qu'on peut se former de la
simplicité d'organisation des Infusoires, dont toutes
les parties réunissent en elles les conditions nécessaires
pour continuer à vivre et à s’accroître après la sépara-
tion. Et, en effet, ce ne sont pas seulement les deux
moitiés prises en long ou en travers qui peuvent con-
tinuer à vivre séparément, mais encore tous les
fragments dans lesquels un Infusoire est divisé acci-
dentellement, comme le montrent, avec une très-
grande probabilité , les exemples rapportés plus haut:
(p. 31 ).
Voyons toutefois, pour nous en tenir simplement
aux faits, ce qui a lieu dans la division spontanée. Un
Infusoire oblong, tel qu'une Paramécie , un Trichode,
une Kérone , etc., présente d'abord au milieu un étran-
glement qui devient de plus en plus prononcé, puis la
partie postérieure commence à montrer des cils vibra-
tiles à l’endroit où sera la nouvelle bouche; puis cette
bouche devient de plus en plus distincte, et la sépa-
86 HISTOIRE NATURELLE
ration s'achève en laissant voir la substance glutineuse
intérieure, étirée jusqu’à ce qu’elle rompe. Les deux
moitiés, primitivement courtes, arrondies ou comme
tronquées, s’allongent peu à peu en s’accroissant et
finissent par ressembler à l’animalcule primitif. Le
phénomène, dans le cas de division longitudinale , se
produit d’une manière analogue, sinon que les deux
parties antérieures se séparent en dernier lieu. M. Eh-
renberg, pour le besoin de ses théories , ayant sup-
posé que les vésicules contractiles de la surface sont
des organes génitaux mâles, ainsi que certains corps
plus consistants, ovoïdes ou de toute forme, situés à
l'intérieur , a trouvé là un exemple de la division préa-
lable des organes dans le cas de division spontanée.
C’est que, en effet, les vacuoles qu’il nomme des vési-
cules contractiles, et les prétendus testicules , sont sus-
ceptibles de se multiplier à tel point, qu'on en voit
toujours dans les diverses parties du corps de tout
prêts pour les divisions futures.
On conçoit que, par ce mode de propagation , un
Infusoire est la moitié d’un Infusoire précédent, le
quart du père de celui-ci, le huitième de son aïeul et
ainsi de suite, si l’on peut nommer père ou mère d’un
animal celui qui revit dans ses deux moitiés ; aïeul ce-
lui qui, par une nouvelle division, continue à vivré
dans ses quatre quarts , etc. ; de sorte qu’un Infusoire
est une fraction encore vivante d’un Infusoire qui vi-
vait bien longtemps auparavant et dont il continue la
vie en quelque sorte. Il résulte de là qu'un corps étran-
ger , logé dans la partie antérieure, par exemple, d’un
Infusoire , pourrait être transmis indéfiniment à toutes
les moitiés antérieures résultant des divisions sponta-
nées successives, s’il n’était éliminé par excrétion; il
DES INFUSOIRES,. 87
en résulte qu’une difflormité, un accident quelconque
pourrait se transmettre de même, et qu'en un mot,
la partie antérieure d’un Infusoire, dernier terme d’une
série de divisions spontanées , est encore la même par-
tie encore vivante de l’Infusoire primitif.
Une telle considération conduit à demander si ce
mode de propagation est vraiment illimité , ou si , la
vitalité provenant d’un premier germe ou d’une géné-
ration spontanée, se continue dans un Infusoire et dans
ses subdivisions binaires jusqu’à un certain terme seu-
lement , passé lequel tout s'éteint ; de même que nous
voyons les pucerons, être fécondés en une seule fois pour
plusieurs générations successives, mais non pour un
nombre de générations indéfini ? Une solution précise
de cette question aurait une grande importance, par
rapport à la question de la préexistence des germes ou
de la génération spontanée ; peut-être est-elle impossible
à obtenir; cependant, on a vu déjà ce mode de propa-
gation continué sans diminution apparente jusqu’à la
huitième division au moins.
La division spontanée ne se présente pas aussi clai-
rement chez tous les types d'Infusoires. Les Vorticelles
ont, en même temps que ce mode de propagation , la
faculté de produire des gemmes ou bourgeons, ce qui
les rapproche véritablement des polypes. Les Vibrions
se divisent non en deux mais en un nombre indéfini de
parties qui restent contiguës à la suite les unes des
autres , au moins pendant un certain temps. Beaucoup
de Monadiens n'ont pas encore paru se diviser sponta-
nément ; d’autres, très-probablement , doivent le faire
comme les Amibes, par l'abandon d’une partie de leur
substance, qui continue à vivre isolée. C’est également
ainsi que se multiplient les Arcelles, et ce dernier
88 HISTOIRE NATURELLE
exemple, constaté par M. Pellier, permet de penser que
certains Thécamadiens à têt siliceux tels que les Zra-
. Chelomonas pourraient se multiplier de même; on peut
croire au contraire que les Euglena et les Peridinium
sont tout à fait dépourvus de ce moyen de reproduc-
tion.
CHAPITRE VIII.
DES OEUFS, DES OVAIRES ET DES ORGANES GÉNITAUX MALES
CHEZ LES INFUSOIRES, ET DE LA GÉNÉRATION SPONTANÉE.
La science ne tire pas toujours un profit direct des
efforts tentés prématurément pour arriver à la solution
de certaines questions. C’est ainsi que toutes les dis-
cussions pour ou contre la génération spontanée des
Infusoires ont laissé la question stationnaire, si même
elles ne l'ont fait rétrograder. Cependant les faits s’ajou-
tent les uns aux autres; et, s'ils sont exacts, quand
même, faute d’avoir été coordonnés par une logique
rigoureuse, ils n'auraient fourni qu’un édifice infor-
me; ce sont des matériaux qui, mieux connus, loin
de perdre leur valeur , en acquièrent une nouvelle et
qu'un architecte plus habile peut un jour mettre en
œuvre avec sUCCés.
Spallanzani, lié d'amitié et de pensée avec Bonnet,
adopta et étendit les idées du naturaliste genevois sur
la préexistence et Femboîtement des germes, et il ré-
duisit au néant les arguments de Needham sur la force
végétative et sur la génération spontanée. Cependant
les faits qui lui fournirent ses principaux arguments,
tels que l’étude du poulet dans l’œuf, le Volvox , etc.,
avaient été mal interprétés, et son argumentation porte
DES INFUSOIRES. 89
à faux sur bien des points aujourd’hui. D’après ses ex-
périences sur des infusions soumises à l’ébullition (1)
et tenues dans des vases hermétiquement fermés, il se
crut fondé à admettre que les Infusoires les plus sim-
ples proviennent de corpuscules préorganisés ou ger-
mes susceptibles de résister à une ébullition de trois
quarts d'heure, tandis que les germes des Infusoires
plus complexes, tels que les Paramécies et les Kolpo-
des, sont détruits beaucoup plus promptement ; les
uns et les autres étant également susceptibles d’être
transportés par l'air dans les infusions non scellées,
qu’elles aient oun'’aient pas été préalablement bouillies.
À la vérité il parle aussi d'Infusoires qui auraient pon-
du des œufs (2), et qu'on pourrait croire, d'après sa
description , être des Kolpoda cucullus ; maïs il est ex-
trêmement probable que ce fait a rapport à quelque
Systolide. L’observateur italien, dans un autre endroit,
revenant encore sur l'apparition des Infusoires qui se
montrent indifféremment dans diverses sortes d’infu-
sions, se détermine à penser qu’ils proviennent d’abord
de quelques germes ou principes préorganisés apportés
par l'atmosphère; mais, en même temps, il déclare
formellement (3) n’avoir aucune certitude sur la nature
de ces principes préorganisés, pour savoir si ce sont
des œufs, des germes ou d'autres semblables corpus-
cules.
(1) Spallanzani. Opusc. phys., trad. franc. , p. 48 et suiv.
(2) Même ouvrage, p. 217.
(3) Même ouvrage, pag. 230.— « Les Infusoires tirent sans doute leur
première origine de principes préorganisés ; mais ces principes sont-ils
des œufs, des germes ou d’autres semblables corpuscules? S'il faut
offrir des faits pour répondre à cette question, j'avoue ingénument
que nous n'avons sur ce sujet aucune certitude. »
90 HISTOIRE NATURELLE
Gleichen, comme Ellis, avait bien vu la division
spontanée des Infusoires, et la regardait également
comme un cas rare ou accidentel; il croyait que les
Infusoires les plus simples se forment spontanément par
l’organisation d’une matière première (1) répandue
dans toutes les eaux même les plus pures, mais qui
ne se développe que dans les liquides, tels que les
infusions, contenant des substances nutritives. Ces In-
fusoires simples , il croyait les avoir vus se réunir en
amas, jouissant d’une vie commune et susceptibles de
s’entourer d’une enveloppe générale pour devenir des
animaux d'un ordre un peu plus élevé, tels que ce
qu’il nomme des Pendeloques ( Xolpoda cucullus). Ces
derniers, qu'il avait colorés artificiellement en leur
faisant avaler du carmin, étaient, suivant lui, désor-
mais capables de se reproduire par des œufs, et c'é-
taient précisément les globules intérieurs, colorés par
le carmin, qu'il prenait pour des œufs et qu'il avait
espéré vainement voir éclore; mais on doit croire que
ce qu'il avait pris pour la ponte des animalcules était
simplement un effet de décomposition par diffluence,
(1) Gleichen. Dissertation sur la génération , les animalcules , ete.
trad. franc. ; p. 108 et suiv. ( $ 83 — $ 90 ). Suivant cet auteur, que
je ne me flatte pas de pouvoir comprendre ( $ 83), c'est le mouvement
qui est l'agent ou le principe, et ce sont les particules organiques
contenues dans l'eau ou parties intimes et constitutives de l'eau (S 88)
qui sont les éléments de l'organisation. Celles-ci proviennent elles-
mèmes de la décomposition d’autres êtres organisés. Le mouve-
ment qu'il nomme intérieur résulte de la séparation des esprits et
de la matière , dans la fermentation des fluides, et met les particules
organiques dans un mouvement de coction que Gleichen nomme mou-
vement radical. Les particules , ainsi mises en mouvement, se réunissent
de nouveau en vertu de l'attraction ou de quelque autre moyen de
jonction , pour s'élever à la vie animale par l’action de la substance
spiritueuse qui s’en est dégagée ($ 90) !!.….
DES INFUSOIRES, 941
puisqu'il observait ses gouttes d’infusion sans les re-
couvrir d’une lame mince de verre, comme on le fait
ordinairement aujourd'hui.
L'opinion de Müller, qui dans ses longues recherches
se montra généralement exempt d'esprit de système,
aurait sans doute plus de poids dans cette question
que celle de Gleichen; malheureusement, parmi les
contradictions que son éditeur Fabricius a dù laisser
subsister dans son ouvrage inachevé, nous ne pouvons
reconnaître au juste les idées qu'il aurait définitive-
ment adoptées. Ainsi , tout en admettant bien positi-
vement la multiplication des Infusoires par division
spontanée, il parle encore, au sujet de plusieurs In-
fusoires, de leur accouplement; cependant sa pré-
face, qu'on pourrait croire écrite en dernier lieu,
contient cette déclaration, qu’il n’a pu voir d’accou-
plement réel. D’un autre côté ,tout en paraissant, par
occasion , admettre, comme Leeuwenhoek , une organi-
sation complexe dans les plus petits vibrions ; ilrapporte
des faits qui tendent à prouver la génération spontanée
de ces vibrions ; et, dans sa préface même, il expose
toute une théorie de la génération spontanée. «Les ani-
maux et les végétaux, dit-il, se décomposent en parti-
cules organiques , douées d’un certain degré de vitalité
et constituant des animalcules très-simples; lesquéls
sont susceptibles de se développer comme des germes
par l’adjonction d’autres particules, ou de concourir
eux-mêmes au développement de quelque autre animal,
pour redevenir libres après la mort et recommencer
éternellement un pareil cycle de transmutations ». Ces
particules constitutives qu’il dit passer alternative-
ment de l’état de matière brute à l’état de matière or-
ganique , il croyait bien les avoir vues dans la décom-
92 HISTOIRE NATURELLE
position des animaux et des végetaux; mais proba-
blement il n’avait vu que le mouvement brownien des
particules désagrégées.
_ Cettehypothèse, Müller la proposait seulement pour
les Infusoires les plus simples, et tout au plus pour
expliquer la première apparition des autres (les Bul-
laria) dans une infusion ; et cela ne l’'empéchait pas
d'admettre pour ceux-ci des œufs bien distincts ; mais,
comme nous l'avons vu plus haut, ce qu'il a pris pour
des œufs ou des ovaires, ce sont les vacuoles ou vési-
cules stomacales de l’intérieur , ou bien les exsudations
de sarcode qu’on voit quelquefois en globules à l'exté-
rieur.
Après ces trois naturalistes, ceux qui , comme Tre-
viranus et Oken, ont traité la question de la repro-
duction des Infusoires , ont plus argumenté qu’ils n’ont
observé eux - mêmes. Lamarck, par exemple, avait
cherché à démontrer par le raisonnement , non-seu-
lement que les animaux les plus simples peuvent se
produire spontanément, mais encore que des êtres
une fois produits de cette manière peuvent acquérir
un nouveau degré d'organisation qu’ils transmettent à
des parties d'eux-mêmes, lesquelles, en se dévelop-
pant à leur tour comme des germes, sont susceptibles,
d'acquérir progressivement d’autres organes encore.
Cuvier, dans l'éloge historique de cet illustre natu-
raliste, fit ressortir habilement toutes les inconsé-
quences d’un tel système appuyé seulement sur l’ob-
servation des formes extérieures et développé par
l'imagination.
M. Bory de St.-Vincent avait assurément observé
plus que Lamarck ; cependant , dans sa théorie de l’or-
ganisation de la matière , il n’a pas su se tenir assez en
DES INFUSOIRES. 93
garde contre son imagination, et, par conséquent,
on ne peut accorder une autorité suffisante à ce qu’il
dit d’après sa théorie sur la production spontanée des
Infusoires.
Au nombre des partisans de la génération sponta-
née des Infusoires, on doit aussi compter dans ces
derniers temps M. Fray, qui, dans son essai sur l’ori-
gine des corps organisés (1817), poussa beaucoup
trop loin les conséquences qu'il eùt pu tirer de ses
expériences , et M. Dumas qui, dans le Dictionnaire
classique d'histoire naturelle, parut croire comme
Gleichen que des Infusoires peuvent se former par la
réunion des globules élémentaires, provenant de la
décomposition de la chair musculaire mise en infusion.
Il admettait bien , toutefois, qu'on ne faisait revivre
ainsi que des substances qui ont déjà vécu, mais il
prenait alors pour un signe de vie le mouvement brow-
nien des molécules.
M. de Blainville, d’un autre côté, en indiquant des
réformes essentielles dans la classe des Infusoires , se
prononça , mais avec réserve, contre les idées de gé-
nération spontanée.
M. Ehrenberg plus hardi, etse fondant sur les
analogies les plus contestables, entreprit de prouver
que les Infusoires ne peuvent provenir que d'œufs vé-
ritables ; et, pour justifier l’ancien principe omne vi-
vum ex 0vo , il voulut démontrer chez ces animalcules
l'existence de tousles systèmes d'organes qu’on retrouve
chez les animaux les plus complexes.
Reconnaissant avec raison que chez eux il n’y a pas
accouplement ou concours de deux individus pour la
fécondation , il crut avoir le droit d’en conclure qu'ils
doivent être hermaphrodites. Puis, après s'être con-
94% HISTOIRE NATURELLE
tenté d’abord de donner le nom d'œufs aux particules
dans lesquelles un Infusoire se décompose par dif-
fluence, il voulut trouver aussi des organes génitaux
mâles. Il nomma donc ainsi, d’une part, des nodules
ou certains corps plus consistants qui, se décomposant
moins facilement quand l’animalcule vient à diffluer,
lui paraissent devoir être les organes sécréteurs ou les
testicules ; et d'autre part, des vacuoles contractiles et
toujours remplies d'eau près de la surface , les mêmes
que Spallanzani avait soupconnées être des organes
respiratoires, et qui sont pour lui des vésicules sé-
minales.
Son principal argument pour démontrer la signifi-
cation de ces derniers organes , c'est l’analogie des Ro-
tateurs ou Systolides ; analogie que je crois absolu-
ment imparfaite; et qui est contredite même par le
fait de l'existence des œufs qui, chez ces derniers , sont
très - volumineux proportionnellement, comme en
général chez tous les animaux inférieurs où leur
existence est démontrée, tels que les Helminthes, les
Polypes, etc. ; tandis que les granules, pris pour
des œufs par M. Ehrenberg dans les vrais Infusoires ,
ces granules qui restent après la diffluence, sont, chez
quelques espèces, parmi les plus grandes, gros de
1/1000 à 1/2000 de ligne, ce qui ne fait que 1/100
à 1/200 , et même 1/400 de la longueur de l’animal (1).
D'un autre côté, la signification donnée à la vessie
contractile des Systolides est très - contestable elle-
même, comme celle de tous les organes qu'on a cru
deviner à priori.
(1) Chez le Monas guttula, M. E. fixe cette grosseur à 1/30 du dia-
mètre de l'animalcule, ce qui fait 1/576o de ligne.
DES INFUSOIRES. 95
M. Ehrenberg, qui déclare (1) n'avoir pu voir de
communication vasculaire entre les prétendus organes
génitaux des Infusoires , toujours à cause de leur dé-
licatesse, et qui cependant, d'après des analogies
quelconques ,: veut faire croire au passage d’une li-
queur spermatique des testicules dans la vessie con-
tractile, et de là, par des canaux invisibles, sur les œufs
disséminés dans toutes les parties du corps : lui qui n’a
point vu d’animalcules spermatiques dans ces prétendus
organes sénitaux mâles, tandis que les Distomes dont il
invoque l’analogie en ont montré à M. Siebold (2) : lui
enfin qui n’a point vu éclore les prétendus œufs (3),
et qui tout en reconnaissant que pour être fixé défini-
tivement sur leur nature, il faudrait avoir vu au moins
des coques vides après l’éclosion, trouve dans leur cou-
leur blanche, jaune, verte, bleue, brune ou rouge,
un argument suffisant pour se prononcer. M. Ehren-
berg , dis-je, a été conduit à interpréter ainsi les par-
ties réelles, ou supposées des Infusoires par le seul
besoin de compléter l’organisation de ces êtres , ou tout
au plus par de fausses analogies , telles que celles des
(1) Zusätze zur Erkenntniss, etc. 1836, p. 17 « Da die Zartheit de
hier abzuhandelnden Objecte bisher nicht erlaubte, den Gefäss-Zu-
sammenhand dieser Organe mit den übrigen Kôrpertheilen direct zu
erkennen. »
(2) Müller’s Archiv für Anatomie, 1836, p. 51.
(3) 11 s'exprime ainsi dans son mémoire de 1836 (Zusütze zur , etc.,
p. 6) : « L'éclosion d'un jeune animal polygastrique sortant d’un de ces
œufs, laquelle en fixerait une fois pour toutes la nature, ou même des
coques laissées vides après l’éclosion , n'ont point encore été observées,
parce que leur extrême petitesse y oppose une grande difficulté ; mais
tous les phénomènes observables, tous les rapports et jusqu’à la couleur
ordinairement vive et souvent verte, jaune, bleue, brune, rouge ou
laiteuse du vitellus permettent de croire, avec une très-grande vrai-
semblance , que telle est leur signification. »
96 HISTOIRE NATURELLE
Systolides, des Planaires et des Distomes. II fait servir
les œufs à prouver la signification des organes mâles ;
puis, prenant celle-ci pour démontrée, il s'en sert
pour démontrer la signification réelle des œufs : et
c'est après avoir ainsi tourné plus d’une fois dans un
cercle vicieux , qu'il dit avec assurance. « En démon-
» trant , depuis 1832 , la présence des glandes sexuelles
» mâles et des œufs dans tous les individus d’une es-
pèce quelconque d’Infusoires , et la manière dont ces
organes se comportent dans la division spontanée, je
» crois avoir acquis une base scientifique solide pour
» ces recherches; la réalité d’une fécondation que
» Schweigcer, encore en 1820, regardait comme un
» argument contre l’existence de véritables œufs, trou-
» vera dans ces rapports , confirmés par la remarquable
» vessie contractile, un appui d’unesolidité incontesta-
» ble, jusqu’à ce qu'il ait été complétement démontré
» queles granules pris par moi pour des œufs, laissent
» effectivement éclore de jeunes Infusoires en forme
» de Monades, ou bien jusqu’à ce qu’il ait été positi-
» vement démontré que leur nature est différente. Des
» opinions, sans observations exactes, n’ont en vérité
» absolument aucune valeur. » ( /nfusionsthierchen.…
1838, p. 382.)
Si une pareille argumentation pouvait être acceptée
par les juges compétents, et s’il était admis qu’un au-
teur eût le droit de donner l’autorité de la vérité à des
opinions plus ou moins probables, sinon hypothé-
tiques, en récusant d'avance toute objection de qui-
conque n'aurait pas préalablement démontré la vraie
nature des objets en litige; il faut convenir que le
cas serait bien choisi : en effet, il n’est pas présumable
que de longtemps on parvienne à démontrer (et il
Y
53
DES INFUSOIRES. 97
faudrait cela) des communications vasculaires , autres
que celles supposées par l’auteur allemand dans les
prétendus organes génitaux des Infusoires, ni que
l’on démontre la vraie structure de ce qu'il prend pour
des œufs, car il est physiquement impossible , dans
l'état actuel de nos connaissances optiques , de déter-
miner seulement la forme exacte d’un corps globu-
leux ou polyédrique de 1/2000 de ligne (1/900 milli-
mètre environ) (1).
Mais suivons cet auteur lui-même dans le dévelop-
pement de ses opinions sur la génération des Infu-
soires, c'est le meilleur moyen d'apprécier au juste
ses assertions. Dans son premier mémoire (1828-1830),
sur la distribution géographique des Infusoires, il
s'efforce de prouver que les germes de ces animalcules
ne peuvent être apportés par l'atmosphère (2) dans
les infusions, ce qui, tout en contrariant l'opinion @e
Spallanzani, ne permettait pas de voir dans les expé-
riences faites avec tant de soin par le célèbre obser -
vateur italien autre chose qu'une génération spon-
(1) On peut déterminer approximativement avec assez d’exactitude
l'épaisseur d'un filament beaucoup plus mince, mais on ne peut prendre
idée de sa structure; les corpuscules sanguins ont au moins 1/150 mill. ;
les petits grains de pollen dont on apprécie bien la structure ont 1/50
mill., et plus ; d’un autre côté, des séminules de moisissures de 1/260
mill. ne montrent rien de distinct à l'intérieur, à plus forte raison il
doit en être de même des prétendus œufs de polygastriques.
(2) Die geographische Verbreitung der Infusionsthierchen, etc.,
1828-30 , p. 13. Il dit n'avoir pu trouver un seul Infusoire dans l’eau
de la rosée nouvellement recueillie : mais, pour que l'expérience püt
réellement être comparée avec celle de Spallanzani , il eût fallu mettre
infuser avec cette rosée pure, des matières organiques soumises à un
certain degré de chaleur; de cette manière, les germes , s'ils étaient
dans la rosée, auraient pu se développer. 11 est présumable d’ailleurs
que de la rosée recueillie pres d'une grande ville ou dans la ville même
et conservée seule pendant quelque temps eùt pu donner un résultat
différent.
INFUSOIRES. fi
98 HISTOIRE NATURELLE
tanée; mais dans ce cas, encore, je crois que
M. Ehrenberg s’est trop hâté de tirer une conclusion
générale de quelques expériences faites en voyage avec
des instruments imparfaits. Dans ce même Mémoire,
où il veut établir des lois générales sur la distribution
géographique des Infusoires, il nous apprend que
toutes les infusions qu'il a préparées lui-même près de
la mer Rouge et du mont Sinaï, lui ont donné précisé-
ment les mêmes espèces d’Infusoires qu'en Europe;
ce qui semblerait plutôt favoriser les idées des parti-
sans de la génération spontanée qu'indiquer une
différence réelle dans la distribution géographique
des Infusoires. Dans le Mémoire publié avec le précé-
dent (14830), sur la connaissance de l’organisation des
Infusoires, il avait pris la diffluence du Kolpoda cu-
cullus pour la ponte de cet animalcule, et il avait
représenté (pl. III, fig. 14) le prétendu ovaire
comme un réseau formé de fibres de 1/1000 de ligne.
Il s'appuyait de l’observation des Systolides seulement
pour prétendre que tous les Infusoires naissent d’un
œuf, et croyait avoir suflisamment prouvé l’absurdité
de la génération spontanée et équivoque, en accor-
dant à tous les Infusoires, même au Monas termo,
une organisation très-complexe. Il déterminait par le
calcul les dimensions des estomacs des plus petits In-
fusoires, et supposait des particules alimentaires de
1/36000 de ligne, destinées à remplir des estomacs
de 1/6000 de ligne ; il fixait enfin la grosseur de leurs
œufs qui devait être de 1/6000 de ligne. Le tout sans
s'inquiéter des limites probables de la divisibilité des
substances organiques et de l’influence que peuvent
exercer de si petites dimensions sur les phénomènes
physiques.
DES INFUSOIRES. 99
Dans son second Mémoire (1832), sur le dévelop-
pement et la durée de la vie des Infusoires, il se pro-
pose plus spécialement de combattre la génération
spontanée; bien qu'il crût déjà l'avoir complétement
anéantie par sa précédente argumentation. ILdéclare
avoir constaté que la génération de ces êtres est nor-
male, et qu'elle à lieu au moyen d'œufs; mais chose
singulière ! il ne parle encore que des œufs si gros, si
incontestables des Systolides, et en particulier de
l’'Aydatina senta, quant aux Infusoires proprement
dits, il n’a point vu éclore leurs œufs; bien loin de là,
il prouve par des expériences prolongées durant neuf
ou dix jours, qu'il n’y a pas eu d'autre mode de
propagation que celui par division spontanée. Car
on devra convenir que c'est un fait embarrassant
pour les partisans de l’oviparité que de voir con-
stamment dans une même infusion tous les indi-
vidus d’une inême espèce à peu près de Ia même
grosseur , ou bien montrant, s'ils sont plus petits,
les traces d’une division récente, comme si tous
avaient dù éclore au même instant, et comme si
l'éclosion des œufs était désormais ajournée jusqu’à
ce qu'une nouvelle infusion soit préparée. Eh bien!
cest là tout ce qu'a vu M. Ehrenberg dans ses ex-
périences, peu nombreuses à la vérité, sur deux
espèces d’Infusoires proprement dits. Il a vu dans
deux tubes de verre un seul individu de Parame-
cium aurelia se diviser spontanément trois fois dans
vingt-quatre heures, d’où résultaient huit indivi-
dus; lesquels continuèrent à se diviser ainsi pen-
dant plusieurs jours de manière à remplir le tube
d'individus tous semblables à l’animalcule primitif,
tous produits de la même manière et sans aucun mé-
ré
100 HISTOIRE NATURELLE
lange d'individus plus petits qui seraient provenus
d'œufs; il dit même très-positivement à la page 11 :
« Je n'ai pas observé qu'il soit né des individus pro-
venant d'œufs. »
Le Stylonychia mytilus (Kerona mytilus Müller) lui
a présenté une seule fois les mêmes résultats d’une
manière incomplète. Aussi, a-t-il soin de dire, qu’il
ne peut rien en conclure touchant la durée de sa vie;
cependant il passe un peu plus loin (p.12) à des con-
clusions générales et tout à fait afhrmatives. Suivant
lui, la force reproductive des animaux Infusoires est
plus développée que dans aucune autre classe d'êtres,
et pour expliquer leur multiplication rapide en très-
peu de temps , &l n’est plus besoin de la génération
spontanée qui, d'après ces nouvelles observations,
parait une hypothèse superflue et que n’appuie au-
cune observation certaine. Voilà un des nombreux
exemples de la logique de M. Ehrenberg, et de sa
tendance à généraliser. Il a la franchise de nous dire
qu'il n’a vu aucun indice de la multiplication par les
œufs dans deux espèces de polygastriques , et il con-
clut que tous les Infusoires polygastriques doivent
provenir d'œufs ; mais admettons son observation
comme exacte, et cela d'autant plus volontiers qu’elle
a été faite de la même manière par Saussure en 1769 :
ne serait-il pas plus simple d'admettre que ces Infu-
soires se sont produits une première fois spontané-
ment dans une infusion à un certain degré de fer-
mentation, ou qu'ils proviennent du développement
successif de quelque autre forme produite elle-même
spontanément dans cette infusion, et que, arri-
vés à un certain degré de développement , ils ont
pu seulement se multiplier par division sponta-
DES INFUSOIRES. 101
née (1)? Mais je me hâte de le dire, je n’adopte pas cette
idée non plus que celle des œufs ; j'ai voulu seulement
mettre une opinion probable à côté d’une opinion pro-
bable , et j'attends des faits pour me prononcer sur un
sujet aussi important. Je conviens volontiers qu'aucun
observateur digne de foi n’a vu se former un Infusoire
sous ses yeux ; je crois même qu'il serait absurde de
supposer qu'un animalcule, si simple füt-il, se formât
ainsi par une agrégation de molécules par une sorte
de cristallisation; mais je ne crois point du tout à la
vraie nature des œufs en question et si probléma-
tiques.
Il ne serait pas impossible assurément que les parti-
cules organiques provenant de la décomposition des
Infusoires, celles-là même que, dans quelques espèces,
M. Ehrenberg prend pour des œufs , pussent servir à
la reproduction des Infusoires ; mais ce ne seraient pas
des œufs pourvus comme on l’entend d’une double en-
veloppe, d’un albumen, d’un vitellus et d’une vésicule
germinative ; ce seraient les plus simples des germes,
ce que, peut-être , Spallanzani entendait nommer des
(1) De ce que, dans les observations’citées, on n'a vu dans le liquide que
des animalcules de même grosseur , on doit conclure aussi qu'il ne s’est
point opéré, pendant la durée de l'expérience (9 à 10 jours) , de gé-
nération spontanée, non plus que d'éclosion d'œufs; mais, pour peu
qu'on ait l'habitude d'obserrer desinfusions, on doit savoir qu'un certain
degré de fermentation ou de putréfaction est nécessaire pour l'appari-
tion de certains animalcules qu'on ne voyait pas auparavant et qu'on
cesse quelquefois même aussi de voir plus tard ; soit qu'ils aient été
remplacés par d'autres ; soit qu'ils aient subi une certaine modification
relative, Pour que les mêmes raisonnements fussent applicables aux œufs
des Paramécies , il faudrait admettre que ces animalcules, au sortir de
l'œuf, nè sont pas encore des Paramécies , mais des animalcules plus
simples vivant dans l'infusion à un autre degré de fermentation ; alors
on arriverait de conséquence en conséquence à l'opinion citée plus haut.
102 HISTOIRE NATURELLE
corpuscules préorganisés ; ce seraient ce que d'autres
ont appelé des globules élémentaires ; des molécules
qui, ayant joui de la vie, sont susceptibles de recom-
mencer, suivant l'expression de Müller, un cercle déjà
parcouru.
Je ne crois pas impossible non plus, d’après ce que
j'ai vu des changements qu'éprouvent les Infusoires
suivant la nature des infusions; je ne crois pas im-
possible que ces petits germes parcourent une série de
développements plus où moins variés avant d'arriver
au degré le plus élevé, et qu'ils ne puissent aussi,
suivant l’état de l’infusion, rester stationnaires dans
un degré inférieur. Gette manière de voir, vers la-
quelle je suis conduit par mes observations, mais pour-
tant sans y être encore arrivé, a plus d’un point de res-
semblance avec celle de M. Ehrenberg, qui a signalé le
premier les formes diverses sous lesquelles se montre
le Kolpoda cucullus avant d’avoir atteint le terme de
son développement : s’il ne tenait pas beaucoup à la
signification de ces œufs d'Infusoires, on pourrait
même finir par ne voir dans cette discussion qu’une
querelle de mots; mais je reviens à l’examen des opi-
nions successivement développées par M. Ehrenberg
sur les organes génitaux des Infusoires.
Dans son! iroisième mémoire (1833), il représente
plusieurs fois la diffluence des Infusoires comme la ponte
ou l'émission des œufs, et parle plus positivement des
granules qu’il prend pour les œufs, lors même qu'ils
ne se montrent que comme une matière colorante uni-
formément répandue; tandis que, dans son premier
mémoire, le résultat de la diffluence ou de la ponte du
Kolpode était représenté seulement comme un réseau
de fibres. Puis, parmi les vésicules intérieures prises
DES INFUSOIRES, 103
d’abord indifféremment pour des estomacs (1), il choisit
les plus grandes, les plus subitement contractiles, celles
qui ne contiennent jamais que de l’eau, et en fait des
organes sexuels mâles. Quand il aperceut plus tard les
prétendus testicules, ies vésicules contractiles ne furent
pour lui qu'un organe d’éjaculation, et leurs contrac-
tions brusques durent avoir pour objet de lancer sur
les ovaires, répandus par tout le corps, leur contenu si
abondant, arrivé on ne sait d’où. Si ce singulier mode
de fécondation intérieure par des éjaculations si co-
pieuses et si fréquentes était cru véritable, on devrait
convenir au moins que la nature nous a accoutumés
à la trouver plus avare et plus simple dans ses moyens.
Ces vésicules contractiles, qu'on voit simplement
globuleuses dans la plupart des Infusoires , se mon-
trent avec une forme plus complexe ou une disposi-
tion particulière dans quelques espèces. Dans les Pa-
ramécies aurélies, elles constituent, comme je l'ai
déjà dit, les organes en étoile que Spallanzani croyait
destinés à la respiration, et dont il décrit ainsi le
mouvement régulier et alterne : « À toutes les trois ou
quatre secondes, les deux petits globes centraux se
gonflent comme des utricules et deviennent plus gros
du triple ou du quadruple, et l’on aperçoit le même
changement dans les rayons des étoiles, avec cette
différence, que lorsque les petits globes s’enflent , les
rayons se désenflent (2). » M. Ehrenberg les a vues de
la même manière dans les Paramécies, où je les ai
(x) Elles se distinguent des estomacs également contractiles, parce
qu'elles ne se remplissent jamais comme ceux-ci de nourriture colorée,
et restent tout à fait transparentes (Ehrenberg, 1836. Zusützezur, ete.,
P- 9).
(2) Spallanzani. Opus. phys. trad. franc. , t. 1 , p. 248.
10% HISTOIRE NATURELLE
également étudiées avec soin ; mais, de plus, il a si-
gnalé aussi la présence de vésicules contractiles en
étoile dans trois autres espèces (PBursaria leucas,
Ophryoglena atra, et Glaucoma scintillans), et il
a indiqué une vésicule à bord perlé.ou moniliforme
dans la Nassula ornata.
Les vésicules en étoile dont il discute la signification
dans son mémoire de 1836, p. 9 (1), lui ont particu-
lièrement paru démontrer la réalité d’une éjaculation
qui serait dirigée par les branches sur les divers ovi-
ductes , tandis que la vésicule centrale serait l’extré-
mité élargie du conduit déférent. Conséquemment, il
suppose aussi que les vésicules simples doivent éjacu-
ler leur contenu par des ouvertures percées dans leurs
parois , ouvertures invisibles qu'il ne craint pas d’ad-
mettre, tandis qu'il nie la possibilité du passage de
l’eau à travers les mailles du tégument , dans le cas où
on les voudrait considérer avec Spallanzani comme des
organes respiratoires. Mais, que l’on considère leur
(1) 11 s'exprime ainsi à la page 11 du mémoire cité (Zusätze zur Er-
kenntniss , etc.): « Il est difficile de se représenter clairement la con-
nexion de ces organes avec le système auquel ils appartiennent. Mon
opinion individuelle est la suivante : les vésicules contractiles sont les
extrémités élargies du canal déférent (non encore apercu), qui vient du
testicule. Dans les cas les plus ordinaires, ces extrémités élargies et
contractiles s'abouchent immédiatement dans l'oviducte , comme chez
les Rotateurs; conséquemment leur forme est également simple. Mais,
dans d'autres cas, l'ovaire peut bien communiquer avec plusieurs ovi-
ductes qui se réunissent de nouveau à l'orifice sexuel. D'après cela, la
vésicule contractile pourrait bien être liée avec les canaux en étoile,
qui, de cette vésicule, conduisent aux différents oviductes..… Si l'on
considérait aussi les vésicules contractiles simples comme pourvues de
plusieurs orifices correspondant aux oviductes et s'y abouchant , alors
disparaitrait la différence (le restant, Schroffheit) entre les diverses
formes ; alors quelques animaux auraient seulement l'embouchure de la
vésicule séminale dans l'oviducte plus éloignée de cette vésicule, et les
rayons seraient les canaux de communication. »
DES INFUSOIRES, 105
multiplication dans les Infusoires mourants, ou dans.
ces animaux simplement comprimés entre deux lames
de verre et privés des moyens de renouveler le liquide
autour d’eux ; que l’on se rappelle leurs rapides con-
tractions et même leur complète disparition , qui ont
frappé tous les observateurs ; que l’on songe enfin à
la manière dont elles se soudent et se confondent plu-
sieurs ensemble, et l’on ne pourra s'empêcher de re-
connaître des vésicules sans téguments ou des vacuoles
creusées spontanément près de la surface , pour rece-
voir , à travers les pores du tégument, le liquide ser-
vant à la respiration.
La pluralité des vésicules contractiles a été inter-
prétée par M. Ehrenberg comme un indice de prochaine
division spontanée ; mais le fait de la soudure des vé-
sicules apparaissant chez les Infusoires mourants n’a
pas même été mentionné par lui.
Dans son mémoire de 1833 , M. Ehrenberg ne figura
point encore ce qu’il nomme la glande séminale, le
testicule ; mais il la mentionna dans le texte seulement
à l’article du Chilodon cucullulus, du Paramecium
aurelia , et des trois Vassula , comme une découverte
toute récente. C'était , disait-il , un corps glanduleux,
diaphane , ovale oblong , situé près de la bouche, et
ne présentant aucune connexion avec les autres orga-
nes. Dans son mémoire de 1836, il poursuivit chez
tous les Infusoires la recherche de cet organe qui de-
vait compléter leur système sexuel mâle, et il a pré-
tendu l’avoir trouvé presque partout, même chez les
Euglènes qui n’ont pas de vésicule contractile ou sé-
minale. Aussi ne s'est-il pas montré difficile pour la
détermination de cet organe ; non-seulement il y rap-
porta les gros globules en chapelet des Stentor poly-
106 HISTOIRE NATURELLE
morphus et cæruleus et de son ÆAmphileptus moniliger,
les bandes sombres plus ou moins contournées dans
l'intérieur du corps du Stentor Mulleri, de plusieurs
Vorticelles et Bursaires , et les corps ovoïdes ou glo-
buleux paraissant plus denses ou plus consistants dans
la plupart des autres Infusoires, maïs encore il désigna
ainsi les corpuscules en petites baguettes de lÆ4mblro-
phis et de quelques Euglena, ceux très-nombreux et
en petits anneaux de l’Euglena spirogyra, le disque
observé dans l’Euglena pleuronectes, et une foule d’au-
tres corpuscules non moins problématiques observés
dans l’intérieur du corps des Infusoires, et qui n’ont
d’autres titres à cette distinction que le besoin qu'en a
l’auteur pour compléter sa série. Plusieurs de ces cor-
puscules persistant après la diffluence des animalcules
furent pris par Müller pour des œufs ; la plupart sont
jusqu'alors restés sans signification et pourront bien
être encore longtemps considérés comme tels par les
naturalistes qui voudront considérer la solidité des ar-
guments du professeur de Berlin pour assigner une
même fonction à des corpuscules si divers et sans con-
nexion aucune avec les autres organes.
Quant à moi, j'ai bien vu dans un grand nombre
d’Infusoires , notamment dans les Stentor , les Tricho-
dines , les Vorticelles, les Fuglènes, les Oxytricha,
les Kérones , etc., les corpuscules en question ; j'ai
bien vu que, dans les Infusoires diffluents , ils résis-
tent plus à la décomposition spontanée que ne devrait
le faire un corps glanduleux comparativement aux
autres parties que leur contractilité devrait rappro-
cher de la chair musculaire des Mollusques ; mais je
n'ai pu me faire une idée de leurs fonctions dans l’or-
ganisme , non plus que celles des diverses sortes de
DES INFUSOIRES, 107
granules qui restent après la diffluence d’un Infusoire.
Je suis bien disposé à croire qu’il doit y avoir là des
corpuscules reproducteurs, mais je ne saurais les dis-
tinguer parmi les granules simples, qui sont proba-
blement un produit de sécrétion ; parmi ceux qui ont
pénétré comme aliments ou comme corps étranger dans
l’animalcule vivant , et enfin parmi les concrétions ou
les cristallisations produites à la surface de l’Infusoire
par les matières terreuses dissoutes dans l’eau (1). A la
vérité , M. Ehrenberg , en outre de leur coloration,
attribue à ses prétendus œufs une grosseur uniforme
dans chaque espèce , et prétend qu’ils se développent
et disparaissent périodiquement , mais je n’ai pu con-
stater ces derniers faits.
En définitive , je pense donc qu’à part le fait incon-
testable de la division spontanée des Infusoires , nous
ne savons rien de précis sur la génération de ces ani-
maux, ni sur les organes qui peuvent servir à cette
fonction , ni sur les œufs qui doivent les reproduire.
Serait-ce à dire qu'il faut croire à leur production
spontanée ? non sans doute, si on l’entend à la manière
de Lamarck, ou si l’on veut que les éléments chi-
miques se soient rencontrés pour former une combi-
naison douée de la vie, ce qui serait universellement,
je crois, regardé comme une absurdité ; mais peut-être
pourrait-on se rapprocher de la manière de voir de
Spallanzani , qui ,tout en combattant les idées absurdes
de quelques-uns de ses contemporains, se trouvait
(1) M. Ehrenberg a vu des cristaux sur certains Infusoires ; j'ai vu,
de mon côte, fort souvent de petits cristaux de sulfate de chaux sur
les animalcules habitant des eaux tres-chargées de ce sel, comme sont
les eaux de Paris concentrées par l'évaporation spontanée,
108 HISTOIRE NATURELLE
conduit par ses expériences, si consciencieusement
faites, à admettre que les Infusoires naissent de cor-
puscules préorganisés , apportés par l'air dans les in-
fusions et susceptibles de résister à certaines actions
physiques qui détruiraient des œufs proprement dits ;
corpuscules que lui-même n'ose pas nommer des germes
ni des œufs ; tandis que d’un autre côté il suppose que
« pour des animaux inférieurs (1), le changement de
demeure , de climat , de nourriture, doit produire peu
à peu dans les individus , et ensuite dans l'espèce, des
modifications très-considérables qui déguisent à nos
yeux les formes primitives. »
CHAPITRE IX,
DE LA CIRCULATION ET DE LA RESPIRATION CHEZ LES INFUSOIRES,
DE LEURS SENS ,; DE LEURS NERFS ET DE LEUR INSTINCT,
Corti , en 1774, trompé par le mouvement ondula-
toire des cils qu’il ne pouvait distinguer eux-mêmes à
la surface des Infusoires, admit une circulation réelle
chez ces animaux ; d’autres observateurs , plus récem-
ment, ont commis la même erreur, ou bien ont été
dupes de quelque autre cause d’illusion. M. Ehren-
berg lui-même, qui dans son troisième mémoire
avait cru reconnaître sur le Paramecium aurelia un
réseau vasculaire , renonce , dans son Traité des Infu-
soires (p. 351), à cette supposition , et pense que ce
pourrait être le réseau de l'ovaire; et si, dans la des-
cription de presque tous ses genres, il mentionne le
(x) Spallanzani. Opuscules de physique. Trad, franc., t. 2, p. 124.
DES {NFUSOIRES. 109
système vasculaire, c’est pour répéter chaque fois
qu’on n’a pu jusqu'ici le reconnaître directement , ce
qui ne l'empêche pas toutefois d'en admettre l'existence
et de s’écrier avec admiration, en parlant des Micro-
glena (M) : « Mais quelle ténuité doivent avoir les
vaisseaux de ces petits animaux! »
Quant à la respiration , elle paraît plus réelle chez
les Infusoires , soit qu’on admette, d’après Spallanzani,
que les vésicules contractiles sont destinées à cette
fonction ; soit qu’on admette, d’après l’analogie de
beaucoup d'animaux inférieurs, que le mouvement
vibratile des cils peut n’y être pas étranger, en même
temps qu'il sert à la locomotion et à la production du
tourbillon qui amène les aliments. On ne peut douter
que ces animalcules n’aient besoin de trouver de l'air
respirable dans l’eau ; les expériences faites par M. Pel-
tier (2) sur l’asphyxie de ces animalcules, tendent à
le prouver, ainsi que je l'ai rapporté plus haut en
parlant de la manière dont se comportent des Infu-
soires légèrement comprimés entre des lames de verre.
Nous avons vu à la page 73 ce qu'on peut penser
du sens du goût découvert par M. Ehrenberg chez les
Infusoires. Le sens de la vue, découvert par le même
naturaliste, aurait plus de réalité s’il suffisait de la
coloration d’une tache sans organisation appréciable,
sans forme constante , sans délimitation précise, pour
prouver que ce doit être un œil. Mais, par exemple,
dans les Euglènes, qui sont particulièrement citées
comme caractérisées par cet organe, la tache rouge
5
qu'on prend pour un œil est excessivement variable;
(1) Die Infusionsthierchen.… 1838; p. 26.
(2) L'institut, 1836, n. 158 , p. 158.
110 HISTOIRE NATURELLE
elle est quelquefois multiple, quelquefois formée de
grains irrégulièrement agrégés.
L’analosie se trouve encore ici en défaut sur ce
point ; car, si l’on descend dans la série des animaux,
on se trouve forcé, pour la détermination de cet or-
gane, de sauter brusquement des Daphnies, qui ont
encore un œil mobile rappelant par sa composition
celui des Insectes et des Crustacés ; ou bien des Mol-
lusques, dont l'œil, pourvu d’un cristallin, est comme
dérivé du type de l'œil des vertébrés; on se trouve,
dis-je, forcé de passer à des animaux ne présentant
plus que des taches diffuses. Ges taches , soit par leur
nombre, soit par leur position, ont si peu d'impor-
tance physiologique dans les Planariées et dans cer-
taines Annélides, que souvent on ne pourrait même
en faire un caractère spécifique absolu. Chez les Sys-
tolides ou Rotateurs, dont l’analogie est plus particu-
lièrement invoquée , on les voit disparaître avec l’âge
pour quelques espèces, et, pour d’autres , se montrer
plus distinctes, suivant le volume ou le développe-
ment des individus; de sorte que le savant micro-
graphe de Berlin ayant voulu baser ses caractères gé-
nériques pour ces animaux sur la présence et le nombre
des yeux, a été conduit à mettre dans des genres diffé-
rents certaines espèces très-voisines sinon identiques.
Mais que la couleur rouge ou noire soit en général
un attribut du pigment des yeux, ce ne doit pas être
une raison pour supposer un œil partout où l’on voit
au rouge ; sinon il en faudrait accorder même à des
vers intestinaux , tels que le Scolex polymorphus, qui
a deux taches rouges au cou; aux Actinies, qui sou-
vent en sont toutes parsemées ; aux Mollusques bival-
ves , tels que les Peignes, etc.
DES INFUSOIRES. 411
Si l’on invoquait la faculté qu'ont les Infusoires de
se diriger dans le liquide et de poursuivre leur proie,
au moins faudrait-il vérifier d’abord la réalité de cette
faculté, que je crois aussi fabuleuse que tout ce qu'on
rapporte de l'instinct de ces animalcules. Et encore
cela ne sufhrait pas pour prouver que les points rouges
sont des yeux, car le plus grand nombre des Infusoires
auxquels on a supposé cette faculté en sont dépour-
vus, et ceux qui en présentent, au contraire, n'ont
point montré cette faculté plus développée.
M. Ehrenberg, suivant sa méthode d’argumenta-
tion , après avoir supposé la signification des points
rouges, s’en est servi pour démontrer la vraie signifi-
cation de certaines taches blanches plus ou moins dis-
tinctes qu'il prend pour un cerveau ou tout au moins
pour un ganglion nerveux ; c’est là tout ce qu’on dit
avoir vu du système nerveux chez les Infusoires ; tout
le reste est fourni par l’analogie.
Nous ne devons pas , je pense , nous arrêter à com-
battre plus longtemps toutes les suppositions qui ont
été faites sur l’instinct de ces animaux ; la plupart des
faits anciennement cités sur cet objet sont controuvés :
le fait, par exemple, rapporté par Spallanzani, de
certains Infusoires qui viennent aider à se séparer, les
deux moitiés d’un animalcule en voie de se diviser
spontanément, ne supporterait pas aujourd'hui un
sérieux examen. Le fait du groupement des Infusoires
du genre Uvella s'explique tout naturellement par la
division spontanée ; et celui de la réunion d'Infusoires
d'abord libres, s'il n'est pas le résultat de l’évapora-
tion du liquide ou de quelque circonstance fortuite,
pourrait s'expliquer tout aussi facilement. Quant à
l'acte de chercher et de choisir des aliments, il est,
112 HISTOIRE NATURELLE
comme je l'ai dit plus haut, le résultat de l’action mé-
canique des cils, produisant dans le liquide un cou-
rant dirigé vers la bouche.
CHAPITRE X.
RÉSUMÉ SUR L'ORGANISATION DES INFUSOIRES.
4
Aux observations exposées dans cette première partie
sur l’organisation des vrais Infusoires , si nous ajoutons
les particularités les plus frappantes sur la forme, sur
la couleur, sur le genre de vie et d'habitation de ces
animaux , nous pourrons , au lieu de la définition en
quelque sorte pratique donnée dans notre premier
chapitre , présenter le résumé suivant comme une dé-
finition plus complète et plus rationnelle.
Les vrais Infusoires, dont la forme est plus ou moins
variable, irrégulière et essentiellement asymétrique,
ou dépourvue de symétrie, tendent à se rapprocher
de la forme globuleuse ou ovoïde, soit par l'effet de
leur contractilité propre, soit quand la vitalité diminue
chez eux; ils peuvent, sans cesser de vivre, subir les
altérations ou les déformations les plus variées par
l'effet d’une blessure quelconque ou d’une décomposj-
tion partielle, ou par suite de quelque changement
survenu dans la composition du liquide où ils nagent.
Leur forme montre souvent d’ailleurs , soit dans les
plis, les rides ou les stries de la surface, soit dans
l’arrangement des cils vibratiles, une tendance mar-
quée à la disposition spirale ou en hélice ; de sorte que
ces caractères de forme, qui ne manquent absolument
que dans quelques types symétriques , rangés pro-
visoirement à la suite des Infusoires, paraissent devoir
DES INFUSOIRES. 113
entrer en première ligne dans Îa définition de ces
. animaux.
Les Infusoires se produisent de germes inconnus,
dans les infusions soit artificielles , soit naturelles,
telles que l’eau stagnante et celle qui, dans les rivières,
séjourne entre les débris de végétaux. On ne leur con-
naît aucun autre mode de propagation bien avéré que
la division spontanée. La substance charnue de leur
corps est extensible et contractile comme la chair mus-
culaire des animaux supérieurs, mais ellene laisse voir
absolument aucune trace de fibres ou de membranes,
et se montre au contraire entièrement diaphane et ho-
mogène , sauf le cas où la surface paraît réticulée par
l’effet de la contraction.
La substance charnue des Infusoires , isolée par le
déchirement ou la mort de l’animalcule, se montre
dans le liquide en disques lenticulaires ou en globules
réfractant peu la lumière , et susceptibles de se creuser
spontanément de cavités sphériques analogues par leur
aspect aux vésicules de l’intérieur. Les vésicules for-
mées à l’intérieur des Infusoires sont dépourvues de
membrane propre et peuvent se contracter jusqu'à
disparaître, ou bien peuvent se souder et se fondre
plusieurs ensemble. Les unes se produisent au fond
d’une sorte de bouche et sont destinées à contenir l’eau
engloutie avec les aliments ; elles parcourent ensuite
un certain trajet à l'intérieur , et se contractent en ne
laissant au milieu de la substance charnue que les par-
ticules non digérées, ou bien elles évacuent leur con-
tenu à l'extérieur par une ouverture fortuite, qui peut
se reproduire plusieurs fois, quoique non identique,
vers le même point, ce qui pourrait faire croire à la
présence d’un anus.
INFUSOIRES. 8
114 HISTOIRE NATURELLE
Les vésicules contenant des aliments sont indépen-
dantes et ne communiquent point avec un intestin ni
entre elles , sauf le cas où deux vésicules viennent à se
souder. |
Les autres vésicules ne contenant que de l’eau, se
forment plus près de la surface, et paraissent devoir
recevoir et expulser leur contenu à travers les mailles
du tégument. On peut, d’après Spallanzani, les con-
sidérer comme des organes respiratoires ou du moins
comme destinées à multiplier les points de contact
de la substance intérieure avec le liquide environ-
nant.
Les organes extérieurs du mouvement sont des fi-
laments flagelliformes, ou des cils vibratiles, ou des
cirrhes plus ou moins volumineux, ou des prolonge-
ments charnus; lesquels, à cela près qu’ils sont plus
ou moins consistants, paraissent tous formés de la
même substance vivante, et sont contractiles par eux-
mêmes dans toute leur étendue. Aucun n’est de nature
épidermique ou cornée, ni secrété par un bulbe.
Sauf quelques téguments contractiles et le pédicule
des Vorticelles, et le faisceau de baguettes cornées
qui arment fa bouche de certaines espèces , toutes les
parties vivantes des Infusoires se décomposent presque
subitement dans l’eau après la mort.
Les œufs des Infusoires, leurs organes génitaux,
leurs organes des sens, ainsi que leurs nerfs et leurs
vaisseaux , ne peuvent être exactement déterminés, et
tout porte à penser que ces animalcules, bien que
doués d’un degré d'organisation en rapport avec leur
manière.de vivre, ne peuvent avoir les mêmes sys-
tèmes d'organes que les animaux supérieurs. Les
points colorés, ordinairement rouges, que l'on a
DES INFUSOIRES. 115
pris pour des yeux, par exemple, ne peuvent avec la
moindre certitude recevoir cette dénomination.
Quoique la coloration de certains Infusoires pro-
vienne des particules végétales ou autres qu’ils ont
avalées, cependant il en est plusieurs qui, par une
couleur propre bien prononcée, se distinguent de la
grande majorité des Infusoires qui sont blancs ou in-
colores.
Le genre de vie et l'habitation pourront aussi faire
distinguer plusieurs Infusoires; ainsi quelques-uns
vivent exclusivement dans l’intérieur du corps de
certains animaux d’une classe plus élevée, dans les
Lombrics par exemple, et dans l’intestin des Batra-
ciens; d’autres sont simplement parasites à la surface
des Hydres et de quelques Zoophytes et Helminthes.
Plusieurs, pour se trouver toujours dans une eau re-
nouvelée, se fixent à des Crustacés ou à des larves de
Nevroptères, ou à des coquilles de Mollusques, qui
les transportent avec eux dans les endroits où l’eau
est suffisamment aérée ; c’est là surtout le mode d’ha-
bitation de plusieurs Vorticelliens. Un plus grand
nombre d’Infusoires vivent exclusivement dans des
eaux très-chargées de substances organiques dis-
soutes; d’autres enfin ne se trouvent que dans la mer,
au milieu des Hydrophytes du rivage.
116 HISTOIRE NATRUELLE
EE —…—…—…—…—…….…"…—"….
DEUXIÈME PARTIE.
CLASSIFICATION DES INFUSOIRÉES.
CHAPITRE XI.
DISCUSSION DES CARACTÈRES OFFERTS PAR LES INFUSOIRES,
ET CLASSIFICATION BASÉE SUR CES CARACTÈRES.
Si, en partant des observations précédentes, on es-
saye d'établir pour les Infusoires une classification ba-
sée sur les seuls caractères réels, on ne tarde pas à
s’apercevoir qu'au contraire de ce qui se présente
dans les autres classes du règne animal et dans le rè-
gne végétal, on manque ici le plus souvent de signes
ou caractères suffisants pour distinguer l'espèce, et
même en certains cas l'individu. Ici, en effet , au lieu
de ces formes arrêtées, de ces organes bien définis
qui se présentent ailleurs, on ne trouve qu’une forme
instable , incessamment modifiée par des causes qu’on
ne peut pas toujours apprécier convenablement. Ainsi
des modifications de forme qui, dans les autres classes,
fournissent de si excellents caractères spécifiques, sont
souvent sans nulle valeur pour les Infusoires ; et cela
explique pourquoi la plus grande partie des phrases
linnéennes de Müller ne peuvent absolument servir à
rien. Les divers appendices extérieurs, qui avaient
DES INFUSOIRES. 117
échappé aux moyens d'observation des anciens micro-
graphes, pourront sans doute fournir des caractères
d'une plus grande valeur ; mais ce ne seront jamais
que des caractères de genre ou de famille, et non des
caractères d'espèce ; et encore, pour achever de carac-
tériser un genre, faudra-t-il recourir à des caractères
pris de la forme en général, ou d’une certaine dispo-
sition particulière qu'on ne peut exprimer avec la con-
cision qui est le propre des phrases linnéennes; :ïil
en résulte donc un certain vague dans la circonscrip-
tion de ces genres. Quant aux espèces, on sera réduit
à employer, pour les distinguer, des considérations
prises de la grandeur, de la couleur et de l'habitation ,
lesquelles encore ne sont point de vrais caractères spé-
cifiques dans le sens que Linné et ses successeurs ont
attaché à ce mot. Aussi, malgré l'importance réelle
qu'ont dans le cas actuel ces distinctions , Müller né-
gligea de les employer pour indiquer préférablement,
dans sa Caractéristique, quelque accident de forme
tout à fait insignifiant ou équivoque.
Il semble donc que l’on doive caractériser plus fa-
cilement ici des familles ou des ordres , que des genres
ou des espèces; puisque les considérations que l’on
pourra employer seront de plus en plus à l'abri de
ces modifications continuelles et de cette instabilité
de forme que nous venons de signaler dans les es-
pèces et même dans les genres ; cherchons donc d’abord
quelles seront les considérations à faire entrer comme
caractères de première valeur dans la distinction des
groupes principaux parmi les Infusoires.
Ce qui nous frappe tout d’abord dans l’étude des
Infusoires, c’est leur forme presque toujours irrégu-
lière et très-variable, et qui cependant laisse voir plus
118 HISTOIRE NATURELLE
ou moins distinctement certains types dominants;
quand ces animalcules sont entièrement dépourvus de
tégument, l’œil ne voit chez eux le plus souvent qu’une
mobilité, une instabilité perpétuelle qui semble ex-
clure même toute idée de forme arrêtée; c’est tout au
plus, dans ce cas, si une rangée double ou simple de cils
vibratiles conduisant les aliments à la bouche par leur
mouvement, a pu donner l’idée d’une disposition spi-
rale par sa direction en écharpe. Chez ceux , au con-
traire, qui sont pourvus d’un tégument contractile,
quelque lâche qu’il puisse être, on aperçoit distincte-
ment une tendance à la disposition en spirale ou en
hélice , soit dans la forme générale, soit dans la direc-
tion des plis, des stries et des cils (1). Chez ceux, au
contraire, dont le tésument plus ou moins résistant
n’est plus contractile, on reconnaît moins générale-
ment ce caractère; mais lors même qu’une coque ou
un têt paraïîtrait symétrique chez ces animaux, la
partie vivante serait encore entièrement privée de sy-
métrie, et même de régularité. On pourrait consi-
dérer ceite absence de symétrie comme un caractère
exclusif, si quelques types peu nombreux et en quel-
que sorte douteux ne se montraient comme pour établir
un lien entre la classe des Infusoires et d’autres classes
plus élevées du règne animal. On est donc conduit à
distinguer d’abord, comme une section à part, les
quelques Inrusoires symérriQues , tels que le Coleps,
(1) Sans vouloir attribuer à cette disposition en hélice une impor-
tance très-grande, et sans oser dire que cette disposition pourrait 'exis-
ter virtuellement dans les Infusoires , où l'absence de téguments em-
pêche qu'elle ne se manifeste, je ne puis m'empêcher de faire remarquer
combien ce caractère éloigne les Infusoires des vrais Zoophytes ou ra-
diaires.
DES INFUSOIRES, 119
la Chœtonotus , la Planariola , etc., pour ne laisser
que les Ixrusornrs AsyMÉTRIQUES dans une première
section beaucoup plus importante.
Pour ceux-ci, le caractère de la disposition spirale
en connexion avec la présence d’un tégument con-
tractile ou non, lâche ou résistant, et la présence des
appendices ou cils rangés en écharpe pour conduire les
aliments à la bouche, serviront à établir des distinc-
tions importantes; mais on aura d'abord un groupe
considérable d'Infusoires asymétriques , sans indice de
la disposition spirale, au moins dans les parties vi-
vantes qu'ils peuvent étenäre hors d’un têt s'ils ne sont
pas nus; d'autres groupes d'Infusoires rappelleront
seulement cette disposition spirale par la rangée de
cils disposés en écharpe et formant en quelque sorte
une moustache qui en fit nommer une partie les Mys-
tacinés , par M. Bory-Saint-Vincent. Enfin, d’autres
Infusoires , tels que les Bursariens, les Paraméciens
et les Vorticelliens, seront caractérisés par un tégu-
ment lâche qui présente, en se contractant, des plis ou
des stries plus ou moins obliques et en spirale, ou des
granules en disposition quinconciale , et dont souvent
le corps, en se pliant ou en se tordant sur lui-même,
rend cette disposition plus manifeste.
La présence d’une bouche semblerait devoir offrir
un caractère d’une importance plus grande; mais lors
même que cette bouche existe, il n’est pas toujours
facile de le constater ; ce sera toutefois un caractère
positif ou négatif de première valeur et qui nous servira
à établir des coupes principales parmi les Infusoires
ciliés. Cette bouche d’ailleurs est généralement en rap-
port avec la rangée de cils en moustache ou formant
écharpe, qui caractérise les groupes indiqués plus
120 HISTOIRE NATURELLE
haut; mais même dans les Infusoires ainsi pourvus
d’ane rangée de cils, la bouche paraît ne pas exister
toujours. Dans ceux à tégument lâche, contractile, elle
existe plus généralement, et l’on pourrait supposer
que chez ceux qui en paraissent dépourvus, elle est
seulement plus difficile à voir. Séparant donc d’abord
les Infusoires non ciliés, qui sont toujours sans bouche,
on pourra diviser les [nfusoires ciliés avec ou sans té-
gument contractile, d’après l'absence ou la présence
de la bouche.
Mais les divers appendices ou organes locomoteurs
fourniront , par leur présence ou leur absence, des ca-
ractères bien plus précieux comme plus généralement
applicables pour classer les Infusoires. En effet, nous
verrons un premier ordre d’animalcules, chez lesquels
on n'observe aucun organe spécial pour la locomotion,
soit qu'il n'existe pas, soit que son extrême ténuité le
dérobe encore à nos moyens d'investigation; ces ani-
maux, longs, filiformes , qui paraissent se mouvoir en
vertu seulement de leur contractilité générale, consti-
tuent une famille à part, celle des Visrioniens, dont on
ne voit guère le rapport avec les autres familles. D’au-
tres animalcules sans aucune apparence d’organisation
interne, formant un deuxième ordre plus considérable,
n'ont pour organes extérieurs que des expansions va-
riables formées par la substance même du corps, la-
quelle, par l'effet d’une force propre, s’allonge et s’é-
tend au dehors en lobes, en filaments susceptibles par
la rétraction de revenir plus ou moins promptement
se fondre dans la masse. Cet ordre, caractérisé par ses
expansions variables, sera plus loin divisé en cinq
familles. Un troisième ordre prendra son caractère dis-
tinctif du flament flagelliforme ou des deux ou plu-
DES INFUSOIRES. 121
sieurs filaments semblables servant d'organes loco-
moteurs, et qu'on a pris mal à propos pour une ou
plusieurs trompes. Cet ordre des Infusoires à filaments
flagelliformes sera subdivisé d’après la présence et la
nature d'un tégument; jamais une bouche ne sera vi-
sible chez aucun de ces animaux.
Un quatrième ordre comprendra les Infusoires ciliés
sans tésument contractile. Elle sera subdivisée d’a-
près l'absence ou la présence d’une rangée de cils en
écharpe ou en moustache, d’après la présence d'une
bouché , des appendices ou cirrhes en forme de styles
ou de crochets, et enfin d’une cuirasse apparente ou
réelle.
Un cinquième ordre comprendra les Infusoires ciliés,
à tégument contractile, presque tous pourvus d’une
bouche, pour lesquels nous chercherons plus loin
des moyens convenables de subdivision. Quant au
groupe particulier , et en quelque sorte provisoire , des
Infusoires symétriques, nous en parlerons plus tard.
On voit donc que nous trouvons dans la présence et
les caractères des appendices, cils ou expansions, un
bon caractère pour diviser les Infusoires asymétriques ;
tandis que le caractère de la forme, après avoir con-
couru à former la définition, ne peut plus venir ensuite
qu’en seconde ligne, ainsi que celui de la présence de
la bouche pour létablissement des divisions secon-
daires , ou des familles naturelles. Pour ce même objet
de la distinction des familles, nous devons chercher
d'autres caractères qui, soit seuls, soit combinés
deux ou plusieurs ensemble, nous donneront le moyen
de diviser chacun des quatre derniers ordres en tribus
et en familles ; ces caractères , nous les trouverons dans
la manière de vivre des Infusoires, libres ou fixés,
1422 HISTOIRE NATURELLE
dans la condition d’être nus ou recouverts d’un tésu-
ment, etc.
Le premier ordre, comme il a été dit plus haut, ne
contient que la famille des Visriontens.
Dans notre deuxième ordre, la distinction des ani-
malcules nus, et de ceux qui sont revêtus d’une coque,
ou d’un têt, ou d’une enveloppe membraneuse, nous
fournit un bon caractère; mais il aura préalablement
fallu employer un caractère qui ne se présentera que
cette seule fois, et qui est fourni par le mouvement
des expansions variables. Ces expansions, sans être
jamais animées d’un mouvement vif, et comparable à à
celui des cils ou des filaments délit: se meuvent
chez les Amibes et les Rhizopodes, assez rapidement
pour que l'animal qui rampe par leur moyen change
de place sensiblement sous le microscope; tandis que
chez les Actinophryens, leur mouvement est telle-
ment lent, qu'on les voit rarement se contracter,
et plus rarement encore s’allonger ; aussi ne servent-
elles pas à l’animal pour la locomotion qui lui est
impossible. On peut ainsi former trois familles de
la manière suivante : dans les deux premières les
mouvements sont très-sensibles; la première seule,
celle des Amierens, présente des animalcules entië-
rement nus; la seconde, celle des Ruizorones, se
distingue par la présence d’une coque ou d’un têt
souvent régulier ; la troisième famille, celle des Acri-
NOPHRYENS , est remarquable par l’extrême lenteur du
mouvement des expansions , et par la presque immo-
bilité des animaux.
Dans le troisième ordre se voit toujours un flament
flagelliforme simple ou multiple, servant d’organe
locomoteur, et dont la présence est ici un caractère
DÉS INFUSOIRES. | 125
sénéral et exclusif. La présence d’un tégument con-
tractile ou dur, la manière de vivre des animalcules
isolés ou agrégés fourniront les caractères secondaires
pour la division des familles ; et la disposition en hélice
du corps de ces animalcules , ou des stries , ou des plis
de la surface, bien que très-importante en elle-même,
ne sera dans ce cas qu’un caractère accessoire ; quant
à la présence des points rouges pris pour des yeux par
M. Ehrenberg, elle nous servira une seule fois à
distinguer un genre.
La première famille de cet ordre, celle des Moxa-
DIENS, comprendra tous les animalcules à filament
flagelliforme, simple ou multiple, entièrement dépour-
vus de tégument, mais elle présentera trois divisions
principales , suivant que les Monadiens sont isolés
( Monas), ou agrégés et libres ( Uvella), ou agrégés
et fixés temporairement ( Anthophysa ).
Une deuxième famille comprend des animaux ana-
logues aux Monades, mais vivant réunis sous une
enveloppe commune, gélatineuse ou membraneuse,
libre : le fameux Volvox globator en est le type et lui
donne son nom, ce sont les Vozvociens.
La troisième famille, celle des Dixosryexs, encore peu
connue, comprend des animalcules vivant isolés dans
des étuis membraneux , soudés par un point seulement
en manière de polypier.
La quatrième famille comprend des types nombreux
qui n'ont de commun que la présence d’un ou de plu-
sieurs filaments flagelliformes , et d’une enveloppe ré-
sistante non contractile; plusieurs l’ont dure et fra-
gile comme une coquille; la plupart l'ont globu-
leuse ; mais il en est aussi qui l'ont déprimée comme
une feuille ou une gousse; pour exprimer leur seul ca-
19% HISTOIRE NATURELLE
ractère distinctif commun, on peut nommer tous ces
Infusoires des T'aécamonaniens, ou Monadiens enve-
loppés.
La cinquième famille, celle des EucLÉNIENS , se
distingue par l'instabilité de forme qui caractérise
tous ses genres; ce sont en quelque sorte encore
des Monadiens avec leurs filaments flagelliformes ;
mais de plus, avec un tégument éminemment con-
tractile qui change leur figure à chaque instant, et
qui, le plus souvent , est susceptible de se tordre en
hélice ou de montrer des plis ou des stries suivant cette
disposition.
Enfin , parmi les Infusoires à filament, une sixième
famille , celle des Périniniens, se distingue à la rigidité
de son enveloppe qui est un véritable têt, et à la pré-
sence d’une double rangée de cils occupant un sillon
creusé au milieu.
Le quatrième ordre, celui des Znfusoires ciliés sans
tégument contractile , sera divisé d’après le mode de
distribution des cils vibratiles, d’après la présence
d’une bouche et des cirrhes en forme de styles ou de
crochets, enfin d’après le caractère fourni par une
cuirasse membraneuse réelle ou apparente. Quant au
mode de distribution des cils vibratiles, on doit mettre
en première ligne cette disposition en écharpe ou en
moustache d’une rangée régulière de cils conduisant
les aliments à la bouche quand cette ouverture existe.
Ainsi, parmi les Infusoires ciliés, sans tégument d’au-
cune espèce , une première famille n'ayant que des cils
épars, sans bouche et sans cette rangée régulière de
cils, est la famille des Excnécyens.
Dans une deuxième famille, celle des Tricaoptens ,
les Infusoires ne sont également pourvus que de cils
DES INFUSOIRES. 195
fins, épars sans ordre; mais ils ont une bouche bien
visible , ou indiquée par une rangée régulière de cils
un peu plus forts formant une petite crinière ou une
moustache.
Une troisième famille, celle des Kérontens , montre
ordinairementune bouche bien manifeste à l'extrémité
de la rangée de cils en écharpe ; mais cette famille est
surtout caractérisée par la présence de cils, ou cirrhes ,
ou appendices de diverses formes; les uns plus roides,
non vibratiles, ressemblant à des soies ou à des styles ;
les autres , plus épais à leur base, étant recourbés en
crochets.
Restent maintenant à diviser en deux autres familles,
ceux des Infusoires ciliés qui, avec ou sans la rangée
de cils en écharpe, et la bouche des précédents, pré-
sentent une cuirasse réelle ou apparente. Quand la
cuirasse difflue et se décompose comme le reste du
corps, les Infusoires appartiennent à la quatrième
famille , celle des Pcossconrexs. Dans la cinquième fa-
mille, au contraire, celle des Erviziens , la cuirasse
est bien réelle, membraneuse ou coriace, et persiste
après la décomposition de l'animal qui d’ailleurs est
pourvu d’un pédicule court.
Le cinquième et dernier ordre est caractérisé par
la présence d’un tégument réticulé contractile plus ou
moins distinct, mais toujours indiqué par la dispo-
sition en séries régulières ou en quinconce des cils,
et des granulations ou tubercules à la surface : une
bouche y est presque toujours visible. Pour diviser cet
ordre en familles, on doit chercher d’abord un carac-
tère important dans la manière de vivre des animaux,
soit isolés et libres ou temporairement fixés par leur
base, soit agrégés et fixés à des pédoncules simples ou
126 HISTOIRE NATURELLE
rameux , d'où ils se détachent pour se mouvoir libre-
ment sous une forme différente. On a recours ensuite
à ja présence d’une rangée de cils en écharpe, ou même
en spirale, qui se trouve toujours chez ceux de ces
Infusoires qui vivent fixés , et que l’on rencontre aussi
dans une famille d’Infusoires libres que je nomme les
Bursariews. Les autres Infusoires libres constituent la
famille des ParamÉciens si leur bouche est visible, et
celle des Leucornryens si elle n'existe pas d'une manière
évidente. Ceux qui sont fixés volontairement , et qui
vivent isolés ou sans connexion organique avec leur
support, sont les Unrcéorartens; enfin ceux qui, soit
simples , soit agrégés, sont fixés par un pédoncule,
et se détachent à une certaine époque pour vivre sous
une autre forme, sont les VorTiCELLIENs.
Nous pouvons donc, laissant de côté les Infusoires
symétriques qui constituent des types isolés sans rap-
ports mutuels, établir pour les autres, de la manière
suivante, une division en cinq ordres et en vingt fa-
milles, qui, à part les fibrioniens trop imparfaite-
ment connus, nous paraissent rangés ainsi de la ma-
nière la plus naturelle et la plus conforme à leurs
affinités mutuelles.
INFUSOIRES NON SYMÉTRIQUES OU ASYMÉTRIQUES.
ORDRE Er.
Animaux sans organes locomoteurs visibles.
ire Famille. NigrionieNs. Corps filiforme contractile.
ORDRE Ile.
An. pourvus d'expansions variables.
$ 1. Expansions visiblement contractiles , simples ou souvent
ramifiées.
2e fam. AMIBIENS. An. nus , rampants, de forme incessamment
variable.
3e fam. RuizOPODES. An. rampants ou fixés, sécrétant une
coque ou un têt plus ou moins régulier,
d’oisortent des expansions incessanument
variables.
?. Expansions {rès-lentement contractiles , toujours simples.
4e Jam. ACTINOPHRYENS. — An. presque immobiles.
223
: DES INFUSOIRES. 127
- ORDRE III.
An. pourvus d'un ou de plusieurs filaments flagelliformes servant
| d'organes locomoteurs.— Sans bouche.
$ 1. Sans aucun tégument.
5e fam. MOoNADIENS. — An. nageants ou fixés.
$ 2. Pourvus d’un tégument.
X Agrégés. — Flotiants ou fixés.
Ge Jam. NoLvociexs. Téguments soudés en une masse eom-
mune, libre.
7e fam. Dinogryenxs. Téguments soudés par un point, en un
| polypier rameux. |
YE Tsolés. — Nageants.
8e fam. TnécAMOnADIENS. Tégument non contractile.
Je Jam. EUGLÉNIENS. Tégument contractile.
10e Jam. PÉRIDINIENS. Tégument non contractile , avec un sil-
lon occupé par des cils vibratiles.
ORDRE IVe.
An. ciliés, sans tégument contractile. — Nageants.
"if Nus.
Île fam. ENcnéÉLyENs. Sans bouche, cils épars sans ordre.
12e fam. Tricuoniexs. Bouche visible ou indiquée par une ran-
gée de cils en écharpe ou en moustache.
Point de cirrhes.
13e fam. KÉRONIENS. Avec une bouche , une rangée de cils en
écharpe et des cirrhes ou cils plus forts,
en forme de styles ou de crochets.
MH Cuirassés,
44e fam. PLOESCONIENS. Cuirasse diffluente, ou décomposable
comme le reste du corps.
15° fam. ERVILIENS. Cuirasse réelle, persistante Un pédicule
| court.
ORDRE Ve.
An. ciliés, pourvus d'un tégument lâche, réticulé , contractile, ou chez
lesquels ia disposition sériale régulière des cils dénote la présence
d'un tégument.
X Toujours libres.
16e fam. LEucoPHRYENS. Sans bouche.
17e fam. PARAMÉCIENS. Avec une bouche, sans rangée de cils
en moustache.
18e fam. BuRSARIENS. Avec une bouche et une rangée de cils
en moustache.
. IS Fixés soit volontairement , soit par leurs organes.
19e Jam. URCÉOLARIENS. Fixés volontairement.
20° fam. VORTICELLIENS. Fixés au moins temporairement par
leurs organes ou par une partie de
leur corps. .
- INFUSOIRES SYMÉTRIQUES.
2 Plusieurs types sans rapports entre eux.
— Planariola,
— Colcps.
— Chionotus, — Ichthydium.
128 HISTOIRE NATURELLE
Si de la division des Infusoires en familles natu-
relles nous passons à la division de ces animaux en
genres , nous verrons d’abord la famille des Vibrioniens
si mal connue , pour laquelle , dans l’absence de
tout organe ou appendice visible, on peut employer
seulement le caractère du plus ou moins de courbure
et de rigidité d’un corps filiforme ; cette famille four-
nit ainsi les trois genres Bacterium, Vibrio et Spuril-
lum , suivant que le corps est droit et susceptible seu-
lement d’un mouvement de vacillation lente, ou suivant
qu'il est alternativement droit et flexueux ou suscepti-
ble d’un mouvement ondulatoire plus ou moins mar-
qué ; ou enfin si, paraissant plus roide, il forme tou-
jours une hélice ou spirale allongée qui tourne par
instant avec rapidité sur son axe sans changer de forme.
La deuxième famille , celle des Æmibiens , ne peut,
pour le moment , donner lieu à l'établissement de plus
d'un genre, dont encore les espèces, n'ayant rien de
fixe dans les formes, semblent se fondre l’une dans
l’autre.
Les animaux de la troisième famille , les hizopodes,
s'ils n'ont pas plus de fixité quant à la forme de leurs
expansions, deleur partie vivante en général, présen-
tent au moins une partie sécrétée solide, une coque ou
un têt dont les formes variées permettent d'établir des
tribus nombreuses, des genres et même des espèces
bien distinctes ; mais la partie vivante elle-même offre,
dans la forme des expansions variables, un caractère
suffisant pour diviser d’abord en deux sections les Rhi-
zopodes. Les uns, correspondant en partie à la famille
des Ærcellina de M. Ehrenberg, n’ont que des expan-
sions obtuses également épaisses dans toute leur lon-
sueur qui est relativement peu considérable ; les au-
DES INFUSOIRES. 129
tres , qui sont les Rhizopodes proprement dits, ont des
expansions très-longues, très-amincies, filiformes, et
le plus souvent rameuses comme des fibres radicel-
laires. Ils s’en servent pour ramper, d’où leur vient
ce nom formé des mots grecs gitzracine, roÿ:-rodos pied.
La première section contient deux genres : les
Difflugies, qui d’une coque membraneuse, souvent
sphérique, font sortir leurs expansions en diverses
directions : les {rcelles, qui du centre d’un têt hémi-
sphérique ou aplati, dur et cassant , font sortir leurs
expansions entre le tèt même et le plan de reptation.
La deuxième section se divise en trois tribus, dont la
première, comprenant des Rhizopodes qui d'un tèt
ovoïde ou slobuleux font sortir desexpansionsfiliformes,
se divise dans les genres 7'rinema, Euglypha et Gro-
mia, suivant que ces filaments sont peu nombreux et
simples, ou bien très-nombreux et très-ramifiés. Les
deux dernières tribus répondent en partie à l’ordre des
Foraminifères, de M. Alcide d’Orbigny , et se distin-
guent par un têt à plusieurs loges ou cavités toutes
occupées par la substance charnue de l’animal. Mais
dans la deuxième tribu seulement, qui comprend le
genre Miliole , les expansions sortent toutes par une
large ouverture unique , comme dans tous les genres
précédents.
Dans la troisième tribu, au contraire, il ny à
plus d'ouverture unique; les expansions filiformes,
nombreuses, sortent par les pores ou petits trous
dont le têt est percé. De ces derniers Rhizopodes,
les uns sont libres, comme les /otalies, les Vor-
ticiales , les Cristellaires, parmi lesquelles se distin-
guent les premières, parce que les loges de leur tèt sont
tapissées par une membrane interne, tandis que dans les
INFUSOIRES. 9
430 HISTOIRE NATURELLE
deux autres, le têt, entièrement calcaire et sans mem-
brane sous-jacente, est simplement percé de trous qui,
par toute la surface chez les Vorticiales , laissent sortir
les expansions ; au lieu que chez les Cristellaires ces ex-
pa»sions ne sortent que par les pores du bord de la
dernière loge.
D'autres sont fixés comme les Xosalines , les Pla-
norbulines et peut-être le Polytrema , l'ancien mille-
pora rubra, que d’après des observations non vérifiées
depuis 1834, je suis porté à ranger parmi les Rhizo-
podes. ;
La quatrième famille, celle des Acrinormrxens , ne
donne lieu qu’à l'établissement de deux genres bien
caractérisés, à moins qu'on ne veuille ajouter un nou-
veau genre Dendrosoma simplement annoncé par
M. Ehrenberg. Le premier de ces genres, Actinophrys,
comprend les espèces nues ou sans aucune partie mem-
braneuse ; le deuxième, {cineta , renferme celles qui,
au contraire, présentent un pédoncule membraneux,
supportant un corps nu ou partiellement revêtu d’une
enveloppe résistante.
La cinquième famille, celle des Monwaprexs, se par-
tage en deux tribus, les Monadiens isolés et les Mo-
nadiens agrégés. Parmi les premiers, on trouve à
établir plusieurs genres d’après le nombre des fila-
ments flagelliformes , et d'après la présence de plusieurs
autres sortes d'appendices ; savoir : 1°les ÂZonas , qui
n'ont qu’un seul filament et le corps de forme variable;
9° les Cyclidium qui, avec un corps discoïde peu va-
riable, ont un filament plus épais et plus roide à sa
base, de sorte que s'agilant seuiement à l'extrémité,
il produit un mode de locomotion beaucoup plus lent
el plus régulier ; 3° les Cercomonas, qui ont en arrière
un prolongement susceptible de s’étirer en s’aggluti-
DES INFUSOIRES, : 131
nant aux autres corps, d’où résulte un mouvement de
balancement ; k° les Âmphimonas, qui ont un prolon-
sement latéral, devenant quelquefois un second fila-
ment, d’où résulte leur mouvement saccadé; 5° les
Trepomonas aplatis et contournés en avant avec un
double filament , ce qui leur donne un mouvement gy-
ratoire, irrégulier; 6° les Chilomonas, chez qui le
filament part obliquement à côté d’un prolongement
antérieur ; 7° les //examita, qui ont quatre filaments
flagelliformes en avant, et deux prolongements fili-
formes en arrière ; 8° les //eteromita, qui ont à la fois
un filament flagelliforme au moyen duquelïils se meu-
vent en avant , et un filament trainant rétracteur qui,
se collant à leur gré, sur les corps voisins, et se con-
tractant tout à coup, leur permet de changer instan-
tanément, de lieu et de direction ; 9° enfin les 77richo-
monas, qui réunissent une rangée de cils vibratiles à
leur filament flagelliforme.
Les Monadiens agrégés forment les deux genres,
Uvella et Anihophysa, suivant que les groupes d’a-
nimalcules se meuvent librement dans le liquide, ou
qu'ils sont, au moins temporairement, fixés à des ra-
meaux d'une substance cornée, sécrétée par eux
comme une sorte de polypier.
La sixième famille, celle des Vozvocrews, caracté-
risée par la soudure des enveloppes particulières d’une
agrégalion d'animalcules, en une masse commune,
peut fournir quatre genres bien tranchés; les trois
premiers présentent des animalcules presque glo-
buleux sans queue, qui, dans le genre Folvox, sont
situés à la surface de la masse commune; dans le genre
Pandorina, ïls sont groupés plus profondément,
ou au centre même d’une masse globuleuse; dans le
LS A
1352 HISTOIRE NATURELLE
Gonium , ils sont situés sur un même plan dans une
masse commune en forme de plaque quadrangulaire.
Un quatrième genre enfin Uroglena se distingue par
Ja forme des animalcules qui sont pourvus d'un prolon-
gement caudiforme au moyen duquel ïls sont réunis
au centre de la masse commune globuleuse.
La septième famille est formée du seul genre Dino-
bryon qui lui a donné son nom.
Les Tuécamonwaniens , qui forment la huitième , se di-
visent en huit genres au moins , suivant le nombre de
leurs filaments, et suivant la forme ou la consistance
de leur tésument. Parmi ceux à un seul filament, on
distingue d’abord ceux dont la forme est globuleuse
ou ovoïde et le mouvement vif; l’on en forme les gen-
res 7'rachelomonas si le tézument est dur et cassant ,
ou le genre Cryptomonas s’il est membraneux et flexi-
ble ; de ce dernier peut-être on devra séparer au moins
comme sous-senres les Zagenella dont l'enveloppe
présente une sorte de goulot à la base du filament, et
les Tetrabæna qui , par suite de la division spontanée,
restent réunis par quatre. Les Thécamonadiens à un
seul filament et de forme aplatie, ont un mouvement
très-lent ; ce sont des Phacus , si le corps se prolonge
en manière de queue ; des Crumenula, si son contour
est ovale sans prolongement. Les 7’hécamonadiens à
deux filaments sont les Diselmis si ces filaments sont
égaux ; si, au contraire, l’un de ces filaments est plus
épais et traînant, nous avons le genre Plæotia ou le
genre Ænisonema, suivant que le corps est prismatique
ou en forme de pepin. Un dernier genre enfin, que
je nomme Oxyrhis, à cause de son prolongement an-
térieur en pointe, m'a seul présenté plus de deux fila-
ments.
DES INFUSOIRES. 133
La neuvième famille , celle des EveLénirxs, se divise
aussi d'abord suivant le nombre et la disposition des
filaments. Ceux qui n'ont qu'un seul filament, sont des
Peranema , si ce filament, agité seulement à l'extré-
mité, est plus épais et roide à sa base , où il semble
n'être que le prolongement du corps aminci en avant ;
ce sont des Astasia ou des Euglena, si ce filament
agité vivement dans toute son étendue s'articule brus-
quement à sa base, ou est inséré un peu de côté dans
une entaille ; la distinction un peu artificielle de ces
deux genres repose sur la présence ou l'absence d'un
ou de plusieurs points rouges dont les ÆEuglena
seules sont pourvues.
Les Eugléniens à deux filaments égaux, forment le
genre Zygoselmis; ceux qui ont un filament flagelli-
forme et un second filament traînant plus épais, sont
les Z/eteroselmis; enfin un genre Polyselmis comprend
ceux qui ont plus de deux filaments.
Dans la famille des Périninienxs, la dixième, se
trouvent seulement deux genres, le Peridinium dont
le corps est globuleux ou ovoïde sans cornes, et le
Ceratium qui se distingue par des prolongements en
corne, souvent très-longs, et par sa forme concave
d’un côté.
La famille des Excneuyexs , qui est la première des
Ciliés , et la onzième de toute la série, se divise en
cinq genres, qui sont : 1° les Acomia, nus sur une
portion de leur corps; 2° les Gastrochæta, ayant en
dessous une fente garnie de cils ; 3° les £nchelys, uni-
formément ciliés partout; 4° les Ælyscum, qui, avec
les cils des Enchelys, possèdent aussi de longs fila-
ments contractiles qui leur servent à s’élancer pour
changer de heu instantanément ; 5° les lrorema,
13% HISTOIRE NATURELLE
qui, également ciliés, ont en arrière un long filament
droit.
La douzième famille, celle des T'ricioniens, se divise
en cinq genres, dont les trois premiers ne montrent
pas distinctement une bouche, et cependant semblent
en avoir une qui est indiquée par une rangée ré-
sulière de cils plus forts; dans le premier genre,
Trichoda, le corps est ovoïde ou pyriforme, épais,
les cils de la bouche sont souvent dirigés en arrière;
dans le deuxième, 7'rachelius , le corps est très-allongé
ou notablement rétréci en manière de cou, les cils qui
le terminent en avant sont écartés et forment une pe-
tite crête; le troisième genre, Æcineria, a le corps
oblong, aplati et recourbé en lame de sabre au bord
antérieur , avec une rangée régulière de cils dirigés en
avant. Les deux derniers genres ont une bouche bien
distincte : ce sont les Pelecida, de la même forme
à peu près que les précédents, ou contournés en
fer de hache au bord antérieur ; et un cinquième genre,
enfin, Dileptus, différant totalement des précédents
par son corps fusiforme, rétréci aux deux extrémités,
et montrant une large bouche ciliée à la base du pro-
longement antérieur.
Dans la treizième famille nous ne pouvons établir,
pour le moment, que trois genres qui sont : 1° le
genre fJalteria, caractérisé par sa forme globuleuse,
et par des cils rétracteurs très-longs, dont il se sert
pour sauter brusquement d’un lieu à un autre; 2 Je
genre Oxytricha, ayant le corps oblong et muni de
cirrhes roides en forme de styles; 3° le senre Kerona,
montrant en outre des cirrhes corniculés ou en forme
de crochets, dont il se sert comme de pieds, pour
marcher sur les corps solides.
DES INFUSOIRES, 1435
La famille des PLorscontens , qui est la quatorzième,
contient cinq genres dont les quatre premiers ont des
cils ou appendices de diverse grandeur, et souvent des
cirrhes en crochet ou des styles comme les Kéroniens ;
deux de ces genres ne montrent pas de bouche; ce
sont les Diophrys n'ayant d’appendices en forme de
cils qu'aux deux extrémités du corps, et les Coccu-
dina ayant des appendices en crochet épars à la face
inférieure. Des deux autres genres munis de cirrhes,
l’un, Plæsconia, est caractérisé par sa forme enn acelle,
et sa bouche sans dents, l’autre, Chlamidodon , a la
bouche armée d'un faisceau de baguettes roides servant
de dents.
Les Plæsconiens du dernier genre n’ont que des cils
à peine visibles ; ils forment le genre Loxodes dont on
pourrait peut-être séparer certaines espèces ayant
des dents comme le genre précédent.
Deux genres seulement appartiennent à la quin-
zième famille, celle des Ervizress ; l’un, Ærvilia, est
caractérisé par la forme de sa cuirasse lisse repliée
Jongitudinalement comme une gousse d'Ervum et lais-
sant en avant et sur le côté une Jongue ouverture 2ar-
nie de cils vibratiles ; l’autre, Trochilia , a sa cuirasse
marquée de sillons obliques en spirale et ouverte seu-
lement en avant pour le passage des cils.
La seizième famille, celle des Leucophryens, fournit
trois genres dont les deux premiers, distingués l’un de
l’autre par leur forme, manquent absolument de bou-
che; dans l’un, Spathidia, le corps est aplati et tronqué
en avant; dans l’autre, Leucophra, le corps ovale est
également épais et arrondi aux deux extrémités. Le
troisième genre, Opalina, se distingue par une fente
136 HISTOIRE NATUPELLE
oblique ciliée paraissant indiquer une bouche à la
partie antérieure.
La dix-septième famille, celle des PARAMÉCIENS, con-
tient douze genres dont les deux premiers pourraient
être reportés avec les Leucophryens, comme n'ayant
pas une bouche bien distincte, ce sont les Pleuronema
dont le corps ovale oblong présente latéralement une
large ouverture d’où sort un faisceau de longs filaments
flottants mais contractiles, et les Lacrymaria qui
paraissent avoir une bouche près de l'extrémité d’un
long prolongement très-mince en forme de cou.
Les dix autres genres se divisent en deux groupes,
suivant que la bouche est Jatérale ou terminale. Huit
d’entre eux ont la bouche latéralement située , les deux
premiers ont en outre cette bouche munie d’une sorte
de lèvre saillante qui est longitudinale et vibratile
dans les Glaucoma , transversale et ciliée dans les
Kolpoda.
Les trois suivants ont la bouche non saillante sans
aucun appendice , et se distinguent par leur forme
oblonsue plus ou moins comprimée.
Les Paramecium ont le corps oblong, souvent mar-
qué d’un pli longitudinal oblique , passant par la bou-
che qui est au milieu de fa longueur.
Les Æmplhileptus ont le corps fusiforme , très-al-
Jonsé et rétréci en avant , avec la bouche, à la base de
ce rélrécissement.
Les Zoxophyllum ont le corps lamelliforme,
oblique , ondulé.
Un sixième genre à bouche latérale et à corps très-
aplati, se distingue par un faisceau de baguettes cor-
nées entourant la bouche , et par son contour sinueux
d’un côté, c’est le genre Chilodon.
DES INFUSOIPES. 1437
_ Deux autres genres de Paraméciens , à bouche Jaté-
rale, se distinguent par leur forme ovoïde oblongue,
devenant globuleuse par Ïa contraction : ce sont les
Panophrys qui ont la bouche nue, et ne diffèrent
des Paramécies que par leur forme non comprimée,
et les Vassula qui ne sen distinguent que par un
faisceau de petites baguettes dont leur bouche est en-
tourée.
Les deux derniers genres de Paraméciens ont la
bouche terminale et le corps oblong , ovoïde ou globu-
leux ; ce sont les Z/olophrya dont la bouche est nue,
et les Prorodon qui l’ont entourée d’une rangée de
petites baguettes.
La dix-huitième famille, celle des Bursariexs, se
divise en cinq genres dont les trois premiers montrent
bien ordinairement les stries de leur tégument et les
rangées de cils longitudinales; mais ces genres se distin-
suent surtout des suivants par la forme de leur corps
qui est aplati chez le Plagiotoma , et subglobuleux ou
ovoïde chez les Ophryoglena etles Bursaria : ces deux
senres diffèrent l’un de l’autre par la forme du corps
plus épais et plus arrondi en arrière chez celui-ci ,
plus étroit au contraire chez celui-là qui se distingue
en outre par une tache plus ou moins prononcée près
de la bouche.
Les deux derniers genres de Bursariens montrent
toujours les stries de leur tégument , et les rangées de
cils correspondantes, suivant une direction oblique ou
en hélice ; mais la forme de leur corps cylindrique,
très-allongé et très-flexible les distingue de tous les
autres. L'un de ces genres, Spirostomum , a la boucie
très-reculée en arrière , à l’extrémité d’une longue
rangée de cils; l’autre, Xondylostoma, Va très-crande,
138 HISTOIRE NATURELLE
entourée de grands cils et latéralement située à l'extré-
mité antérieure.
La dix-neuvième famille, celle des Urcéozarrens,
contient quatre genres, dont le premier, Stentor, ayant
seul le corps cilié partout et la bouche à l'extrémité
d’une rangée de cils en spirale , se rapproche beau-
coup des Bursariens ; mais il s’en distingue aussi bien
que des genres suivants, parce que seul il se fixe à
volonté sur les corps solides par son extrémité posté-
rieure. Des autres Urcéolariens deux genres égale-
ment privés de queue ou de pédoncule se distinguent
l'un de l’autre, parce que les Urceolaria sont toujours
libres ou se fixent transitoirement pour vivre en para-
sites sur d’autres animaux, tandis que les Ophrydia
sont ordinairement engagées dans une masse gélati-
neuse. Un dernier genre enfin , Urocentrum , est ca-
ractérisé par une sorte de pédoncule ou de queue
latérale.
La famille des V’orticelliens , la dernière , forme
également quatre genres : le premier, Scyphidia, a le
corps oblong , sessile, rétréci à sa base en forme de
pédoncule; les deux suivants, Épistylis et Porti-
cella , ont le corps porté sur un pédoncule simple
ou rameux, et se distinguent parce que celui-ci a son
pédoncule contractile en spirale, et que pour celui-là,
le pédoncule est roïde et le corps seul est contractile.
Le dernier genre enfin, Ÿaginicola, est remar-
quable parce que son corps est rétractile au fond d’un
étui ou d'un tube membraneux transparent.
Ainsi se trouvent divisées nos vingt familles en
qualre-vingt-quinze genres environ.
DES INFUSOIRES, 1439
CHAPITRE XII.
EXAMEN CRITIQUE DES CLASSIFICATIONS ANTÉRIEURES.
Tout imparfaite que puisse être notre classification,
nous allons, pour essayer de la justifier, examiner
comparativement les classifications précédemment pro-
posées.
Les naturalistes qui, avant Müller, ont parlé des
Infusoires, ne peuvent être cités que commeinventeurs
de plusieurs noms de genre restés désormais dans la
science. C'est ainsi que Hill, en 1752, désigna dans
son Histoire naturelle divers Infusoires par les noms
de Paramecium , Cyclidiun, Enchelys,
mots grecs Tapauxnc (oblong), Kilos (cercle ) et éidos
(forme), Éyxeus (anguille), qui expriment bien le ca-
ractère qui frappe d’abord dans l'observation de ces ani-
maux. Linné employait déjà le nom de Wolvox, dérivé
du mot latin volvere (rouler), en 1758 , et il introdui-
sit, en 1767, dans la 12° édition du Systema naturæ,
le nom de Vorticelle, diminutif du mot vortex, tour-
billon. Parmi les naturalistes qui sont venus depuis,
nous ne pouvons guère citer Schranck, Lamarck et
Nitzsch sous le rapport de la classification , que comme
dérivés des
créateurs de genres nouveaux qui ont dû être conser-
vés , tels que les genres Ceratium et Trachelius du pre-
mier, le genre Ürceolaria du second, et les genres
Phacus et Coleps du troisième ; de sorte qu'il nereste à
examiner que les classifications de Müller, de M. Bory
et de M. Ehrenbercg.
Müller n'avait pas à sa disposition d'instruments
assez parfaits pour être à même d’apercevoir les détails
140 "#8 HISTOIRE NATURELLE
d'organisation ou de structure que nous ont dévoilés
récemment les microscopes achromatiques ; il a donc
décrit comme entièrement nus, comme des globules
animés , et comme des corpuscules ovoïdes, ou cylin-
driques, ou déprimés , des animaux que nous trou-
vons tous aujourd’hui pourvus de cils vibratiles très-
nombreux , ou de filaments flagelliformes. Il a bien vu
que ces animaux se meuvent, mais il n’a pas apercu
leurs moyens de locomotion ; il a bien constaté la con-
tractilité de plusieurs d’entre eux, mais il n’a pas vu
comment leurs téguments se plissent en se contractant.
Cependant la plupart de ses genres, caractérisés par la
forme extérieure et par certains détails de structure,
peuvent , en étant convenablement épurés, non-seu-
lement être conservés, mais devenir le cadre d'autant
de familles ; ainsi, dans la classification que je pro-
pose, onze de mes vingt familles représentent autant
de genres de Müller, savoir : Monas, Protée ( Amibe),
Volvox, Vibrion, Enchélvs, Paramécie, Trichode,
Kérone, Bursaire, Leucophre et Vorticelle, et trois
autres genres de cet auteur sont nominativement con-
servés dans trois diverses famiiles, ce sont les Cycli-
dium, Gonium et Kolpoda ; de sorte qu'il n’y a de
supprimés que deux des seize genres établis par lui
pour les Infusoires , puisque son genre Brachion appar-
tient tout entier aux Systolides : de ces deux genres,
lun, Himantopus, fut créé par Fabricius, après la mort
de Müller, pour recevoir quelques fausses espèces
établies sur des dessins d’Infusoires altérés ou incom-
plets, et une seule espèce réelle qui rentre dans notre
genre Plæsconia ; l’autre, Cercaria , doit être entière-
ment supprimé, car les travaux de Nitzsch ont montré
depuis longtemps que les principales espèces sont des
DES INFUSOIRES. 11
Distomes dans le premier âge, et les autres se placent
naturellement dans d’autres genres.
Quant à ses espèces, en général elles ont été éta-
blies sans critique sur des dessins imparfaits représen-
tant le plus souvent des Infusoires altérés ou en partie
décomposés , et d’après des notes consciencieuses, il
est vrai, mais qui ne peuvent donner une idée sufli-
sante de ce que l'auteur n’a vu que très-incompléte-
ment. Aussi doit-on faire un triage parmi ces espèces,
comme M. Ehrenberg l’a déja indiqué, et ne pas re-
garder toutes les figures comme représentant des es-
pèces distinctes et réelles.
Müller, qui rangeait parmi les Infusoires tous les
animaux microscopiques exclus des autres classes lin-
néennes , divisa les Infusoires , parmi lesquels il con-
fondait les Systolides, en deux ordres : 1° ceux qui n’ont
aucun organe extérieur ; 2° ceux qui en sont pourvus ;
puis il subdivisa chaque ordre en deux sections, sui-
vant que les animalcules sont épaissis ou aplatis pour
le premier ordre; suivant qu’ils sont nus ou munis
d’un têt dans le deuxième. Mais cette dernière section
précisément , ne comprend que ses Brachions. Chacun
des genres ne fut ensuite caractérisé que par deux ou
trois mots indiquant d’une manière absolue la forme
du corps ; de sorte qu’en réunissant les notions géné-
rales, plutôt négatives que positives, de la classe, de
l’ordre et de la section, avec l’idée fournie en dernier
lieu par la phrase ou le mot caractéristique du
genre , on n'avait en somme qu'une notion fort incom-
plète et fort insufhisante de tel ou tel groupe. On ne
doit donc pas être surpris de voir entassées sans ordre,
dans un même genre, par l’auteur, les espèces les plus
disparales, n'ayant de commun qu’un caractère vague
142 HISTOIRE NATURELLE
de forme extérieure ou même de contour, sans rap-
port avec l’organisation, ou quelquefois rapprochées
par un prétendu caractère négatif de l'absence de cer-
tains organes qu’on n'avait point su apercevoir.
On doit remarquer aussi que Îa concision linnéenne
des phrases spécifiques de cet auteur, est absolument
insuflisante pour faire reconnaître les espèces, puisque
souvent , trois ou quatre mots latins, loin d'exprimer
des caractères précis et essentiels, indiquent tout
au plus des accidents de forme. Ce n’est donc qu'avec
l'aide des figures et des notes généralement bien
détaillées de l'auteur, qu’on peut aujourd hui rap-
porter quelques-unes de ses espèces à celles qu’on
sait observer d’une manière bien plus complète,
mais aussi bien différemment de ce que Müller a pu
voir.
Son genre Â/onas, le premier de la section des
épaissis, est caractérisé par un corps ponctiforme, ce
qui veut dire seulement, que ce corps est trop petit
pour avoir présenté d'autres caractères à l’auteur.
Des dix espèces qu’il renferme, on peut à peine en
reconnaître avec certitude six; ce sont bien d’ail-
leurs pour la plupart, des espèces de Monadiens,
quoique imparfaitement décrites; mais la première
est un Vibrionien, le Bacterium termo, et la troi-
sième, Monas punctum, est un autre Pacterium ;
le Monas pulvisculus est un 'Fhécamonadien; le A0-
nas tranquilla, observé dans l'urine putréfiée avec de
nombreuses moisissures, est probablement unes porule
de cette moisissure.
Le second genre Proteus, caractérisé par sa forme
variable , ne renferme que deux espèces, dont la pre-
mière est le type du genre Amibe et de la famille des
DES INFUSOIRES. 113
Amibiens , et dont la seconde, Proteus tenax, d'après
la description de l'auteur, ne pourrait qu'avec doute
être rapportée à une espèce d'Euglénien.
Le troisième genre, Wolvox, a pour caractère une
forme sphérique qui se voyait déjà plus en petit chez
les AMonas ; mais, avec des animalcules vivant isolés,
comme ses quatre premières espèces, dont deux
au moins (V’olvox granulum , VW. globulus) font par-
tie de la familie des Thécamenadiens, et deux autres.
V. punctum, F. pilula , sont des Monadiens ; auteur
y réunit plusieurs animaux comme le Wolvox globa-
tor etle Folvox morum, vivant réunis par une enve=
loppe commune, et dont nous faisons le type de
notre famille des Volvociens. Il y ajoute d'autres ani-
maux, comme les Ÿ’olyvox uva, Volvox socialis et
Volvox vegetans, qui sont des Monadiens agrégés ;
celui-ci, type du genre Ænthophysa, ceux-là appar-
tenant au genre Uvella, et enfin trois autres objets
mal vus par l'auteur lui-même, et sur la nature des-
quels on ne peut avoir d'opinion bien formelle.
Le quatrième genre , Enchelis, caractérisé par un
corps cylindrique, renferme parmi ses vingt-sept es-
pèces, deux ou trois Monadiens , deux Thécamona-
diens, deux ou trois Eugléniens, quelques Enchélyens,
Leucophryens et Paraméciens, dont l’auteur n'a point
aperçu les cils vibratiles, et au moins neuf espèces
absolument douteuses, et qu'on ne peut rapporter
avec certitude à rien de ce qu'on connaît aujour-
d'hui. |
Le cinquième genre, #ibrio, le dernier de la pre-
mière section, caractérisé par un corps allongé, ce
qui ne le distingue pas du précédent , comprend, dans
le nombre de ses trente-une espèces, les objets les
14/4 HISTOIRE NATURELLE
plus disparates; après en avoir distrait trois Bacilla-
riées (Vibrio bipunciatus, F. tripunctatus , F. paxil-
lifer et un Closterium (W. lunula), comme végétaux,
d’une part, et quatre vers Nématoïdes (7. coluber,
V. anguillula, VF. gordius, F. serpentulus), d'autre
part, il reste vingt-trois espèces d’animalcules dont
deux ou trois ne sont probablement pas des Infusoires.
Six d’entre eux sont de vrais Vibrioniens (7. lineola,
J. rugula, V. baciilus, V. undula, V. serpens,
V. spirillum), un autre (Ÿ. acus), est un Euglénien
(Euglena); quant aux autres, l’auteur eüt pu avec
tout autant de raison les placer parmi ses Enchelys,
ou ses Paramécies, quoique en général il paraisse
avoir considéré comme Vibrions ceux qui, plus ou
moins épais, plus où moOIns déprimés, présentent un
certain amincissement aux deux extrémités. Ce sont
surtout des ‘Frichodiens, et des Paraméciens (Æmphi-
leptus, Lacrymaria), dont Müller n’a pu découvrir
les cils vibratiles.
La seconde section, celle des Infusoires, sans nul
organe extérieur, mais à Corps membraneux, com-
prend cinq genres caractérisés simplement, et de la
manière la plus vague, par le contour ovale, oblong,
sinueux ou anguleux, ou par la forme excavée de
leur corps, sans mentionner encore les cils vibratiles
très-fins de leur surface.
e premier de ces genres, Cyclidium, qui aurait dù
ne comprendre que des Infusoires d'une forme discoï-
dale, nous offre au contraire, avec diverses espèces
douteuses, plusieurs Monadiens presque globuleux ,
ce qui tend à faire penser que le caractère des Cyclides
doit être complété et rectifié par l’indication du mode
de locomotion lent et uniforme, en raison de la lon-
DES INFUSOIRES. 145
gueur du filament flagelliforme, qui est simple et
épaissi à sa base.
Le deuxième genre, Paramecium, présente u
principale espèce (P. aurelia) qui, en raison de son
abondance extrême dans les infusions végétales et dans
les eaux de marais conservées à la maison, a été vue
de tous les micrographes, et a recu de plusieurs ob-
servateurs des dénominations significatives en rapport
avec sa forme de pantoufle ou de chausson. Mais avec
cette espèce type de nos Paraméciens, le genre de Müller
contient un autre Paramécien , le Pleuronema (Para-
mecium chrysalis), un Bursarien ( P. versutum ), et
deux espèces douteuses,
Le troisième genre, Kolpoda, qui, suivant la défi-
nition, ne devait contenir que des espèces à corps
aplati et à contour sinueux , en présente plusieurs qui
ne sont pas moins cylindriques que les Enchelys (Kol-
poda nucleus, K. pirum). Le type même de ce genre,
le Kolpoda cucullus, est bien plutôt ovoïde que com-
primé, comme l'indique le nom de Cornemuse, qui
lui fut anciennement donné par Joblot. Parmi les treize
autres espèces plus ou moins déprimées, se trouve un
autre Kolpode (X. ren); et le À. meleagris , faisant
aussi partie de notre famille des Paraméciens ; un autre
est le Chilodon ( K. cucullulus); un autre est un
Trachelius (K. lamella), de la famille des Tricho-
diens , ainsi que le Æ. rostrum. Le K. cucullio est un
Loxodes, et le reste , au nombre de huit, est à laisser
au moins provisoirement parmi les objets douteux.
Des quatre espèces composant Île quatrième genre,
Gonium, caractérisé seulement par sa forme angu-
leuse, une seule est bien authentique, le Gonium
pectorale ; une autre ( G. pulvinatum) , observée dans
INFUSOIRES. 10
146 HISTOIRE NATURELLE
l’eau de fumier, pourrait être un végétal; les trois
autres sont de simples débris de quelques autres
espèces.
Dans le cinquième genre enfin, Bursaria, une
seule espèce peut conserver ce nom (Bursaria
truncatella), et cest le type de notre famille des
Bursariens ; une autre espèce ( Bursaria hirundi-
nella) appartient à la famille des Péridiniens; les trois
autres sont douteuses, et deux d’entre elles (B. bullina,
B. globina), observées une seule fois dans l’eau de
mer, paraissent appartenir à d’autres classes qu'à celle
des Infusoires.
Le deuxième ordre de Müller, comprenant les Infu-
soires munis d'organes extérieurs, présente dans un
premier genre, Cercaria, caractérisé par une queue,
les objets les plus dissemblables. Il y a d’abord les
Cercaria lemna et Cercaria inquieta , qui sont à re-
porter dans la classe des Helminthes; puis huit autres
espèces, qui sont des Systolides. Il reste donc douze
espèces seulement qu'on peut rapporter aux Infusoires
avec plus ou moins de certitude, encore deux d’entre
elles (Cercaria hirta et C. podura) font-elles partie
du groupe anomal des Znfusoires symétriques. Des dix
espèces restantes , il faut en reporter cinq aux Mona-
diens, une autre (C. viridis) aux Eugléniens, une
septième (C. pleuronectes) aux Thécamonadiens , une
huitième ( C. tripos) aux Péridiniens, une neuvième
(C. turbo) aux Urcéolariens , et une dernière enfin est
un Trichodien indéterminé, de sorte que ce genre
a dû disparaître de la nomenclature.
Un second genre d’Infusoires à organes extérieurs
est celui des Leucophres, qui ont pour caractère d’être
velus ou ciliés sur toute leur surface. Plusieurs espèces
DES INFUSOIRES. 147
ici sont encore douteuses; quelques-unes même ne
sont pas des Infusoires, comme la Leucophra hetero-
clita reconnue depuis longtemps pour une jeune Al-
cyonelle, et les Leucophra fluxa et L. armilla qui
sont des lambeaux de la branchie d’une Moule dans
l'eau de laquelle Müller les observa ; mais, des vingt-
six espèces de l’auteur , il y en a au moins seize qu'on
doit regarder comme des Leucophryens , des Paramé-
ciens , ou même des Bursariens, sans toutefois préciser
l'espèce à laquelle ils se rapportent.
Un troisième genre, Zrichoda, que caractérisent des
cils ou des soies sur une partie plus ou moins considé-
rable du corps, est peut-être le plus confus de tous
ceux de Müller, ou du moins, sous ce rapport, on ne
peut lui comparer que le genre Vorticelle du même
auteur. En eflet, à part la différence que présentent
dans leur forme, dans leur disposition , et même dans
leur usage , les cils aperçus par Müller , et qui souvent
ne sont pas tous ceux qui devaient être vus, il y a
parmi ces Trichodes d’autres différences plus grandes
encore pour la forme et pour la structure du corps ;
à tel point que, dans ce genre, sont réunis avec des
représentants de huit familles de vrais Infusoires , plus
de trente-sept espèces fondées sur des dessins représen-
tant des lambeaux d’Infusoires, ou des animalcules
diversement altérés, et en outre neuf espèces de Systo-
lides. Dans les quarante-trois Trichodes , qui peuvent
être considérés comme des espèces réelles d'Infusoires,
se trouvent le 7richoda Larus, du groupe des symé-
triques, puis quatre Actinophryens dont les cils ne
sont nullement vibratiles, savoir : les 7’richoda sol,
solaris , granata et fixa ; trois ou quatre Vorticelliens ,
(T7. inguilinus, T, ingenita et T. innata); deux
10.
118 HISTOIRE NATURELLE
Bursariens ( 77. ambigua et 77. patula), et le reste
appartient aux familles des Trichodiens, Kéroniens,
Plæsconiens, et peut-être des Leucophryens.
Le quatrièmegenre, Kerona, est mieux caractérisé
par ses appendices corniculés d’où lui vient son nom
( de Képx corne ); et à part quatre espèces ( Kerona
rastellum, K. haustellum, K. haustrum, et K. cypris),
établies sur des lambeaux vivants de certaines espèces
qui , en raison de leur facilité à se déformer , ont aussi
donné lieu à l’établissement de diverses espèces de
Trichodes et d'Himantopus; à part, dis-je, ces espèces
fictives, on ne voit dans les dix autres que des Kéro-
niens et deux Plæsconiens.
Le cinquième genre, Æimantopus, qui est totale-
ment à supprimer comme il a été dit déja, fut institué
par Fabricius d’après les notes incomplètes de Müller,
pour le Plæsconia charon et six lambeaux vivants de
Kérone qui se servaient de leurs cils ou longs appen-
dices filiformes , comme de pieds pour marcher sur le
porte-objet, d’où ce nom d’A/imantopus (iut:, iuivros,
Janière, où, pied ).
Enfin le dernier genre V’orticelle, non moins confus
que le genre T'richode, est caractérisé par sa contrac-
tilité et par un orifice garni de cils. Avec dix-huit
Systolides, huit Urcéolariens, dix-huit Vorticelliens,
un Péridinien (Worticella cincta) ,etun Actinophryen
(F7. tuberosa) , il ne contient pas moins de vingt-neuf
fausses espèces établies sur des dessins imparfaits , ou
répétant d’une manière inexacte d’autres espèces mieux
décrites autrement.
Lamarck n'ayant point observé par lui-même, ac-
cepta les espèces établies par Müller, et modifia seu-
DES INFUSOIRES. 1419
lement sa classification , en supprimant le genre /41-
mantopus pour le réunir aux Kérones, et en instituant
le genre Trichocerque aux dépens du genre Cercaire ;
et les genres Urcéolaire, Furcocerque et Furculaire
aux dépens des Vorticelles.
M. Bory de Saint-Vincent tenta le premier d'établir
une classification méthodique pour les Infusoires,
qu'il nomma Microscopiques ; malheureusement il pa-
rait, dans ses propres recherches , n’avoir rien apercu
de plus que Müller , et sa classification est uniquement
fondée sur les caractères indiqués par cet auteur dans
ses figures d'Infusoires, quoique non exprimés tou-
jours dans son texte. Il en résulte que ces figures,
faites à l'instant des observations, n'ayant été soumises
à aucune critique, n'ayant même pas subi l'épreuve
d’une dernière comparaison, et d’une épuration que
l’auteur n'eüt pas manqué de faire , si la mort ne l’eût
enlevé avant l’achèvement de son livre ; ces figures,
dis-je, n’ont pu qu'induire en erreur M. Bory, quand
il a pris pour des formes bien précises et persistantes
ce qui n'était qu'un simple accident, ou le produit
d’une décomposition partielle et quand il a voulu
d’après cela établir de nouveaux genres.
Ce qu’il a y de plus regrettable encore dans sa classi-
fication , c’est l'ignorance où l’a laissé son microscope
au sujet des organes ou appendices , ou des cils dont
sont pourvus la plupart des Infusoires qu’il regarde
comme entièrement nus, et qu'il nomme en consé-
quence des Gymnodés.
Mais avant d'aller plus loin, il est bon de dire que
M. Bory a séparé des Infusoires les Vorticelles pédi-
cellées dont ïl fait des Psychodiaires, en y laissant
150 HISTOIRE NATURELLE
sous divers noms ces mêmes Vorticelles détachées de
leurs pédoncules. En même temps il réunit à cette
classe d'animaux les Zoospermes, les Systolides, et y
laisse les Vers nématoïdes , antérieurement confondus
avec les Vibrions, ainsi que les Helminthes, pris par
Müller pour des Gercaires.
De ses Microscopiques ainsi conçus, il fait cinq
ordres subdivisés en dix-huit familles et quatre-vingt-
deux genres , dont cinquante seulement sont de vrais
Infusoires ; et à défaut de caractères suflisants pris
dans la forme ou dans les organes ou appendices , il
a recours à des considérations, fort difhciles à com-
prendre et à expliquer, « sur la molécule organique
constitutrice , tantôt jouissant d’une vie individuelle,
tantôt asservie à une vie commune, et dans laquelle
se gare pour certains types des globules IE
plus visibles.
Son premier bird celui des GYMNODÉS, ne devait
contenir, suivant lui , que des animaux très-simples,
de forme parfaitement déterminée et invariable, ne
montrant aucun organe, ni cirres vibratiles, ni
même la moindre apparence de poils ou de cils quel-
conques. Cependant, à l'exception des vrais Vi-
brions , il n’est pas un des animaux de cet ordre qui
ne contredise sa définition , soit par l'instabilité de sa
forme, soit par la présence des filaments flagelliformes
ou des cils qui lui servent d'organes locomoteurs. Neuf
familles composent cet ordre : la première, celle des
Mowaparres, correspond en partie à nos Wonadiens; elle
contient notamment un genre Cyclide, représentant
celui de Müller ; la deuxième famille, celle des Pan-
DORINÉES, répond à notre famille des Folvociens, et
contient de plus son genre Uvella, que nous placons
DES INFUSOIRES. 151
parmi les Monadiens ; la troisième famille, que mal à
propos il nomme des Vozvocrexs, est un assemblage
d’animalcules fort différents, parmi lesquels, suivant
l’auteur, pourraient être confondus des propagules vi-
vants de Conferves ou Zoocarpes. Il leur donne pour
caractère commun, d’avoir un corps ovoïde ou cylin-
dracé, déjà constitué par des molécules visibles, as-
treint à une forme constante, qu’il n’est pas donné à
l'animal de défisurer à son gré. Dans cette famille il
place un genre Gyges qui est peut-être un de nos Thé-
camonadiens ; un genre Volvox, qui comprend bien à
la vérité une espècede Müller, que nous croyons devoir
reporter aussi parmi les Thécamonadiens (Wolvox glo-
bulus) , et non point le vrai Volvox globator, connu
de tous les auteurs sous cette dénomination, et que
M. Bory seul a nommé Pandorina ; les autres Volvox
de cet auteur sont des Infusoires ciliés , des Enchéliens
ou Leucophryens, qui n’ont avec les deux précédents
aucun autre rapport qu'une forme obronde ou sphéri-
que. Enfin, dans cette même famille se trouve un
genre Enchelys, au corps cylindracé, plus ou moins
pyriforme, toujours sensiblement atténué à son extré-
mité antérieure, renfermant plusieurs Enchelys ou
Kolpodes du Müller, que nous croyons devoir être re-
portées dans des familles différentes.
Ses Kozroninées , formant une quatrième famille ,
sont caractérisés par un « corps plus ou moins mem-
» braneux , jamais cylindracé, où des globules hyalins
» plus visibles se prononcent dans la masse de la molé-
» cule cowstitutrice, et qui, évidemment contractile,
» varie de forme au gré de l'animal. »
M. Bory y place quatre genres très-dissemblables ,
savoir : 1° le 7riodonta formé avec le Kolpoda cuneus,
152 HISTOIRE NATURBLLE
qu'il n’a point vu lui-même, et que Müller, qui l'a
observé imparfaitement une seule fois , décrit comme
ayant un corps cylindrique et produisant sur ses bords
un mouvement d’agitation (de mication, micatio),
qu'on ne peut attribuer qu'à des cils ; on devrait donc
ajourner l'inscription de cet animal dans la nomencla-
ture, bien plutôt que d'en faire un genre ; 2° le genre
Kolpode, auquel il attribue un corps parfaitement
membraneux, irès-variable, atténué au moins vers
l’une de ses extrémités, et auquel cependant il rap-
porte les Vibrio utriculus et F. intermedius de Müller
qui sont cylindriques, les Gonium rectangulum et obtu-
sangulum, qui sont décrits par le même auteur comme
étant de forme invariable , et enfin plusieurs autres
Infusoires ciliés, et notamment le Kolpoda méléa-
gris de Müller qui doit faire partie de notre famille
des Paraméciens ; 3° le genre Æmibe ayant pour
type le Protée de Rœsel et le Protée diffluent de
Müller, si bien caractérisés par l'instabilité de leur
forme et par les appendices variables et comme dif-
fluents que ces animaux émettent de tous côtés. Ce-
pendant M. Bory leur associe, dans le même genre, le
Vibrio anser de Müller, qui est notre Dileptus , et le
Kolpoda cucullus dont les caractères sont si différents
et si frappants, et que sa forme bien reconnaissable a
fait nommer jadis Cornemuse où Pendeloque:', &° en-
fin le genre Paramécie , dans lequel il réunit à la Pa-
ramécie aurélie , véritable type de ce genre , d’autres
espèces n'ayant rien de commun que la forme oblon-
gue, où un corps membraneux qui présente un pli
longitudinal et oblique quand il change de direction
en nageant.
La cinquième famille , celle des Bursariées , caracté-
DES INFUSOIRES. 1453
risée par la forme du corps membraneux , replié sur
lui-même en sac ou en petite coupe, se compose de
trois genres, Bursaire, Hirondinelle et Cratérine,
dont les espèces fort différentes doivent être rapportées
à six de nos familles ; savoir : le genre Hirondinelle
formé avec la Bursaria hirundinella de Müller qui est
le Ceratium de notre famille des Péridiniens ; le genre
Bursaria qui avec une vraie Bursaire ( B. trunca-
tella), contient les Cyclidium rostratum et Kolpoda
cuculio de Müller, qui sont des Loxodes , et le Para-
mecium chrysalis dont nous avons fait le genre Pleu-
ronema dans la famille des Paraméciens ; et enfin dans
les Bursariées M. Bory place son genre Cratérine
formé avec un de nos Euglèniens (Ænchelys viridis de
Müller), et des Vorticelliens ou Urcéolariens, mal
observés et jugés dépourvus de cils.
Dans sa sixième famille, celle des VrrrioNIDES, ca-
ractérisée par un corps cylindracé, allongé , flexible,
et qui est assurément l’une des plus confuses, deux
genres seulement se rapportent à nos Wibrioniens ; ce
sont le genre Melanella qui répond à nos Bacterium
et Spirillum , et le genre Vibrion, dans lequel, avec
les vrais Vibrions, sont confondus des Vers nématoïdes,
comme l’Anguille du vinaigre et celle de la colle. Un
premier genre, Spirulina , est établi pour le Folvox
grandinella que Müller seul a vu, et dont la nature
est fort équivoque. Un quatrième genre, Lacryma-
toria , dont le corpscylindracé s’amincit en un cou ter-
miné par une dilatation en manière de tête, contient,
avec une espèce d'Euglènien (fibrio acus), plusieurs
autres Infusoires qui méritent de former un genre par-
ticulier , mais qui ne doivent pas rester associés avec
les vrais Vibrioniens, quoique Müller en ait placé
154 HISTOIRE NATURELLE
plusieurs dans son genre Vibrion; enfin, M. Bory
place dans un dernier genre, Pupella, des espèces d’'En-
chelys et de Vibrions de Müller, fort différentes les
unes des autres, mais qui, dit-il, « ne pouvant ren-
trer dans aucun des genres précédents , ne peuvent
cependant en former de nouveaux; ce sont des Vi-
brions obtusés, plus épais , non uniformes.» Nous de-
vons ajouter que ce sont des espèces pour la plupart
douteuses, et qui d’ailleurs, si l’on savait comment
elles sont ciliées , seraient assurément fort loin des
Vibrions.
Sa septième famille, celle des CErcaRIÉES, caractéri-
sée par la présence d’un appendice caudiforme, ré-
pond au genre Cercaria de Müller, moins les Furco-
cerques de Lamarck, mais elle est rendue plus hété-
rogène encore par l’adjonction des Zoospermes , que
M. Bory regarde comme des animaux distincts, et dontil
fait un genre à part. Un premier genre nommé ÆAapha-
nella, comprend le Proteus tenax, la Cercaria viridis,
qui est le type du genre Euglena dans les Euglèniens,
et dont les variations de forme sont si remarquables;
puis d’autres espèces tout à fait différentes qui sont
des Enchelys douteuses et mal connues de Müller. Un
deuxième genre, flistrionella, à corps plus ou moïns
contractile, cylindracé, oblong , avec une queue fort
distincte, renferme à la fois les Cercaria lemna et in-
quieta de Müller, qui sont, comme nous avons dit , de
vrais Helminthes, et avec elles lEnchelys pupula,
qui est bien un Infusoire, mais impossible à déter-
miner. Le genre Cercaria, qui vient ensuite, est
réduit à quelques espèces de Monadiens; un qua-
trième genre, T'urbinella , est uniquement formé pour
une espèce (Cercaria turbo) que M. Ehrenberg re-
DES INFUSOIRES. 155
porte aujourd’hui dans le voisinage des Vorticelles,
en la nommant Urocentrum. Son genre Virguline , a,
dit-il, « un corps oblong , membraneux, aminci par sa
partie postérieure en une très - petite queue fléchie
en virgule. » Il y place la Cercaria pleuronectes, qui
est un Thécamonadien du genre Phacus, et la Cerca-
ria cyclidium, qui doit certainement faire partie d’un
autre genre. Enfin, son genre Zripos est formé avec
la Cercaria Tripos, qui appartient à la famille des
Péridiniens.
M. Bory, dans sa huitième famille, celle des Uro-
piées, dont le nom ressemble beaucoup trop à celui
d’une autre famille (Urodées), et que doit caractériser
une queue fourchue, n’a compris que les Furco-
cerques de Lamarck, avec trois autres genres de
Systolides qu’il en sépare; puis un genre (77) établi
sur une espèce problématique de Müller (Cercaria
malleus), et un genre Kérobalane, fait avec des Ur-
céolariens ou des Vorticelliens mal observés par
Müller ou par Joblot seulement. De même aussi il
forme une neuvième famille pour une seule espèce
établie sur un simple débris de Kérone, la Kerona
rastellum, M., dont il fait le genre 7ribuline.
Aux Microscopiques de son second ordre, à ses
TRICHODES , M. Bory n’accorde « ni ouverture buc-
cale , ni organes internes déterminés , mais seulement
des poils ou des cirres non vibratiles, sur la totalité ou
sur quelques parties d’un corps simple, contractile. »
Il remarque que les corpuscules hyalins (et dans ce cas
ce sont des vacuoles qu’il nomme ainsi), s’y multiplient
et y deviennent beaucoup plus considérables. Il fait
trois familles de ses Trichodés, savoir : les Polytriques,
les Afystacinées et les Urodées.
156 HISTOIRE NATURELLE
Chez les Poryrriques « des poils très-fins et non
distinctement vibratiles, sont répandus en villosités
sur toute la surface du corps, ou en cils sur l'intégrité
de sa circonférence, » ce qui fait dire à M. Bory que
« ces animaux semblent être des ébauches du genre
Béroë. » Ils forment quatre genres : 1° Le genre Leu-
cophre répondant à celui de Müller avec peu de chan-
gements ; et par conséquent avec une grande partie de
ses erreurs et de ses espèces très-douteuses; 2° Le
genre Diceratella, comprenant avec les deux princi-
paux types de nos Infusoires symétriques (7richoda
larus , Cercaria hirta), une espèce douteuse de Sys-
tolide (Leucophra cornuta); 3 le genre Péritrique,
dans lequel le corps n’a de poils ou cils qu’au pour-
tour et non sur toute la surface, est formé d’une
réunion confuse d’Actinophryens (7richoda sol, M.),
et d’Urcéolariens (Vorticella stellina, M.), avec |
divers Trichodiens et Leucophryens ; 4 le genre Stra-
volæma , que l’auteur regarde « comme un passage
trés-naturel aux vers intestinaux par les Echinorhin-
ques, » est établi seulement sur une espèce de Müller
(Zrichoda melitea) qui paraît appartenir au genre
Lacrymaria.
La deuxième famille , celle des MysraciNÉES (Mioroë ,
moustache) est caractérisée par la disposition des cils
en petits faisceaux ou en séries. Le premier genre ,
Phialine, que distingue un seul faisceau de cils sur
un bouton en forme de tête séparé du corps par un
rétrécissement, renferme plusieurs Trichodes de
Müller, qui peuvent être réunis au genre Lacrymaria.
Le deuxième genre, 7richode, quoique considéra-
blement réduit, présente encore beaucoup des inco-
hérences si nombreuses dans celui de Müller; car
DES INFUSOIRES. 457
son caractère d’avoir un faisceau de cils non vibratiles
en avant, et d'être glabre en arrière, est trop vague;
aussi y trouve-t-on des Oxytriques, des Trachélius,
des Trichodiens, etc. Le troisième genre, Fpsistomum,
établi d’après une figure de Müller, pour une seule
espèce, Zrichoda ignita, trop peu connue, est cepen-
dant aussi indiquée par l'auteur, comme faisant un
passage aux Biphores. Le quatrième genre, Plagio-
rique, qui, comme l'indique son nom, doit avoir des
poils ou cils disposés en une série longitudinale sur un
des côtés du corps, contient des espèces très-dissem-
blables, parmi lesquelles sont quelques Trichodiens
mélés à des espèces douteuses. Le cinquième genre,
Mystacodelle , ne comprend que des espèces de Kéro-
niens douteuses ou altérées, vues seulement par Müller
et Joblot, et représentées par eux comme ayant le
corps terminé en avant par une fissure ou des lèvres
inégales munies de cils en manière de moustaches.
Le genre Oxytrique, qui, modifié et restreint con-
venablement, doit être conservé, est inexactement
caractérisé, chez M. Bory, par des cils ou poils dispo-
sés en deux séries ou faisceaux, aussi contient-il avec
de vraies Oxytriques, diverses espèces de Müller,
qui sont très-douteuses ou indéterminables. Le genre
Ophrydie, qui doit être reporté avec les Vorticelliens,
contient avec la ’orticella versatilis, M, qui est le vrai
type de ce genre, d’autres Vorticelliens, plus ou moins
douteux, dont Müller avait fait des Trichodes.
Le genre 7rinelle est établi pour le seul 7richoda
floccus, qui n’est connu que par la figure de Müller
et paraît être un Systolide. Le genre Kerona , qui,
outre les cils mobiles disposés sur un côté ou tout au-
tour du corps, doit présenter des appendices particu-
158 HISTOIRE NATURELLE
liers en dentelures, en cirres fort longs ou en cornes,
comprend les Kérones et les Himantopes de Müller ;
mais malheureusement il n’est presque formé que d’es-
pèces douteuses. Le Kondyliostome enfin, le dernier
genre des Trichodés, est assez bien caractérisé par la
forme cylindrique du corps avec un orifice buccal laté-
ralement situé et bordé de cils plus grands que ceux
du reste du corps.
La troisième famille de Trichodés, dont le nom
Unonées ressemble trop à celui des Urodiées, qui en
effet ne s’en distinguent que par l’absence des cils, con-
tient un genre de Systolides, et un autre genre Ratule
formé de quelques Trichodiens ou Kéroniens à corps
aminci postérieurement en forme de queue.
Le troisième ordre des Microscopiques de M. Bory est
nommé par lui SroMosLÉPHARÉS ( réuz bouche, Bléozpoy
paupière, cils), pour exprimer que ces animaux ont
antérieurement une ouverture buccale, munie de cils
ou cirres vibratiles. Ils sont toujours d’ailleurs, sui-
vant M. Bory, formés d'une molécule constitutrice
transparente où se voient des corps hyalins plus gros.
Deux familles constituent cet ordre ; la première, celle
des Urcéorariées, répond au genre Urcéolaire de La-
marck et à notre famille des Urcéolariens , dont elle
contient les deux principaux genres Stentor et Urceo-
laire, maïs , avec eux, elle contient divers autres Vor-
ticelliens mal étudiés ; la seconde famille, celle des T'ur-
KIDÉES , renferme quatre genres de Systolides avec le
genre Vaginicole qui fait partie de nos Vorticelliens.
Un quatrième ordre, celui des Rorirères, formant
une seule famille , ne contient que des Systolides, et
le cinquième et dernier ordre, celui des Crusronés, for-
mant trois familles, comprend tout le reste des Systo-
DES INFUSOIRES. 159
lides , et les deux genres Plæsconie et Coccudine, ran-
. fort mal à propos avec les Anourelles dans la der-
nière famille.
Ainsi, des cinq ordres de M. Bory, quatre seule-
ment renferment des Infusoires ; de ses dix-huit fa-
miiles , quinze seulement sont daus le même cas; et de
ses quatre-vingt-deux genres , il n’y en a que cinquante
qui puissent se rapporter avec plus ou moins de certi-
tude à des Infusoires proprement dits, auxquels ce-
pendant on doit ajouter les Vorticelles. On voit
d’ailleurs que tout en conservant environ vingt-trois
de ces genres, nous sommes obligés de les circonscrire
et de les caractériser d’une manière bien différente.
M. Ehrenberg publia pour la première fois, en 1830,
une FAR des Infusoires , divisés alors en 20 sd
milles et 77 genres ; il y comprenait les Bacillariées et
les Clostériées, qui formaient déjà dix genres. Depuis
lors, en 1833, ila, par diverses additions et modifi-
cations, porté le nombre de ses familles à 21, et le
nombre de ses genres à 106; mais il est vrai de dire
que cette augmentation a surtout porté sur les Bacil-
lariées, qui , au lieu de 9 genres, en ont formé 18; de
sorte qu’en laissant de côté comme végétaux ces êtres
et les Clostériées , il ne restait en définitive que 87
genres d’Infusoires à cette époque. Enfin cet auteur,
daus son grand ouvrage publié en 1838, a, par de
nouvelles additions, porté le nombre des familles à 22
et celui des genres à 133, renfermant 533 espèces ;
mais encore, dans ces nombres , il comprend 36 genres
et 206 espèces de Bacillariées et Clostérinées, de sorte
qu'il ne reste en définitive que 20 familles, 97 genres
160 HISTOIRE NATURELLE
et 347 espèces plus ou moins réelles de vrais infu-
soires.
Cet auteur, dès le principe, regardant comme au-
tant d’estomacs les vacuoles plus ou moins nombreuses
à l’intérieur des Infusoires, nomma ces animaux des
PozyaasTriQues, et les subdivisa en Ænentera sans in-
testin, et Enterodela pourvus d’unintestin ; puis cher-
chant un caractère dans la disposition qu'il croyait
exister dans ce prétendu intestin , il partagea ces der-
niers, 1’ en Ænopisthia , sur lesquels les deux extré-
mités de l'intestin viennent aboutir à un même orifice,
20 en Énantiotreta , où les orifices de cet intestin sont
situés aux deux extrémités ; 3° en Æ{llotreta où l’un
seulement des orifices de l'intestin est à une des
extrémités du corps; et 4° enfin en Catotreta, qui ont
les deux orifices de l'intestin situés à la face ven-
trale et non terminaux. Quant aux Æ{nentera , il les
partage en trois sections; la première comprenant
ceux qui sont sans pieds ou appendices, Gymnica ; la
deuxième ceux qui ont des pieds ou appendices varia-
bles, Pseudopoda ; la troisième enfin ceux qui sont
ciliés, Epitricha.
Chacune de ses sept sections se divise ensuite en fa-
milles d’après diverses considérations, et surtout d’après
la présence ou l'absence d’un têt ou d’une cuirasse ;
considération que, dans ses premières publications,
l'auteur avait jugée si importante, qu'il partageait tout
d’abord les Infusoires en deux séries parallèles , les
nus et les cuirassés, s'efforçcant de compléter cette se-
conde série au moyen de rapprochements fort peu ad-
missibles, et par l'institution de divers genres créés
dans ce seul but.
Il a donc ainsi sept divisions qu'on peut nommer
DES INFUSOIRES. 161
des ordres et qu’il divise en familles de la manière sui-
vante : les Gymnica d’abord , suivant que la forme est
invariable ou variable, et dans le premier cas, suivant
qu’ils se multiplient par division spontanée complète
ou incomplète; les premiers forment les deux familles
des Monadina et des Cryptomonadina ; l'une sans ca-
rapace , l’autre avec carapace ou cuirasse : les Gymni-
ques à division incomplète forment les trois familles
des Volyocina qui sont cuirassées et éprouvent la di-
vision spontanée dans toutes les directions ; des Wibro-
nia qui sont nus et n’éprouvent la division spontanée
que dans une seule direction ; des Closterina enfin
qui sont cuirassés et se divisent aussi dans une seule
direction. Les Gymniques à forme variable sont les. 4s-
tasiæa , s'ils sont nus, ou les Dinobryina, s'ils sont
cuirassés.
Les Pseudopoda nus forment la famille des Amæ-
baca, et ceux qui sont cuirassés sont des Ærcellina , si
leurs pieds à lobes multiples sortent d’une seule ou-
verture, et des Bacillaria, si un pied simple sort
d’une seule ouverture ou de chaque ouverture, carac-
tère que l’auteur seul a observé jusqu'ici. Les Epitri-
cha nus forment la famille des Cyclidina, et les cuiras-
sés celle des Peridinæa.
Les Anopisthia nus ou cuirassés sont les V’orticel-
lina et les Ophrydina ; les Enantiotreta nus ou cui-
rassés sont les Ænchelia et les Colepina ; les Allotreta
nus, s'ils ont une bouche dépassée par une trompe et
s'ils sont depourvus de queue, forment la famille des
Trachelina ; s'ils ont la bouche à l'extrémité anté-
rieure et le corps aminci postérieurement en manière
de queue, ce sont les Ophryocercina ; ceux qui sont
cuirassés forment la famille des Æspidiscina.
INFUSOIRES. 11
162 HISTOIRE NATURELLE
Les Catroteta nus, s'ils n’ont d’autres organes loco-
moteurs que des cils, sont des Colpodea ; s'ils ont au
contraire des organes locomoteurs de plusieurs sortes,
ce sont les Oxytrichina ; ceux enfin qui sont cuirassés
constituent la famille des Euploia, ou nos Plæscomiens.
ILest clair que n'admettant point l'existence d’un in-
testin chez les Infusoires, ni la présence d’un anus dans
un endroit déterminé de leur corps, nous ne pouvons,
non plus, reconnaître exactes ces distinctions artifi-
cielles de familles. Quelques-unes cependant sont à con-
server , quand d’autres caractères suffisants étant em-
ployés par l’auteur, en ont fait des familles naturelles;
telles sont celles des F’olvocina, des Vibrionia, des
Peridinæa, des Vorticellina , des Oxytrichina et des
Euplota , qui correspondent presque exactement à nos
Volvociens, Fibrioniens, Peridiniens, Vorticelliens,
Kéroniens, et Plæsconiens, sauf la réunion des 4s-
pidiscina à cette dernière, et la réunion des Ophry-
dina aux Vorticelliens, d'où nous séparons au con-
traire les Urcéolaires. F'elles sont encore les familles
des Æmocbaea et des Dinobryina qui, formées cha-
cune d’un seul genre, ne pouvaient être circonscrites
différemment et sont pour nous les Æmibiens et les
Dinobryens. Les Fonadina sont bien aussi à peu près
nos Monadiens ; autrement définis, les Cryptomona-
dina augmentés de quelques Æstasiæa à formes con-
stantes sont nos 7 hécamonadiens ; les Astasiæa ainsi
réduits pour répondre mieux au caractère d’instabilité
de forme indiqué par leur dénomination, sont nos
Euglèniens ; les Col/podea, réunis aux Ophryocercina,
répondent en partie à notre famille des Paraméciens ;
les Cyclidinarentrent en partie dans nos Encheleins ;
les Trachelina dans nos Trichodiens et nos Bursa-
riens; @t les Enchelia aussi en partie dans nos Zeuco-
DES JINFUSOIRES. 163
phryens, et en partie dans nos Bursariens ; les Ærcel-
lina forment une section de nos Ahizopodes. Les Co-
lepina, enfin , ne forment qu’un genre de notre groupe
anomal des Infusoires symétriques. Quant aux Clos-
terina et Bacillaria, qui seraient également des In-
fusoires symétriques s'il était permis de les re-
garder comme des animaux , je persiste à penser
qu'ils sont sans estomacs et sans pieds variables,
comme sans cils vibratiles, et qu'ils n’ont point d’ail-
leurs les caractères des animaux. Mais en outre de ces
vingt-deux familles, M, Ehrenberg indique dans une
note , à la suite de la famille des £nchelia (1), la né-
cessité de créer une famille des Æcinetines qui corres-
pond à notre famille des Æctinophryens.
Si nous passons à l'examen des genres du même au-
teur, nous verrons une foule de rapprochements que
rien ne justifie, et de distinctions sans nulle valeur,
fondés sur des caractères fictifs ou douteux ; mais cet
examen , nous aurons l’occasion de le faire successive-
ment, lors de la description méthodique de nos fa-
milles : je me borne pour le moment , tout en avouant
que moi-même j'ai plus d’une fois employé des carac-
tères équivoques, pour la distinction des familles et des
genres parmi ces animaux aux formes si variables et si
aisément altérables , et dont l’organisation est souvent
si simple en apparence ; je me borne, dis-je, à faire re-
marquer que c'était une nécessité de présenter, au
moins provisoirement, une classification en rapport
avec les principes de la méthode naturelle, aujour-
d'hui que les classifications artificielles basées sur des
faits inexacts ou sur de pures hypothèses, ont dû
perdre tout leur crédit.
:
ee
(1) Die Infusionsthierchen , 1838 , p. 316.
11.
164 HISTOIRE NATURELLE
TROISIÈME PARTIE.
SUR L'OBSERVATION DES INFUSOIRES.
CHAPITRE XIII.
DE LA RECHERCHE ET DE LA CONSERVATION DES INFUSOIRES
VIVANTS.
Certaines eaux stagnantes sont tellement remplies
d'Infusoires , qu'il suffit de puiser au hasard pour en
avoir abondamment ; ce sont particulièrement les
Euglènes , les Phacus, les Diselmis, les Cryptomonas,
et la plupart des Infusoires verts ou rouges qui se trou-
vent ainsi dans les fossés, dans les ornières , dans les
mares , dont ils colorent fortement l’eau et les bords ;
l’'Euglène verte est celle qu’on rencontre le plus fré-
quemment autour des lieux habités dans les ornières
et les écouts, mais j'ai vu le Diselmis viridis colorer
entièrement en vert l’eau qui baignait du terreau dans
un jardin , en juillet 4837; et cet hiver, à Toulouse,
j'ai vu les fossés du boulevard remplis d’une eau verte,
colorée exclusivement par le Phacus pleuronectes. On
sait enfin que certaines eaux stagnantes ont paru avoir
été changées en sang, par suite de la multiplication
de l’'Euglena sanguinea et de quelques autres Infu-
soires rouges, et que telle est aussi la cause de la co-
loration des salines.
DES INFUSOIRES. 1465
Certains Infusoires, sans remplir entièrement les
eaux, forment une couche, soit au fond, soit à la sur-
face ; tels sont le Dileptus anser que j'ai vu, dans
les ornières au nord de Paris , former une couche bru-
nâtre au fond de l’eau , et le Spirostomum ambiguum,
bien visible à l'œil nu , et qui se montre quelquefois
tellement abondant, qu’on croît voir flotter à la sur-
face une poussière blanchâtre.
D’autres Infusoires visibles à l'œil nu , sans être aussi
abondants, seront faciles à recueillir directement ; tels
sont : le ’olvox , que l’on voit en nombre souvent con-
sidérable , monter et descendre en tournant dans le
liquide, comme autant de globules verts ou jaune-bru-
nâtres ; les Stentors verts ou bleus , fixés aux herbes, et
surtout les Vorticelles qui forment des touffes blanches
comme un duvet plumeux , sur les tiges submergées,
sur les petites coquilles , et même sur quelques in-
sectes nageurs.
Mais le plus grand nombre des espèces ne peut
frapper la vue d'aucune manière , et doit être pris en
quelque sorte au hasard dans les eaux de la mer, des
rivières , des marais ou des fossés. Toutefois , il ne
faut pas croire que de l’eau puisée au hasard con-
tiendra les animalcules que l’on cherche, bien au con-
traire; il y a mille à parier contre un que cette eau
n’en contiendra pas si elle est prise dans les endroits
où la mer est sans cesse agitée sur des galets, sur
des rochers nus et sans végétation, ou si elle est
prise dans le courant d’une rivière limpide, ou
même au milieu d'un étang sans herbes maréca-
geuses, ou enfin dans un fossé que la pluie vient
de remplir. Il faut chercher les Infusoires là où l’eau
moins agitée est peuplée d'herbes , et surtout de Con-
166 HISTOIRE NATURELLE
ferves de Lemna et de Ceratophyllum , dans les ma-
rais , ou de Céramiaires dans la mer. L'eau puisée au
milieu de ces herbes contiendra fréquemment ces ani-
malcules , et l’on s’en assurera en regardant avec une
loupe forte, ou une lentille, à travers un flacon
de verre blanc rempli de cette eau; elle en con-
tiendra bien davantage encore si l’on a mis quelques
toufles d'herbes dans le flacon, et surtout si l’on y a
fait couler l’eau exprimée de plusieurs touffes.
Les pierres, les branches mortes, après quelque temps
de séjour au fond des eaux peu agitées, se recouvrent
d’une forêt de petites Conferves qui retiennent une
foule de débris flottants, avec un peu de limon, d’où
résulte une couche légère dans laquelle se multiplient
indéfiniment de nombreuses espèces d’animalcules ; il
conviendra donc de ràcler et de faire couler un peu de
cette couche avec l'eau qui la couvre, dans un flacon ;
il serait mieux encore d’emporter quelques pierres ou
quelques branches mortes assez petites pour pouvoir
entrer dans le flacon. Non-seulement ainsi on sera sûr
de posséder les Infusoires vivant sur ces objets, mais
encore , On pourra les conserver longtemps, et les voir
se multiplier dans le flacon.
Ge n'est pas tout que d’avoir fait une riche provision
d'Infusoires dans des flacons, il faut savoir les conserver
vivants, et empêcher que la putréfaction ne vienne
envahir plus ou moins rapidement tous les flacons.
Quelquefois, dans l'été, au bout de quelques heures,
il ne reste plus rien de ce qui existait d’abord ; ce sont
de nouveaux Infusoires qui se sont développés dans
le liquide devenu une véritable infusion. Pour pré-
venir cet inconvénient, il faut éviter de mettre trop
d'objets dans l’eau d’un flacon ou du moins trop d’ani-
DES INEUSOIRES. 167
maux ; car une fois que plusieurs de ces animaux sont
morts faute d'air renouvelé dans le liquide, ils
commencent à se décomposer , et la corruption fait de
rapides progrès : mieux vaudrait multiplier le nombre
des flacons et mettre peu dans chacun. On doit donc
éviter aussi que le liquide, trop abondant, ne soit en
contact avec le bouchon, parce qu'alors ilne resterait
pas d’air au-dessus, et que certains animaux autres que
les Infusoires ne tarderaient pas à périr. Si l’on a rem-
pli plusieurs flacons loin de chez soi , on doit se hâter,
en rentrant à la maison, d'en partager le contenu dans
plusieurs vases , en ajoutant de l’eau de pluie ou de ri-
vière, si ce sont des objets d’eau douce, ou de l’eau
de mer pure dans le cas contraire.
Chaque vase ou flacon doit contenir, autant que
possible , quelques végétaux bien vivants qui contri-
buent à maintenir l’eau fraîche. Pour l’eau de mer, ce
sont les Ulves et quelques Conferves ; pour l'eau douce,
ce sont des Conferves, des Zygnèmes, des Gallitriches,
des Chara , et quelques autres plantes susceptibles de
vivre longtemps en captivité. Ces vases sont laissés
découverts ou débouchés jusqu’à ce que les objets con-
tenus aient pris l’habitude d’y vivre ; on peut ensuite
couvrir imparfaitement chacun d'eux pour empêcher
une évaporation trop prompte, qui mettrait la plu-
part des liquides dans le cas d’une solution saturée
de certains sels, et par conséquent impropre au séjour
des animalcules vivants.
Ainsi, par exemple, certaines eaux des environs de
Paris, notamment celles des ornières, deviennent, par
l’évaporation , complétement saturées de sulfate de
chaux; les eaux prises au voisinage des lieux habités
contiennent du sel marin, et du sulfate de potasse,
168 HISTOIRE NATURELLE
outre le sulfate de chaux, etc.: l’eau de mer, comme on
le doit penser, devient promptement ainsi unesolution
saturée de sel marin. On peut bien maintenir les eaux
douces à peu près dans leur état primitif en ajoutant
de temps en temps un peu d’eau de pluie; mais pour
l’eau de mer on ne pourrait ajouter que de nouvelle
eau de mer, ce qui n'empécherait pas le sel d’être en
excès, à moins que de vérser chaque jour quelques
gouttes d'eau douce pour remplacer à mesure ce qui
est enlevé par l’évaporation. Cependant, le mieux est
toujours de s’opposer autant que possible à cette éva-
poration; s'ilne suflit pas de placer sur les vases une
plaque de verre ou un verre de montre, on peut ren-
verser une cloche par dessus. Je suis ainsi parvenu à
conserver vivants pendant plus de cinq mois de petites
Actinies , de petites Amphitrites et divers mollusques
avec une foule d'Infusoires dans un vase ouvert, placé
sur une assiette et recouvert d’une cloche que j'enlevais
quelquefois pour renouveler l'air , et que j'humectais
pour retarder davantage l’évaporation.
Malgré toutes les précautions qu'on a prises,
certains Infusoires cessent de vivre dans des flacons,
tandis que d’autres s’y produisent successivement ; il
est donc à propos de garder longtemps les mêmes
flacons en les étiquetant et en notant ce qu’on y a vu à
diverses époques.
S'il est incertain et chanceux de pouvoir transporter
et conserver vivants les Infusoires qu’on vient de
recueillir dans un flacon; il n’en est plus de même quand
une fois ces animaux se sont acclimatés dans leur nou-
velle habitation , quand des végétations de divers
genres, des Diatomées, etc., qui se sont développées
sur les parois, leur offrent à la fois un abri et une
DES INFUSOIRES. 169
nourriture assurés. Ainsi, tandis que la plupart des
flacons remplis de diverses productions vivantes, soit
dans l’eau de mer , soit dans l’eau douce, sont fortement
altérés dans les quelques jours suivants; ceux de ces
flacons, qui, par suite d’une proportion convenable
entre le volume du flacon et la quantité d'animaux ou
de végétaux vivants, se sont conservés plus de dix
ou quinze jours sans altération, peuvent être ensuite
conservés indéfiniment, pourvu qu’on s'oppose à l’éva-
poration tout en permettant à l’air de se renouveler à
la surface. J'ai pu transporter des bords de la Méditer-
ranée à Paris, des Infusoires et d’autres animaux ma-
rins qui s'étaient de la sorte acclimatés dans des fla-
cons d’eau de mer avec divers végétaux.
Certains Infusoires vivent, non pas simplement dans
les eaux, mais dans des sites habituellement humectés,
comme les toufles de mousses, et surtout les couches
minces d’oscillaires, sur la terre ou sur les murs humi-
des; pour les trouver, il suffit d’agiter et de presser
dans un vase d’eau successivement plusieurs touffes de
mousse prise au pied des arbres, dans les lieux frais, ou
au bord des ruisseaux ; ou bien de placer dans une
soucoupe , avec un peu d’eau la pellicule enlevée à la
surface du sol couvert d'oscillaires. J'ai été surpris
quelquefois de voir la quantité d'Infusoires obtenus
ainsi.
D’autres animalcules enfin vivent parasites à l’exté-
rieur ou à l’intérieur de certains animaux, ou même se
multiplient habituellement dans leurs excréments li--
quides et dans plusieurs autres produits de l'organisme.
On trouve particulièrement à la surface des Hydres
ou polypes d'eau douce , une Urceolaria et un Kéro-
nien parasite. Un autre Infusoire vit sur un Distome
170 HISTOIRE NATURELLE
de la Grenouille: les cavités des lombrics et des
Naïs contiennent presque toujours des Leucophres
et plusieurs autres animalcules qui ne vivent que là;
les excréments liquides des Batraciens en contien-
nent plusieurs autres du même genre avec des Mona-
diens remarquables par le nombre de leurs filaments ;
l'intestin des Limaces m'a présenté avec ces Mona-
diens , tantôt des vers Nématoïdes ou des Systolides,
et tantôt un 7richomonas différent de celui que
M. Donné a trouvé dans les sécrétions muqueuses de
certaines femmes ; le même observateur a rencontré
des Bacterium ou Vibrions dans le pus : Leeuwenhoek
enfin avait observé divers Infusoires dans ses déjec-
tions et dans la matière blanche pulpeuse qui s’amasse
à la base des dents.
CHAPITRE XIV.
DES INFUSIONS.
Rien de plus simple que de préparer des infusions
et d'y voir se produire les Infusoires; mais rien de
plus difficile que d’obtenir des résultats semblables de
deux infusions préparées en apparence dans les mêmes
conditions : c’est qu’en effet les circonstances ne peu-
vent jamais être exactement semblables. En supposant
que la dose des ingrédients et la qualité de ces ingré-
dients soient les mêmes , la température , l’état hygro-
métrique et l’état électrique , ainsi que l'éclairage, et
l'agitation ou le renouvellement de l'air, n’auront pas
pu être les mêmes ou varier de la même manière dans
les deux cas. Or, toutes les causes exercent sur le dé-
veloppement des Infusoires une influence qui , pour
DES INFUSOIRES. 171
n'être pas scientifiquement déterminée, n'en est pas
moins bien réelle et souvent bien considérable,
On ne devra donc pas être surpris de voir, dans
certains cas, une infusion éprouver rapidement la fer-
mentation alcoolique, ou la fermentation acide , ou la
fermentation putride, ou se couvrir entièrement de
moisissures, tandis qu’une autre infusion, préparée en
apparence dans les mêmes circonstances, se sera com-
portée tout autrement. Au reste, quand une de ces
fermentations s'est manifestée trop fortement, ou
quand les moisissures ont envahi la surface, on peut
regarder l'expérience comme manquée. Le mieux,
c’est que l'infusion , sans se moisir, se couvre d’une
légère pellicule blanchâtre ou floconneuse, qui est elle-
même presque toute formée d'Infusoires, et qu’elle
présente une odeur sûre, ou nauséabonde , ou un peu
fétide , mais non très-infecte. Pour cela, il convient
de préparer les infusions , par une température mo-
dérée , dans des flacons à large ouverture , d’une capa-
cité de 30 à 100 grammes, aux deux tiers remplis,
avec dix fois environ autant d’eau que de la substance
à infuser, qui doit être convenablement divisée ; puis,
de laisser les flacons exposés à la lumière, en facilitant,
autant que possible , le renouvellement de l'air. Dans
Yobscurité , il se développera bien plus de moisissures ,
une température trop élevée déterminera une fer-
mentation plus active , et le défaut d'air paraît favori-
ser une putréfaction complète. Les huiles essentielles
s'opposent généralement à la fermentation et à la moi-
sissure : voilà pourquoi des infusions de poivre réus-
sissent toujours et pourquoi elles furent préconisées
par les micrographes du 18: siècle. L'infusion de per-
sil ou de céleri doit réussir par la même raison , puis-
L
172 HISTOIRE NATURELLE
que ces végétaux contiennent beaucoup d'huile es-
sentielle ; il en serait probablement de même pour
d'autres plantes aromatiques.
Le sucre, comme on sait, éprouve la fermentation
alcoolique quand il est dissous dans une certaine quan-
tité d’eau avec des substances azotées , à une tempéra-
ture assez élevée ; on sait aussi que quand la dissolution
est trop faible, la fermentation n’a point lieu ; le sucre
se décompose néanmoins en donnant d’autres pro-
duits ; mais ce dont on n’a pas parlé, c’est l'influence du
volume qui, toutes choses égales d’ailleurs, arrête ou
permet la fermentation : c'est pourquoi, dans un petit
vase, une infusion n’éprouve pas la fermentation qu'on
. n’eût pas évitée en opérant plus en grand. Pour les
infusions de pain, de blé et des autres substances con-
tenant des principes fermentescibles , on devra donc
avoir égard à cette considération, et éviter une tempé-
rature trop élevée, afin d'obtenir plus sûrement des
Infusoires. Les champignons qui contiennent un sucre
non fermentescible, la mannite, fournissent de bonnes
infusions pour lesquelles on n’a point à craindre cet
inconvénient ; il en est, je crois, de même de l’infu-
sion de foin, qui a été recommandée par les anciens
micrographes.
Gertains réactifs favorisent singulièrement le dé-
veloppement des Infusoires , et je puis citer en par-
ticulier le phosphate de soude, les phosphate, nitrate
et oxalate d’ammoniaque , et le carbonate de soude ;
j'ai été tenté de penser que plusieurs de ces sels, en se
décomposant en présence des substances organiques
de l’infusion , avaient fourni de l’azote aux Infusoires ,
ce que je puis affirmer, c’est que l’oxalate d’ammonia-
que au moins avait complétement disparu. J’ai vu les
DES INFUSOIRES. 173
Infusoires se développer dans une infusion tenant en
dissolution un sel végétal de peroxyde de fer , mais
non dans les infusions mêlées de sulfate de protoxyde
de fer ou de sulfate de cuivre. Le peroxyde de man-
ganèse, le chlorate de potasse, l’iode, ont été sans in-
fluence funeste sur le développement des Infusoires.
Enfin , j'ai pu constater que les poisons végétaux les
plus énergiques n’ont aucune action sur les Infusoires
que j'ai vus se produire abondamment dans les infu-
sions de noix vomique, de cévadille et de coque du
Levant; celles d’opium et de fausse angusture ne
m'ont présenté que le Vibrion linéole.
Depuis l'instant de sa préparation, une infusion
change incessamment, et plus ou moins vite, suivant la
température; elle montre seulement d’abord le Bacte-
rium termo, puis quelqu’autre Bacteriumetle Vibrion
linéole, puis des Monades, des Amibes et quelques
autres Vibrions ou Spirillum; un peu plus tard, les
Enchelys et les Trichodes commencent à s’y montrer
avec des Kolpodes qui, grossissant rapidement, se mon-
trent conformes au type nommé Ko/poda cucullus ;
enfin , viennent les Trachelius, les Loxodes , les Coccu-
dina ou Plæsconia , les Paramécies, les Kérones, les
Glaucomes et les Vorticelles, soit tous ensemble,
soit séparément; mais toujours à peu près des mêmes
animalcules, de ceux que Joblotnommait d’une manière
très-significative les Cornemuses, les petites Huiîtres,
les Chaussons, que Gleichen appelait les gros et petits
Ovales, les Pendeloques et les animalcules pantou-
fles. Le nombre en est assez restreint, et c’est à peine
si les quinze genres que nous venons de citer fournis-
sent en tout quarante ou cinquante espèces. Si les in-
fusions sont conservées pendant longtemps, elles
174 HISTOIRE NATURELLE
changent tout à fait de nature; pourvu que le liquide
soit en quantité suffisante, la substance mise à infuser
devient un sol sur lequel peuvent se développer des
végétations, ainsi que sur la paroi du vase; si la lumière
est assez intense, on observe même des végétations
vertes; alors, avec d’autres Infusoires on peut rencon-
trer dans les liquides des Systolides et des Diatomées.
Il n’est pas absolument nécessaire de mettre dans
certaines eaux des substances organiques pour que ces
eaux deviennent des infusions : le peu de substances
étrangères que contiennent les eaux de rivière ou même
de pluie suffit pour que si on les tient exposées à la lu-
mière dans un flacon, ils’ y développe, au bout d’un
certain temps, de petites végétations vertes formant
une couche légère à la paroi la plus éclairée ou au
fond du flacon ; et en même temps, ou bientôt après,
ils’ y produit aussi des Infusoires très-petits. Priestley,
le premier, avait observé cette production de matière
verte à laquelle on donne encore son nom; mais
M. Morren (1), dernièrement , a étudié ce phénomène
dans le but d'apprécier l'influence de la lumière sur la
production ou le développement des êtres.
Outre les infusions qu'on a préparées directement,
il se rencontre souvent des infusions accidentelles qu’on
ne doit pas perdre l’occasion d'étudier : teiles seront
l'eau qui a séjourné sur de la terre de jardin ou sur du
terreau, l’eau croupie des tonneaux d'arrosage, dans
es jardivs ; celle d’un vase de fleurs quand elle n’est
pas trop fétide et qu’on y découvre déjà à la vue sim-
ple des nuages de particules flottantes tout formés
d'Infusoires; celles qui auront séjourné longtemps
(1) Annales des Sciences naturelles, 1939, zoologie, tom. 5.
DES INFUSOIRES. 175
à Ja cave dans des vases découverts et dans lesquelles
seront venus se noyer divers insectes qui en font une
vraie infusion, etc.
Comme renseignement sur ce sujet, je crois devoir
donner ici, d’après mes notes, les détails suivants sur
quelques-unes des infusions que j’ai étudiées :
1° Une infusion de noix vomique, du 24 décembre
1835, conservée dans l'appartement, ainsi que les sui-
vantes , ne montrait rien encore Îe 27 ; mais le 4 jan-
vier il y avait en abondance des Bacterium et des
Monades en forme de losange, longues de 0,0104,
flexibles et traïnant un Îong prolongement filiforme.
Le 9 ces Monades avaient presque disparu. Le 16 fé-
vrier des moisissures s'élaient développées, et avec
elles des Amibes ; la saveur était très-amère et l’odeur
très-faible.
2° Une infusion de Coque-du-Levant, offrait, le
21 février, des Monades longues de 0,016% avec un
filament bien visible ; il y avait aussi des Bacterium,
l'odeur fétide était très-faible, la saveur était nulle.
3° Uneinfusion de Cévadille écrasée , faite le même
jour, montrait des Bacterium, des Vibrions linéoles
et des Monades, le 8 janvier ; on y voyait, dès le 3 fé-
vrier, des Kolpodes qui m'ont servi, le 17 février, à
des expériences de coloration artificielle parle carmin,
et de difiluence par l’action de l’ammoniaque ou par
la compression.
4° Une infusion de persil, du même jour, contenait
des Bäcterium, des Vibrions et des Monades, le 9 jan-
vier; il sy était développé ensuite , le 21 février,
des Amibes radiées et des Monades à filaments très-
visibles. |
5 Une infusion de farine, du même jour, contient
576 HISTOIRE NATURELLE
des Vibrions linéoles et des Monades en quantité ; le
30 décembre, les Monades ont encore augmenté en
nombre et en volume; le 8 janvier , l'odeur est peu
prononcée. Le 20 janvier, l’odeur est devenue fétide,
et avec diverses sortes de Monades et de Vibrions je
vois des Kolpodes; le 3 février, je retrouve les mêmes
Infusoires; mais le 17 février, les Kolpodes sont bien
moins nombreux, les Monades sont devenues plus
grandes, et il s’est produit beaucoup d'Amibes.
6° Uneinfusionde foin haché , du même jour, montre
des Bacterium termo , déjà doubles ou formés de deux
corpuscules fusiformes, dès le 27. IL s’y trouve déjà
des Monades le 4° janvier ; le 3 janvier, le nombre et
la grosseur des Monades ont augmenté ; le 21 janvier
il s’est produit des Trichodes , des Kolpodes, des Ami-
bes et des Plæsconies arrondies, longues de 0,041. Le
3 février, il y a encore des Monades avec une quantité
énorme de Plæsconies ; le 22 février, les Plæsconies,
encore aussi abondantes, ont évidemment grossi ; elles
sont longues de 0,050 à 0,055 ; avec elles se trouvent
diverses Monades.
7° Une infusion de lichen frais (/mbricaria parie-
tina ), du 235 décembre, contenait déjà des Monades
de 0,007 au bout de 24 heures ; le 3 janvier, il y avait
des Bacterium et des Monas ; le 9 il s'était produit
en outre des F’ibrio lineola et des ibrio bacillus ; le
17 février, le liquide, rougeâtre, transparent, sans
odeur, contenait des Glaucoma scintillans, auxquels
j'ai pu faire avaler du carmin; avec eux se trouvaient
aussi des Trichodes, et des Monas longs de 0,0052,
à filaments bien visibles.
8° Une infusion dechaircrue, préparéedepuis vingt-
sept jours dans un petit bocal, en décembre 1835, s'é-
DES INFUSOIRES, TL'F1
tait couverte d’une pellicule fibrilleuse où je trouvai
en abondance des Amibes à bras. Une autre infusion
de chair avec une plus grande quantité d’eau ne donna
pas d’Amibes , mais des Bacterium, des Vibrio bacil-
lus et rugula et beaucoup de Monas. Dans une autre
infusion de chair mélée de nitrate d'ammoniaque, j'ai
vu le Wibrio serpens avec beaucoup d’autres Vibrions
et de Monades. — Le carbonate de soude, et l’hydro-
chlorate d’ammoniaque , ajoutés de même à l’infusion
de chair, paraissent avoir favorisé le développement
des Monades. — L’oxalate d'ammoniaque, ajouté de
même, a produit une odeur fétide ammoniacale qui a
disparu presque entièrement au bout de deux mois;
il ne restait alors que des Bacterium dans l'infusion
qui avait présenté d’abord des Monades et des Vi-
brions. — L’acide oxalique a produit , au bout de dix-
huit jours, des Vibrions fort curieux ( Vibrio ambi-
guus ) et des Monas dans l’infusion de chair.
9° Le 1° février 1836 , furent préparées dans des bo-
caux semblables, avec 74 gram. d’eau de pluie, 1 gram.
de colle forte , ou gélatine sèche concassée , soit seule
soit avec addition de différents sels; plusieurs infu-
sions dans lesquelles la gélatine se dissolvit lente-
ment. —- Seule, ellea donné le troisième jour quelque
Monades ; — avec 55 centigr. d’oxalate d’ammonià-
que, elle a donné des Monades à queue et à deux fila-
ments, très-remarquables ; — avec 1 gramme de phos-
phate de soude, elle montrait, le 11 février, une pelli-
cule remplie de Bacteriunm, de Monas lens, longs
de 0,0064 ; et d’autres Monades à queues, longs de
0,006 à0,012, et pourvus de filaments bien visibles ; —
avec 30 centigr. de sel marin, 30 centigr. d’oxalate
d'ammoniaque, et 30 centigr. de phosphate d’ammo:
INFUSOIRES, 12
178 HISTOIRE NATURELLE
niaque, j'aieu dix jours après des Vibrions et des
Monas très-réguliers, émettant des expansions comme
les Amibes ; — avec 66 centigr. de sulfitede soude, j'ai
également obtenu des Monades assez remarquables,
le liquide restait transparent et presque sans odeur.
Une infusion de gélatine avec addition de nitrate
d’ammoniaque, faite le 26 décembre, m'avait présenté,
le 13 janvier, des Monades à filaments susceptibles de
s’agglutiner. — Des Monades analogues existaient en-
core, le 14 mars 1838, dans cette même infusion ré-
duite par l’évaporation à la douzième partie de son
volume primitif, et n'ayant ni saveur ni odeur.
* Un gramme de gélatine fut mis, le 2 février, dans
16 grammes d’eau de mer , conservés depuis deux mois
avec des Plæsconia , des T'rachelius et quelques autres
Infusoires vivants. Ces animalcules continuèrent à
vivre, et se multiplièrent beaucoup, en même temps
qu’il se produisit des Monas lens.
10° Une série de 26 infusions avait été préparée avec
de la gomme et différents réactifs chimiques. — La
gomme seule donnait déjà , au bout de huit jours, des
Monades à filaments ; — elle en donna aussi avec l’a-
cide oxalique au bout d’un mois ; — avec le nitrate de
potasse, et avec le nitrate d’ammoniaque, elle donna
des Monades très-remarquables, le 12 janvier, ainsi que
des Vibrio rugula ; — avec le carbonate de soude, le
40 février ; — avec le phosphate de soude et avec le
phosphate de soude et d’ammoniaque, ainsi qu'avec
Foxalate d’ammoniaque , le 12 janvier ; — avec la li-
maille de fer et le nitrate d’ammoniaque, ou le nitrate
d’urée, ou l’oxalate d’ammoniaque; le liquide a été
fortement coloré en rouge , et dégageait une odeur pé-
nétrante, analogue à celle de l'acide formique ; il avait
DES INFUSOIRES. 179
une forte saveur ferrugineuse, et cependant il s’y est
développé des Monades à filaments.
41° Une infusion de vessie de cochon dans de l’eau
sucrée, provenant d’une expérience d’endosmose, mon-
trait, 54 heuresaprès le commencement de l'expérience,
des Vorticelles et des Zoxodes cucullio. — Dans
une autre expérience préparée le 12 janvier 1836, un
tube fermé inférieurement par un morceau de vessie
de cochon, et rempli d’eau sucrée plongeait dans un
verre d’eau pure; quatre jours après , le 16, l’eau du
verre contenait beaucoup de Monades, de Vorticelles,
et de Loxodes; le 47, les mêmes animalcules y étaient
encore ; mais le liquide ayant été transvasé dans un
flacon, il n’y avait plus rien de vivant le 18, parce que
la fermentation alcoolique s'était manifestée dans ce
flacon. De nouvelle eau fut versée dans le verre ou res-
taient l'appareil d’endosmose, et les pellicules déjà
formées sur l’infusion , les mêmes Infusoires continuè-
rent d'y vivre, et je pus surtout y bien étudier des
monades à queue et des Spirillum undula. — Le 26
janvier l’eau fut encore renouvelée dans le verre, la
membrane de vessie ne contenait presque plus de par-
ties solubles, aussi leliquide resta limpide, cependant
il contenait des Monades et des Amibes. — Le 8 février
il n'y avait plus d’Amibes.
12 Un tonneau qui avait contenu du vin rouge , et
se trouvait encore tout enduit de tartre, fut disposé
pour recevoir l’eau de pluie amenée par les gouttières,
cette eau se putréfia bientôt et devint une infusion fort
riche en Infusoires ; j'y observai notamment plusieurs
sortes d'Amibes, des Monades, des Vibrions, des
Glaucomes verts, des Kérones, et des Oxytriques.
On peut juger par ces détails de l'infinie variété
12.
180 HISTOIRÉ NATURELLE
d'expériences, que l’on peut tenter sur les infusions ,
et je dois répéter encore que les résultals en seront tou-
jours variés, quant au développement des Infusoires,
et aux modifications de forme qu’ils présentent.
CHAPITRE XV.
MANIÈRE D'OBSERVER ET D'ÉTUDIER LES INFUSOIRES
SOUS LE MICROSCOPE.
La première chose à faire avant de soumettre un
liquide au microscope pour y chercher des Infusoires,
c’est de s'assurer s’il en contient réellement, et pour
cela, on doit l'explorer préalablement avec une loupe
de un à deux centimètres de foyer que l’on tient à la
main. Si le liquide est dans un flacon ou un petit
bocal, on le tient d’une main, entre l’œil et un
fond lumineux ou éclairé comme le ciel ou une mu-
raille blanche , ou devant la flamme d’unelampe à une
distance convenable pour qu'il soit tout éclairé, et
l’on promène la loupe devant toute la paroi du flacon
à laquelle ont dù se fixer à l’intérieur les Vorticelles,
les Stentors, les Anthophyses, les Arcelles, les Rhizo-
podes, etc. sile liquide a séjourné quelque temps dans
le vase. Dans tous les cas, c’est de préférence contre
la paroi, soit au fond , soit au bord du liquide que
nagent les Infusoires, tels que les Paramécies, les Ké-
rones , les Plœsconies, etc., que l’on reconnaît aisément
à l’aide d’une loupe d’un centimètre de foyer. J'ai
d’ailleurs employé fréquemment des loupes encore plus
fortes pour étudier sur place les animalcules fixés à la
paroi.
Si l’on a pressé sur une plaque de verre une petite
DES INFUSOIRES. 181
touffe de conferves ou de quelque autre plante qu’on
vient de retirer de l’eau, on pourra aussi explorer
à la loupe le liquide restant sur la plaque de verre
qu'on tient au-dessus d’un miroir couché ; presque tou-
jours, dans ce liquide , entreles débris, on distinguera
des animalcules. Enfin , on pourra de même faire écou-
ler dans un verre de montre, le liquide qui baigne
les débris vaseux ou floconneux dont se couvrent les
pierres ou les autres objets qui ont séjourné long-
temps au fond des rivières ou des marais, etqu'on frot-
tera avec le doigt ou avec un pinceau.
Quand on a constaté la présence des Infusoires , il
faut les placer avec une très-petite quantité d’eau sur
une plaque de verre bien plane, telle que la glace d'Al-
lemagne qui n’a qu'environ un millimètre d'épaisseur.
On doit donc savoir les pêcher en quelque sorte dans
une grande masse de liquide, car, en cherchant suc-
cessivement dans plusieurs gouttes de liquide , on ris-
querait de perdre beaucoup de temps avant que le
hasard n’eût amené sous le microscope l’objet cherché ;
à moins toutefois qu’on n’ait à étudier une infusion
tellement chargée d’animalcules , que chaque goutte-
lette du liquide ne peut manquer d’en contenir beau-
coup , comme il arrive quelquefois. Maïs avec l’eau de
mer ou de rivière, conservée dans un bocal pour l’é-
. tude, il n’en est point ainsi, il faut véritablement
pécher les animalcules. À cet effet, je me sers avec
avantage d’une plume d’oie choisie de telle sorte, qu’en
la taillant par le dos, elle offre à l'extrémité une petite
cuiller bien concave et à long manche, avec laquelle on
râcle exactement la paroi interne du flacon , là où l’on
a déjà aperçu l’Infusoire à étudier. Quand, par suite
de la longue conservation du liquide dans le flacon, il
1482 . HISTOIRE NATURELLE
s’est développé de petites végétations, formant une
couche de débris sur la paroi, la petite cuiller de
plume rapporte un amas de ces débris parmi lesquels
on trouve certainement des objets à étudier.
Quelques observateurs pêchent les Infusoires au
moyen d'un tube de verre ouvert aux deux bouts , et
sur l'extrémité supérieure duquel on appuie le doigt
pour empêcher le liquide d’y entrer, jusqu’à ce que
l'extrémité inférieure qui est plus étroite ou eflilée,
étant vis-à-vis l’animalcule on soulève le doigt pendant
un instant; l’eau qui s’élance dans l’intérieur entraine
alors avec elle l’animalcule ; on appuie de nouveau
le doigt , et l’on transporte ainsi sûrement sa capture
jusque sur la plaque de verre où on laisse couler le
liquide contenu dans le tube; mais on ne prend faci-
lement ainsi que des objets visibles à l'œil nu.
On peut aussi se servir pour cela d’un petit pinceau,
ou mieux encore d'une portion de la barbe laissée à
l'extrémité d’une plume de corbeau , et qui vaut beau-
coup mieux qu’un pinceau dont les poils en se mêlant
emprisonnent l’animalcule ; avec cette petite barbe de
plume on parvient aisément à isoler de gros infusoires,
et à les transporter d’une goutte d’eau dans une autre
goutte. On a aussi recommandé l'emploi d’un petit filet
de gaze très-fine , mais je n'ai pu en tirer parti.
Quand les Infusoires sont trop peu nombreux dans
un liquide, ou quand on veut diminuer le volume
d’une goutte qui ne contient qu'un seul animalcule ,
on peut pomper au moyen d’un linge humecté une
portion du liquide versé sur une plaque de verre; ou,
ce qui vaut mieux, en promenant ce liquide sur la
plaque , et augmentant ainsi sa surface, on peut es-
suyer successivement toutes les portions dans lesquelles
DES INFUSOIRES. 183
ne sont pas les Infusoires que l'on parvient à cir-
conscrire dans une très-petite quantité d’eau. Mais
encore il faut dire que le micrographe a souvent plus
à espérer du hasard, que de son adresse pour re-
trouver un Infusoire qu’il sait exister dans un liquide,
et qu'il désire soumettre au microscope.
Si la goutte d’eau qui contient les Infusoires à exa-
miner était laissée à découvert , elle s’évaporerait peu
à peu, ce qui en hiver aurait l’inconvénient de ternir
momentanément les lentilles, ou les objectifs sur les-
quels la vapeur se condense ; en été, cela causerait
promptement la mort des Infusoires, soit par la des-
siccation , soit par la concentration du liquide, si c’est
de l’eau de mer, ou une infusion saline. Il convient
donc de recouvrir le liquide avec une petite lame de
verre poli très-mince, ou avec une feuille de mica. Si
dans la goutte d’eau se trouvent en même temps quel-
ques débris , ou des filaments de Conferve , on ob-
tient ce double avantage que les Infusoires ne sont pas
écrasés par la pression de la lame de verre, et qu'ils
sont emprisonnés entre ces débris, de manière à ne
pouvoir s'écarter du champ du microscope. Ces avan-
tages sont si importants qu’on doit souvent les cher-
cher directement , en ajoutant quelques brins de Con-
_ ferves, ou mieux de Zygnême, qui se croisent en plu-
sieurs directions , ou bien des cheveux ou des brins de
laine, de soie, de coton, ou des fibres de chanvre,
suivant la ténuité des Infusoires qu’on veut ainsi tenir
captifs , et dont on peut ensuite chercher préalable-
ment la position exacte avant de soumettre au micro-
scope la plaque de verre. Ces filaments sont du plus
grand secours pour guider l’observateur dans la re-
cherche d’un objet , et pour l'aider à le retrouver dans
184 HISTOIRE NATURELLE
tel angle, dans tel compartiment que ia ioupe , ou un
grossissement plus faible lui a signalé d’abord.
Si dans certains cas on veut éviter de comprimer
les animalcules, afin de leur laisser la liberté de leurs
mouvements; dans d’autres cas, au contraire, on a
besoin de les soumettre à une pression graduelle pour
observer les modifications qu’ils éprouvent en mou-
rant, tels que la formation des vacuoles , et l’exsuda-
tion du sarcode ou la difiluence, il faut alors, en em-
ployant de l’eau pure, éviter qu'aucun obstacle n’em-
pêche la lame de verre mince de s’appuyer de plus
en plus à mesure que le liquide s’évapore sur les bords.
On arrive quelquefois à obtenir de singulières mo-
difications de forme (1) chez les Infusoires tels que les
Kérones, en comprimant à plusieurs reprises avec une
aiguille emmanchée, ou avec la lame d’ur petit scalpel,
une petite touffle de Conferves ou de filaments dans
une goutte d’eau ou d’infusion , contenant beaucoup
de ces animaux ; il paraît même que plusieurs d’entre
eux sont directement blessés par le mouvement de
l'instrument sur le verre. On obtient aussi ce résultat
en pressant et en faisant glisser la lame de verre mince
dont on aura recouvert une goutte d’eau , contenant à
la fois beaucoup d’Infusoires , et des fibres ou filaments
entremélés.
S1 l’on veut voir se développer librement les Vorti-
cellesrameuses, ou quelques autressgrandsanimalcules,
on pourra se servir d'un verre plan concave que l’on
recouvre d’une lame mince de verre, ou bien d’une
(1) C'est un des résultats les plus concluants pour la connaissance de
l'organisation des Infusoires, que cette modification étrange de la forme
et cetle persistance de la vie chez les animalcules lacérés ; j'ai repré-
senté plusieurs exemples de ces déformations dans la planche VI.
DES INFUSOIRES. 185
caisse formée par un anneau de verre mastiqué solide-
ment sur une plaque de glace, et que l’on recouvre
également d’une lame mince ; mais l'emploi du système
d'éclairage que j'ai adapté à mon microscope , ne me
permet guère de me servir de ces appareils qui ont trop
d'épaisseur, je préfère établir entre la plaque de glace
d'Allemagne, qui me sert de porte-objet, et la lame
mince superposée, un écartement suflisant pour les
plus grands Infusoires, et mème pour d’autres animaux,
en interposant quelques fragments de verre mince, ce
qui permet toujours au liquide d’être maintenu par la
capillarité dans intervalle.
L’évaporation du liquide soumis à l’observation,
n'est que retardée par la lame de verre mince super-
posée; elle continue à se faire sur tout le contour de
cette lame, ou le liquide revient du centre par capilla-
rité, il faut donc de temps en temps ajouter une gout-
telette d’eau sur le bord , pour remplacer celle qui s’est
évaporée. Si d’ailleurs, on veut interrompre une obser-
vation pour la reprendre plus tard, il faut placer
sous une cloche humide, la plaque de verre servant de
porte-objet ou la couvrir d’un verre de montre humecté
sur son contour , ou la renverser sur le goulot dressé à
lémeri d’un petit bocal contenant de l’eau. Des Infu-
soires ainsi placés sur l'ouverture d’un bocalet entière-
ment préservés de l’évaporation, peuvent être observés
vivants pendant fort longtemps, ils présentent des
modifications plus ou moins remarquables , à mesure
que le liquide s’altère par suite de l'absorption, et peut-
être aussi par suite de l'excrétion de certains éléments
par ces animaux.
M. Peltier a obtenu des phénomènes curieux dans
l'observation des Infusoires, en renfermant herméti-
186 HISTOIRE NATURELLE
quement ces animalcules, entre deux lames de verre
séparées par un anneau d’étain laminé, collé à la plaque
inférieure, et adhérent à la lame superposée, au moyen
d’une couche de suif. L'air dissous dans le liquide ne
pouvant se renouveler par l'accès de l’air atmosphé-
rique, il en résultait une sorte d’asphyxie ou d'inani-
tion, décrite par M. Peltier avec des circonstances
que je n’ai pas vu se reproduire exactement de même.
Pour peu que le liquide soit modifié par une addi-
tion de substances solubles, ou par une diminution de
celles qu’il contient déjà , les Infusoires vivant dans ce
liquide sont plus ou moins fortement modifiés dans
leur forme ou même ils sont tués tout à coup et se
contractent ou se décomposent par diffluence. Ainsi,
qu'on ajoute de l’eau douce à l’eau de mer contenant
des Infusoires, ou à une infusion chargée de substan-
ces organiques ou salines; qu'on ajoute de l’eau de
mer, de l'alcool, du sucre, des acides, des sels
quelconques à de Peau contenant des Infusoires,
dans tous ces cas, on est témoin des modifications
annoncées. Il suflit même d'exposer à la vapeur d’un
flacon d'ammoniaque, une plaque de verre sur laquelle
sont des Infusoires recouverts d’une lame mince pour
voir de tels phénomènes. Par suite de l’évaporation de
l’eau de mer, les Infusoires vivant dans cette eau se
trouvent dans une solution saline de plus en plus con-
centrée, et ils éprouvent aussi des modifications sem-
blables quoique plus lentes, Mais on remarque que
les Plœsconies , par exemple, conservent leur forme
jusqu’à ce qu'on ajoute de nouveau liquide. On à dit
qu'une dissolution d'opium pouvait, en agissant sur
les Infusoires, rendre leurs mouvements plus lents et
plus faciles à observer; j'ai vu cet effet résulter sim-
DES INFUSOIRES. 487
plement du séjour prolongé des Infusoires entre les
lames de verre , mais je n’ai rien obtenu de satisfaisant
avec l’opium.
Si par une affusion d’eau ou d’un liquide convena-
ble, on replace les Infusoires déjà altérés et fortement
modifiés dans les conditions où ils vivaient d’abord,
ils recommencent à vivre sous des formes bizarres et
reprennent peu à peu la vivacité de leurs mouvements,
Il est à remarquer si l’eau de mer ou une infusion sa-
line en s’évaporant a laissé cristalliser des sels sux les
bords de la lame de verre, une goutte d’eau douce en
dissolvant ces sels devient semblable au liquide primi-
tif et peut agir en conséquence pour conserver la vie
aux animalcules.
Manducation observée chez les Infusoires. — Les
Infusoires pourvus d’une bouche avalent fréquemment
leur nourriture sous le microscope, c'est même ainsi
que se font les expériences de coloration artificielle.
Du carmin ou de l’indigo, ou quelque autre couleur
d’origine organique, étant délayés dans l’eau parais-
sent sous le microscope , comme formés de particules
colorées de un ou plusieurs millièmes de millimètre
d'épaisseur. Ces particules entraînées par les tour-
billons que produisent les cils vibratiles des Infu-
soires s'accumulent au fond de la bouche de ces ani-
maux, jusqu’à ce que, dans ce fond même qui se creuse
peu à peu en cul-de-sac, il se forme une vacuole ou
cavité distincte séparée de la bouche par le resserre-
ment des parois glutineuses de ce cul-de-sac. La masse
gobuleuse de particules colorées se trouve ensuite
transportée dans l’intérieur de la masse, où bientôt
on voit plusieurs de ces amas globuleux, irrégulière-
ment placés et sans aucune connexion entreeux. Di-
188 HISTOIRE - NATURELLE
verses substances peuvent être avalées de même, et il
n’est pas rare de voir avaler des grains verts provenant
de la décomposition des végétaux et qui deviennent as-
sez nombreux pour colorer en vert l’animalcule. Dansles
infusions de pain ou de graines contenant de la fécule, les
Infusoires présentent toujours à l’intérieur des grains
de fécule plus ou moins nombreux et bien reconnaissa-
bles par l’action dela lumière polarisée; on les voit aussi
avalant ces mêmes grains ainsi que des gouttelettes
d'huile. Des Cryptomonas, des Diselmis, des Mona-
des, des Enchelys sont également avalées sous les yeux
de l’observateur qui aperçoit l’animalcule dévoré s’a-
giter pendant longtemps dans la vacuole pleine d’eau
qui le renferme au sein de son ennemi. M. Bory dit
avoir vu des Infusoires ainsi avalés être rendus à la li-
berté sans altération. Les deux faits les plus curieux
dont j'aie été témoin relativement à la manière dont
les Infusoires se nourrissent, sont celui des Nas-
sula ({) avalant par un bout de longs brins d’oscillaire
qui s’infléchissaient et se courbaient en cercle pour se
loger dans la vaste vacuole creusée à cet effet et dis-
tendue fortement par le ressort du végétal, c’est en se-
cond lieu le fait d’une Holophrye (2) avalant successive-
ment toutes les parties demi-liquides d’un Lyncéeécrasé
par la plaque mince superposée ; à mesure que l’Infu-
soire avalait une nouvelle portion de sa proie, on voyait
au fond de sa bouche une cavité se creuser en cul-de-
sac, puis donner lieu à la formation d’une vacuole
distincte remplie d'aliments et prenant place en se
mouvant peu à peu parmi les autres vacuoles; en
(1) Voyez ce fait représenté dans la planche VIII.
(2) Voyez planche IX,
DES INFUSOIRES: 189
même temps l'animacule changeait sa forme cylindri-
que en une forme globuleuse beaucoup plus volumi-
neuse. Ii n’est pas rare d'ailleurs de voir des Infusoires
chercher leur nourriture parmi les débris des Planaires
ou des Naïs écrasées sous le microscope.
CHAPITRE XVI.
DE LA MANIÈRE DE MESURER ET DE REPRÉSENTER
LES INFUSOIRES.
Si l'on se bornait à regarder les Infusoires à l’aide
du microscope , on aurait bientôt perdu le souvenir de
leurs formes et des détails qu'on y aurait reconnus ou
découverts. Il est donc nécessaire, pour pouvoir recon-
naître et comparer ceux qu'on a déjà vus, de les re-
présenter par des dessins à mesure qu'on les observe ;
c'est à la fois le moyen de les mieux étudier et d’en
conserver sûrement le souvenir. Leur extrême mobi-
lité et l'instabilité de leurs formes s’opposent souvent
à ce qu'on puisse les dessiner autrement que d’après
l'impression qu'on en a conservée, et quand on les à
revus mille fois pour en avoir une notion suflisante.
Mais, lors même qu'ils se tiennent immobiles, dans le
champ du microscope, on éprouverait une très-grande
difficulté s’il fallait regarder alternativement l’objet et
le dessin, en portant l'œil tantôt sur l’oculaire du mi-
croscope , et tantôt sur le papier. On devra donc s’ac-
coutumer à regarder en même temps de l'œil gauche
dans le microscope , et de l’œil droit sur son dessin ;
alors , sans remuer la tête, on fixe alternativement ou
simultanément son attention sur l’objet et sur le dessin
qu'on en fait; on peut même par instants fixer l’un
et l’autre à la fois , et en croisant ou faisant converger
190 HISTOIRE NATURELLE
les axes visuels des deux yeux , faire coïncider l’image
vue dans l'instrument , et celle que l’on dessine. De
cette manière on constate, non-seulement la parfaite
ressemblance des deux images, mais encore la gran
deur réelle de l'objet, d’après la connaissance qu’on a
d'avance du degré d'amplification du microscope. Car
si l’on sait, par exemple, que l'instrument amplifie
trois cents fois le diamètre des images , et si un dessin
d’Infusoire semblable à l’image vue dans le microscope
est long de 30 millimètres, on conclut que cet Infu-
soire est en réalité long d’un dixième de millimètre.
Quelque talent qu'on ait pour dessiner des objets
ordinaires , il faut un certain travail pour acquérir l’ha-
bitude de représenter les objets vus au microscope.
Mais cette habitude, on peut bien lacquérir sans
avoir préalablement fait de grandes études de dessin,
et l’on sait que beaucoup de naturalistes se sont for-
més, eux-mêmes et sans maîtres, à dessiner habile-
ment les objets qu'ils avaient besoin de connaître et
de faire connaître aux autres.
Pour ceux qui n’ont pas acquis l’habitude de dessi-
ner, ou dont les deux yeux n'étant pas d’égale force,
ne se prêtent pas à l'emploi du moyen que je viens
d'indiquer , il faut avoir recours à l’usage de la Camera
lucida (1), petit appareil placé devant l’oculaire du
(1) Des diverses camera lucida la plus simple est le miroir de SϾm-
mering , petite plaque d'acier poli, large de deux à trois millimètres,
tenue inclinée de 45 degrés par une petite tige devant le milieu de
l'oculaire du microscope horizontal. Dans cette position l'œil étant placé
au-dessus recoit à la fois par réflexion sur le miroir l'image transmise par
le microscope, et , tout autour de ce même miroir, les rayons envoyés
par une feuille de papier placée au-dessous à la distance de la vision
distincte, ainsi que par le crayon dessinant dessus ou par la règle di-
visée. La camera lucida d'Amici n’exige pas, comme le miroir de Sœm-
DES INFUSOIRES. 191
microscope, et servant à laisser arriver où à trans-
mettre en même temps à l'œil, les rayons de l’image
formée dans le microscope composé, ou transmise par
le microscope simple, et les rayons venant du papier
sur lequel est projetée cette image et du Crayon qui
en peut suivre les contours avec une exactitude par-
faite ; de telle sorte que, toujours et d’une manière
invariable, on a sans peine la coïncidence des images
obtenue par le moyen indiqué plus haut, et qu'on
peut , en général, mesurer plus exactement la gran-
deur de lobjet ; mais les dessins faits au moyen de la
Camera lucida ont toujours une roideur que n’ont
pas les dessins faits directement , et ce moyen ne peut
guère s'appliquer à la représentation des objets vi-
vants et mobiles ; car il faut qu’un Infusoire, pour être
dessiné ainsi, reste assez longtemps en repos ou soit
déjà mort.
La mesure du grossissement des objets est ordinai-
rement déterminée par le pouvoir du microscope;
cependant, on peut, par certaines méthodes, être dis-
pensé de passer par cet intermédiaire (1). Ainsi Leeu-
mering, que l'œil se place au-dessus de l'instrument , au contraire l'ob-
servateur continue a regarder l'image dans l'axe du microscope; mais
en même temps un petit miroir d'acier poli percé d'un trou correspon-
dant à l'axe de l'instrument lui envoie par réflexion l'image d'un papier
situé au-dessous, et déja réfléchie une première fois par un prisme placé
en ayant : celte camera lucida a de plus l'avantage de ne point, comme
la précédente , renverser la position de image donnée par le micro-
scope et de causer moins de fatigue. On à récemment appliqué aussi avec
succés la Camera lucida au microscope vertical,
(1) Le micromètre de Frauenhofer dont on se sert très-peu aujour-
d’hui à cause de la difficulté de son exécution parfaite, donne immé-
diatement la grosseur réelle d'un objet microscopique au moyen d'une
vis a filets très-fins et très-égaux, dont la tête porte un cadran divisé
tournant devant un vernier, de sorte qu'on peut la faire avancer d'une
trés-petile fraction d'un de ses tours, et avec elle lesupport et l'objet à
192 HISTOIRE NATURELLE
wenhoek comparait directement un objet vu au
microscope, avec un autre objet qu'il avait choisi
comme terme de comparaison : c'élait un grain de
sable fin, comme celui qu'on met sur l'écriture et
qu'on peut évaluer à un quart de millimètre en lar-
geur (Baker l'évaluait à un centième de pouce anglais);
si un objet était quatre fois plus petit en longueur,
Leeuwenhoek le disait quatre fois quatre, ou seize fois
plus petit en surface , et quatre fois seize ou soixante-
quatre fois plus petit en volume; si l'objet était dix
fois plus petit en largeur, il le disait de même mille
fois plus petit en volume, car c’est par le volume qu'il
comparait les objets. Jurin , au lieu du grain de sable,
employa comme terme de comparaison des petits mor-
ceaux d’un fil métallique très-mince qu’il avait préa-
lablement enroulé en hélice serrée autour d’une grosse
épingle, afin de déterminer exactement son épaisseur,
en mesurant la longueur occupée par un certain
nombre de tours; on concoit en effet que si un tel fil
métallique étant enroulé de la sorte, il faut cent de ses
tours pour occuper une longueur d’un centimètre,
l'épaisseur du fil lui-même n’est que d’un dixième de
millimètre. Ce moyen offre l'avantage de permettre
la comparaison directe, puisque si l’on a placé un ou
plusieurs morceaux du fil métallique dans la goutte de
liquide, on juge aisément de la grosseur relative des
mesurer. Un fil de soie ou d’araignée tendu au foyer de l'oculaire
permet de juger exactement si l'objet s'est avancé de toute son épais-
seur en travers de ce fil, ou si chacun de ses bords est venu successi-
vement en contact avec ce fil. Par conséquent si le pas ou filet de la
vis a un demi-millimètre , et si l'on a tourné la tête de la vis d'un cin-
quième de tour pour faire avancer de toute son épaisseur l'Infusoire à
mesurer , on en conclut que cet Infusoire a de grosseur réelle Ja cin-
quième partie d'un demi-millimètre ou un dixième.
DES INFUSOIRES. 193
animalcules vus à côté; il peut en même temps
servir à déterminer le pouvoir amplifiant du micro-
scope; car si l’image du fil d’un dixième de millimètre,
vue dans l'instrument, paraît aussi grosse qu’un cen-
timètre, ou si, transposée sur le papier par le croise-
ment des axes visuels, elle couvre un espace d’un
centimètre, mesuré d’avance ou immédiatement avec
une règle divisée ou un compas, on en peut con-
clure que le microscope agrandit cent fois le diamètre
des objets; par conséquent si l’on voulait calculer
comme Leeuwenhoek, on dirait qu'il amplifie cent
fois cent, ou dix mille fois la surface, et cent fois dix
mille ou un million de fois le volume; mais aujour-
d'hui on se contente généralement de compter le
grossissement linéaire, ou le nombre de fois dont le
diamètre des objets est rendu plus grand. Ce moyen,
tout vieux et tout simple qu'il est, sera employé avec
avantage quand on n'aura pas un micromètre ,
ou quand on voudra prendre à première vue une
idée de la grandeur des objets : il serait même à dé-
sirer qu'on eùt toujours sous la main de petits mor-
ceaux de fil d'argent ou de platine d’une épaisseur
déterminée, et en rapport exact avec la longueur du
millimètre, comme un vingtième, un cinquan-
tième, etc. On trouve bien dans le commerce des fils
très-minces d'argent et surtout de platine, mais leur
épaisseur n’est pas dans un rapport aussi simple ;
cependant en choisissant convenablement, on par-
viendra à s’en servir directement, si le rapport est
tel qu’on puisse faire de tête le calcul des gran-
deurs comparées; ou bien on en fera un tableau com-
paratif si ce rapport est plus compliqué. Que, par
exemple, quatre-vingts tours de fil aient occupé la lon-
INFUSOIRES. 435
419% HISTOIRE NATURELLE
: gueur d’un centimètre, on en conclura que ce fil est
épais d'un huitième ou 0,125 millimètres , et par la
pensée on évaluera Éloheeet la grandeur œ un objet
paraissant quatre fois, cinq fie. ou dix fois moins
large; mais si, pour cette longueur d’un centimètre,
il faut quatre-vingt-dix tours, le fil aura un neuvième
ou 0,111 millimètre, et on ne pourra faire cette éva-
luation sans calcul.
À ce moyen on a substitué récemment avec avan-
tage des plaques de verre , nommées micromètres, sur
lesquelles a été tracée avec une pointe de diamant
une échelle de petites lignes éloignées d’un centième,
d’un deux-centième , ou même d’un cinq-centième de
millimètre, suivant l’habileté de l'artiste et la perfec-
tion de ses instruments. Cette plaque, sur laquelle la
simple vue n’aperçoit rien , montre sous le micro-
scope des lignes plus ou moins espacées , suivant la
force de l'instrument : ; et si des objets à étudier ont
été superposés , soit à sec, comme des grains de pollen,
ou des écailles de papillon., soit dans un liquide,
comme les globules sanguins , ou les Infusoires ; on
a immédiatement la mesure absolue de ces objets , soit
qu'ils couvrent plusieurs intervalles, soit qu'ils n’en
couvrent qu'un seul, ou même qu’une portion. Qu’ainsi
un Infusoire occupe huit intervalles du micromètre,
divisé en cinq-centièmes de millimètres , on en con-
clut qu’il est long de huit cinq-centièmes, ou seize mil-
lièmes qu’on écrit ainsi 0,016 ; qu’il n’occupe que le
tiers d’un centième, sa grandeur absolue est seule-
ment 0,0033 , etc. Car dès cet instant il faut se sou-
venir que toutes les grandeurs d’Infusoires indiquées
dans cet ouvrage seront exprimées de cette manière
en décimales de millimètre.
DES INFUSOIRES. 195
On évalue le pouvoir amplifiant, en regardant à la
fois (1) cette échelle micrométrique , seule dans le mi-
croscope, et une règle divisée en millimètres tenue
devant l'œil à la distance ordinaire de la vision dis-
tincte; si un cinquième de millimètre (ou 20 centièmes,
ou 100 cinq-centièmes) est vu dans l'instrument, aussi
grand que soixante millimètres vus directement sur la
règle divisée, on en conclut que le microscope am-
plifie trois cents fois le diamètre des objets. Au lieu de
se servir d'une règle divisée, on peut avoir des carrés de
papier blanc, de 10, 20, 30, 40, etc., millimètres de
côté, qui, étant placés sur un fond noir, à la distance
de la vision distincte , sont facilement comparés avec
telle ou telle portion de l’échelle micrométrique, vue
dans le microscope , soit que du même œil on regarde
alternativement et presque ensemble les deux objets,
soit qu'on puisse regarder l’un de l'œil gauche, l'autre
de l’œil droit , comme il a été dit précédemment. Lors-
qu’en regardant ainsi des deux yeux à la fois , on s’est
exercé à croiser les axes visuels , et qu'on peut trans-
porter, par l'effet de ce croisement , l’image du micro-
mètre vue de l'œil gauche, sur le papier servant à des-
siner vu de l’œil droit , on mesure directement sur le
papier une portion déterminée de l’échelle micromé-
trique , soit avec une règle divisée, soit avec une ou-
verture de compas reportée ensuite sur la règle. Dans
ces divers cas, on a d’une manière exacte le degré d’am-
plification ou de grossissement ; et toutes les images
(1) La camera lucida , qui permet de superposer exactement l'image
du micromètre sur une règle divisée , fournit immédiatement la mesure
du pouvoir amplifiant ; mais faisant moi-même peu d'usage de cet ap=
pareil, je parle dans tout ce qui suit comme si l’on ne devait pas s’en
servir,
13.
196 HISTOIRE NATURELLE
dessinées sur le papier, et pareilles à celles que montre
le microscope, seront grossies au même degré. On
pourra donc, en divisant leur grandeur effective par le
nombre de fois dont elles sont grossies , connaître
leur grandeur réelle. Que, par exemple, une figure
d’Infusoire ait 45 millimètres de longueur, et qu’elle
soit grossie 300 fois , la grandeur réelle de l’Infusoire
qu’elle représente , est la 300° partie de 45, ou quinze
centièmes de millimètre , ou 0,15.
Sachant moi-même, par le croisement des axes vi-
suels, transporter et juxta poser l’image vue dans le
microscope, et le dessin que j'en fais sur le papier, je
trouve souvent plus commode de mesurer directement
cette image avec la règle divisée , ou avec le compas, sur
mon papier avant de lavoir copiée ; on est même obligé
d'agir ainsi quand un Infusoire se meut avec rapidité,
et ne fait que traverser le champ du microscope dans
un sens et dans l’autre.
Mais, dans tous les cas, pour évaluer ces grossisse-
ments, il faut avoir préalablement fixé ce qu'on en-
tend par distance de la vision distincte ; car, sans
changer elle-même, l’image vue dansle microscope séra
trouvée d'autant plus petite , si on la mesure, que cette
distance sera moindre: et la règle divisée dont on
se sert paraît au contraire de plus en plus grande si on
la rapproche de l’œil en la comparant à l’image vue
dans le microscope.
La distance de la vision distincte a été fixée, par
quelques personnes, à 970 millimètres (10 pouces),
par d’autres à 216 millimètres (8 pouces); pour moi,
étant un peu myope, je la prends de 180 à 200 milli-
mètres, suivant la finesse des détails que je veux ex-
primer dans mon dessin. Or, si un instrument donne un
DES INFUSOIRES. 197
grossissement de 200 fois le diamètre évalué pour une
distance de 200 millimètres attribuée à la vision dis-
tincte; ou, ce qui revient au même, pour l’image que
donne le microscope, transpertée,commeil a été dit,sur
un papier placé à 200 millimètres de l'œil, ce même
instrument , sans que l’image transmise ait réellement
changé, donne un grossissement de 180, ou de 216, ou
de 270 diamètres, si on place le papier à 180 , à 216 ou
à 270 millimètres. Chacune de ces distances étant prise
alors à volonté pour la distance de la vision distincte.
Si, pour la distance de 200 millimètres , le grossisse-
ment, au lieu d’être ce même nombre 200, était trouvé
de 320 diamètres, par exemple ; alors , pour les autres
distances de la vision distincte, ou, pour les diverses
positions du papier sur lequel on dessine, les gros-
sissements auraient varié dans le même rapport; de-
venant 288 diamètres pour la distance de 180 milli-
mètres ; 345 diamètres et 3/5 pour la distance de 216
millimètres ; et enfin 432 diamètres pour la distance
de 270 millimètres; et ainsi de suite pour toute autre
distance qu’on voudrait choisir. Mais il faut bien se
le rappeler, dans ces divers cas, l’image transmise n'é-
prouve absolument aucun changement ; les rayons qui
vont la peindre dans notre œil continuent à former
entre eux les mêmes angles; c’est simplement la sur-
face occupée à différentes distances par cette image sur
un papier où on l’aura transportée par le croisement
des axes visuels, ainsi que le calque ou la copie qu'on
en peut faire sur ce même papier, qui ont varié de
grandeur.
Le dessin est ordinairement fait de la grandeur de l'i-
mage transmise par le microscope, et cela est le plus con-
venable, quand les détails offerts par cette image ne sont
198 HISTOIRE NATURELLE
pas trop multipliés ou trop délicats pour étreexprimés
sur un dessin de cette dimension.Mais si à force d'appli-
cation, ou en modifiant convenablement l’éclairage, on
est parvenu à voir, avec un grossissement de 300 dia-
mètres, des particularités de forme et de structure que
le pinceau ne pourrait exprimer convenablement dans
une figure grossie ce nombre de fois ; il faut faire son
dessin dar ou trois fois plus grand que l’image. On
inscrit soigneusement à côté le chiffre de la grandeur
réelle et celui du grossissement, comme, d’ailleurs, on
doit avoir soin de le faire pour toutes ses figures. Ce-
pendant, si l’on est pressé, on peut se contenter de
tracer à côté de la figure plus ou moins grossie, une
ligne droite exprimant la longueur exacte de l'image
vue dans le microscope ; longueur que je prends dès le
premier instant avec un compas appuyé sur mon pa-
pier, et que je marque ensuite sur la marge, en y en-
fonçant les deux pointes de ce compas, ce qui, plus
tard, au moyen du chiffre de grossissement, écrit en
même temps, permet de calculer la grandeur réelle de
lInfusoire et le degré d’amplification de la figure.
Comme en général on doit, pour faire de bonnes
observations au microscope, passer graduellement d’un
grossissement plus faible à un grossissement plus fort ;
il arrivera souvent qu’une figure commencée avec le
premier sera terminée avec le second; ou bien, que,
pour se rapprocher des dimensions observées d’abord
et jugées sufhisantes, on fera son dessin plus petit que,
l’image transmise; dans ce cas encore on indiquera
soigneusement la grandeur réelle (1) et le degré d'am-
plification de la figure.
(1) La grandeur réelle d'un Infusoire étant indiquée, on trouve
DES INFUSOÏRES. 199
Certains objets, comme des points où comme des
fils très-déliés , ne peuvent être mesurés directement,
parce que l'œil ne peut saisir exactement le rapport
de leur épaisseur avec la largeur d’une division du mi-
cromètre; il faut recourir alors à la comparaison de
quelque objet, vu directement à la distance de la vi-
sion distincte, et dont on connaît l’épaisseur : si, par
exemple, un fil de soie de cocon qu’on sait être épais
d’un quatre-vingt-dixième de millimètre ou 0,011,
paraît à la vue simple aussi gros et aussi distinct que le
filament flagelliforme d’une Monade amplifiée 320 fois,
on doit conclure que la grosseur réelle de ce filament
d'Infusoire est la trois cent vingtième partie d’un
quatre-vingt-dixième de millimètre ou la 2° partie,
environ un trente-millième de millimètre. Pour des
épaisseurs déjà plus fortes, quoique très-difliciles à éva-
luerdirectement, je mesers d’un autre moyen ; jerépète
un certain nombre de fois ces épaisseurs , et je mesure
exactement lasomme pour en déduire, par une simple
division, l'épaisseur cherchée. Sije veux, parexemple,
mesurer un très-petit Vibrion ou Bacterium, je trace
avec une pointe fine sur mon papier, à côté du dessin ,
une ligne que, par de nombreuses comparaisons, je
puisse juger aussi épaisse que l’animalcule ; je trace dix
lignes parallèles, semblables , et écartées d’un inter-
valle , autant que possible , égal à leur épaisseur : j'ai
ainsi une longueur égale à l'épaisseur de vingt ani-
malcules. Je répète cinq fois cette longueur avec un
facilement le degré de grossissement de la figure qui en a été faite,
puisqu'il suffit de chercher combien de fois cette grandeur réelle est
contenue dans la longueur de la figure. Ainsi une figure longue de
30 millimètres, pour représenter un Infusoire long d'un huitième de
millimètre (0,125) est grossie deux cent quarante fois.
200 HISTOIRE NATURELLE
compas pour avoir le nombre rond de cent épaisseurs ;
et si la longueur totale est dix-huit millimètres , ce qui
suppose dix-huit centièmes de millimètre, ou 0,18
pour l'épaisseur d’une seule des lignes tracées, ou pour
l’épaisseur d’un des animalcules grossis trois cents fois,
par exemple, et dont l'épaisseur réelleest parconséquent
la trois centième partie de 0,18, ou 0,0006 (six dix-mil-
lièmes de millimètre). On parvient àévaluer de la même
manière des épaisseurs quatre, cinq et six fois moin-
dres. On peut dès lors représenter à des grossisse-
ments exagérés de mille et deux mille diamètres , des
Infusoires très-petits qu'on n'a vus réellement qu'à
des grossissements de trois cents à cinq cents dia-
mètres, mais chez lesquels un œil exercé a pu
entrevoir ou soupçonner des détails de structure im-
possibles à rendre dans des dessins d’une moindre
dimension.
Une condition bien importante pour mesurer ou les
Infusoires, ou le pouvoir du microscope, non moins
que pour dessiner les objets microscopiques , c’est
que le papier paraisse aussi éclairé et aussi éloigné
que le champ du microscope; sans cela on ne pour-
rait comparer facilement l’image transmise par l'in-
strument , et la représentation qu’on en veut faire,
ou la règle servant à lamesurer ; et, d’un autre côté,
les yeux ne seraient point exposés sans un grave
inconvénient à des impressions trop différentes l’une
de l’autre. On doit en outre, comme dans toutes les
observations microscopiques, en général, se préser-
ver, autant que possible, de l’impression d’une lu-
mière étrangère quelconque; éviter qu’un corps bril-
lant ne réfléchisse une vive lumière vers l’observateur,
éloigner ou cacher un objet blanc ou de couleur vive,
DES INFUSOIRES. 201
une feuille de papier, par exemple, dont les rayons
arriveraient obliquement à l’œil ; ne conserver ouverte
qu’une seule fenêtre, ou couvrir sa lampe d’un abat-
jour , et pour mieux faire enfin , s’abriter derrière un
écran qui ne laisse arriver la lumière que sur le des-
sin, et même abaisser, jusque sur ses yeux, une
visière ou un bonnet. Spallanzani a décrit les pré-
cautions qu'il prenait pour ses observations, et
M. de Mirbel a si bien senti la nécessité ide se pré-
server de toute lumière étrangère, qu'il a disposé
son microscope dans une sorte de chambre obscure
portative.
Puisque, pour pouvoir se livrer longtemps sans fa-
tigue à des observations microscopiques, on doit éviter
toute position forcée, toute tension des muscles du
cou, du dos , des épaules ou de la poitrine; 1l faudra,
avant de se mettre à dessiner des Infusoires, avoir
choisi un siége d’une hauteur convenable pour que
l'œil, par une simple flexion du corps en avant, se
vienne poser à l’oculaire du microscope; puis sur la
table, qui sera plus ou moins haute, superposer
quelques livres pour offrir un support d’une hauteur
convenable au bras gauche dont la main viendra alter-
nativement mouvoir le porte-objet, et se reposer sur
le dessin. Enfin , sur une petite caisse ou sur une pile de
livres, ou sur un support solide quelconque , on place
son papier à une hauteur suffisante pour que l'œil
droit en soit éloigné de deux cents millimètres, ou de
toute autre distance qu'on a choisie, pendant que
l'œil gauche est placé sur l’oculaire. La main droite
seule s'appuie sur le papier à dessin, quand elle
n'est pas occupée à rapprocher ou éloigner le porte-
objet du microscope, et l’on est ainsi en mesure
202 HISTOIRE NATURELLE
de saisir les contours et de représenter les Infu-
soires qui se présentent dans le champ de linstru-
ment. $
Ges animalcules étant rarement colorés , il est plus
simple de ne se servir que de crayon et d'encre de
Chine, en inscrivant à côté leur couleur quand elle
est remarquable. Dans les expériences de coloration
artificielle seulement, on a à marquer des points de
couleur qui n’ont pas besoin d’être nuancés. Quand il
s'agit de tracer rapidement les contours et la forme
des Infusoires vivants qu’on n’est pas sûr de pouvoir
observer assez longtemps, il est préférable de dessi-
ner au crayon en adoucissant les ombres, au moyen
d’une petite estompe de papier roulé; mais si l'on
veut exprimer avec plus de précision des détails de
structure; il faut se servir de pinceau et d’encre de
Chine.
Les Infusoires ne se montrant à nous dans le micro-
scope que par transparence, ce n’est point leur forme
réelle que nous pouvons représenter , comme celle
d’un corps opaque avec son relief exprimé par des
clairs, des demi-teintes, des ombres et des reflets ;
c'est le résultat des phénomènes de réfraction produits
: par des parties plus où moins diaphanes, plus ou moins
réfringentes ; résultat variable suivant la distance des
lentilles , et suivant le mode d'incidence de la lumière
quia traversécesobjets transparents. Ilfaudra donctou-
jours, se rappelant que le dessin des Infusoires repré-
sente non des formes en relief, mais des effets de réfrac-
tion; il faudra, dis-je, chercher à comprendre ces elfets
avant de les représenter d’une manière qui puisse être
comprise de même d’après le dessin ; il faudra exami-
ner si leur substance demi-transparente a un caractère
DES INFUSOIRES. 203
de mollesse et de demi-fluidité qu’on s’efforcera d’expri-
mer ;il faudrasurtout recherchersilesglobules contenus
dans l’intérieur de ces animalcules agissent sur la lu-
mière comme plus réfringents ou comme moins ré-
fringents que la substance charnue environnante.
On s’en assurera en les comparant avecdes gouttelettes
d'huile dans l’eau ou d’eau dans l'huile; quant aux
effets d'ombre et de lumière qu’ils présentent , en mon-
trant leurs bords ou leur centre plus clairs et plus
foncés quand on fait varier la distance des lentilles et
la position des diaphragmes. On sait que l’huile ré-
fracte la lumière plus fortement que l’eau, et l’on aura
pu, une fois pour toutes, noter les effets présentés dans
ces diverses circonstances par ces gouttelettes prises
pour termes de comparaison, afin de n’avoir plus besoin
de refaire l'expérience. D'ailleurs on a presque toujours
des termes de comparaison tout prêts dans les Infu-
soires de diverse grosseur ou dans leurs débris, dans
les petits grains de sable ou de fécule épars dans le
liquide, dans les bulles d’air , etc.
Dès l'instant qu’on a su reconnaître si un globule
intérieur réfracte la lumière plus ou moins que le
reste du corps, on doit être à même de l’exprimer
dans son dessin par des touches d'ombre ou de clair
dont on n'aurait pas soupçonné l'importance aupa-
ravant, et qui cependant serviront ultérieurement
à décider, d’après ce dessin même, si ces globules
sont des vacuoles pleines d'eau ou des gouttelettes
d'huile, etc.
En général l’Infusoire, en raison de sa forme con-
vexe et de sa densité supérieure à celle de l’eau, paraît
plus clair au centre, et plusombré près du bord ; mais si
l’on incline de côté le miroir ou le prisme d'éclairage,
20% HISTOIRE NATURELLE
ou si en reculant de côté le diaphragme on intercepte
une partie du faisceau de la lumière illuminante , alors
le centre de l’Infusoire restant toujours clair, un côté
seulement est plus fortement ombré, et le côté opposé
peut devenir plus clair même que le centre. Dans ce
cas les globules contenus dans l’intérieur manifesteront
aussitôt leur nature en montrant une ombre formée
du même côté que l’Infusoire , s’ils sont plus réfringents
que la masse du corps, et du côté opposé s'ils sont au
contraire moins réfringents. Il faudra donc que, dans
un dessin , on ait soin de faire tomber d’un même côté
les ombres des objets qui agissent de la même manière
sur la lumière, et en même temps indiquer par une
vivacité plus grande d'ombres et de clairs ceux dont
l’action est la plus forte.
Quand les dessins d'Infusoires auront été faits
d’après ces indications, il y faudra soigneusement
inscrire la date et les circonstances de l’observation,
avec toutes les notes qu’on aura eu l’occasion de
faire en les recueillant , en les conservant ou en les
étudiant.
On trouvera peut-être convenable qu'après avoir
tant parlé de la manière d’observer et de dessiner les
Infusoires au moyen du microscope, je dise quelques
mots sur le choix de l’instrument lui-même. Je répé-
terai d’abord ce que j'ai dit précédemment sur l'excel-
lence du microscope simple ; et j'ajouterai, que sans
la fatigue causée à l’œil par le peu d’étendue du champ
de cet instrument, et par la nécessité de tenir l'œil
très-rapproché de la lentille, et conséquemment du
porte-objet, d’où résulte un grande gène pour ma-
nœuvrer les objets soumis à l'observation , et pour les
dessiner , on aurait de l'avantage à employer les excel-
DES INFUSOIRES. 205
lents doublets (1) de 0,6 millimètres (un quart de ligne)
de foyer fabriqués par M. Charles Chevallier , lesquels
donnent un grossissement bien net de 333 diamètres
pour une distance de 200 millimètres attribués à la
vision distincte. Je dois dire que je m'en suis servi
pour des observations très-délicates et très-précises. Les
inconvénients signalés sont beaucoup moindres pour
des doublets d’une longueur focale double (0,2 milli-
mètres) ; mais on n’a alors qu’un grossissement de 166,
qui n’est pas toujours suflisant ; il faut donc recourir
au microscope composé , dont toute la valeur repose
sur la perfection des lentilles achromatiques. Les ocu-
laires et la monture ne sont en quelque sorte que des
accessoires , ils contribuent à faire un bon microscope,
mais ils ne le font pas.
J'ai eu de fort bonnes lentilles achromatiques (2), soit
de M. Ch. Chevallier , soit de M. G. Oberhaüser, et
je me suis servi pendant longtemps du microscope
horizontal de M. Ch. Chevallier , lequel est surtout
commode pour l’emploi de la Camera lucida ; mais
depuis plusieurs années je me sers habituellement
d’un microscope vertical fort simple , mais fort solide ,
(1) Les doublets de deux lignes (4,5 mill.) de foyer et au-dessus
coûtent dix francs, ceux de — ligne et + de ligne coûtent quinze francs.
(2) Un bon objectif de microscope achromatique, formé de trois len-
tilles achromatiques, d'un court foyer, ne peut coùter moins de
30 francs; quand il est très-bon il doit valoir 50 francs, et s'il est par-
fait il n'a pas de prix. Un très-bon objectif achromatique de l'opticien
angiais Ross , a été envoyé d'Angleterre pour 150 francs à M. Lindo qui
depuis en a fait venir un autre d'un prix encore plus élevé. Un objectif
composé de cinq lentilles faibles de force différente qu'on avait fait
venir de Munich sur ma demande d'après la réputation du successeur
du célèbre Fraunhofer, m'a coûté 150 francs.
206 HISTOIRE NATURELLE
dont la monture m’a été faite par le même ingénieur
opticien sur mes dessins; j'y ai adapté le système
d'éclairage dont j'ai parlé ailleurs , et certaines combi-
naisons d’oculaires , et je m’en contente pour le mo-
ment ; cependant j'emploie quelquefois concurremment
ou comparativement le microscope à platine tournante
de MM. G. Oberhaüser et Trécourt, qui a également
toute la stabilité que je désire. Au reste , la préférence
que je donne au microscope vertical tient autant, si
ce n'est plus, à la grande habitude que j'ai de dessiner
de l'œil droit en regardant de l'œil gauche dans le mi-
croscope, qu'elle peut tenir à la plus grande netteté
qu'on veut lui supposer (1).
(1) Un microscope composé avec ses accessoires plus ou moins nom-
breux n'est pas un objet dont on puisse indiquer le prix d'une manière
absolue; ce prix dépend nécessairement du nombre des objectifs ou
jeux de lentilles, du nombre des oculaires , des camera lucida , des
appareils pour l'éclairage des objets opaques , pour les expériences chi-
miques , etc. , eic., et l’on concoit qu'il peut varier depuis le prix de
80 francs, auquel M. G. Oberhaüser donne un joli petit microscope ver-
tical dans sa boîte, jusqu’au prix de 300 fr. auquel il livre son excellent
microscope à platine tournante, sans certains accessoires qui l’aug-
mentent jusqu'à 400 ou 450 fr. De même que M. Ch. Chevallier , dont
le microscope universel pouvant être employé horizontalement ou ver-
ticalement , eoûte 800 fr., fabrique à des prix inférieurs des microscopes
non moins bons quoique bien moins complets.
DES INFUSOIPES. 207
CHAPITRE XVIL
CONSERVATION DES INFUSOIRES EN COLLECTION.
L'heureuse idée qu’a eue M. Ehrenberg de conserver
des Infusoires desséchés rapidement sur une plaque de
verre et recouverts d’une lame mince de mica , a montré
la possibilité d'ajouter désormais une collection de ces
animalcules à l'immense collection qu'on pouvait déjà
faire d'objets microscopiques. Mais on se tromperait
grandement si l’on croyait que ces Infusoires, ainsi des-
séchés sur le verre, puissent montrer autre chose qu'un
contour passable avec l'indication des plus gros cils ou
des styles, et les masses globuleuses de carmin ou d’in-
digo qu’on a fait avaler àl’animalculeavant sa mort. Les
Phacus, dont la forme est invariable , se conserveront
mieux, ainsi que les autres Infusoires munis d'un té-
sgument résistant ; on pourra encore conserver un sOou-
venir satisfaisant du Volvox ; mais les Infusoires les
plus contractiles, tels que les Vorticelles, ne donneront
point ainsi l’idée de leur forme élégante durant la vie.
Quant aux coques résistantes des Arcelles et des Peri-
diniées , elles doivent se conserver d'une manière quel-
conque , ainsi que les pédoncules rameux des Epis-
tylis, des Anthophyses et des Dynobryum ; et je préfère .
les conserver dans une substance gommeuse ou rési-
neuse, qui permet de les observer aussi aisément que
pendant la vie de l'animal. Le procédé de M. Ehren-
berg , qui consiste à soumettre la plaque de verre por-
tant l’eau et les Infusoires à une température graduée
de manière à évaporer l’eau sans déterminer la rupture
et la décomposition de l'animal, demande beaucoup
208 HISTOIRE NATURELLE
d'attention , et ne donne de bons résultats qu'après des
essais nombreux ; encore ce procédé n'est-il applicable
qu'aux Infusoires vivant dans l’eau pure, ou dans l’eau
ne contenant pas de sels qui ne manqueraient pas de
cristalliser par l’évaporation. En effet, l'eau de mer
évaporée ainsi laisse la plaque de verre couverte de
cristaux de sel marin et de sels déliquescents qui em-
pêchent qu'on ne puisse observer l’objet. A la vérité,
certains Infusoires marins, tels que les Plæsconia,
conservent bien leur forme après être morts dans l’eau
de mer très-concentrée par l’évaporation, et ils peu-
vent être conservés dans cet état entre les plaques de
verre; mais je pense qu'il y a encore des résultats meil-
leurs à chercher et à obtenir sur ce sujet.
DES INFUSOIRES. . 209
LIVRE IT
DESCRIPTION MÉTHODIQUE DES INFUSOIRES (1).
4, INFUSOIRES ASYMÉTRIQUES.
ORDRE I.
Infusoires sans organes locomoteurs visibles : se
mouvant par l'effet de leur contractilité générale.
1° FAMILLE.
VIBRIONIENS.
Animaux filiformes extrêmement minces, sans
organisation appréciable , sans organes locomoteurs
visibles.
Les Vibrions proprement dits, ou les Vibrio-
2
niens en général, sont de tous les Infusoires ceux
qui se montrent les premiers dans toutes les infusions,
et ceux que l’on doit considérer comme les plus
simples en raison de leur extrême petitesse et de lim
. , .
perfection de nos moyens d'observation : Ils ne se
manifestent à nos yeux , aidés du plus puissant et du
11 0 2 .
meilleur microscope, que sous l'apparence de lignes
très-minces plus ou moins longues, droites ou si-
(1) I est essentiel de se souvenir que toutes les mesures de grandeur
données comme un caractère distinctif des Infusoires seront exprimées
en parties décimales du millimètre; ainsi 0,12 exprime 12 centièmes de
millimètres, 0,034 exprime 34 millièmes de millimètres, 0,0007 ex-
prime 7 dix-millièmes, etc.
INFUSOIRES. 14
210 HISTOIRE NATURELLE
nueuses; leurs mouvements plus ou moins vifs
peuvent seuls les faire prendre pour des animaux, les
plus gros Vibrions sont épais de 0,001 de millimètre,
par conséquent ils ne se montrent à un grossissement
de 500 diamètres que comme un crin, et l’on ne doit
pas être surpris que des corps aussi minces et en
même temps aussi transparents ne laissent distinguer
aucune trace d'organisation interne. Par une atten-
tion longtemps soutenue et en variant convenable-
ment la distance focale et le degré d'éclairage, je suis
arrivé quelquefois à croire que j'avais vu pendant un
seul instant un filament flagelliforme analogue à lor-
gane locomoteur des Monades ou plutôt un filament
ondulant en hélice; ce qui me semblait devoir expli-
quer le mode singulier de locomotion de ces animal-
cules ; mais je n’ai jamais pu le fixer assez longtemps
ou le distinguer assez nettement pour avoir la con-
science nette de son existence. M. Ehrenberg a de son
côté vu un filament locomoteur qu'il nomme une
trompe chez son Bacterium triloculare; mais est-ce
bien là un Vibrionien?
Tout ce qu’on peut dire de positif sur leur organi-
sation, c'est qu'ils sont contractiles, et se propagent
par division spontanée, souvent imparfaite ; de là ré-
sulte leur allongement de plus en plus considérable.
Parmi les Vibrioniens, on en voit qui ont la forme
de lignes droites très-peu flexueuses, plus ou moins
distinctement articulées et qui se meuvent lentement :
on peut en faire un genre particulier sous le nom de
Bacterium, créé par M. Ehrenberg; d’autres sont
tantôt droits, tantôt en lignes flexueuses, et se
meuvent en ondulant avec plus ou moins de vivacité,
ce sont les vrais Vibrions, d’autres enfin sont con-
DES INFUSOIRES. 211
stamment en fuite d'hélice et de tire-bouchon, et
jamais en ligne droite, ce sont les Spirillum, leurs
mouvements ont lieu en tournant autour de l’axe de
l'hélice , avec une rapidité souvent trés-srande.
M. Ehrenberg définit ses V’ibrionia « des animaux
filiformes, distinctement ou vraisemblablement poly-
gastriques, anentérés (sans intestins), nus, sans or-
ganes externes, à corps de Monadines uniformes , et
réunis en chaînes ou séries filiformes par l'effet d’une
division spontanée incomplète. » Il ajoute dans ses
observations générales, que vraisemblablement tous
ces animaux doivent posséder un organe locomoteur
analogue à celui qu'il dit avoir observé chez son Bac-
terium sous la forme d’une trompe simple, tour-
noyante. Il n'a pu leur faire avaler de substances
colorées, mais de l'apparence que ces animaux présen-
tent en se desséchant sur une plaque de verre, il
conclut que chaque corps filiforme est une série d’ani-
malcules à peine plus longs que larges, et demeurant
unis par suite d’une division spontanée imparfaite.
C’est ce que je n'ai pu vérifier.
Les Vibrioniens se produisent ou se dévelcppent
avec une promptitude extrême dans tous les liquides
chargés de substances organiques altérées ou décom-
posées. Ainsi non-seulement les infusions animales et
végétales, mais encore les différents liquides de l’or-
ganisme, la salive, le serum, le lait et le pus, quand
ils commencent à s’altérer, la matière pulpeuse qui
s’'amasse autour des dents, les sécrétions morbides, etc.,
peuvent présenter une prodigieuse quantité de Wi-
brioniens. On conçoit d'après cela qu’on ne serait
nullement fondé à attribuer à leur présence la cause
de certaines maladies.
1e
212 HISTOIRE NATURELLE
é
4% Gevre. BACTERIUM
Li
RS.
Corps filiforme , roide , devenant plus ou moins distinc-
tement articulé par suite d’une division spontanée impar-
faite. Mouvement vacillant non ondulatoire.
1. BACTERIUM TERMO (1). — PI, 1, fig. 1.
ë
Animaleules filiformes , cylindriques, deux à cinq fois aussi
longs que larges , un peu renflés au milieu. — Longueur 0,003 à
0,002, épaisseur 0,0048 à 0,0006. — Quelquefois assemblés deux.à
deux par l'effet de La division spontanée, animés d’un mouvement
vacillant.
C'est le plus petit des Infusoires, et l’on doit le confondre
souventavec le premier degré de développement des autres Bac-
tériums et des Vibrions, mais quand dans la foule on en voit
quelques-uns assemblés à la suite l’un de l'autre, on peut con-
clure que c’est bien le Bacterium termo, le premier {ermeen quel-
que sorte de la série animale. On le voit paraïtre au bout de très-
peu de temps dans toutes les infusions animales ou végétales, où
il se montre d’abord seul et en nombre infini , formant des amas
comme des essaims, un peu plus tard, il disparaît à mesure que
d’autres espèces auxquelles il sert de nourriture viennent à se
multiplier; mais on en voit souvent encore quelques-uns; enfin
lorsque l’infusion devient plus concentrée par suite de l'évapora-
tion ou devient trop fétide pour que les autres espèces y puissent
vivre , le Bacterium termo se montre de nouveau aussi abondam-
ment. C'est sans doute lui qu'on observe dans le pus de certaines
tumeurs , dans divers autres liquides animaux altérés par quelque
maladie , et mis ainsi dans les conditions d'une infusion concen-
trée ; c'est lui que Leuwenhoek trouva dans la matière blanche
pulpeuse qui s’amasse entre les dents.
(1) Vibrio lineola , Ehrenberg , Infusionsthierchen , 1838.
Monas termo , Müller, Infusoria , tab. 1, f. 1 (non Ebrenberg ).
— Leeuwenhoek. Arcan. nat., pag. 4o et pag. 308.
— Spallanzani, Op. phys. t. 1, p. 35. — Gleichen, Infus, p. 95.
DES INFUSOIRES. 213
M. Ehrenberg plaça d’abord avec doute cet Infusoire parmi ses
Bacterium, en indiquant qu'il a quelquefois un mouvement pres=
que ondulatoire ; 1] lui assignait alors une longueur de 0 ,0045 qui
est double de celle que j'ai trouvée pour un seul corpuscule ; plus
tard , il l’a réuni au V’ibrio lineola qui atteintäune longueur de
0,007 et que je crois bien distinct ; il avait donné comme syno-
nyme du Monas termo de Müller, une espèce, de monade globu-
leuse qui atteint, dit-il, un diamètre de 0,009 ; mais il est évident
que Müller avait autre chose en vue quand il disait de son Monas
termo (page 1), que c’est de tous les animalcules offerts par le mi-
croscope, «le plus petit et le plus simple , paraissant échapper au
pouvoir du microscope composé qui ne permet pasde décider s’il
est globuleux ou discoïde. » Ces derniers mots sans doute semblent
éloigner l'idée de croire qu'il a voulu parler de notre Bactérium,
mais comme il ajoute que son Monasse développe au bout de vingt-
quatre heures dans toute infusion animale ou végétale devenue
fétide , je ne peux m'empêcher de penser que dans certains cas il
a pris pour des Infusoires les molécules actives de Robert Brown
qui se voient si bien dans toute infusion trouble, et que plus sou-
vent, il a eu devant les yeux notre vrai Bacterium dont le mou-
vement n'est pas une simple titubation sans changement de lieu.
Voici ce que je trouve à ce sujet dans quelques-unes de mes
notes : 1° une infusion préparée, le 4 décembre 1835, avec un
Agaric desséché, a montré déja beaucoup de Bacterium termo,
trois jours après , le 27, et rien autre chose : le 9 janvier suivant,
l'infusion , gardée dans un appartement à la température de 8 à
10°, contenait en outre des brio Bacillus , et plusieurs espèces
de Monades : le 21 janvier elle était réduite par l'évaporation,
et ne contenait plus que notre Bacterium ; dont les articles isolés
ou assemblés avaient une longueur de -Z mill. (0,002) et une
épaisseur de —5; mill. (0,00067); — 2° la vapeur de mon ha-
leine, condensée en passant à travers une cornue tubulée,
a fourni dix grammes d'eau bien limpide, le 15 janvier 1836.
Cette eau , conservée dans la cornue, a montré ; quatre jours
aprés, des Bacterium termo allongés, simples, longs de o,oo1 ;
le 26 janvier, dans le même liquide, ils étaient plus gros, ayant
déjà 0,0016 , et quelques-unes doubles ayant 0,0030. Le 6 février
il n'y avait plus rien : le 23 février, plus d’animalcules, mais de
nombreuses files de granules épais de 0,0032 appartenant à une
Mucédinée. Cette expérience, que j'ai faite avec le plus grand
21% HISTOIRE NATURELLE
soin , m'a paru en faveur de l'opinion de la génération sponta-
née; elle est également d'accord avec un grand nombre d'autres
expériences dans lesquelles j'ai vu la vie animale , dans une infu-
sion , remplacée complétement à un certain instant par la vie vé-
gétale ; — 3° une infusion de sucre, avec des oxalate et phos-
phate d'ammoniaque et du sel marin, était couverte, au bout
de dix jours, d’une pellicule blanche toute formée de Bacterinm
termo , simples, longs de 0,003 et épais de 0,001.— 4° Du sang de
carpe a été dissous, le 28 janvier 1838, dans une solution satu-
rée de phosphate de soude. Le liquide rouge, bientôt fétide,
montrait déjà des Bacterium termo le lendemain ;!la dissolution
ayant été étendue d’eau a présenté le 31 janvier ces animalcules
tous simples ayant de longueur 0,0017 et d'épaisseur 0,00055 :
le 2 février , l'odeur était plus pénétrante, les Bacterium, deve-
nus beaucoup plus gros, et la plupart doubles, étaient excessive-
ment abondants ; le maximum de longueur des animalcules sim-
ples ou des articles pris isolément était 0,0029, leur épaisseur
allait à 0,00065 ; la même chose s’observait durant les vingt jours
suivants. — 5° Le même sang de carpe a été mêlé , le 28 janvier ,
avec une solution concentrée d’albumine et de sucre, à la tem-
pérature de 7°; le surlendemain l'odeur était fétide et le mé-
lange contenait des Bacterium termo, longs de 0,00116 et épais
de 0,00033 : quelques-uns étaient groupés en ames irréguliers, vi-
bratiles ; le 3r, le liquide ayant été étendu de beaucoup d'eau
de pluie , formait une dissolution d'un beau rouge, dans laquelle,
dix heures après, je voyais les Bacterium devenus plus gros;
leur longueur était 0,0015 et leur épaisseur de 0,00045 à 0,0005 :
beaucoup étaient doubles, Le » février, l'odeur était devenue un
peu alcoolique, ou plutôt analogue à celle des pommes. Les
Bacterium étaient encore plus longs, 0,00225 , mais de même lar-
geur. Le 6, ils avaient, de longueur, 0,0032, quand ils étaient
simples, ou 0,0064, s'ils étaient doubles ; leur épaisseur allait de
0,00067 à o 0009. Le 23 février, le liquide avait une odeur péné-
trante dé pourri ; il contenait des moisissures et peu de Bacte-
rium. — 6° Une FACE préparée, le 3 février 1836, avec 15
grammes de sucre de réglisse, ro grammes d'oxalate d'ammonia-
que et 100 grammes d'eau de pluie , a été tenne à la température
de 12°, Le 8 février , elle montrait une pellicule commencante ,
ou plutôt une couche un peu trouble à la surface et formée d'une
infinité de Bacterium termo, longs de 0,003 r et épais de o,0011.
DES INFUSOIRES 215
— 7° Une infusion de chair crue de mouton , avec beaucoup d'eau
et un peu d'acide acétique , ne montrait aucun Infusoire au bout
de vingt jours en hiver. (Peut-être l'acide, pris à Paris, prove-
nait-il en partie de la distillation du boïs? ) Une addition de ca
bonate de soude a déterminé le développement des Bacterium
termo, longs de 0,002 à 0,003 et épais de 0,00063 ; plusieurs
étaient doubles. — 8° Du blanc d'œuf exposé à un froid de
20°, en janvier 1838, et mis ensuite avec un peu d’eau et du
sucre à la température de + 8 , a présenté , au bout de quelques
jours, des Bacterium termo que j'ai vus devenir plus gros du 30
janvier au 2 février. — 9° Dans beaucoup d’autres infusions de
substances animales ou végétales seules ou mélangées de divers
réactifs, j'ai noté la présence des Bacterium-termo, mais sans
m'être assuré s'il y en avait de doubles, ou s'ils n'étaient pas les
jeunes des autres espèces. ,
2. BACTERIUM GHAINETTE. — Bacterium catenula, — P1. 1, fig. 2.
Animalcules filiformes, cylindriques, longs de 0,003 à 0,004,
épais de 0,0004 à 0,0005 , souvent assemblés par 3, 4 ou 5 à la
suite l’un de l’autre par suite de la division spontanée, -en chai-
nettes dont la longueur atteint 0,02,
4
Il est possible que cette espèce ne soit qu’un degré de dévelop-
pement du Vibrion baguette ; je l'ai vue dans une infusion fétide
de haricots cuits, où vivaient en même temps plusieurs sortes de
Monades; l’animalcule indiqué dans la note précédente (3°) comme
vivant dans une infusion de sucre, était peut-être celui-ci, car je
ne l’ai pas vu multiplié par division.
3, BactEnIUM POINT. — Baclerium punctum. Ehr. (1).
Animalcules de forme ovoïde - allongée, incolores, longs de
0,0052, épais de 0,0017 , à mouvement lent , vacillant , souvent
assemblés par deux.
J'ai vu cette espèce dans diverses infusions animales, et notam-
(1) Bacterium punctum > Ehrenb. Infus. 1838.
Monas punctum? Müller, tab. 1, f. 4, p. 3.
Melanella punctum ? Bory. — Punct-Thierchen , Gleichen.
216 HISTOIRE NATURELLE
ment le 11 février 1836, dans une infusion préparée lé 3 février
avec 18 gr. de gélatine sèche, 12 gr. de nitrate d'ammoniaque et
1300 gr. d'eau ; et dans une autre infusion de la même date dans
laquelle le nitrate de ee avait remplacé le nitrate d'ammo-
_ niaque.
Je pense que c'est bien le Monas punctum , vu par Müller dans
une infusion de poire et dans une infusion de mouches, indiqué
par lui comme un peu plus long que large, mais figuré dans les
mêmes proportions que le nôtre. L’opacité et la couleur noire
qu'il lui attribue doivent provenir de l'imperfection de son mi-
croscope. Je n'ose assurer que ce soit le même que M. Ebren-
berg a vu seulement en Russie, et qu'il indique comme formé
de « corpuscules indistincts sub-globuleux, trés-petits, réu-
nis en cylindres très-petits marqués de raies transverses effa-
cées. »
* Bacterium triloculare ou articulatum et B. ? enchelys.
à " b
M. Ehrenberg n'inscrit aujourd'hui dans son genre Bacterium
que trois espèces dont deux sont même marquées d'un point de
doute , ce sont le B.? point et le B. ? enchelyde. Ce dernier, qu'il
n’a vu qu'en Russie comme le précédent, en differe par sa lon-
gueur, 0,0094, et n'a été qu'incomplétement observé; l'autre, le
seul qu'il indique avec certitude, est son Bacterium triloculare,
qu'il avait distingué d’abord de son B. articulatum, comme d'un
tiers plus petit, et comme ayant un moindre nombre d’articula-
tions , et qu'il y réunit aujourd'hui en lui attribuant une trompe
vibratile qui produit un tourbillonnement à la partie antérieure,
et n'a quele tiers de la longueur du corps. Ce Bacterium a suivant
cet auteur une longueur variable de 0,0112 à 0,0056 , suivant le
nombre de ses articles , et une épaisseur de 0,002 à 0,0029.
2% GENRE. VIBRION. Zibrio.
Corps filiforme, plus ou moins distinctement articulé
par suite d’une division spontanée imparfaite , susceptible
d’un mouvement ondulatoire comme un serpent.
DES INFUSOIRES. 217
%. Visrion LINÉOLE. — Wibrio lincola, Müller (1). — PI. : , fig. 3.
Animalcules diaphanes , cylindriques , un peu renflés au milieu,
deux à trois fois plus longs que larges.—Longs de 0,0033, épais de
0,0015 à 0,0003 , assemblés par deux ou trois en une ligne très-
mince , un peu flexueuse , longue 0,007 à 0, 01, et présentant
nent deux ou trois Ci AS
Müller a bien certainement confondu souvent le Bacterium
termo avec son ’thrio lineola, mais à l’exemple de M. Ehren-
berg , je ne considère comme vrais Vibrions que les animalcules
filiformes dont le corps est flexueux dans le mouvement, sans
toutefois admettre comme lui que les animalcules ou articles qui
forment ce corps filiforme soient sub-globuleux.
J'ai vu bien distinctement le Vibrion linéole dans la pellicule
blanche qui couvrait au bout de huit jours une infusion de 4: gr.
de racine de réglisse avec 10 gr. de cyanoferrure de potassium
dans 1300 gr. d’eau, en février 1836 ; et précédemment, en dé-
cembre 1835 , dans une infusion de chair avec de l’oxalate d'am-
moniaque, conservée depuis vingt jours. En septembre 1835, je
lai bien vu aussi dans de l’eau de mer où j'avais mis macérer de-
puis 48 heures un oursin mort (2).
(1) Pibrio lineola. Müller , Infus. tab. VI, f. 1. p.43.
Vibrio lineola, Schrank. Faun. boic. II, 2, P:#2:
Melanella atoma , Bory, Encyel. zooph. p. 511 ; 1824, Dict. class.
1830. €
V’ibrio lineola , Ehrenberg , 1830-1838.
(2) Une dissolution de gomme et de nitrate d'’ammoniaque , däns la-
quelle j'ajoutai de la dimasiié de fer qui se dissolvit peu à peu et co-
lora fortement le liquide , me présenta seulement, au bout de quinze ou
dix-sept jours , le 12 janvier 1856 , des Vibrions linéoles avee diverses
Monades ; le 10 etle 28 février ces mêmes Infusoires s’y rencontraient
encore , les Vibrions serpentaient avec vivacité, ils avaient 0,0068 à
0,010 de longueur.
Une infusion de 15 gr. de sucre de réglisse avee 18 gr. de soude
dans 1300 gr. d'eau, préparée le 1e° février 1836, montrait déjà au
bout de huit jours 4e Vibrions linéoles longs de 0,005 , et épais de
0,00117 , avec une seule ou rarement deux FENTE
Une A préparée le 24 décembre avec une cétoihe dorée, sèche,
a donné trois jours après des Vibrions linéoles Iônës de 6,0033 quand
ils sont simples, ou de 0,0066 s'ils sont doubles, et dpaié dé 0,0012.
218 HISTOIRE NATURELLE
Au reste, je dois dire qu'il est souvent extrêmement difficile de
distinguer cette espèce et le Bacterium termo ; peut-être même,
si le genre Bacterium n'eût été déjà établi , je n'aurais pas osé en
prendre la responsabilité. M. Bory, en donnant le Vibrion li-
néole de Müller comme synonyme de sa Melanella atoma , assure
qu'il ne présente pas de sinuosités ; ce qui donne à penser qu'il a
eu en vue le Bacterium termo, ”
*. Wibrio tremulans. Ehrenberg, 1638.
M. Ebrenberg distingue sous ce nom une espèce qu'il avait
d’abord nommée Welanella atoma en 1828 dans ses Symbolcæ phyr-
sicæ , puis Bacterium tremulans en 1830, puis confondue avec le
Vibrion linéole dont elle ne diffère que par des dimensions un
peu plus fortes, et par des inflexions plus marquées. Cet auteur
assigne à son Vibrio tremulans une longueur totale de 0,0078 et
une épaisseur de 0,00156. J'ai moi-même trouvé dans une infu-
sion de Distome hépatique, un Vibrion dont la longueur est la
même, et dont la grosseur variait de 0,00143 à 0,00125 ; mais
comme d'ailleurs , j'ai trouvé des Vibrions linéoles dont l’épais-
seur, suivant la nature des infusions, varie de 0,0008 jusqu'a
0,0013, tandis que M. Ehrenberg fixe 0,00075 pour l'épaisseur
de son Vibrio linéole , je crois que l'établissement d'une seconde
espèce sous le nom de #7. Tremulans n'est pas suffisamment jus-
tifié.
2. ViBrION RUGULE. — Vibrio rugula. Müller (1). — PI. r, fig. 4.
Animalcules diaphanes, en fils alternativement droits ou
flexueux , à 5-8 inflexions, se mouvant avec vivacité en ondulant
ou en serpentant. — Long. 0,008 à 0,013 (non déployés), épaisseur
0,0007 à 0,0008 (suivant M. Ehrenberg la longueur est de 0,0468
et l’épaisseur de 0,00225).
Leeuwenhoek observa le premier cette espèce de Vibrion, dans
(1) Wibrio rugula, Müller, Infus. tab. VI, fig. 2 , p. 44.
Vibro rugula, Schrank.Faun. boic. III, 2, p. 53.
— Leeuwenhoek , 1684, anat. et contempl. p. 38.
Melanella flexuosa , Bory.
Vibrio rugula , Ehrenh. 1831. — Infusionst. 1838.
DES INFUSOIRES, 219
ses déjections durant une légère indisposition (1). 1] décrit bien
leur mouvement ondulatoire analogue à celui des anguilles, et
non moins vif que celui d’un brochet dans les eaux. Müller leur
assigne une longueur moyenne entre les longueurs du Vibrio li-
neola et du ’ibrio (spirillum) undula , il le distingue surtout de ce
dernier , parce qu'il se montre alternativement ondulé et tout à
fait droit : il s'étend en effet quelquefois en ligne droite et se meut
alors lentement, puis, tout à coup, il resserre , infléchit son corps
et se meut avec une extrême rapidité. Müller l’a observé dans la
pellicule membraneuse qui recouvrait une infusion d’Ulva linza ;
il l'a vu aussi par millions dans chaque goutte d’une infusion de
mouches, et il remarque que quelquefois les V’ibrio rugula sont
réunis en masses jaunâtres d'où ils s’écartent, comme si cette
masse se décomposait en molécules pour se réunir de nouveau et
à plusieurs reprises comme un essaim d’abeilles.
Je n'ai pu vérifier le caractere qu’assigne M. Ehrenberg à ce
Vibrion , d’être distinctement articulé et de se montrer, sous le
microscope , formé de globules juxtaposés ; je n’ai jamais vu non
plus de Vibrions ayant la dimension qu'il indique. Une infusion
de foie de mouton , pendant le mois d'octobre, était remplie de
Vibrions rugules , de Monades et d’Enchelydes. Une infusion de
chair dans beaucoup d’eau , conservée depuis deux mois, mon-
trait abondamment ces Vibrions, en février 1836. Une infusion
de chénevis écrasé, préparée au mois de décembre, montrait
ces Vibrions en février avec des Monades, après avoir pré-
senté d'abord le Bacterium termo seul, puis le Vibrio bacillus.
Je citerai encore comme ayant fourni cet animalcule, l'infusion
de gélatine avec du sel marin, de l’oxalate et du phosphate d'am-
moniaque, le dixième jour, en février 1836 ; l’infusion de cétoine
en décembre, au bout de seize jours ; et enfin l’infusion de fro-
mage de Neufchâtel, au bout de deux mois, en février 1836.
\
(1)... Hæcce me quasi coegerunt excrementum meum sæpiüs tam
laxum animadvertere.... Omnes hæ narratæ particulæ in clarà ac pel-
lucidà jacebant materià, quàâ in materià pellucidà temporibus qui-
busdam quædam animalcula... vidi... Genus quoddam animalculorum
vidi, habentia figuram ad inslar gnguillarum in fluminibus nostris; hæc
maximä erant copia, et {am parva...
220 HISTOIRE NATURELLE
* Vibrio prolifer: Ehrenberg Infus. 1838. Tab. V, fig. 8, ne 93.
Sous ce nom, M. Ehrenberg indique une espece qui , suivant cet
auteur, diffère du Vibrion rugule par son épaisseur d’un quart
ou d'un tiers plus considérable, par son mouvement flexueux
plus lent, et par ses articulations plus visibles.
3. VigrioN SERPENT. — Wibrio serpens, Müller. — PI. I, fig. 5 (1).
Corps três-allongé, filiforme , ondulé , suivant une direction le
plus souvent rectiligtie , 40 à 45 inflexions à angle obtus. — Lon-
_ guëuf 0,023 à 0,026, épaisseur 0,0007. :
J'ai vu ce Vibrion dans une infusion de cochenille préparée
depuis deux mois; le 31 février 1836, il était accompagné de
Bacterium et de Monades; il était quelquefois un peu infléchi
dans sa longueur.
Le 13 janvier 1836, je l'ai vu aussi dans une infusion de chair
et de nitrate d'ammoniaque préparée le 26 décembre précédent;
il était également courbe dans sa longueur.
Müller, qui l'a vu très:rarement dans l’eau de rivière, le carac-
térise bien en disant qu'il ressemble à une ligne extrêmement
mince; serpentanie, à inflexions égales et lâches, dix fois plus
longue que le Spirillum undula ; quant à ce qu'il ajoute de la pré-
sence d'un intestin qu’il croit avoir vu courir d’une extrémité a
l'autre de cet animalcule si mince, on doit croire que c’est une
illusiôn causée par son microscope composé.
4: VIBRION BAGUETTE: — ’ibrio bacillus ; Müller. — PI. 1, fig: 6 (2).
Corps transparent , filiforme , rectiligne , égal, à articulations
fort longues, n'ayant que des mouvements d’inflexion peu sensibles,
L
(1) Vibrio Serpens, Müller, Infus. tab. VI, fig. 9-8:
(2) Leeuwénuhoek. Âfeañ. riat., pag. 40 et pag. 305.
— Joblot. Micros. tom. 1, part. 2, p. 67, Pl. 8, fige 12-14.
Vibrio bacillus, Müller , lüfus. tab. VI, fig: 3 ; p. 45.
Vibrio bacillus, Bory 1824.
Enchelys bacillus , Oken. Hist. nât.
Vibrio bacillus, Ehrenberg , Infus. 1838 , tab. XV, fig.g, n° 94.
DES INFUSOIRES. 291
pendant qu'il s’avance lentement dans le liquide et indifféremment
en avant ou en arrière ; paraissant souvent brisé à chaque articu-
lation. — Longueur d’un seal article 0,005 à 0,008 , longueur to-
tale jusqu’à 0,033 ; épaisseur de 0,0007 à 0,0040.
Leeuwenhoek observa ce Vibrion avec d’autres Infusoires dans
la matière blanche pulpeuse qui s’amasse entre les dents, Müller
le vit dans une infusion de foin conservée depuis plusieurs mois
et qui ne l'avait pas montré auparavant; il le décrit comme égal
dans toute sa longueur, tronqué aux deux extrémités, se mouvant
lentement en ligne droite, soit en avant, soit en arrière, sans qu'on
puisse distinguer une extrémité antérieure ou postérieure, et
laissant voir difficilement un mouvement ondulatoire lent, tandis
que celui des Spirillums est prompt comme l'éclair.
M. Ehrenberg assigne à cet Infusoire des dimensions presque
doubles de celles que j'ai observées. Suivant cet auteur, la lon-
gueur du Vibrion baguette serait de 0,05 et son épaisseur de
0,0016 ; il le décrit en outre comme formé d'articles très-courts
que l’on voit quelquefois dans l'eau, et d'autrefois, aprés la dessic-
cation. Je n'ai rien vu de tel ; cependant j'ai observe fréquemment
ce Vibrion si reconnaissable à ses longs articles roides, formant des
angles rectilignes, qui le font paraître comme une ligne brisée ou
une portion de polygone. Je l'ai vu dans le serum recueilli à la
surface du cerveau d’une carpe morte depuis six jours en hiver.
Dans une infusion de vessie de cochon où vivaient des Cypris
avec divers Infusoires ; dans une infusion de pain avec du chlo-
rate de potasse ; dans des infusions de haricot, de pomme de
terre et de plusieurs autres substances végétales, aussi bien que
dans des infusions de substances animales faites avec l’eau de mer
ou l’eau douce.
* Vigrion pouTEux. — V’ibrio ambiguus, — PI. 1, fig. 7.
Je dois mentionner ici une production singulière que j'ai ob-
servée avec soin , le 13 janvier 1836, sur une infusion de chair
mêlée d'acide oxalique et préparée dix-huit jours auparavant.
Cette infusion , trés-fétide, contenait avec des Spcrillum undula
et diverses Monades , le Vibrion douteux dont je veux parler : il
était composé d'articles filiformes roides comme ceux du Vibrion
baguette, mais beaucoup plus gros, car leur diamètre était de
0,002 et leur longueur de 0,02. Ils étaient articulés par quatre,
998 HISTOIRE NATURELLE
cinq ou davantage, formant ainsi des lignes brisées; mais sou-
vent aussi une telle série d'articles se bifurquait, par suite de l’ar-
ticulation , à l'extrémité d'un article, de deux autres articles qui
devenaient le commencement de deux séries plus ou moins pro-
longées. Ces Vibrions simples ou bifides se mouvaient de la même
manière que le Vibrion baguette, et chaque article participait
au mouvement total d'où résultait , pour les Vibrions bifides,
des figures bizarres ; leur longueur approchait quelquefois d'un
dixième de millimetre (0,08 à 0,10). Leur volume plus considéra-
ble permettait de bien juger que chaque article était formé d'un
tube résistant, dans lequel une substance glutineuse était diver-
sement condensée ou agglomérée.
On peut être conduit, par ces observations, à douter de l'ani-
malité, non-seulement de notre Vibrion douteux, mais aussi du
Vibrion baguette(1r).
* Wibrio subtilis, —Ehrenberg, 1834-1838 , Infus.—-Tab. 5,
fig. 6, n° or.
Je suis d'autant plus porté à douter également de la nature ani-
male de cette espèce de M. Ehrenberg, que j'ai eu l’occasion d'ob-
server , dans l'eau conservée longtemps avec divers débris végé-
taux, unesorte d'oscillaire en filaments rosés , formés de globules
juxtaposés, épais de 0,0034 , se mouvant spontanément et s’agi-
tant d'un mouvement ondulatoire bien visible. Or, le Vibrion
subtil est indiqué par l’auteur comme consistant en baguettes
transparentes allongées très-déliées, droites , évidemment formées
d'articles globuleux, et nageant au moyen des vibrations tres-
(1) J'ai observé dans de l'eau où s'étaient décomposées des Spon-
gilles, une petite oscillaire d'une couleur pâle, épaisse de 0,004, qui
s'agitait d'abord vivement, puis qui se brisa spontanément en articles
analogues par leur disposition à ceux du Vibrion baguette ; on sait d’ail-
leurs qu'il se développe dans les eaux eroupies dégageant de l'hydro-
gène sulfuré , certaines productions végétales , byssoïdes, blanchätres,
- analogues à ce que M. Fontan a désigné sous le nom de Sulfuraire dans
les eaux thermales des Pyrénées, ainsi que l'a remarqué M. Raspail. Ces
productions végétales se composent de petits tubes diaphanes épais de
0,0016 à 0,0020 ou même 0,0030 qui se meuvent sous le microscope
d'une manière très-prononcée, et contiennent de petits granules blancs ,
opaques
pi
DES INFUSOIRES. 223
faibles des articles, lesquelles vibrations ne changent pas la forme
droite des baguettes. L'épaisseur de ces baguettes est de 0,00112
et leur longueur de 0,062 : il a été trouvé dans les eaux près de
Berlin.
3° GENRE. SPIRILLUM.
Corps filiforme contourné en hélice, non extensible
quoique contractile.
1.SPIRILLUM ONDULE.—Spirillum undula , Ehrenb.— Pl, I, fig. 8(r).
Corps filiforme , contourné en hélice lâche, à un tour et demi
ou deux tours , déprimé dans le sens de l’axe de l’hélice et plus
mince vers le contour.— Longueur de toute l’hélice 0,008 à 0,010
ou même 0,012, largeur de l'hélice 0,003, épaisseur du corps
0,0014 à 0,0045.
Müller décrit cet Infusoire comme une simple fibrille, ondu-
lée, cylindrique, non extensible, représentant, quard elle est
en repos, la lettre V, et, quand elle se meut, la lettre M, ou
plutôt la ligne flexueuse que forme, dans les airs, une troupe
d'oies sauvages. Son mouvement est si vif qu'il échappe presque à
l'œil armé du microscope. 11 se distingue surtout du Vibrion ru-
gule parce qu'il ne s'étend jamais en ligne droite. Müller , qui a
trouvé dans l’eau couverte de Lemna ou lenticule et dans l'infu-
sion de champignon ( Helvella mitra), des myriades de Spiril-
lum , a vu une fois ces animalcules groupés en une masse glo-
buleuse jaunâtre d'où ils s'échappaient par troupes. M. Ehrenberg
dit avoir vu ce Spirillum distinctement articulé ainsi que
toutes les autres espèces, etil le représente comme formé d'arti-
cles tres-courts, presque globuleux , en admettant, toutefois,
pour expliquer la courbure en hélice invariable , que les articu-
lations sont obliques. J'ai cru voir , au contraire, que dans tous
les Spirillum le corps est déprimé dans le sens de l'axe de l’hé-
lice , et plus mince en dehors, comme le pédoncule contracte des
(1) Wüibrio undula, Müller , Infus, tab. VI, fig. 4-6, p. 46.
Spirillum undula, Ehrenberg, 1530-1838, Infusionsthien. tab. V,
fig. 12, n°97.
29% HISTOIRE NATURELLE
Vorticelles ; et cela m'a paru donner l'explication de l’état de
contraction habituelle du corps de ces animalcules ; mais , je le
repète , il faut attendre de nouveaux perfectionnements du mi-
croscope pour en savoir davantage.
Le Spirillum ondulé se montre dans presque toutes les infusions
animales fétides ; je le voyais le 21 février, dans une infusion
de viande bouillie, préparée le 24 décembre , et qui m'avait déjà
fourni précédemment divers Vibrioniens et Monadiens. Je le
voyais distinctement comme une lame contournée , le 13 jan-
vier, dans une infusion de chair crue avec acide oxalique du
26 décembre.
2. SPIRILLUM TOURNOYANT, — Spirillum volutans, Ehrenberg.—
P1. I, fig. 9 (1).
Corps filiforme , contourné en hélice à 3, 4 ou plusieurs tours
serrés , paraissant noirâtre.— Longueur de l’hélice totale 0,04 à
0,04 ; largeur de l’hélice 0,007 ; épaisseur du corps 0,004.
Il n'y à pas un objet microscopique qui puisse exciter plus vi-
vement l'admiration de l’observateur que le Spirillum volutans.
On s'arrête malgré soi pour contempler ce petit être qui, sous le
plus fort microscope, ne paraît que comme une très-fine ligne
noire en tire-bouchon, tournant par instant sur son axe avec
une vélocité merveilleuse , sans que l’œil aperçoive ou que l'esprit
devine le moyen de locomotion qui produitce phénomène. Müller
le décrit comme filiforme transparent, plus mince par lui-même
que le Bacterium termo et le Vibrio lineola , mais formant une
hélice de 4 à 12 tours, par conséquent assez longue, susceptible
de s'infléchir et de se courber. Il l’a trouvé dans l'infusion de
laitron ( Sonchus arvensis ). |
Suivant M. Ehrenberg, il est distinctement articulé. En raison
de son extrême ténuité et de la vivacité de ses mouvements , ilest
trés-difficile d'étudier bien cet animalcule, quoiqu'il soit com-
mun surtout dans les infusions animales : je l'ai trouvé notam-
ment dans l'eau de mer où l’on a laissé macérer des zoophytes
La
(1) Wibrio spirillum, Müller , Inf. tab. VI, fig. 9, p. 49.
Melanella spirillum , Bory , 1824.
Spirillum volutans, Ehrenb. 1830-1838, Infus. tab. V , f. 13, n° 98.
DES INFUSOIRES. 295
durant dix ou douze heures en été; 2° dans des infusions de
cantharides sèches ou d’autres insectes dans l’eau douce ; 3° dans
une infusion de filaments verts confervoïdes râclés au pied d’un
marronnier en hiver, et préparée depuis vingt jours (1).
3. SrrRILLUM PLICATILE, — Spirillumplicatile. — PI]. I, fig. 10 (2),
Corps filiforme, non extensible , contourné en une hélice très-
longue , flexible et susceptible de se contourner sur elle-même,
et de se mouvoir en ondulant. — Longueur totale de 0,12 à 0,20.
M. Ehrenberg, attribuant à son genre Spirillum la propriété de
former une hélice inflexible, ce qui est contraire à l'opinion de
Müller, et je dirai même à mes observations , a dû établir en 1834
le genre Spirochætla pour cette espèce qui forme une hélice pro-
longée en un long cordon flexible comme une longue et mince
élastique de bretelle; mais dans l'ignorance où nous sommes de
la vraie organisation de ces êtres, nous ne pouvons séparer cette
espèce du Spirillum tournoyant, dont elle ne paraît différer que
par le nombre de ses tours de spire, nombre qui va jusqu'a
soixante-dix, et qui empêche cet Infusoire de tourner sur son
axe comme le précédent. Je l'ai observé dans des infusions ani-
males conservées très-longtemps.
* Spirillum tenue, Ehrenberg Infus. 1838, tab. V, f. XI, n° 96.
Sous ce nom, M. Ehrenberg veut distinguer une espèce qui
différerait du Spirillum undula, parce qu'elle présente des fibres
plus épaisses (0,00225) moins fortement contournées, et moins
distinctement articulées ; elle aurait souvent trois ou quatre tours
de spire.
(1) En ajoutant un peu d'alcool et d'ammoniaque à l'infusion qui
contenait beaucoup de Spirillum avec d’autres Infusoires , j'ai vu ces
Spirillum continuer à se mouvoir quand déjà les Enchelys et les Kol-
podes étaient déformés et tués, mais ils finirent par céder aussi à l'action
du liquide , et moururent en se contractant en granules diaphanes .
M. Ehrenberg, conjecturant d'après la roideur de ces animaux, qu'ils
pourraient avoir une cuirasse siliceuse, en a brûlé sur la lame de pla-
line sans obtenir aucun résidu siliceux, par conséquent, comme il
dit, il a dü renoncer à son opinion.
(2) Spirochæta plicatilis, Ehrenb. 1834. — Inf. 1838, tab. V,
fig. 10, p. 83.
INFUSOIRES, 145
226 HISTOIRE NATURELLE
Vs)
b
* Spirodiscus. Ehrenb, 1830-1838. Infus. tab. V, fig. XIV, n° 99.
M. Ehrenberg avait établi, en 1830, ce genre douteux pour
un Infusoire incomplétement observé durant son voyage en Sibé-
rie ; il le décrit comme un fil contourné en spirale et formant un
disque brunâtre large de 0,0225. Il avait proposé aussi de placer
dans cemême genre le Volvox grandinella de Müller.
ORDRE IT.
Infusoires pourvus d’expansions variables.
II° FAMILLE.
AMIBIENS.
An. formés d’une substance glutineuse, sans tégu-
ment, sans organisation appréciable ; changeant de
forme à chaque instant par la protension ou la rétrac-
tion d'une partie de leur corps, d'où résultent des ex-
pansions variables. — Mouvement lent.
Les Amibes ou Protées se rencontrent dans pres-
que toutes les vieilles infusions non putrides , aussi
bien que parmi les débris vaseux recouvrant les corps
submergés dans l’eau douce ou dans la mer; ellesne sont
pas moins remarquables que les Vibrioniens , par la
simplicité de leur organisation apparente , et à cause
des arguments que peut offrir leur étude en faveur
de Ja génération spontanée. Car tandis que la pe-
_titesse des Vibrions permet de supposer que chez
ces êtres existent des organes encore inaperçus , nous
croyons avoir le droit de penser qu'aucun organe dis-
tinct ou spécial ne se trouve chez les Amibes , dont
les dimensions sont quelquefois de plus d’un demi-
DES INFUSOIRES. 297
millimètre, et dont ja transparence est telle, que l'œil
armé du microscope les pénètre en tout sens, et que
leur présence ne se manifeste souvent dans le liquide
que par une simple différence de réfraction.
Quand on soumet au microscope une goutte de li-
quide contenant des Amibes, on aperçoit d’abord de
petites masses arrondies , demi-transparentes ou né-
buleuses , immobiles ; bientôt du contour de ces masses
on voit sortir une expansion ou un lobe arrondi d’une
transparence parfaite ; cette expansion glisse insensi-
blement comme use goutte d'huile sur la plaque de
verre qui sert de porte-objet ; puis, prenant un point
d'appui en se fixant sur le verre, elle attire lentement
a elle toute la masse. Ainsi se manifeste la vitalité des
Amibes qui, suivant leurs dimensions ou leur degré
de développement, peuvent émettre successivement
de la même manière un nombre plus ou moins grand
de lobes ou d'expansions variables qui ne sont jamais
les mêmes, mais qui rentrent et se confondent succes-
sivement dans la masse. Ces lobes, éminemment va-
riables dans leur forme respective, sont relativement
très-différents dans les diverses Amibes ; tantôt ils sont
presque aussi larges que la masse primitive, et se
présentent comme une portion d’un cercle égal caché
aux trois quarts par la masse ; tantôt leur saillie est plus
considérable , ils sont plus étroits et plus longs que fa
masse, mais encore plus arrondis à l'extrémité. Chez
d’autres Amibes ils sont terminés en pointe, élargis à
la base, et se présentent comme des déchirures dans
une membrane diaphane étalée sur la plaque de verre ;
enfin on en voit quelquefois de minces, presque fili-
formes, simples ou hifides, où même presque rameux ,
ces expansion filiformes sont souvent dressées en tout
15.
298 HISTOIRE NATURELLE
sens sur la masse globuleuse de l’'Amibe, qui parait
alors hérissée de pointes, et peut rouler comme une
coque de châtaigne dans le liquide.
Les Amibes jeunes (larges de 0,003 à 0,005 ) sont
parfaitement diaphanes, et conséquemment très-diffi-
ciles à apercevoir dans un liquide , à moins qu’on n'ait
la précaution de modifier convenablement l'éclairage,
et qu’on ne fixe longtemps les mêmes objets pour re-
connaître leurs changements de forme ou de position ;
mais à mesure que les Amibes deviennent plus volu-
mineuses, elles perdent leur transparence au centre
de la masse, par suite de l’agglomération de divers
corpuscules ou granules , qui ont pu être pris pour les
œufs ou pour la nourriture de ces animalcules. On dé-
méle facilement, parmi ces corpuscules internes, divers
objets qui ont dù venir de l’extérieur, ou être absorbés
ou engloutis par les Amibes ; tels sont des grains de
fécule si reconnaissables par la polarisation, des Navi-
cules et diverses parcelles végétales microscopiques.
On conçoit comment ces objets ont pénétré dans l'inté-
rieur, si l’on remarque d’une part que les Amibes , en
rampant à la surface du verre auquel elles adhèrent
assez exactement , peuvent faire pénétrer, par pression
dans leur propre substance, des corps étrangers qui,
par suite des extensions et contractions alternatives
des diverses parties, s’y trouvent définitivement en-
gagés; et d'autre part, que la masse glutineuse des
Amibes est susceptible de se creuser spontanément çà
et là, près de sa surface ou à sa surface même, de
cavités sphériques ou vacuoles qui se contractent et
disparaissent successivement en reportant ainsi, au
milieu même de la masse, les corps étrangers qu’elles
ont renfermeés.
LL, 7
DES INFUSOIRES. 2929
Que ces objets ainsi engloutis doivent servir de nour-
riture aux Amibes, c’est fort difficile à croire, en raison
même de la consistance et de l’inaltérabilité de quel-
ques-uns de ces objets; mais cependant, tout en admet-
tant que les Amibes se nourrissent par absorption, je
ne nie pas qu'elles ne trouvent un moyen d’absorber
plus facilement encore les éléments nutritifs, en en-
gloutissant divers corps étrangers, et en multipliant
ainsi leur surface absorbante. Si toutefois on voulait
prétendre que ces corps étrangers sont entrés par une
bouche et sont logés dans des estomacs, il faudrait
admettre que cette bouche s’est produite sur un point
quelconque, et à la volonté de l’Amibe , pour se refer-
mer et disparaître ensuite; tandis que les estomacs
eux-mêmes, dépourvus de membrane propre, se creu-
seraient indifféremment çà et là au gré de l'animal
pour disparaître de même; dans ce cas , les mots seuls
seraient différents, et l'explication des phénomènes
resterait encore celle que j'ai donnée.
Des autres corpuscules ou granules contenus dans
la masse des Amibes, les uns, d’une ténuité extrême et
irrégulière , paraissent différer seulement par leur den-
sité de la substance glutineuse, et je suis porté à les
considérer comme un produit de sécrétion plutôt que
comme des œufs ; ils se meuvent et paraissent couler
avec la masse glutineuse dans les expansions qu’envoie
l'animal; ils aident ainsi beaucoup le micrographe,
pour constater les petits mouvements très-lents des
Amibes. Les derniers granules enfin, qu'en raison de
leur uniformité on serait plus fondé à regarder comme
des œufs , s’observent principalement dans les grandes
Amibes, où on les voit s’écouler et refluer d’un côté à
l'autre à mesure que se forment les expansions , dans
3239 HISTOIRE NATURELLE
lesquelles ces granules s’avancent plus ou moins. Ces
granules, dans l’Amibe majeure, sont ovoïdes , longs
de 0,00%, et me paraissent trop consistants et trop
homogènes pour être des œufs; ils réfractent en eflet la
lumière aussi fortement que les grains de fécule.
Une Amibe qui vivait dans ur flacon tapissé d’une
couche rougeâtre produite par la fermentation des
Charas et de plusieurs autres végétaux aquatiques,
était remplie de granules rouges provenant évidem-
ment de cet enduit du flacon. D’autres Amibes sont
colorées en vert par des granules de cette couleur, re-
cueillis par elles sur les parois des flacons; je suis
donc porté à regarder comme étrangers à l’organisme
chez les Amibes, la plupart des granules internes.
Les Amibes, une fois développées, peuvent sans
doute se multiplier par division spontanée ou par l’a-
bandon d’un lobe, qui continue à vivre pour son
compte ; la seule expérience que j'aie tentée à ce su-
jet sur une grosse Amibe , m'a convaincu que, par la
déchirure ou la section de la masse, on ne provoquait
point du tout l’écoulement de la substance glutineuse
interne ni des granules contenus, mais que chaque
lambeau se contractait et continuait à vivre (4) On
peut aussi voir là une preuve de l’absence de tégu-
ment.
L'apparition si prompte et comme spontanée des
Amibes dans une foule d’infusions, doit être un grave
(1) M. Ehrenberg attribue aux Amibes un tégument résistant , con-
tractile , très-élastique , et il explique la production des expansions va.
riables , en supposant que ce tégument venant à se relâcher au gré de
l'animal dans une partie de sa surface , il-en résulte dans cet endroit une
sorte de hernie; tout le reste du técument, en vertu de la contractilité
qu'il conserve , refoulant avec force les viscères et les organes intérieurs
dans la portion dilatée du tégument.
DES INFUSOIRES. 231
sujet de méditation pour lobservateur sincère et
exempt de préjugés.
Les Amibes ont été vues d'abord par Rœæsel, puis
citées par Linné et par Pallas, sous les noms de Wol-
vox chaos, Chaos proteus et Folvox proteus. Müller
vit plus tard celle qu'il nomma Proteus difiluens ;
Gleichen en vit de petites dans les infusions; Schrank
en décrivit trois ou quatre espèces. M. Bory, en créant
le genre ÆAmibe, y comprit, avec trois vraies Amibes,
d’autres Infusoires totalement différents , tels que des
Amphileptus, des Lacrymaria, des Kolpodes, etc.
Losana de Turin, entraîné sans doute par l'admiration
que lui causait l'étude des Amibes, n’en décrivit pas
moins de soixante-neuf espèces, qui ne sont pour la
plupart que des modifications de forme de lAmibe
diflluente ; M. de Blainville, qui eut l’occasion d’en
voir aussi, les considéra comme de jeunes Planaires.
4% Genre. AMIBE. — Amiba. ( Amœba, Ehrenb.)
(Méêmes caractères que pour la famille. j
Le genre Amibe, établi par M. Bory pour le Protée de
Rocsel et le Proteus diffluens de Müller, contient sans doute
un grand nombre d'espèces ; mais , excepté les types que nous
venons de citer, et | 4. Gleichenit, aucune autre Amibe
de M. Bory n'en doit réellement faire partie.
Il est fort difficile de caractériser comme espèces les nom-
breuses Amibes que l’on rencontre journellement dans les
diverses infusions et dans les eaux stagnantes ; car la forme,
qui pour les autres animaux fournit ordinairement un des ca-
ractères les plus essentiels, est ici d’une instabilité qu'exprime
parfaitement lenom de Protée; etcomme d’ailleurs il n’est pas
possible d'y reconnaître des organes quelconques de nutri-
tion ou de reproduction, on est réduit à distinguer simple-
232 HISTOIRE NATURELLE
ment les Amibes d’après leur grandeur et la forme générale
de leurs expansions variables. Ge ne sont point là de vrais
caractères spécifiques , ce sont tout au plus des indications
ou des signalements provisoires. Dans l’'énumération que je
vais donner, ilest donc bien essentiel de ne pas voir une
distinction d'espèces,
1. AMIBE MAJEURE. — Amiba princeps. — PI. , fig, 11 (1).
Large de 0,37 à 0,60, blanc jaunâtre. Remplie de granules
qui réfractent fortement {a lumière , et se portent ou refluent dans
les expansions successivement formées , lesquelles sont très-dia-
phanes à l'extrémité et souvent très-longues.
M. Ehrenberg l’a trouvée à Berlin en 1830; je l’ai observée sou-
vent en décembre 1339 et janvier 1840 dans l’eau d'une fontaine
des environs de Toulouse (Blagnac), que j'avais conservée avec
des Lemna et des Callitriches dans un vase ouvert ; elle avait un
demi-millimètre dans l’état de contraction et se voyait à l'œil nu
comme une petite masse blanc jaunâtre. Quand elle s'étendait,
elle avait souvent un millimètre de longueur. Je suis parvenu à
la couper en deux avec un petit scalpel, et j'ai bien vu une de ses
moitiés continuer à vivre. Un lobe que j'avais déchiré s’est con-
tracté et a paru aussi disposé à vivre.
2. AMIBE DE ROESEL. — Amiba Roeselii (2).
Large de 0,2, diaphane, à expansions nombreuses, les unes
très-obtuses , les autres digitées, et quelques-unes pointues ou
déchirées.
C'est à tort que l’on a citésouvent cette Amibe comme analogue
au Proteus diffluens de Müller qui est au moins trois fois plus petit.
A la vérité, Müller lui-même en faisant ce rapprochement sunp-
posait que son Protée était le jeune âge de l'animal de Rœsel.
J'ai observé dan: l'eau de Seine, en 1837, une Anibe que je crois
——
(1) Amoeba princeps , Ehrenb. PI, VIII, fig. 10.
(2) Bory, Encyclop. zooph. p. 46.
! Der Kleine Proteus; Rœsel, Ins. IIT, pag.fG51, tab. CI.
DES INFUSOIRES. 233
celle de Ræsel : elle avait des expansions variées fort nombreuses,
et présentait vers le centre de grandes vacuoles qu'on aurait pu
prendre pour de gros globules.
3. AMISE DIFFLUENTE, — AÆ{miba diffluens (1).— P1, I, fig. I.
Longue de 0,06 à 0,05, diaphane , contenant des granules ou
corpuseules plus ou moins abondants et creusée spontanément de
vacuoles, avec des expansions nombreuses , longues, arrondies
à l'extrémité, quelquefois rameuses.
Müller qui ne rencontra qu'une fois ou deux cette Amibe dans
l’eau des marais, l’a décrite comme une masse muqueuse grise rem-
plie de globules et changeant de forme dans l'intervalle d'une
demi-minute , de cette maniére: «la matière gélatineuse, trans-
parente, difflue de quelque point indéterminé du contour et
toujours d'un point différent en un ou plusieurs lobes ou rameaux
delongueur et de direction diverses; les globules s'écoulent bientôt
dans cette nouvelle partie du corps qui se dilate et sépanche de
nouveau en un point quelconque du contour, tandis que les glo-
bules suivent continuellement le courant qui les entraine dans
chaque nouvelle forme du corps. »
Je l’ai vue assez souvent dans l’eau de la Seine recueillie avec
des Conferves et des Potamogetons, sur l’enduit vaseux desquels
elle vivait sans doute, en août et en octobre.
3. *AMIBE MARINE. — Amiba marina.
On peut nommer ainsi une Amibe longue deo,10, à 0,11, rem-
plie de granules au centre, et qui diffère seulement de l’Amibedif-
fluente par ses dimensions et par son habitation. Je l'observais au
mois de juillet 1840 dans de l'eau de mer prise à Cette quatre
mois auparavant , et dans laquelle vivaient aussi des Cythérines
avec divers animaux et végétaux microscopiques.
(1) Proteus diffluens , Müller. PL. II, fig. 12, p. 9.
Amiba Mülleri, Bory , Encycl. z0oph. p. 46.
Amoecba diffluens , Ehrenberg, Infus. 1838. PI. VIII, fig. 12.
23/4 HISTOIRE NATURELLE
4. AMIBE DE GLEICHEN, — AÆmiba Cleichenii(1).—P], IV, fig. 6.
Longue de 0,03 à 0,07 passant de la forme ronde, globuleuse ,
à l’ovale très-allongé, en se bilobant , se trilobant à l’une de ses
extrémités; susceptible de se dresser quelquefois en partie , et
présentant fréquemment des vacuoles et des parties nébuleuses,
presque opaques au centre.
Gleichen l'avait trouvée au bout de quinze jours dans une infu-
sion de pois ; M. Bory l’a revue dans diverses infusions vieilles. Je
l'ai rencontrée tres-souvent, et d'abord le 6 décembre 1835, sur
les débris vaseux râclés à la surface des feuilles mortes de typha
dans l’eau des marais; »° le 21 janvier 1836 dans une infusion
de foin préparée 28 jours auparavant; elle était longue de 0,07 et
large de 0,02 ; 3° le 2 février 1837, dans une vieille infusion de
mousses ; elle était longue de 0,046, et se soulevait parfois à une
de ses extrémités d’une manière remarquable; avec elle s'en
trouvaient beaucoup de jeunes, longues à peine de 0,006; 4° le
13 février 1836, dans une infusion préparée depuis vingt jours
avec les filaments verts confervoïdes râclés sur l’écorce d'un mar-
ronnier ; les Amibes s’y montraient comme des globules transpa-
rents de 0,017 roulant dans le liquide; ils ne commencaient à
s'étendre qu'après quelque temps de repos.
4° AMIBE FESTONNÉE. — Amiba multiloba.
J'ai désigné sous ce nom dans mes notes une Amibe qui n'est
peut-être qu'une modification de l'Amiba Gleicheni, mais qui
mérite d'être signalée, tant à cause de sa forme que pour les cir-
constances de son apparition. Elle est longue de 0,020 à 0,027; elle
paraît plus molle encore que les précédentes, et se meut avec vi-
vacité en émettant autour d'elle en divers sens dix à douze lobes
arrondis en manière de feston, et prenant ainsi les figures les
plus irrégulières. Elle était, le 17 février 1836, dans une infusion
de farine préparée le 24 décembre, et dans laquelle s'étaient mon-
trés successivement des Vibrions, des Monades et des Kolpodes.
(1) Bory , Encycl. zooph. p. 46.
Protée désigné par la lettre S dans l'ouvrage de Gleichen, PI. 8,
fig. 18, p. 234.
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DES INFUSOIRES,.
19
C9
Car
5, AMIBE LIMACE. — Amiba limax.
Longue de 0,10 , large de 0,03.—Diaphane, arrondie aux deux
bouts , très-peu lobée, glissant sur le verre dans une direction
presque rectiligne ; contenant des granules très-distincts et une
vacuole très-prononcée.
Je crois devoir signaler provisoirement sous ce nom, une Amihe
observée le 18 février 1836 dans de l’eau de Seine gardée depuis
huit mois avec quelques végétaux; c’est peut-être un degré plus
avancé de développement de la précédente ou de la suivante ; ce-
pendant sa transparence plus grande et sa quasi-fluidité me pa-
raissent la distinguer suffisamment.
-
6. AMiBE GOUTTELETTE. — Amiba gullula.
Longue de 0,03 à 0,03. — Diaphane , orbiculaire ou ovale, non
lobée , glissant sur le verre dans une direction rectiligne , et con-
tenant des granules très-distincts.
Je signale cette espèce comme l’une de celles qu'on rencontre
le plus souvent, et qui cependant doit échapper le plus aisément
à l'œil de l'observateur en raison de sa transparence, de la sim-
plicité de sa forme et de la lenteur de ses mouvements. Je l'ai ren-
contrée fréquemment dans l’eau de rivière ou de marais, conser-
vée longtemps dans des bocaux avec des végétaux. C'est cette
Amibe que je trouvais, en novembre 1857, colorée en rouge par
les granules qu'elle avait recueillis en rampant sur les parois du
vase.
7. AMIBE DÉCHIRÉE, — Amiba lacerata.
Longue de 0,007 à 0,055. — Inégale , rugueuse , plissée et gra-
nuleuse , peu diaphane, à expansions élargies et comme membra-
neuses à la base , et terminées par plusieurs déchirures amincies
à l'extrémité et adhérentes au verre comme du mueus. Une ou
plusieurs vacuoles bien distinctes.
Je l'ai trouvée avec ces caractères bien prononcés et longue de
0,033, à Paris, dans l'eau de l'étang dun Plessis-Piquet, sur les
feuñles mortes. — Une Amibe semblable, longue de 0,017, et
236 HISTOIRE NATURELLE
changeant de forme très-lentement , se trouvait abondamment le
16 février 1836, dans une infusion de noix vomique préparée le
24 décembre , et dans laquelle s'étaient montrés successivement.
des Bacterium et des Monades. Je l'ai revue en janvier 1837 dans
de vieilles infusions de gomme avec divers réactifs chimiques,
tels que du salpêtre, de l'acide oxalique et de l'acide tartrique ;
elle était plus petite (de 0,007 à 0,014) etn'avait qu'une vacuole ;
dans l’infusion de gomme et de phosphate de soude les Amibes
encore plus petites, 0,006, n'avaient que des expansions arrondies.
8. AMIBE VERRUQUEUSE. — Amiba verrucosa (1).
Longue de 0,014 à 0,055. — Globuleuse ou ovoïde, demi-trans-
parente ; à expansions courtes, cylindriques , obtuses , éparses,
souvent comme des verrues. Mouvements très-lents.
Je réunis à l'espèce décrite par M. Ehrenberg , laquelle, dit-il,
est longue de 0,045 , d'abord une Amibe longue deo,04 à 0,055,
trouvée abondamment le 14 juin 1837 dans de l’eau de pluie
dont était rempli un tonneau enduit de tartre de vin rouge, et
qui s'était putréfiée. Cette Amibe montrait sur son contour dix à
douze expansions deux fois aussi longues que larges. 2° Une petite
Amibe globuleuse large de 0,014, hérissée en tous sens de dix à
douze prolongements et roulant comme une châtaigne, dans une
eau stagnante remplie d'Euglènes vertes.
9. AMIBE RADIÉE.—Æ/miba radiosa (2). — P1, IV, fig. 2 et 3.
Masse globuleuse ou déprimée, diaphane, large de 0,008 à
0,020 d'où partent en rayonnant en tous sens 6 à 40 expansions
aiguës , presque filiformes , égalant deux fois environ le diamètre
du corps, roides quand l’animalcule est en repos, mais s’inflé-
chissant de diverses manières si l’on agite le liquide.
Les Amibes à expansions filiformes rayonnantes se rencontrent
très-fréquemment : j'en ai vu dans l’eau de la Seine , sur des dé-
tritus végétaux, le 15 octobre 1837, une assez grande dont le corps
Qt
(1) Amocba verrucosa , Ehr. 1855, Infus. Pl. VIIT, fig. 11.
(2) Amoeba radiosa , Ehr. 1838, Infus. PI. VIIT, fig. 13.
DES INFUSOIRES. 237
ovoïde, de 0,02, contenait des granules de diverses grosseurs et
émettait sept à huit filamentsitrés-longs et trés-déliés, qui, par suite
de l'agitation du liquide, étaient flexueux comme les filaments
des Monades , mais n'avaient pas de mouvements ondulatoires.—
2° Dans une infusion de persil, préparée depuis deux mois, se
trouvaient des Amibes de cette sorte , à corps globuleux, large
de 0,014 à 0,020, creusé de vacuoles et contenant des granules,
avec quatre ou cinq expansions filiformes. — 3° Dans une infu-
sion de pain très-diluée et non putride, où vivaient en même
temps des Euglènes vertes, des Vorticelles et des Oxytriques, j'ai
observé, depuis le mois de décembre 1836 jusqu'au 16 février
1837, des Amibes à corps globuleux, de o,or, plus ou moins no-
duleux, avec cinq àsix expansions filiformes très-longues, épaisses
seulement de 0,0009 à la pointe. Ces Amibes vivaient surtout
dans les pellicules floconneuses de la surface ; mais quand elles en
étaient détachées, elles flottaient dans le liquide et se laissaient
entraîner par les tourbillons des Vorticelles. — 4° Le 10 février
1840, à Toulouse , ayant conservé quelque temps dans un verre
la boue d’une ornière , remplie d’eau colorée en vert par des
Phacus pleuroneste, je trouvai abondamment dans le liquide sur-
nageant, des Amibes fort remarquables, à corps globuleux, de
0,008 , diaphane, avec 7 à 10 expansions rayonnantes, longues
de 0,02, assez épaisses à leur base, mais très-minces (0,0005 ) à
l'extrémité , et paraissant assez roides pour supporter l'animalcule
flottant dans le liquide. Quelques-unes de ces Amibes, laissées
longtemps en repos, s’appliquaient , en s’aplatissant , sur la lame
de verre, et se mouvaient en glissant ; elles étaient alors du dou-
ble environ plus larges. — 5° Dans diverses eaux de marais ou
d'infusion non putride, j'ai vu de telles Amibes qui, en s’appli-
quant sur la lame de verre, prenaient la forme d'une étoile,
d'un losange ou d'une trapèze symétrique, ou d’un triangle isos-
cele, à côtés concaves et à angles prolongés en un long filament ;
de là les formes de flèches, de fleur , etc. , que Losana a décrites
comme autant d'espèces.
Ces filaments si minces qu'on voit se produire par l'expansion
d'une substance glutineuse, en apparence homogène, devenir
flexueux par l'agitation, et se toucher entre eux sans se souder
ou se confondre, serviront bien à concevoir le mode de produc-
üon et la structure des filaments flagelliformes ou des cils vibra-
tiles des Infusoires. Je ne crois pas d’ailleurs que dans aucun cas
336 HISTOIRE NATURELLE
on puisse, suivant l'idée de M. Ehrenberg, considerer de telles
expansions chez les Amibes , comme produites à la manière des
hernies, par le relâchement local d'un tégument très-contractile ;
car il semble qu'on devrait voir, par l'effet même de la contrac-
tilité du tégument, ces expansions se réduire et rentrer dans la
masse plus promptement au lieu de rester flexueuses et flottantes
pendant l'agitation.
10. AMIPE À Bras. —— Aimiba brachiata. — PI, IV, fig. 4.
Masse globuleuse de 0,045, demi-transparente , lacuneuse et
tubereuleuse,, avec quatre à six expansions assez minces , longues
de 0,024 à 0,056, cylindriques , droites ou sinueuses, quelquefois
bifides ou rameuses.
Cette Amibe, que j'ai trouvée d'abord abondamment dans la
pellicule floconneuse recouvrant une infusion de chair prépa-
rée depuis vingt-sept jours, en janvier 1836, m'a paru différer
de l'Amibe radiée par ses expansions moins nombreuses et moins
amincies à l'extrémité , et quelquefois bifides ou rameuses comme
celles des Rhizopodes. Ces Amibes flottaient dans le liquide qu'on
venait d’agiter; mais quand elles étaient depuis un certain temps
fixées sur la plaque de verre, elles s’y appliquaient en s'étendant
plus ou moins à la manière des autres Amibes. J'ai trouvé des
Amibes presque identiques dans une soucoupe où je conservais ,
depuis un mois, desOscillaires avec de la terre et de l’eau.
11: ÂMIBE ÉPAISSE. — Amiba crassa.
Longue de 0,05 à 0,05, plus ou moins arrondie, épaisse ,
rendue trouble par une grande quantité de granules ; expansions
circulaires, nombreuses , très-peu saillantes.
Elle était très-abondante dans l’eau de la Méditerranée, con-
servée durant quinze jours , avec des animaux vivants, au mois
de mars. — Quand l’eau de mer contenant des Corallines et des
Uives, commencait à s’altérer dans un flacon, au bout de deux
Jours , en février 1840, elie montiait sous le microscope un nom-
bre considérable de très-petites Amibes globuleuses, larges de
0,002 à 0,003 , tres-difficiles à voir, et se mouvaut lentement.
DES INFUSOIRES. 239
12. AMIBE RAMEUSE. — Amiba ramosa. — P]. 1V, fig. 5.
Masse globuleuse ou ovoide , longue de 0,028, rendue trouble
par une grande quantité de granules , et émettant de nombreuses
expansions d'une largeur à peu près égale, de 0,0016à 0,002 arron-
dies à l'extrémité, égalant la longueur de la masse, et le plus
souvent rameuses.
Dans l'eau du canal des Étangs, à Cette, conservée quinze jours
avec des animaux vivants.
Je citerai encore une Amibe que j'ai représentée, Planche IH],
figure 2, et qui mérite bien je nom d'Æmiba inflata; puis une
autre espèce ou variété assez remarquable que j'ai obser-
vée en grand nombre dans l'eau de l'étang de Meudon, con-
servée avec des Spongilles. Cette Amibe, longue de 0,08, avait
la forme de l’Amibe de Gleicher , mais elle présentait de nom-
breuses vacuoies dont le centre était occupé par un globule hui-
leux, quatre fois moins large; elle montrait en outre à la partie
postérieure des prolongements fiiiformes et trainants produits par
l'étirement de la substance charnue glutineuse trop adhérente au
verre en certains points; quelques-unes de ces Amibes avaient
aussi sur une partie de leur contour d’autres filaments immobiles
formant comme une frange.
Il s'en faut bien que ce soient la toutes les formes d'Amibes que
j ai observées et dessinées ; mais, jele répête, il est impossible
d'éfablir des espèces zoologiques avec des animalcules sans forme
arrêtée, sans organisation appréciable, dont on ignore le mode
d'origine ou de reproduction, etsur lesquels enfin on peut supposer
que la nature du liquide produit de très-grandes modificatione,
Car , de ce qui précède, on peut conclure que la plupart des
Amibes décrites se sont développées dans des solutions salines plus
ou moins saturées, et souvent aussi dans des liquides dont la
fluidité était diminuée par des substances organiques dissoutes.
En décrivant avec tant de détail toutes ces Amibes et surtout
les circonstances de leur apparition, j ai donc eu seulement pour
but de mettre les observateurs à même de les trouver et de les
eludier.
210 HISTOIRE NATURELLE
{le FAMILLE.
RHIZOPODES.
Animaux consistant en une masse de substance
charnue, glutineuse , sans organisation appréciable ,
et cependant sécrétant une coque ou un têt souvent
régulier, où ils peuvent se retirer complétement ; mais
dépourvus de tégument sur une partie plus ou moins
considérable de la masse , laquelle s’allonge et s'étend
au dehors sous la forme d’expansions indéterminées,
incessamment variables et complétement rétractiles ,
pour se confondre de nouveau avec le reste de la
substance.
Les Rhizopodes sont en quelque sorte des Ami-
biens revêtus d’une enveloppe membraneuse résis-
tante, ou d’une coquille régulière; ainsi, non moins
surprenants que ces derniers animaux par la simplicité
de leur organisation, ils excitent doublement l’admi-
ration par la récularité, et souvent même par la
structure délicate de leur têt. Cette structure a même
paru à quelques naturalistes une preuve d’une orga-
nisation très-complexe chez certains Rhizopodes, et
l'on n’a pas hésité à en faire des Mollusques Cépha-
lopodes . Quand plus tard il a fallu renoncer à cette
opinion, il s'est encore trouvé des hommes d’un grand
mérite qui ont persisté à vouloir arguer de la com-
plexité réelle du têt, contre l'exactitude des observa-
tions qui démontraient chez ces mêmes Rhizopodes,
une organisation des plus simples. Et cependant l’ob-
servation directe doit suffire pour lever tous les
doûtes, et quiconque aura bien vu les expansions
variables de ces animaux, ne pourra s'empécher de les
DES INFUSOIRES. 2h1
juger semblables à celles des Amibes, et de conclure
qu'ici encore, il n’y a ni téguments, ni fibres, ni
membranes, ni tissu d’une structure appréciable.
C’est tout simplement une substance glutineuse ho- |
mogène quon voit s'étendre, s’allonger en lobes et
en filaments qui s’avancent, se retirent, se soudent
les uns aux autres, en présentant les mouvements
les plus variés. Quant au têt ou à l'enveloppe sécrétée
par cette substance vivante, il présente les formes
les plus variées et les plus compliquées, et sa compo-
sition même varie depuis celle d’une simple mem-
brane flexible, jusqu’à celle d’un têt calcaire épaissi,
compacte ou poreux, simple ou soutenu par une
membrane. Ces différences pourront servir à distin-
guer les genres et les tribus, mais une considération
prise de la forme des expansions variables, devra, je
crois, servir préalablement à diviser les Rhizopodes en
deux sections, quoique sa valeur ne soit pas absolue.
Une première section, répondant à la famille des Æ4r-
cellina de M. Ehrenberg, ne comprendra que les
espèces pourvues d'expansions courtes, épaisses, ar-
rondies à l’extrémité; ce sont les Difflugies, quand
elles ont une coque membraneuse, sans texture visible,
flexible , ordinairement globuleuse, d’où sortent les
expansions en se dressant; ou bien ce sont des #r-
celles, si leur têt discoïde est aplati du côté qui s’ap-
Sud sur le plan de reptation, et qui, d’une ouver-
ture ronde centrale, laisse sortir les expansions entre
le têt et ce même plan; leur têt cassant se montre
souvent réticulé, ou aréolé; on y voit des indices
de la disposition spirale, bien plus que de symétrie.
Une seconde section, plus nombreuse, comprend
toutes les variétés de forme qui présentent des expan-
INFUSOIRES. 16
242 HISTOIRE NATURELLE
sions filiformes très-amincies à l'extrémité; je les di-
vise en trois tribus, dont la première n’est distinsuée
des Difflugies que par la ténuité de ses expansions;
néanmoins, dans un des genres de cette tribu, les
Trinèmes , Vouverture est latérale, et certainesespèces
formant le genre Euglyphe, ont un têt marqué de tu-
bercules ou d’aréoles suivant une disposition spirale;
ces deux genres se distinguent d’ailleurs par le petit
nombre des expansions qui sont simples et souvent
susceptibles de se dresser ; le troisième genre, Gromie,
a une coque sphérique membraneuse , et ses expan-
sions , plus épaisses à la base , sont très-longues et très-
rameuses. Tout le reste des Rhizopodes a été compris
par les auteurs sous la dénomination de Polythalames
ou Céphalopodes microscopiques, ou de Foramini-
fères; ce sont des animaux marins revêtus d’une
petite coquille calcaire, ordinairement très-délicate et
très-élégante, offrant en petit une certaine ressem-
blance extérieure avec les Nautiles et les Ammonites,
et toujours partagée en plusieurs loges. Mais dans un
seul genre, Miliole, constituant notre seconde tribu,
l'animal fait sortir par une large ouverture unique,
des expansions semblables à celles des Gromies ; tandis
que dans les genres nombreux et variés de la troisième
tribu, les expansions, moins rameuses et presque aussi
minces à la base qu’à l’extrémité, sortent par les
pores nombreux dont est percé le têt. Parmi cette
foule de genres établis sur des coquilles récentes ou
fossiles, je cite seulement quelques types que j'ai
pu observer vivants : ce sont, d’une part, les orti-
ciales et les Cristellaires, qui rampent sur les diflé-
rents corps marins à l'aide de leurs expansions, el qui
différent, parce que dans celles-ci les expansions sor-
DES INFUSOIRES, 213
és Ù
tent du bord de la dernière loge seulement, et que
dans celles-là elles sortent de tous les pores près du con-
tour. D'autre part, ce sont les Aosalines et Planor-
bulines qui sont fixées par leur têt même aux plantes
marines.
Les Rhizopodes marins sont connus depuis long-
temps, d’après leurs coquilles qui sont très-abondantes
dans le sable de certaines plages , à Rimini, par exem-
ple, sur la mer Adriatique. Ils se trouvent plus
abondamment encore à l’état fossiie dans certaines
roches calcaires des terrains crétacés ou tertiaires,
qu’on a souvent nommés calcaires à Miliolites, parce
que le plus grand nombre de ces coquilles fossiles ap-
partient au genre Miliole.
Les coquilles de Rhizopodes , en général, ont été
décrites par Soldani; celles dont la forme extérieure
rappelle la forme des Nautiles, ont été l’objet d’un
travail de Fichtel et Mohl, en Allemagne; Denys de
Montfort, Lamarck, M. Defrance, M. Deshayes, en
ont décrit beaucoup d’autres ; mais c’est M. A. d'Orbi-
gny qui s’est le plus occupé de leur étude et de leur
classification : il les a divisées en plusieurs familles,
d'après la disposition relative des loges , et en un grand
nombre de genres basés sur la présence et sur la posi-
tion d'une ouverture qu'il leur attribue, mais que je
n'ai pu apercevoir aussi distinctement que lui.
Les Rhizopodes vivants n'ont été connus d’abord
que par la découverte que fit M. Leclerc, à Laval, de
la Diflugie vivant dans les eaux douces, et par la dé-
couverte de plusieurs espèces d’Arcelles vues par
M. Ehrenberg , ainsi que des Diflugies faisant éga-
lement parlie de notre première section; mais Îles
Rhizopodes , proprement dits, n'ont été bien vus qu'en
244 HISTOIRE NATURELLE
1835, époque où je les observai sur les côtes de la
Méditerranée et sur celles de la Manche, et où j'en ap-
portai de vivants à Paris. L'année précédente, j'avais
à la vérité recueilli des Rhizopodes-vivants ; mais au
lieu de les observer dans leurs mouvements, j'avais
voulu les disséquer et procéder immédiatement à l'é-
tude de leurs organes supposés ; et comme en brisant
leur têt avec précaution je ne pouvais reconnaître à
l'intérieur qu’une substance glutineuse homogène ,
sans intestin, sans fibre, sans cils vibratiles, sans au-
cun de ces organes ou de ces tissus qu’on trouve dans
les polypes les plus simples, j'eus l’idée de dissoudre le
têt par l'acide nitrique affaibli, mêlé d'alcool. Alors la
substance glutineuse, dégagée de son enveloppe et de-
venue plus solide, se montrait sous la forme des loges
qu’elle remplit toutes à la fois; c'était une série de
pièces en forme de feuilles, ou lobées sur leur contour,
lesquelles , de plus en plus grandes, se suivaient en se
tenant par un ou plusieurs points. Par l'action des réac-
tifs employés, on trouvait quelquefois une apparencede
fibres, de cordons, de membranes, mais rien que l’on
püt rapporter à tel ou tel type connu de l'organisme ,
comme je n'avais étudié ainsi que les Rhizopodes, dont
la coquille calcaire offre plusieursloges ,je voulus, pour
indiquer par un nom le singulier mode de pelotonne-
ment de leurs parties, les appeler Symplecitomères ;
mais quand plus tard j’eus observé leur manière de vivre
et de ramper ; quand j’eus reconnu que la Gromie fait
sortir d’une coque globuleuse uniloculaire, des expan-
sions rameuses , filiformes, si semblables à celles des
Milioles, je pensai qu'il fallait renoncer à la première
dénomination qui impliquait une fausse définition, et
je tâchai d'exprimer, par le mot Rhizopodes, le carac-
DES INFUSOIRES. l 2h45
tère commun des expansions étalées en forme de fibres
radicellaires, et servant de pieds ou de moyens de lo-
comotion à ces animaux.
L’analogie des Rhizopodes marins et des Diflugies ,
indiquée d’abord par M. Gervais, a été confirmée par
l'observation des Trinènes et des Gromies fluviatiles ;
on est même conduit aujourd'hui à reconnaitre que la
distinction de ces animaux en deux groupes, d’après
l'épaisseur ou la ténuité des filaments , n’a qu’une va-
leur très-secondaire.
Les Rhizopodes étant privés de la faculté de nager,
et devant simplement ramper quand ils ne sont pas
fixés à la surface des corps, ne peuvent se trouver que
sur les plantes aquatiques, entre les feuilles qui leur
offrent un abri, ou bien dans la couche de débris cou-
vrant Ja base de ces plantes , ou encore entre les aspé-
rités de la coquille des moilusques marins. On ne les
voit pas dans les infusions, mais ils vivent longtemps
dans les bocaux où l’on a mis les végétaux qui leur
servaient d'habitation, et dans ce cas ils viennent bien-
tôt ramper à ja paroi intérieure du vase , et se prêtent
mieux ainsi à l'observation. Des Arcelles et des Tri-
nèmes se sont multipliés beaucoup dans les flacons où
je conservais de l'eau et des végétaux de la Seine ou
des étangs de Meudon et du Plessis-Piquet; au bout
de deux ans je voyais encore , dans un même flacon,
des Arcelles vivantes fixées aux parois.
Les espèces marines sont ordinairement visibles à
l'œil nu ; leur longueur ordinaire est d’environ un mil-
limètre, mais elle peut atteindre à deux et trois mil-
limètres. Pendant la vie de l’animal , la coquille, si
elle est calcaire, paraît quelquefois rosée ou jaunûtre,
mais les coquilles vides sont toujours blanches. Quant
246 HISTOIRE NATURELLE
aux Grôomies et aux Arcelles, leur couleur est jaune -
branâtre. Les plus gros Rhizopodes d’eau douce ont
un demi-millimètre.
1° Gevre. ARCELLE. — Arcella.
Animal sécrétant un têt discoïde ou hémisphérique, d'où
il fait sortir des expansions aplaties obtuses, par une ou-
verture ronde, au milieu de la face plie: appuyée sur
le plan de reptation.
Les Arcelles paraissent différer entre elles par la structure
intime de leur têt, qui quelquefois paraît membraneux, uni-
forme , et qui chez d’autres est finement strié, réticulé, ou
bien formé de granules réunis suivant des lignes spirales
croisées. Certaines Arcelles ont des prolongements en forme
d'épines au bord de leur têt. La pression détermine sou-
vent la rupture de leur tèt, comme s’il était très-fragile.
Par les fentes qui se forment alors près du bord, on voit
sortir la substance même de l’intérieur , qui s’étend en lobes
et en expansions, et change de forme comme une Amibe ;
j'ai vu un lobe plus considérable ( pl. IE, fig. 3. c.), presque
isolé, se mouvoir pour son propre compte comme s'il fût
devenu un animal distinct. M. Peltier a vu deux Arcelles
très-rapprochées se toucher par leurs expansions sans se
souder, tandis que les expansions d’une même Arceile se
soudent et se confondent ensemble ; il a vu en outre une
Arcelle, après avoir fait refluer plusieurs fois une partie de
sa substance vivante dans une de ses expansions, aban-
donner sur le porte-objet l'extrémité plus gonflée de cette
expansion qui devint une jeune Arcelle.
Les Arcelles jeunes ont leur têt d’une transparence ex-
trême; on n’en voit bien les granulations ou les stries que
dans les individus plus grands ; il serait donc possible que
les détails de structure signalés plus baut tinssent seu-
lement à l’âge; aussi n’est ce que provisoirement que j'in-
dique les espèces suivantes :
DES INFUSOIRFS. 2187
ee
1. ARCELLE VULGAIRE. — Arcella vulgaris (1). PET, fig. 5, 4, 5.
An. à têt jaune-brunâtre , demi-transparent , plan-convexe on
en segment de sphère, régulièrement marqué de granules de
0,00466. — Largeur de 0,050 à 0,160.
Je l'ai trouvée plusieurs fois dans l’eau de l'étang de Meudon
conservée à Paris depuis plusieurs mois. C'est ainsi que j'obser-
vais, au 20 janvier 1839, celle que je représente ici (pl. IE, fig. 3. a)
avec son têt fendu, et la substance vivante sortant en expansions
lobées. Un autre Arcelle, que j'observais le 23 mars 1858 dans
l’eau de la même localité, prise deux jours auparavant, parais-
sait avoir le têt sans granulations ; mais on voyait par transpa-
rence des vacuoles se produire et se contracter à l'intérieur, et
dans le milieu de la substance glutineuse, un petit Infusoire (Thé-
camonadien) était emprisonné et se frayait une galerie en s'agi-
tant.
2. ARCELLE ÉPINEUSE. — Arcella aculeata (2).
An. à têt brunâtre, discoïde, convexe en dessus , avec un ou
plusieurs prolongements irréguliers en forme d’épines au bord.—
Largeur sans les épines 0,125.
J'ai vu en 1836 cette espèce se multiplier en quantité considé-
rable dans des flacons où je conservais de l'eau du Plessis-Piquet,
elle formait des points bruns visibles à l'œil nu, à la paroi interne
du vase.
* Cvrrumie. — Cyrphidium (5).
Sous ce nom, M. Ehrenberg a créé un genre pour une espèce
d'Arcelle qui se distingue des autres parce qu'elle n'a qu'une
seule expansion variable élargie irréguliérement, et parce que
son têt présente plusieurs tubercules dont quatre plus saillants.
La senle espèce décrite est le Cyphidium aureolum dont le têt jaune
est large de 0,046 à 0,062, et qui a été trouvée à Berlin.
(1) Arcella vulgaris, Ehr. Infus. PI. IX, fig. 5.
(2) Arcella aculeata, Ehr. Inf. PL IX, fig. G.
(3) Crphidium aureolum , Eh. Inf. PI IX, fig . 9.
248 HISTOIRE NATURELLE
2° Genre. DIFFLUGIE. — Difflugia.
An. sécretant une coque globuleuse ou ovoïde membra-
neuse, lisse ou encroûtée, d’où sortent, par une ouver-
ture terminale, des expansions cylindriques, obtuses,
dressées.
Cest en 1815 que les Difflugies furent étudiées pour la
première fois par M. Leclerc, qui en observa de plusieurs
sortes dans Îles eaux des environs de Laval. La plupart des
naturalistes qui en ont parlé depuis se sont mépris sur leur
nature, c’est ainsi qu'elles ont été prises pour de jeunes Al--
cyonelles ; mais peu d'observateurs les ont vues. M. Oken pro-
posa de changer leur nom en celui de Aelicerta. M. Ehren-
berg en a observé aux environs de Berlin plusieurs espèces,
dont deux se rapportent à celles que M. Leclerc avait décrites;
une troisième est nouvelle, et une quatrième, 1). enchelys,
doit être reportée dans notre genre Trinema. J'en ai trouvé
plusieurs fois une seule espèce globuleuse et lisse, soit dans
Ja Seine, soit dans l’eau des bassins du Jardin du Roi, à
Paris.
1. DiFFLUGIE crouLeuse. — Difflugia globulosa. PI. », fig. 6.
An. à coque brune , globuleuse ou ovoïde , lisse. — Longueur
0,40 à 0,95.
Quand cette espece est jeune, elle ne montre que trois à six
expansions simples, mais quand elle a acquis tout son dévelop-
pement, ses expansions sont au nombre de dix à douze, ou plus
nombreuses, souvent rameuses et bifides et aussi longues que la
coque. Je l'ai trouvée à Paris en 1837 et 1538. (Voy. ann. sc. nat.
1338.)
DES INFUSOIRES. 249
>, DiFFLUGIE PROTÉIFORME. — Difflugia proteiformis (1).
An. à coque noirâtre ou verdâtre, globuleuse ou ovoïde, re-
couverte de petits grains de sable. — Longueur 0,045 à 0,442.
C'est cette espece qui a été observée par M. Leclere, et depuis
par M. Ehrenberg.
3. DiFFEUGIE À poINTE. — Difflugia acuminata (3).
An. à coque cylindrique, recouverte de grains de sable avec
une pointe en arrière. — Longueur 0,37.
Cette espèce a été vue par les mêmes observateurs à Laval et à
Berlin.
3° Genre. TRINÈME. — Trinema.
An. sécrétant une coque membraneuse diaphane, ovoïde
allongée ; plus étroite en avant, où elle présente sur le côté
une large ouverture oblique; expansions filiformes aussi
longues que la coque , très-minces, au nombre de deux ou
trois, se dressant dans toute leur longueur pour se porter
d'un côté à l’autre et faire avancer l’animal en se contrac-
tant.
1. TRinèMe pEPpIN. — Trinema acinus (3). — PI. IV, fig. 1.
Caractères du genre. — Longueur de la coque de 0,024 à
0,048.
J'ai observé pour la première fois cet Infusoire en grande quan-
tité, à Paris, le 13 janvier 1836, dans de l'eau apportée le 6 dé-
cembre de l'étang du Plessis-Piquet avec divers débris de vésé-
(1) Difflugia, Leclerc, Mém. du Mus. d'Hist. nat. 1915, t..IT,
Pa 47800 XVIE, £ 2-3,
Difflugia proteiformis, Ehr. Infus. p. 131, PI. IX, fig. 1.
(2) Difflugia, Leclerc , Mém. du Mus. d'Hist. nat, 1. c. fig. 5.
Difflugia acuminata, Ehr. Infus. 1. c. fig. 3.
(3) Difflugia enchelys, Ehr. Infus. 1. e. fig. 4.
250 HISTOIRE NATURELLE
taux, et je l'ai décrit dans les Annales des Sciences Naturelles
(avril 1836, tom. 5, pl. 4). 11 vivait dans la couche vaseuse de
débris qui recouvre les feuilles de/ypha. La forme de son têt, qui
est lisse avec quelques dépressions longitudinales, rappelle un
peu celle d’un pepin de pomme. 1] fait sortir de la large ouver-
ture oblique de sa coque, deux ou trois filaments simples épais
de ;- millimètre 0,0005 environ, et longs de plus de 0,05. Ces
filaments s'allongent lentement en rampant sur le porte-objet ;
mais l'animal les dresse, pour les porter assez vivement d'un côté
à l'autre; il en fixe alors un par l'extrémité, puis en le contrac-
tant peu à peu, il se transporte ainsi dans une certaine direction,
jusqu'à ce que le filament contracté ait fini par se confondre dans
la masse intérieure. Les autres filaments se trouvant alors forte-
ment tirés de côté, l'un d'eux quitte le plan de reptation et se
dresse à son tour pour s'aller fixer dans un autre endroit , etfaire
avancer de nouveau le Trinème en se contractant. De l'ouverture
on voit quelquefois saillir un lobe charnu a'où partent les fila-
ments, et dans l'intérieur on apercoit quelques vacuoles. La
transparence et la ténuité des filaments ont dü les dérober à la
vue de beaucoup de micrographes , et la lenteur du mouvement
général de l'animal a dû empécher qu'on ne le reconnüt plus tôt
quoiqu'il soit très - commun. Je l'ai toujours rencontré depuis
quand j'examinais au microscope l'eau prise en raclant ja surface
des plantes marécageuses , à la fin de l'automne.
M. Ehrenberg l’a observé à Berlin , et l'a nommé Difflugia en-
chelys en 1858 ; mais il ne lui accorde que des expansions courtes
égalant le tiers de la longueur de la coque, c'est à-dire 0,016; il
remarque bien d’ailleurs aussi que son ouverture latérale le dis-
tingue des autres Difilugies; les vacuoles de l’intérieur lui ont
paru démontrer la structure pelygastrique de l'appareil digestif ;
il à rencontré quelques individus contenant des Bacillariées qu'il
suppose avoir été avalées, ainsi que j'en ai vu dans les espèces
du genre suivant, et dans les Amibes, sans vouloir admettre
qu'elles soiententrées par une bouche. 2
Les coques des Trinèmes étant membraneuses et résistantes,
on en rencontre bien plus souvent de vides que d'occupées par
l'animal ; elles sont dans ce cas plus transparentes encore, mais
elles mettent l'observateur sur la voie pour trouver les Trinèmes
vivants.
DES INFUSOIRES. 251
4° Genre. EUGLYPHE. — Zuglypha.
An. sécrétant un têt diaphane, membraneux , résistant,
de forme ovoïde allongée , arrondi à une extrémité, et ter-
miné à l’autre extrémité par une très-large ouverture tron-
quée, à bord dentelé, orné de saillies ou d'impressions
régulières en séries obliques. Expansions filiformes nom-
breuses, simples.
1. EUGLYPHE TUgERCULÉE. — £uglypha tuberculata, — VI, », fig. 7-8.
Téèt orné de tubercules arrondis. — Longueur 0,088 , largeur
0,043.
J'ai vu plusieurs fois à Paris depuis 1836 des coques vides de
celte espèce sans connaïtie leur nature ; mais pendant l'hiver de
1839 à 1840, à Toulouse, j'ai vu plusieurs fois l'animal vivant dans
des vases où je conservais avec des plantes aquatiques de l'eau prise
dans des marais, et dont quelques-uns avaient élé apportés de
Paris. Le têt, parfaitement diaphane, présente dix à vingt rangées
obliques de tubercules peu saillants, qui sont disposés assez régu-
liérement pour qu'on puisse les rapporter à des lignes en hélice
où en spirale, croisées dans deux directions. Les expansions très-
difficiles à voir sont d'une délicatesse extrême à l'extrémilé, et ce-
pendant elles permettent à l'animal de se mouvoir dans tontes
les directions, et de dresser son têt perpendiculairement au plan
de reptation ; alors il paraît globnleux, plus foncé, et devient
bien plus difficile à reconnaître, parce qu'il ne peut être au foyer
dn microscope en même temps que les expansions. J'ai compte
jusqu’à huit de ces expansions qui sont élargies en membrane à
leur base , ou qui paraissent partir d'un lobe palmé de ja sub-
stance intérieure , leur longueur est un pen moindre que celledu
têt, ils se meuvent plus ordinairement en rampant , mais je le
ai vus aussi se dresser comme les filaments du Trinême.
Un têèt vide que j'observais à Paris en 1837, avait en arriere
plusieurs pointes irrégulièrement placées comme dans l'espèce
suivante. Un autre avait les tubercules en rangées longitudinales.
Un Eugiyphe vivant, long de 0,057 à tubereules plus nombreux
et que j'ai représenié (pl, 2, fig. 7, a-l) dans les deux positions
252 HISTOIRE NATURELLE
qu'ila prises a quatre minutes d'intervalle, contenait une Nawvi-
cule longue de 0,02, engagée dans la substance glutineuse vivante.
Je suis porté a croire que cette Navicule, qui changeait de position
suivant les mouvements d'afflux ou de reflux de la substance même
de l'Euglyphe, y était entrée comme celles qu'on voit dans les
Amibes, c'est-a-dire qu'elle avait été emprisonnée sous la base des
expansions, puis retirée à l'intérieur quand les expansions s'étaient
contractées. Il n'y aurait donc point ici de véritable bouche;
néanmoins, il n’est pas impossible qu'une telle intromission de
corps étrangers doive favoriser la nutrition.
2. EUGLYPHE ALYEOLEE. — Euglypha alveolata.— PI. 11, fig. get 10.
Têt orné d'impressions polygonales, régulières. — Longueur
0,09, largeur 0,048.
Je n'ai vu que les têts vides de cette espèce, que son analogie
avec la précédente fait suffisamment reconnaître ; peut-être même
sera-t-on tenté de n'y voir qu'une variété, d'autant plus qu'elles
étaient ensemble dans les mêmes vases. Voici toutefois ce que ces
têts m'ont offert de particulier, l'un (fig. 9), avait des impressions
en losange séparées par des côtes saillantes courant obliquement,
suivant la direction de deux hélices très-allongées en sens inverse;
elle avait aussi cinq pointes grêles irrégulièrement placées en
arrière; un autre (fig. 10) avait des impressions hexagonales,
qui en outre de la disposition sériale observée dans le précédent,
formaient aussi des rangées transverses.
5° GENRE. GROMIE. — Gromia.
An. sécrétant une coque jaune brunâtre, membraneuse,
molle , globuleuse, ayant une petite ouverture ronde, d’où
sortent des expansions filiformes très-longues , rameuses
et très-déliées à l’extrémité.
La coque des Gromies, lisse et colorée, paraît à l’œil nu
comme un œuf de Zoophyte, ou une petite graine de plante ;
celle de l'espèce marine surtout se voit fréquemment entre
les touffes de Corallines et de Ceramium, ou dans le produit
du lavage de ces herbes; on ne soupconnerait pas que ce
DES INFUSOIRES. 253
soit là un animal, si on ne savait qu'après quelque temps de
calme, la Gromie, placée dans un flacon avec de l’eau de mer,
va commencer à ramper au moyen de ses expansions , et que
bientôt elle viendra s'élever le long des parois, où l’on peut
aisément distinguer, avec une loupe, ses expansions rayon-
nantes. C'est ainsi que j'ai découvert les Gromies à Toulon
en 1835, et que depuis je les ai revues dans la Mancheet dans ia
Méditerranée. J’ai vu aussi, en 1837, unetrès-petite Gromie
fluviatile dans l’eau de la Seine, le 11 octobre ; enfin cette
année ( 4 février 1840), dans un bocal où je conservais depuis
plus d’un an de l’eau prise avec diverses plantes aquatiques
aux environs de Paris, j'ai trouvé plusieurs Gromies fluvia-
tiles visibles à l'œil nu.
1. GROMIE OVIFORME. — Gromia oviformis (Ann. sc. nat. 1859
t. IV, pl. 9 ).
Coque globuleuse, lisse , avec une ouverture entourée d'un
goulot court, expansions rameuses, peu anastomosées. — Lar-
geur de la coque , 4 à 2 millimètres; longueur des expansions,
2 à 4 millimètres.
Je l’ai trouvée à Toulon, à Marseille, a Cette, et sur la côte du
Calvados , entre les touffes de plantes marines, et je l'ai conser-
vée vivante dans des flacons d’eau de mer durant plusieurs mois.
Ses expansions sont épaisses de 0,066 à la base ; leur monvement
particulier, par suite de l’afflux de la substance glutineuse, paraît
assez prononcé sous le microscope ; mais le mouvement général
de la Gromie est tellement lent, que, dans une minute, la coque
n'a avancé que de 0,06 dans le champ du microscope, et que,
dans une heure, elle ne s'est pas élevée de deux millimètres le
long des parois du vase. 11 lui faut plusieurs jours pour arriver
au bord du liquide ; et quand elle a atteint la surface du liquide,
elle continue à ramper en se renversant sous cette surface à la
maniere des Planorbes et des Lymnées.
Les Gromies étant, de tous les Rhizopodes, ceux dont les ex-
pansions filiformes, quoique très-déliées, se prêtent le mieux à
l'observation en raison de leur volume, je rapporterai ici ce que
j'écrivais en 1835 ( Annales des sciences nat., t. IV) sur le mou-
254% HISTOIRE NATURELLE
vement de ces expansions. Le filament qui commence à paraître
est trés-fin, simple et égal, il s'allonge et s'étend en différentes
directions pour chercher un point d'appui ; tantôt il oscille, tan-
tôt il s'agite d'un mouvement ondulatoire assez prompt, ou bien
il se roule en spiraie sur lui-même ; et dans ce cas, Les différents
tours qu'il a formés, venant à se souder, il en résulte une masse
susceptible de s’allonger de nouveau. À mesure que le filament
s'allonge, il grossit par l'afflux de nouvelle substance, ce que l'on
distingue bien par le mouvement des granules irréguliers qui
s'avancent en même temps et rendent le filament inégal et
noueux (Voyez PI. I, fig. 16). 11 émet aussi ça et la, sous un angle
plus ou moins aigu, de nouveaux filaments qui se ramifent à
leur tour. Les embranchements présentent souvent des palmures
que l'on observe mieux encore dans les anastomoses, provenant
des soudures, et, à l'extrémité des rameaux, où la substance
glutineuse s'étend quelquefois en membranes irrégulièrement
étirées et lamelleuses.
Les filaments se retirent par un mouvement inverse : on voit
alors les granules revenir en arriere et forcer à rétrograder d’au-
tres granules animés d'un mouvement d'afflux. Quand deux ou
plusieurs filaments se sont soudés latéralement, il arrive même
que les granules se meuvent en sens contraire dans chacun d'eux,
quoique la fusion de ces filaments paraisse complète.
J] arrive souvent que le filament, en se retirant plus brusque-
ment au sommet qu'a sa base, se trouve terminé par une sorte
de tête ou de bouton résultant de la fusion de toute la partie ex-
trême. De ce bouton sortent quelquefois des filaments différents
des filaments précédents, et de même aussi quand un filament
tout entier s'est fondu dans la masse totale, ceux qui sont émis
plus tard n'ont avec lui d'autre rapport que l'identité du mode
de production. Mais ce sont les anastomoses qui montrent bien
mieux encore comment les filaments peuvent se souder et se con-
fondre ; en effet, deux filaments qui se rencontrent se réunissent
intimement pour n’en former qu'un seul au-dessus du point de
jonction. La palmure qu'on observe au-dessous , et le mouvement
des granules ou nodules qu'on suit dans le filament simple, puis
indifféremment dans l'une ou l’autre des branches anastomosées,
ne permettent pas de supposer la une simple juxtaposition.
Si les deux filaments ainsi réunis partent d'un même poiné, il
en résulte une inaille ou lacune que l'on voit diminuer, puis
DES INFUSOIRES, 255
disparaître entièrement par suite du mouvement progressif des
palmures qui se sont formées aux deux extrémités. De là résultent
quelquefois des expansions membraneuses, percées de mailles
ovales.
Quand une Gromie ou tout autre Rhizopode à expansion fili-
forme s'avance dans une certaine direction , les filaments dirigés
dans le sens du mouvement s’allongent assez rapidement en avant
et se retirent en arriére; et ceux qui s'étendent de chaque côté
de cette direction, se trouvent plus ou moins infléchis en arriere,
jusqu'à ce qu'ils abandonnent le plan de reptation pour se con-
tracter entierement tandis que de nouveaux filaments les rempla-
cent. On voit souvent ces filaments, heurtés par quelque animal-
cule, s’infléchir et s’allonger beaucoup avant de se rompre, et se
contracter ensuite ; souvent aussi, quand on heurte le flacon aux
parois duquel rampent des Rhizopodes, beaucoup de ces petits
animaux restent suspendus par un simple filament.
2. GROMIE FLUVIATILE. — Gromia fluviatilis. PI, II, fig. 1 a-b.
Coque globuleuse ou ovoïde sans goulot ; expansions palmées et
anastomosées. — Diamètre de la coque 0,09 à 0,25.
Je trouvai, pour la premiére fois, le 11 octobre 1835, dans la
Seine , sur des Cératophylles , une Gromiefluviatile, presque glo-
buleuse, longue de 0,09, et émettant des filaments lisses, ra-
meux, palmés aux embranchements. J'ai eu à Toulouse, en fé-
vrier et en mars 1840, plusieurs Gromies beaucoup plus grosses
dans un flacon où javais apporte, l’année précédente, de l’eau de
la Seine avec des plantes aquatiques et des débris recueillis de-
puis longtemps dans ce fleuve. Ces Gromies, larges de 0,25, d’une
couleur gris jaunâtre, rampaient à la paroi interne du flacon,
comme les Gromies marines; leurs expansions, longues de 0,3 à
0,8, étaient noduleuses, et, en se soudant entre elles, formaient
de nombreuses anastomoses, dont les nœuds étaient plus renflés,
et souvent creusés de vacuoles ; le mouvement de la substance
glutineuse s’y fait en plusieurs directions comme chez la Gromie
oviforme ; à travers la coque on voyait de nombreuses vacuoles se
former dans l'intérieur , à mesure que l'animal était plus près de
cesser de vivre.
256 HISTOIRE NATURELLE
6° GENRE. MILIOLE. — Miliola.
An. sécrétant un têt calcaire ovoïde ou déprimé , à une
seule ouverture, formé de loges qui se replient lune sur
l'autre , ou qui s'appliquent longitudinalement sur les pré-
cédentes , de telle sorte que l’ouverture terminale est alter-
nativement à chaque extrémité. Expansions filiformes sor-
tant en rayonnant par l'ouverture terminale unique , la-
quelle est toujours rendue bifide au côté interne par un
appendice saillant.
Le tèt des Milioles est compacte, sans pores, lisse ou di-
versement orné de côtes et de stries, il se compose de loges
allongées qui sont de plus en plus grandes, et se replient
l’une sur l’autre dans le sens de la longueur, de manière que
la dernière dépasse toujours un peu la précédente, et forme
le côté le plus long de la coquille. En se pelotonant ainsi,
les loges recouvrent plus ou moins les précédentes, et n’en
laissent voir qu’une , deux ou quatre. M. d'Orbigny a fondé
sur ces distinctions les genres Biloculine, Triloculine, Quin-
queloculine, etc., dans lesquels il divise les Milioles suivant
le nombre des loges qui se montrent à l'extérieur. Si l’on
dissout le tèt par un acide faible avec beaucoup de précaution,
on aperçoit au-dessous une membrane excessivement ténue;
et comme le têt ne présente aucune trace de texture fibreuse
ou lamelleuse , on pourrait le considérer comme produit par
encroutement extérieur. Si, pour dissoudre le têt d’une Mi-
liole vivante, on a employé un mélange d’acide nitrique fai-
ble et d'alcool, la substance charnue de l’intérieur se trouve
consolidée et se montre sous l’apparence de lobes aplatis,
repliés suivant leur longueur, et occupant chacune des loges :
de sorte qu’en développant la série deces lobes, on a un cordon
articulé formé d'autant d'articles qu’il y a de loges. Si on brise
le têt de l’animal vivant, on ne voit à l'intérieur qu’une sub-
stance glutineuse plus ou moins diaphane, rétractile, et
DES INFUSOIRES. 257
dont quelques lambeaux se contractant isolément, peuvent
ensuite émettre de nouveaux filaments, comme s'ils étaient
devenus des centres partiels d'organisation.
Les expansions des Milioles sont au moins six fois plus
minces que celles de la Gromia oviformis; leur épaisseur
n'est que de 0,01, mais elles se meuvent absolument de même.
Le mouvement général de la Miliole est au contraire plus
rapide que celui de la Gromie ; car, en été, elle parcourt six
à neuf millimètres par heure. Ainsi ,le 12 juin 1835, ayant
mis dans un flacon, avec de l’eau de mer, le résidu sablon-
neux provenant du lavage d'une grande quantité d’herbes
marines (Corallines , Fucus , Céramiums) recueillies sur les
bas-fonds de la rade de Toulon , je vis, au bout de trois
heures, des Milioles et d’autres Rhizopodes fixés le long des
parois, à une hauteur variable de 10, 15 et 20 millimètres.
Au bout de douze heures la paroi interne du flacon en était
tapissée jusqu’à une hauteur de 60 millimètres.
Le nombre desespècesde Milioles vivanteset fossiles est très-
considérable, et doit sans doute donner lieu à l'établissement
de plusieurs genres; mais je ne crois pas que ce soit en sui-
vant la marche de M. d'Orbigny. L'espèce que j'ai représentée
(P1. 1, fig. 1%) est la plus abondante, et peut bien être nom-
mée Miliola vulgaris, Elle a la forme d’un grain de millet ;
sa longueur est d’un millimètre environ, et ses filaments
sont quatre ou cinq fois plus longs. Ce serait une Triloculine
ou uue Quinquéloculine de M. d'Orbigny, suivant son
degré de développement. Une autre espèce beaucoup plus
grande (2 à 3 millimètres), qui est assez commune dans
la Méditerranée, a une forme discoïdale déprimée, ses
loges étant rangées dans un même plan, alternativement
sur les deux bords opposés, et présentant en dehors une
crête saillante souvent ondulée, Cest la Hiliola depressa
qui serait une Spiroloculine pour M. d’Orbigny, mais qui
ne me parait pas différer de la précédente autrement que
par sou têt.
INFUSOIRES. 17
258 HISTOIRE NATURELLE
* VERTÉBRALINE, — ’ertebralina. D'Orb,
An. sécrétant un têt calcaire non poreux, à une seule ouyer-
ture, très-déprimé et formé de loges allongées , irrégulièrement
placées en travers à la suite les unes des autres, et. dont la der-
niére seule présente une oaverture étroite par laquelle sortent
les expansions filiformes.
J'ai observé, en 1835 à Toulon, les animaux de ce genre qui se
rapprochent beaucoup des Milioles.
7° Genre. CRISTELLAIRE.— Cristellaria.
An. sécrétant un têt calcaire poreux , aplati, et com-
posé de loges contiguës plus larges d’un côté, et formant
ainsi une spirale très-ouverte, dont les tours ne se re-
couvrent pas. Les expansions filiformes sortent par les
pores de la dernière ou de Favant-dernière loge.
Les Cristellaires, fort communes dans la Méditerranée,
fournissent un grand nombre d'espèces qui ont également
été divisées en plusieurs genres par M. d’Orbigny. Leur vi-
tesse est de 5 millimètres par heure environ.
8° Genre. VORTICIALE. — Jorticialis.
An. sécrétant un têt calcaire poreux, lenticulaire, très-
renflé au centre, composé de loges nombreuses formant une
spirale dont les tours se recouvrent complétement. Expan-
sions filiformes sortant par les pores sur tout le contour.
La Voriiciale commune (P}. f. fig. 45) se trouve abon-
damment dans l'Océan et dans la Méditerranée, son diamè-
ire est de 0,5 à 1 millimètre; ses expansions filiformes sont
environ deux fois plus longues; sa vitesse a été trouvée de
4,8 millimètres par heure, Si l’on dissout le têt par un mé-
lange d'acide nitrique très-affaibli et d'alcool, la substance
charnue, solidifiée dans chacune des loges qu’elle occupe
DES INFUSOIRES. 9259
toutes à la fois, forme une série de pièces en V ou en che-
vron, dont les deux branches, dirigées en avant, sont re-
pliées latéralement de chaque côté du tour précédent, et
qui d’ailleurs portent sur leur bord postérieur une rangée de
lobes pédicellés. Ces pièces, durant la vie de l’animal, sont
des masses de substance glutineuse otcupant la cavité de
toutes les loges, et communiquantentre elles. par les pores
dont le ièt est percé en tout sens.
Jai encore vu vivants des Rotalies et d’autres genres de
Rhizopodeslibres HAE + n'ai pas étudié leurs expansionsfili-
formes non plus que celles des Rosalines, Planor bulines, etc..,
qui vivent fixés à la surface des, plantes marines, J'ai bien
constaté aue toutes les loges sont occupées à la fois par la
substance glutineuse ; mais je n'ai point vu les expansions,
non plus que dans le Polytrema rubras, que je conjecture
appartenir a cette même famille d’après Ja nature dela partie
vivante. 1
Un nombre considérable de fossiles proviennent proba-
blement de vrais Rhizopodes , et de ce nombre serait même
la Sidérolite de la craie de Maestricht; mais je ne considére
pas comme devant appartenir à cette famille les Nummu-
lites, ni les Oryzaires, les Nodosaires,, ‘etc.
VE FAMILLE.
AGTINOPHRYENS.
Animaux sans organisation appréci jable ; immobiles
ou fixés, pourvus d'expansions variables , très-lente-
ment contractiles , toujours simples, et dont l'extré-
(ne en,se contr Set devient souvent globuleuse.
Tes Actinophryens, dont l'organisation paraît aussi
simple .que celle des Amibiens et des Rhizopodes , se
distinguent de ces animaux par la lenteur extrême
avec laquelle ils étendent ou retirent leurs éxpansions.
17
260 HISTOIRE NATURELLE
Cette lenteur est telle, que parfois on serait tenté
de douter de la nature animale de ces êtres, si, par
l'agitation du liquide et par le choc des autres corps,
on ne reconnaissait que la consistance de leur corps est
molle, glutineuse comme celle des Amibes, et que
leurs expansions, d’abord très-déliées, se contractent
en se renflant à l’extrémité pour se prolonger de nou-
veau ou se trouver remplacées par d’autres expansions
sorties de la masse du corps, quand l’animal est laissé
en repos. À l'intérieur on n'aperçoit que des gra-
nules de diverse grosseur et des vacuoles souvent fort
grandes, qui ont pu quelquefois être prises pour une
bouche. Ils peuvent aussi émettre un ou plusieurs pro-
longements épais, que Müller a désignés sous le nom de
papille , et que M: Ehrenberg a pris pour une trompe.
Leurs cils paraissent avoir la propriété, comme les
tentacules des Actinies, de s’agglutiner au corps des
Infusoires qui viennent à les toucher en nageant, de
leur donner Ja mort par leur contact , puis, en se con-
tractant de les rapprocher peu à peu de l'Actinophryen,
qui est alors dans le cas de s’en nourrir par absorption,
soit-par sa surface, soit au moyen de ses expansions plus
épaisses : c’est là du moins, bien plutôt qu'une véritable
manducation , ce qu’on peut conclure des observations
des divers micrographes. Les Æctinophrys se multi-
plient par division spontanée.
Les Actinophryens que l’on trouve, soit dans l’eau
douce , soit dans l’eau de mer, au milieu des algues et
des Conferves, soit dans ces mêmes eaux longtemps
conservées et même putréfiées ;, mais non dans les in-
fusions artificielles, peuvent être distingués suivant
qu'ils sont tout à fait nus et sans tégument, ou suivant
qu'ils ont une enveloppe partielle ou un pédoncule
DES INFUSOIRES. 261
membraneux. Dans ce dernier cas ils forment le genre
Acineta, remarquable aussi parce que ses pédoncules
sont simples, et que ses expansions sont plus souvent
terminées en globules par l'effet de la contraction , et le
genre Dendrosoma , indiqué seulement par M. Ehren-
berg comme présentant un pédoncule rameux et des
corps semblables à des Æctinophrys à l'extrémité de
chaque rameau. Les Actinophryens nus forment le
genre Actinophrys, remarquable par la ténuité de ses
expansions, et qu'on a proposé de subdiviser en plu-
sieurs autres genres.
Des Actinophrys ont été vus anciennement par plu-
sieurs micrographes, qui, frappés de la disposition
rayonnante de leurs éxparsions ou cils, les désignèrent
par une dénomination correspondante. Ainsi Eichhorn
nomme Étoile (der Stern), l'Actinophrys sol ; et
Müller, qui en fit un Trichode, le nomma 7richoda sol.
Des Æcinéta ont également été vus par Baker et par
Müller, et ce dernier classa parmi les l’orticelles, V 4-
cineta tuberosa., qu'il avait pourtant vue ne point se
contracter.
Les Actinophryens , dont Müller avait fait des Tri-
chodes, M. Bory de Saint-Vincent les placa dans son
genre Peritricha avec des Urcéolariens, des Leuco-
phryens et de vrais Trichodiens ; ce genre, d’ailleurs,
fait partie de sa famille des Polytriques, qui, dit-il,
ont des cils très-fins , non distinctement vibratiles, ré-
pandus sur toute la surface du corps, quoique parmi
eux 1l place les Leucophres.
M. Ebrenberg distingua les Æctinophryens nus en
trois genres, Æctinophrys, Trichodiscus et Podo-
p'rya. les caractérisa par l'absence de cils vibratiles,
et cependant les classa parmi les Ænchéliens, avec
262 HISTOIRE NATURELLE
d’autres Infusoires , qui tous ont des cils vibratiles. Il
leur attribue un canal digestif distinct, avec une bouche
et un anus opposés, et cependant il n’a pu leur faire ava-
ler à tous des substances colorées, et ne se fonde pour
cela que sur le fait de agglutination de leurs expan-
sions au corps des Infusoires , qu'ils semblent absorber
en les rapprochant de leur surface. En même temps il
avait placé le genre.Æcincta comme appendice. à la
suite des Bacillariées, en remarquant que les tenta-
cules rayonnants rétractiles de ces animaux, nessont
point vibratiles. Mais pendant l’impression de son his-
toire des Infusoires, où 1l les elasse de cetté manière,
il eut occasion d’observer un nouveau genre voisin des
Acinètes, qu’il nomma Dendrosoma, et qui l'a con-
duit à penser que les Podophrya, les Actinophrys et
les Acinètes, pourraient être réunis avec le nouveau
genre dans une famille qu'il propose d’instituer sous
le nom d’Acinetines, et qui, sauf la définition, ré-
poudrait bien à notre famille des Actinophryens.
1® Gevre. ACTINOPHRYS. — Actinophrys. Ebr.
An. à corps globuleux ou discoïde entouré d’expansions
rayonnantes filiformes très-déliées , lentement contractiles.
1, ACTINOPHRYS SOLEIL.— Aclinophrys sol{1)+ PI. AL, fig. 3.
Corps globuleux, expansions très-nombreuses , rayonnant en
tout sens, une ou deux fois aussi longues que le corps. — Dia-
mètre du corps de 0,018 à 0,062. +
(1) Joblot. Micros. part. 2, p. 64, Pl 5;,f. 15. b-
Der Stern, Eichhorn. — Beytr. Zugab, 17983, p: 15, f. 1-7°
Trichoda sol. Müller , An, Inf, p: 164, tab. XXII, f. 13-15.
Peritricha sol , Bory, Encycl. 1824.
Actinophrys sol, Ehrenb. Mém. Berlin, 1830, tab. 11, £. IV. —
Infüs. 1838, tab: XXXI, f. VI, p. 303.
DES INFUSOIRES, 263
Cette espèce , dont le corps forme une masse sphérique, iso-
lée, contenant des granules et des vacuoles, est très-commune
dans l'eau douce conservée avec des plantes aquatiques, lors
même que ces plantes se sont déja décomposées.
Müller qui la décrit comme globuleuse, hérissée en tout sens
de rayons innombrables tres-déliés, plus longs que le corps,
ajoute qu'il n'a jamais pu observer le moindre mouvement de ces
rayons , quoique , à plusieurs reprises, il l’ait observée avec at.
tention pendant deux heures de suite. « Le corps, dit-il, se di-
Jlatait et se contractait tant soit peu , trés-lentement et comme sil
eut eu une ouverture. Je l'ai vu cà et la (passim ) émettre et ré-
tracter une papille hyÿaline. » Enfin il ajoute qu'en 1777, son ami
Wagler , en sa présence, fit sortir du corps de cet Infusoire un
Crustacé du genre Lyncée, d'où il conclut que cet animal, mal-
gré son extrême lenteur, devore les animaux qui vivent avec
lui. Mais on conçoit que ce fait est tout à fait analogue à ce que
nous voyons chez les Amibes renfermant si souvent des corps
étrangers.
Eichhorn avait été bien plus explicite que Müller sur le fait de
la manducation chez les Actinophrys , eu affirmant avoir vu des
Actinophrys, visibles à l'œil nu, dévorer des Cyclopes. M. Ehren-
berg , partant de la, dans son premier mémoire ( 1830), décrit
comme une trompe charnue, protractile et rétractile, ce que
Müller nommait une papille; il compte jusqu'a vingt estomacs
dans cette Actinophrys et dit l'avoir vue souvent adhérente à la
Kerona pustulata, qu'elle empêchait de nager jusqu'à ce qu’elle
l'eût tuée, paraissant, dit-il, la sucer avec sa trompe ; ce qui,
comme on voit, ne s'accorde guére avec le fait des Crusta-
cés avalés, comme prétendait l'avoir observé Eichhorn.
Plus tard (1838), M. Ehrenberg, parlant du même Infusoire,
dit : «Il est presque immobile, ce qui le rend difficile à aperce-
voir , et son mouvement est trés-lent comme celui d'un Oursin.
En admettant de l'air dans son corps , il peut rapidement être
porté à la surface , et, en le laissant échapper , il revient prompte-
ment au fond , comme l'avait vu Eichhorn.» Cet auteur a vu les
rayons, ou cils, se courber, s’allonger et se contracter , et , dans
ce cas, présenter un renflement à l'extrémité. Cesrayons, dit-il,
servent à l'animal pour palper un objet, pour marcher et pour
arrêter sa proie ; ils donnent la mort aux autres animalcules, par
Jeur contact, avec une promptitude surprenante. 11 assure en-
264 HISTOIRE NATURELLE
core l'avoir vu avaler dun carmin et de l'indigo qui pénétraient à
l'intérieur sans tonrbillonnement , ce qui lui a permis de compter
jusqu'a seize estomacs.
* AGTINOPHRYS MARINE.— Æetinophrys marina. P1. 1, fig. 18.
J'ai observé dans l’eau de mer dela Méditerranée, conservée
à Toulouse depuis vingt jours, le 2 avril 1840, une Actinophrys,
trées-voisine de la précédente, dont elle semble différer seulement
par son habitation et par la contractilité plus marquée de ses
rayons. Elle était très-abondante parmi les algues microscopi-
ques. Le corps, en masse globuleuse grenue, était large deo ,008
à 0,012. 1] faudrait des observations plus détaillées pour pouvoir
prononcer si c'est une simple variété de l’Actinophrys sol.
2. ACTINOPHRYS DIGITÉE. — Actinophrys digitata. P1. I, fig. 19, et
BL AU die, #:
Corps déprimé , à ravons flexibles, épaissis à la base et formant
par la contraction , des prolongements épais, obtus, en forme
de doigts. — Largeur du corps 0,033.
J'ai trouvé dans de l’eau douce, conservée depuis longtemps avec
diverses plantes de marais, en 1839, cette espèce bien distincte et
qui appartiendrait au genre Trichodiscus de M. Ehrenbereg , si
ce genre était admis. Son corps, en disque irrégulier tnber-
culeux , présente, à l’intérieur, des granules de diverses gros-
seurs, et des vacuoles bien reconnaissables { fig. 4-a). De son con-
tour seulement , paraissent partir ses expansions plus épaisses à
la base, moins longues que celles de l'espèce précédente , et sus-
ceptibles, en se contractant, de former des prolongements épais,
obtus; ce serait une véritable Amibe, si elle se servait de ses
expansions pour ramper. Le jeune individu , représenté dans la
planche 1e (fig. 19) était fixé par une extrémité et offrait une
certaine ressemblance avec les Acinètes.
* ACTINOPHRYS piscus.— Trichodiseus sol, Ehren. Infus, 1838,
tab. XXXI, f. a.
Le genre Trichodiseus, caractérisé par laforme de son corps dis-
coïde déprimé, émettant de son bord seulement une rangée de
DES INFUSOIPRES. 265
cils, a été institué par M. Ehrenberg pour cette espéce. Il la dé-
crivait, en 1830, comme un disque arrondi, incolore, au bord
duquel sont de longues soies, très-déliées, dont on suit le trajet
dans l’intérieur du corps , jusqu’auprès du centre. Ce dernier ca-
ractère assurément suffirait à l'établissement d'un genre dis-
tinct; mais quoique l’auteur l’exprime encore dans son dessin,
en 1838, il n'en parle plus en caractérisant ainsi son genre Tri-
chodiscus (page 304.).« An. à cils non vibratiles, à bouche inerme,
tronquée parallèlement à la surface inférieure , à corps déprimé
non pédicellé, avec une nouvelle série de tentacules marginaux
en rayons. » En décrivant la seule espèce connue ayant le corps
déprimé , sub-orbiculaire, hyalin ou jaunâtre, avec des rayons
variés , il compare cet Infusoire , dont les mouvements ont une
extrême lenteur, à une Arcelle sans têt, et dit lui avoir vu, a
Berlin, une bouche centrale, et peut-être une glande (testicule )
latérale, et en Russie beaucoup d’estomacs et des ovules. Mais il
n'a pu réussir à lui faire avaler de substances colorées, et il déclare
que la position de l'anus est incertaine. 1] l’a trouvé en juin et
juillet parmi les Conferves. Il fixe à 0,062 ou 0,124 le diamètre du
corps, sans les rayons qui ont une longueur égale, mais qui échap-
pent facilement à la vue.
3. ACTINOPHRYS DIFFORME, — Æctinophrys difformis (1). — Pl: 1,
fig. 20.
Corps déprimé, diaphane , irrégulièrement lobé , appliqué sur
le porte - objet, émettant de divers points des expansions fili-
formes, — Largeur du corps de 0,045 à 0,13.
J'ai observé, au mois d'avril 1838, entre les débris végétaux
d’une eau de marais conservée longtemps, cette espèce que je
pris d’abord pour une Amibe, mais que son extrême lenteur et
la roideur de ses expansions filiformes m'ont fait rapporter à
l'espèce décrite sous ce nom par M. Ehrenberg, qui l’a trouvée
seulement à la surface de diverses infusions, le ro novembre
1828, et lui assigne pour maximum de largeur 0,09.
(1) Actinophrys difformis, Ehr. Infus. 1838, PI. XXXI, £ 8,
p. 304.
26G HISTOIRE NATURELLE
4. AcriNoPnRys PÉDONCULÉE. — Actinophrys pedicellata (x).
Corps globuleux, granuleux et trouble intérieurement, en-
touré d’expansions filiformes ou de cils rayonnants, aussi longs
que lui, et muni d’un prolongement diaphane en forme de pédon-
eule. — Diamètre du corps 0,062.
Cet Infusoire que je n'ai pas vu est décrit par Müller comme le
plus lent de tous les animaux, cependant cet auteur a vu un
autre Infusoire ( Leucophra signata), qui nageait trop près de
celui-ci, se trouver instantanément agglutiné par ses cils et rap-
proché de son corps sur lequel il s’allongea beaucoup en cessant
de vivre.
M. Ehrenberg le trouva abondamment , au mois d’ayril 1832,
dans la pellicule couvrant la surface d’une eau de marais con-
servée à la maison ; tout en le regardant comme une Actinophrys
pédicellée, il reconnaît son analogie avec le genre Acinéte, et
dit lui avoir reconnu clairement une bouche, des estomacs et
des ovules fins et obscurs, mais n'avoir pu observer ni l'intro-
duction des substances colorées, ni la position de l'anus. Il est
conduit ainsi à remarquer, conformément à ses idées systé-
matiques, que si le manque d'ouverture anale était constaté, cet
animal pourrait appartenir au genre Acinète.
De plus que Müller, il a vu la contraction en boule ou en
massue, de l'extrémité des tentacules, et, comme cet auteur , ila
vu le singulier phénomène de l’agglutination et de la mort des
divers Infusoires qui en nageant viennent à toucher par hasard
les expansions filiformes de cette Actinophrys. « Aussitôt, dit-1l,
que la 7richodina grandinella, qui se trouve ordinairement
trés-abondante en même temps, vient en tourbillonnant avec vi-
tesse heurter ses tentacules, ‘elle est arrêtéee, cesse tout à
coup de tourbillonner et retire ses cils en arrière. Elle est ensuite
de plus en plus rapprochée du corps de son ennemi, et y reste
adhérente jusqu'à ce qu’elle soit visiblement rendue vide, et que
(1) Trichoda fixa, Müller , Inf. PI. XXXI, f. 11-12, p. 217.
Peritricha cometa ; Bory, Encyel. 1824.
Podophrya fixa, Ehrenb. Mém. 1833. — Infus. 1838; PL XNXI,
f. 10, p. 306.
f.
É
us
DES INFUSOIRES, 267
sa peau soit abandonnée,» Je ne puis que faire observer accessoire-
ment ici que toutes les fois que j'ai vu mourir la Trichodina gran-
dinella, je n'ai apercu aucun indice de peau ou de tégument
résistant.
“Actinophrys viridis.—Ehr. Inf. PI. xxxt, fig. 7, p. 34.
Corps globuleux, verdâtre, entouré de rayons serrés, plus
courts que le diamètre du corps. — Diamètre du corps de 0,043
à 0,093.
M. Ehrenberg décrit sons ce nom une espèce incomplétement
observée par lui entre les Conferves , et dont il attribue la colora-
tion à des ovules verts.
“Actinophrys? granata. Trichoda granata (1). Müller, Inf. PI. xxmr,
fig. 6-7, page 162.
Corps globuleux , opaque au centre , entouré de cils plus courts
que le diamètre.
Müller nomma ainsi un Infusoire fort douteux, qu'il observa
dans l’eau couverte de Zemna et que son opacité, en même
temps que’son immobilité, pourraient faire prendre pour autre
chose qu'une Actinophrys.
2e Genre. ACINÈTE. — Acineta. Ehr.
An. à corps globuleux ou comprimé , immobile, émettant
des expansions variables, trés-lentement contractiles, et par
suite souvent renflées à l'extrémité , porté par un pédicule
simole, dont l'enveloppe membraneuse se prolonge plus ou
moins sur la masse du corps.
1. ACINÈTE BOSSELÉE, — Acineta tuberosa (2). —P]. I, fig. 12-13.
Corps presque triangulaire , comprimé , élargi au sommet avec
(x) Peritricha granata, Bory, Encycl. 1824.
(2) Baker, Employ. for the micros. 1552, p. 444, PI. XIII, f, to-12.
Brachionus tuberosus , Pallas, El. Zedbh. 1566, p. 105.
Vorticella tuberosa, Müller, Ins. pl. XLIV , f. 8- -9,p 308.
ÆAcineta tuberosa, Ehrenb. Mém. 1833, p. 141.—Infus. 18358, pl. XX,
fig, 9.
268 HISTOIRE NATURELLE
trois tubercules, dont les deux latéraux, plus constants et plus
saillants, sont seuls munis d’expansions variables en forme de
cils; pédoncule deux fois plus long que le corps. — Longueur du
corps de 0,062 à 0,094.
Müller, qui n'observa qu'une seule fois, et d'une manière très-
incomplète , cet Infusoire dans une eau de marais, le rangea parmi
ses Vorticelles, qui sont caractérisées par leur contractilité;
tandis que celui-ci est presque totalement immobile, comme l'ex-
prime le mot grec äxivero, qui signifie immobile, sans mou-
vement. M. Ehrenberg, qui l’a vu dans l'eau de la mer Bal-
tique, sur le Ceramium diaphanum , l'a un peu mieux étudié,
quoique très-imparfaitement encore ; il le classa d’abord (1833),
dans la famille de ses Peridinæa ; et plus tard (1838), il l’a placé
comme appendice à la suite des Bacillariées ; puis enfin , comme
je lai déjà dit, il a proposé de le prendre pour type d’une nou-
velle famille qui répond à nos Actinophryens.
Il le décrit comme ayant les deux tubercules latéraux garnis
d'un faisceau de cils plus courts que le diamètre du corps, renflés
en globules à l'extrémité, mais qu'il n’a point vus se contracter ;
et comme étant fixé à un pédoncule d'une transparence parfaite,
presque invisible, six fois moins large que le corps et deux fois
aussi long. Ce corps enveloppé par une cuirasse membraneuse ,
consiste en une masse d’un brun jaunâtre , qui forme deux larges
bandes obscures non exactement limitées. Enfin, cet auteur croit
avoir vu dans quelques individus, les deux faisceaux de cils retirés
à l'intérieur, comme l'indique la fig. 13, copiée de son ouvrage,
ainsi que la fig. 12.
2. Acineta Lyngbyei. Ehr. Inf. 1838. — PJ. 20, fig. 8.
Corps globuleux, jaunâtre , hérissé de toutes parts de cils plus
courts que le corps, et supporté par un pédoxcule long , épais,
transparent , trois à cimq fois plus long que le corps. — Diamètre
du corps 0,062. — Longueur totale de l’animal 0,250 à 0,576.
M. Ehrenberg a trouvé sur une Sertulaire, dans la mer Bal-
tique, cêtte espèce qu'il dit ressembler entièrement à une Zctino-
phrys sol pédonculée ; j'ai moi-même observé en 1835, à Tonlon,
sur un Buccinum mulabile, une espèce que je crois la méme, quoi-
que sesexpansions variables fussent plus épaisses et moins nom-
breuses.
DES INFUSOIRES. 269
* Acineta mystacina. Ehr. Inf, 1838.
Le même auteur donne ce nom à un Infusoire qu’il avait d'abord
(1831) nommé Cothurnia ? mystacina , et qu'il a trouvé en juillet
et septembre sur les racines de la Lemna minor. Son corps jau-
nâtre, presque globuleux , est garni de cils renflés à l'extrémité,
deux fois plus longs que son diamètre ; et il est logé au milieu d'une
capsule ou vessie cristalline et porté par un pédoncule tres-court ;
la longeur totale est de 0,047.
* GENRE DENDROSOMA. Ehr. 1838. Infusionst. p. 316
Dans une simple note ajoutée à la suite de sa famille des
ÆEnchelia, et après avoir dit que le genre Podophrya,
n'ayant qu’un orifice à l'intestin, et restant dépourvu
d’anus, se rapproche des Acinètes, M. Ehrenberg annonce
avoir observé tout récemment une forme tres-remarquable
qu'il veut nommer Dendrosoma radians , et qui paraît
également dépourvue d'ouverture anale : c’est une tige plus
épaisse, fixée à sa base et portant sur ses rameaux des têtes
nombreuses dont chacune ressemble à une Actinophrys.
Cette espèce se rapproche donc à la fois des denx genres ci-
dessus indiqués, et fournit à l’auteur l’occasion de dire qu’il
serait nécessaire de former avec les Acinètes, séparées des Ba-
cillariées , etle Dendrosoma , une famille particulière entre
les Bacillariées et les Vorticelliens, à laquelle appartien-
. draient peut-être aussi les Podophrya et Trichodiscus.
27 0 HISTOIRE NATURELLE
ORDRE HI.
Infusoires pourvus d’un ou plusieurs filaments
flagelliformes servant d'organes locomoteurs. —
Sans bouche.
V® FAMILLE.
MONADIENS:
Animaux sans aucun tégument , formés d'une sub-
stance giutineuse , en apparence homogène, susceptible
de s’agglutiner et de s’étirer plus où moins ; de forme
ordinairement variable; ayant un ou plusieurs fiia-
ments flagelliformes pour organes locomoteurs, et
quelquefois des appendices latéraux ou en forme de
queue. |
è
Les Monadiens sont aussi parmi les plus simples de
tousles Infusoires, ils se produisent preque tous dans
des infusions, et n’ont d’autres organes visibles que
leurs filaments flagelliformes qui n’ont été apercus que
dans ces derniers temps, et qu’on ne peut voir nette-
ment qu’au moyen des meiileurs microscopes, et am
les plus grandes précautions. Ces filaments, en elfet,
ne se montrent quelquefois, au grossissement de 300 à
k00 diamètres, que comme des brins de soie ou de
_ laine très-fine vus à l'œil nu; on peut donc calculer
qu'alors ils n’ont pas plus d’un trente millième de milli-
mètre d'épaisseur réelle ; leur mouvement et l'agitation
qu'ils causent dans le liquide environnant les font d’a-
bord deviner; mais on ne parvient à les distinguer
DES INFUSOIRES. 271
qu'à l'instant où leur mouvement se ralentit, et quand,
par une disposition convenable du diaphragme ou du
prisme réflecteur, on à fait naître des ombres. Leur lon-
sueur est toujours au moins double, et quelquefois
quadruple de celle de l'Infusoire lui-même.
Fous ces animaux paraissent formés d’une substance
slutineuse homogène , susceptible de s’étirer quand
elle s’est agglutinée à quelque autre corps; d’où résulte
un changement de forme ou la production d’un appen-
dice irrégulier que parfois on pourrait prendre pour
un autre filament; quelques Monadiens changent
même de forme en nageant librement dans le liquide,
et se rapprochent ainsi du caractère des-Amibes. Des
vacuoles ou cavités sphériques se creusent spontané-
ment dans le corps des Monadiens près de la surface ;
quelquefois elles s'ouvrent au dehors ;'et } venant àse
contracter, elles enferment les corps étrangers qui y
sont entrés. C’est ainsi que sont venus à l’intérieur les
divers objets que ces animaux paraissent avoir man-
gés, et non par-une bouche qui n'existe point.
Les genres nombreux qu’on peut établir dans la fa-
mille des Monadiens, seront donc distingués seulement
par le nombre et par la position des filaments locomo-
teurs, par la forme Îa plus habituelle de leur corps et
de leursappendices ; enfin on pourra établir deux genres
pour ceux qui vivent habituellement agrégés ; savoir,
les Uvella, formant des groupes en forme de müre
qui se meuvent librement dans le liquide; etles 4{n-
thophysa , dont les groupes sont naturellement fixés à
l'extrémité des rameaux d’un support corné qu'ils
ont sécrété. Les animalcules de ces deux genres , quand
ils sont désagrégés , ressemblent d’ailleurs entièrement
à des Monades isolées pourvues d’un seul filament.
277 HISTOIRE NATURELLE
Parmi les Monadiens qui vivent toujours isolés, on
sépare, sous le nom de 7richomonas, ceux qui ont
une rangée ou une touffe de cils vibratiles en eutre
de leur filament flagelliforme; et l'on fait un genre
Heteromita bien distinct pour ceux qui, avec un fila-
ment flagelliforme ; au moyen duquel ils se meuvent
en avant, ont aussi un filament plus épais, trainant,
qui s'agglutine ça et là sur les corps voisins; et, par sa
contraction subite, leur donnele moyen de changer de
lieu tout à coup.
Un autre genre, quise distingue aisément des autres
Monadiens, est celui des #examita , bien remarquable
par le nombre de ses filaments flagelliformes , quatre
en avant, et deux en arrière qui paraissent résulter de
l’étirement de la substance même du corps. On peut
distinguer encore les Chilomonas, dont ie filament fla-
gelliforme part obliquement en arrière d’un prolonge -
ment antérieur en forme de lèvre; et les 7 repomonas,
dont le corps, arrondi en arrière, aplati et tordu en
avant, est muni de deux filaments flageiliformes , par-
tant de l’extrémité de deux lobes anguleux , dirigés en
sens inverse, d'où résulte un mouvement gyratoire
particulier.
Les autres Monadiens pourraient , à la rigueur, être
considérés comme des modifications de forme d'un
même genre , produites par l'influence du milieu dans
lequel vivent et se développent ces Infusoires ; en effet
on voit dans des infusions ces Monadiens présenter telle
ou telle modification remarquable, suivant la nature
d’un sel ou d'un réactif qu'on y ajoute.
En attendant toutefois que l’on soit bien fixé sur
ce point , on peut diviser ainsi ces Infusoires : ceux
dont le corps est rond ou oblong sans appendices, et
DES INFUSOIRES. 273
avec un seul filament également fin et agité dans toute
sa longueur, forment le genre Monas proprement dit,
leur mouvement est irrégulier, tremblottant, mais
non saccadé. Ceux qui, avec un corps discoïde sans
appendices, ont un filament plus épais et roide à sa
base, agité seulement à l'extrémité, sont les Cyclidium,
dont le mouvement est lent et uniforme. Il en est chez
qui un prolongement latéral devient parfois un second
filament ondulatoire, distingué du premier parce qu’il
prend évidemment son origine de la substance charnue
étirée , ils forment le genre Æmphimonas, reconnais-
sable à un mouvement saccadé tout particulier ; Ceux
enfin qui ont un prolongement en manière de queue ,
sont les Cercomonas ; ce prolongement s’agslutinant
au porte-objet, fournit un point d'appui autour du-
quel l'Infusoire s’avite en se balançant jusqu’à ce qu'il
soit redevenu libre. Mais, je le répète, ces distinctions
génériques sont tout à fait artificielles, et destinées
seulement à faciliter la désignation des Infusoires
qu'on aura rencontrés dans telle ou telle infusion, et
qui, mieux connus, pourraient même, dans cer-
lains cas, être rapportés comme variétés à une seule
espèce.
Les Monadiens, se montrant des premiers dans
presque toutes les infusions, ont été remarqués
par tous les anciens micrographes qui, ne soup-
çconnant pas la présence de leurs filaments flagel-
liformes, les décrivirent comme des animalcules en
forme de point ou de globule. Cependant Gleichen en
vit souvent d'agglutinés par leurs appendices ou par
leurs filaments, et il les nomma jeux de nature ; d’au-
tres auteurs virent aussi des Monades agrésées ou
Uvelles. Müiler placa dans son genre Aonas une de
INFUSOIRES. 18
27h T HISTOIRE NATURELLE
ces Uvelles avec des vraies Monades , des Bacterium et
des corps de nature douteuse qu A1 caractérisait seule-
ment en cs disant penctifenmes où en forme de point ;
d’autres Uvelles furent placées par lui dans son genre
Volvox, ce sont les Y’olvox socialis et Volvox ava.
Son genre Cyclidium; caractérisé par une forme circu=
laire, contient aussi des Monadiens, ét vraïisemblable-
ment de ceux que nous nommohs de même. Enfir son
genre Cercaria contient des Æmphimoônas ou Cerco-
monas dans les espèces qu’il a nommées Cercaria sibba
et Cercaria gyrinus.
M. Bory a réparti les Monadiens dans ses genres
Monade , Ophtalmoplanis ; et Cyclide, de la famille
des Monadaires ; dans son genre Uvelle, de la famille
des Pandorinées , et dans son genre Cercaire.
M. Ehrenberg voulut, dès 1830, appliquer aux
Monadiens, qu'il nomme oradina,; ses principes de
classification basés sur fa disposition de l'appareil di-
gestif; prenant donc pour des estomacs les vacuoles
qui se forment successivement à l’intérieur de leur
corps, et qu'il avait vues colorées par lindigo et le
carmin , 11 leur supposa douze à vingt estomacs pédi-
cellés, appendus autour d’un pharynx , s’ouvrant au
dehors par une large bouche bordée de cils. Là posi-
tion de cette bouche supposée, lui fournissait ensuite
des caractères distinctifs pour Pruses de ses genres ;
mais préalablement il avait séparé comme pourvus
de queue les deux genres Bodo et Urocentrum , dont
le premier répond enpartieànos Ceércomones , et dont
le second a été reporté depuis par l’auteur lui-même
auprès des Vorticelies. La présence d’un point rouge
qu'iläppelle un &iïl, lui servaït à séparer Le genre Mi-
croglena , que nous croyons avoir été établi avec des
DES INFUSOIRES. aTs
espèces de Thécamonadiens. Restaient alors des A70-
nadina de forme invariable, à bouche terminale et di-
rigée en avant, c'étaient les Monas s'ils étaient tou-
jours solitaires; les Uvella, s'ils étaient solitaires
d’abord, puis groupés et enfin libres; des Polytoma,
si, solitaires dans le jeune âge, ils se divisent en deux
directions et se résolvent en un amas d'individus.
Les Monadina à bouche droite, tronquée, dirigée en
divers sens dans le mouvement, formaient le genre
Doxococcus ; pour d’autres enfin, à bouche oblique
sans bord et bilobée, était institué un genre Chilo-
monas.
Cet auteur, en 1833, avait déjà reconnu un filament
flagelliforme , qu il nomme une trompe chez une de ses
précédentes espèces de Monas ( 47. pulyisculus), dont
il faisait dès lors un nouveau genre de Cryptomona-
dina, sous le nom de Chlamidomonas , à cause de la
présence d’une cuirasse; mais il persistait encore à
attribuer à sa Monas grandis, ainsi qu’à ses autres
espèces, une couronne de cils vibratiles. Ge ne fut que
dans son mémoire de 1836 qu’il reconnut chez tous ces
animaux la présence de ce qu'il nomma une trompe ;
et dans son histoire des Infusoires , «en 14838 , il établit,
d'après ce caractère et quelques autres, une nouvelle
division de ses onadina, qu'l définit encore «des ami-
maux polygastriques sans tube intestinal , sans cuirasse
ni‘appendices, à corps uniforme. » Séparant d’abord le
genre Bodo, caractérisé par la présence d’une queue,
il distingue parmi les Monadina sans queue un seul
genre Chilomonas dont la boucheestpourvuede lèvres.
Parmi les autres quisont sans lèvres , il' fait un groupe
de ceux qui se meuvent en nageant, etil place à part,
dans un genre Doxococcus, ceux qui se meuvent en
18.
276 HISTOIRE NATURELLE
roulant. Parmi les Monadiens nageants, il distingue
ceux qui sont sans yeux et en forme trois genres, savoir
les Monas , qui sont simples, les Uvella et les Poly-
toma , qui sont agrégés ; mais ces derniers le sont par
division spontanée , et ceux-là par réunion. Puis enfin
de ceux qui ont les points colorés qu’il nomme des
yeux , il fait aussi trois genres; les deux premiers, Mi-
croglena et Phacelomonas, comprennent des animaux
vivant isolés, mais distingués, parce que les premiers
n'ont qu'une ou deux trompes, tandis que les seconds
en ont plusieurs. Les [nfusoires du troisième genre
Glenomorum , vivent agrégés.
Jen’ai pu, dans le cours de mes observations, recon-
naître tous les genres de cet auteur, soit que plusieurs
des caractères aient été interprétés d'une manière trop
différente par chacun de nous ; soit que le hasard ne
m'ait pas fait rencontrer les mêmes objets. Je ne puis
toutefois admettre chez aucun Monadien , l'existence
d’une bouche, et je persiste à croire qu'elle a été sim-
. plement déduite par M. Ehrenberg de l’introduction
des substances colorées. Je crois que les Microglena ,
Phacelomonas, Glenomorum et Doxococcum doivent
appartenir à une autre famille, et je ne comprends
pas la distinction des genres Uvella et Polytoma , dis-
tinction fondée en partie sur le mode de division spon-
tanée des Polytoma suivant deux directions ou en croix
que je n’ai pas eu l’occasion d'observer , et sur le grou-
pement périodique des Uvella, que je ne veux pas
admettre. 1] resterait donc seulement quatre genres de
cet auteur , les Monas, Uvella, Chilomonas et Bodo
qui pourraient être comparés avec les miens ; ce der-
nier comprenant en partie mes //examita , Amphimo-
nas et Cercomonas.
*
‘
DES INFUSOIRES. 971
Quant au mode de propagation des Monadiens que
M. Ehrenberg dit avoir lieu par division spontanée
transverse dans huitde ses genres, et suivant deux direc-
tions en croix dans son Polytoma, je dois avouer que je
ne l'ai jamais vu bien nettement : il me semblerait plus
probable que la propagation a lieu comme pour les Ami-
bes par l'abandon d’un lobe ou de l'extrémité d’une ex-
pansion. Je n'ai pas besoin de répéter que je n’admets
chez ces animaux, ni bouche ni estomac ni aucun autre
mode de nutrition que l'absorption effectuée par toute
la surface externe ou par les vacuoles. Enfin, pour ce
qui est des yeux et de la coloration en vert ou en rouge
attribués par M. Ehrenberg à plusieurs de ses Mona-
dina, je n'ai rien vu de tel, si ce n’est chez les Théca-
nonadiens et les Eugléniens dont les points rouges ne
m'ont pas paru mériter le nom d’yeux.
Je voyais le filament flagelliforme des Monadiens à
la fin de 1835, sans savoir que M. Ehrenberg avait
déjà aperçu précédemment ce filament dans quelques
autres types d'Infusoires , mais je le voyais bien diflé-
remment que lui, et les notions précises que j'avais
eues dès le principe sur la vraie longueur et sur l'ex-
trême ténuité de ce filament , ne me permettaient pas
d'y voir comme lui une trompe, mais simplement un
organe de locomotion; je l'ai représenté et décrit dans
les Annales des sciences naturelles (tom. 5, avril 1836,
pl. 9), tel que j'ai continué à le voir depuis.
HISTOIRE NATURELLE
278
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DES INFUSOIRES. 279
1" Genre. MONADE. — Monas,
An. nus, de forme arrondie ou oblongue; de forme va-
riable, sans expansions, et avec un seul filament flagel-
liforme. — Mouvement un peu vacillant.
Ainsi que je l'ai dit précédemment, il est impossible de
rapporter avec certitude les Monades, telles que nous les
connaissons aujourd'hui , aux espèces décrites par Müller
ou par M. Bory ; la même observation s'applique à la plupart
des 26 espèces décrites ou plutôt indiquées par M. Ehren-
berg dans son dernier ouvrage, et dont plusieurs avaient été
précédemment rapportées par lui à divers autres genres (1).
Cela tient à ce que beaucoup de ses Monades n’ont été vues
par lui qu’une seule fois dans ses voyages , et surtout à ce
qu'il regarde leur forme comme tout à fait invariable, et
devant offrir un caractère distinctif absolu , tandis que je
regarde au contraire cette forme comme plus ou moins va-
(1) Des vingt-six espèces de Monades de M. Ehrenberg, cinq seulement
sont représentées dans l'ouvrage de cet auteur (Die Infusionsthierchen),
avec une trompe, longue à peine comme le corps, les vingt-une autres
sont représentées simplement à un grossissement de 290 fois , ou 300 ou
450 fois comme de petits ovales irréguliers sans aucun détail; et si quel-
ques figures sont faites a un grossissement de 525 et S0oo fois, elles n'ex-
priment rien de plus; or, je le demande, pourrait-on songer aujour-
d'hui à établir sérieusement une comparaison quelconque avec ces petits
ovales dessinés à la hâte et avec un microscope imparfait, en 1828, pen-
dant le voyage de l'auteur en Égypte et en Libye, et donnés aujourd'hui
pour représenter les Monas simplex (fig. 23, PI. 1), M. inanis (fig. 24),
M. scintillans (fig. 25) ou même avec les figures non moins simples
représentant les prétendues espèces observées pendant une course ra-
pide à travers l'Asie septentrionale, telles que les A. Kolpoda (fig. 10),
M. umbra (fig. 12), M. ovalis (fig. 15), M. cylindrica (fig. 18), M.
erubescens (fig. 8), M. hyalina (fig. 13)? Plusieurs des Monades dé-
crites et figurées par l’auteur à Berlin même , et avec ses moyens actuels
d'observation, ne seront assurément pas plus reconnaissables ; telles sont
le Monas crepusculum (PI. 1, fig. 1) qui, dit-il, est hyalin, globuleux,
agile et carnivore, long de 0,0022, et qu'il représente par de petits
ovales d’un millimètre environs; le Monas ochracea (fig. ”), long de
280 HISTOIRE NATURELLE
riable. Il divise ses 26 espèces en Sphéromonades ou
Monades globuleuses, et en Rhabdomonades ou Monades
allongées , puis il subdivise encore les premières en Monades
ponctiformes incolores ou verdâtres, ou jaunâtres, ou rou-
seûtres , et en Monades oviformes qui sont ou ne sont pas
échancrées ; et parmi ses Rhabdomonades , il distingue celles
qui sont cylindriques, incolores ou rouges, celles qui sont
coniques, verdâtres ou incolores , et enfin celles qui sont
en forme de toupie et fusiformes ; mais je n’ai pu appliquer
aucune de ces distinctions aux Monades que j’ai observées.
1. MonanE LENTILLE.— Monas lens. P]. III, fig. 5, et PI. IV, fig. 7.
Corps arrondi ou discoïde , tuberculeux. — Largeur de 0,005
à 0,044.
Cette espèce, l’une de celles qu'on rencontre le plus fréquem-
ment dans les infusions animales on végétales , a été vue par tous
les anciens micrographes qui l'ont indiquée sous la forme d'un
0,0045 , globuleux, de couleur d'ocre , et qu'il se borne à représenter
grossi 290 fois sous la forme de petits ovales irréguliers, et même le AZ.
vinosa , que sa couleur de vin rouge ne fera pas mieux reconnaitre, je
crois. Une seule espèce observée par lui dans une infusion d'ortie dioi-
que paraît avoir fixé davantage son attention; il la représenteraux
grossissements de 290, 820 et 2000 diamètres, mais cela même , bien
loin de prouver que ce soit une Monade, doit faire penser que c'est
toute autre chose ; en effet, comme les Bactérium, cette espèce se pré-
sente sous la forme de particules ovoïdes , oblongues, assemblées par
deux ou par quatre en ligne droite, et d'ailleurs, à ce grossissement
énorme de 2000 , elle ne montre aucune apparence de trompe ou de
filament flagelliforme.
Quant aux espèces représentées avec un filament, la première, Monas
termo (fig. 2), quoique grossie 820 fois, n'est encore exprimée que par
un petit ovale long de deux millimètres avec deux points colorés à l'in-
térieur et une petite ligne noire en manière de queue; elle n'est done
nullement comparable ; une autre , Monas grandis, représentée dans
une figure avec une trompe épaisse courte et pointue, est représentée
dans plusieurs autres a-ec une couronne de cils et une bouche appa-
rente; une troisième, Monas guttula (fig. 3) , est représentée au con-
traire par une figure gigantesque tou à fait idéale.
DES INFUSOIRES. 281
point ou d'un globule qui se meut lentement et en vacillant. Un
bon microscope fait voir que ce globule est formé d'une sub-
stance homogène, transparente, renflée en nodules ou en tu-
bercules à sa surface, et émettant obliquement un filament flagel-
liforme, trois, quatre ou même cinq fois aussi long que le corps,
agité dans toute son étendue ou seulement un peu plus roide à
sa base, et infléchi en arc de cercle.
Je l'ai vue surtout bien développée dans le liquide où plongeait
depuis huit jours pour une expérience d'endosmose un tube de
verre fermé par de la vessie de cochon et rempli d’eau sucrée ;
son diamètre était de 0,013 , 0,015 et même 0,017, c'étaient les
plus volumineuses qui offraient un filament plus roide à la base
et un mouvement plus régulier.
Je l'ai étudiée et mesurée avec soin dans une vieille infusion
où avaient vécu depuis trois mois plusieurs autres Infusoires ; elle
était large de 0,0125 , et son filament grossi 460 fois paraissait
à sa base aussi gros qu'un cheveu de 0,058 vu à l'œil nu, ce qui
fait pour la grosseur réelle 6,0001 26.
J'ai vu des Monas lens, que je crois pouvoir regarder comme
tous d’une même espèce , 1° dans une eau de lavage de diverses
Algues marines avec de l’eau douce; elles avaient de 0,008 à 0,010;
2° dans une vieille infusion de mousse; elles étaient ovoïdes,
granuleuses, longues de o,o11 , et larges de 0,0097; leur filament
était sensiblement plus épais à sa base; 3° dans une infusion de
gélatine avec l’eau de mer, préparée depuis dix jours, le 12 fé-
vrier 1836 ; elles étaient discoïdes , larges de 0,007 avec un fila-
ment bien visible, roide et arqué à sa base ; 4° dans une infusion
de gélatine avec oxyde de manganèse laissée à l’air depuis trois,
mois , le 20 novembre 1836, elles avaient 0,015 ; avec elles wi-
vaient des Euglènes et des Xerona pustulata ; 4° dans une in-
fusion de chair crue, au bout de deux mois; elles étaient larges de
0,00 ; 5° dans une infusion de chair avec du sel ammoniac ; ces
Monades , au bout de dix-huit jours, n'avaient que 0,006 , au bout
de deux mois il y en avait de 0,009, l'odeur était très - fétide ;
6° dans une infusion de chair et de nitrate d'ammoniaque; ces
Monades, largesde 0,006, s'y trouvaient abondamment le dix-hui-
tième jour avec le F’ibrio lineola et le Vibrio serpens ; quarante
jours après, ces mêmes Monades, encore très-nombreuses, n’a-
vaient pas sensiblement grandi, l'odeur était faible et comme
ammoniacale ; 5° dans nne infusion de gélatine avec addition
282 HISTOIRE NATURELLE
d'iode préparée depuis douze jours; le 24 août 1836, les Mo-
nades, longues de 0,010 à 0,012, s’y étaient développées avec des
Enchelys et des Bactérium ; 8° diverses infusions de sucre de
réglisse avec addition de réactifs chimiques, m'ont offert des
Monas lens en abondance, mais ces Monades montraient une
tendance manifeste à s'allonger et à s’étirer comme les Cerco-
manas; 9° une infusion de racine de réglisse avec du phos-
phate de soude était recouverte le dixième jour (11 février 1836),
d'une pellicule blanche , formée de Bactérium et de Monas lens,
discoïdes , larges de 0,007. Les mêmes Monades se sont présen-
tées dans d'autres infusions de la même racine, dans lesquelles le
sulfate de soude ou le nitrate de potasse remplacait le premier sel;
10° lesinfusions de poivre, de persil, de pain, de collede farine, ete,
m'ont presque toujours fourni également des Monades lens, de
0,006 à 0,008. |
1 “ MONADE concaAvE. — ÂMonas concava.
Corps circulaire, concave d'un côté, aminci au centre, et
renflé aux bords. — Largeur 0,0425.
Cette Monade , que j'observais au mois de février, à Toulouse,
dans de l'eau de marais conservée depuis trois mois, pourrait
bien être simplement une variété de la Monas lens; elle était
notablement conçcave d’un côté et convexe de l’autre ; son fila-
ment, très-délié, s’agitait dans toute sa longueur.
2. MonADE czoguze. — Monas globulus. — PI. IV, fig. 8.
Corps globuleux, de forme presque constante. — Filament
naissant d’un amincissement antérieur. — Longueur de 0,009 à
0,044. — Marin.
J'ai trouvé dans l'eau de mer, à Cette, le 12 mars 1840, cet
Infusoire qui paraît bien différent du Monas lens par sa forme
plus globuleuse et par l'absence des nodosités de sa surface.
3. MoNADE ALLONGÉE. — Monas elongata, P1. TI], fig. 13.
Corps allongé , noduleux , flexible et de forme variable. — Long
de 0,02. — Filament long de 0,04, épais de 0,0002 à sa base.
Cette espèce , fournie par les eaux de marais conservées depuis
DES INFUSOIRES, 283
deux mois dans des bocaux et putréfiées, serait une Péranême si
l'an pouvait y reconnaître un tégument contractile , mais au con-
traire elle ne montre qu'une substance homogène, creusée de
vacuoles et renflée à sa surface en nodules qui forment quelque-
fois des rangées presque régulières.
4. MONADE ATTÉNUÉE. — Monas attenuata, — PI, III, fig. 12.
Corps ovoïde , rétréci aux deux extrémités, noduleux, inégal
et creusé de vacuoles. Filament naissant du rétrécissement an-
térieur. — Long. 0,016.
Cette Monade, qui serait à réunir aux Cercomonas si le pro-
longement postérieur était susceptible de s'allonger, paraït au
contraire être de forme peu variable et constamment rétrécie aux
extrémités; les vacuoles qu'elle contient sont très-grandes et bien
distinctes. Son filament est plus épais à la base et bien visible,
elle se trouve dans l'eau de marais conservée et pourrie.
5. MonanE OBLONGUE. — Monas oblonga.
Corps ovoïde, oblong, inégal, tuberculeux et creusé de va-
cuoles. — Long. de 0,0074 à 0,0164.
J'ai trouvé des Monades oblongues que je crois identiques,
10 le 2r février 1836 dans une infusion de coque-du-Levant pré-
parée le 25 décembre; elles étaient longues de 0,0118 à 0,0164,
et montraientun filament bien visible ; cette infusion était fétide,
mais sans saveur; 2° en février 1838, dans divers flacons où je
conservais depuis plusieurs mois de l’eau et des herbes de l'étang
de Meudon ; les unes, plus petites et moins noduleuses, étaient
larges de 0,003 et longues de 0,0074, leur filament était assez
épais à la base; les autres étaient plus grandes (0,015), creusées
de grandes vacuoles et noduleuses.
6. Monane NouEusE. — Monas nodosa, — Pi. IV, fig. 9.
Corps oblong , irrégulier , noueux, rétréci en arrière, tronqué
en avant. Filament naissant au milieu de la troncature. — Long.
0,0145. — Marin.
J'observais cette Monade dans l’eau de mer gardée depuis cinq
jours à Cette, le ro mars.
284. HISTOIRE NATURELLE
7. MoNaDE 80ssuE.—Monas gibbosa.
Corps oblong , anguleux, irrégulièrement renflé et bossu ; le
filament naissant ordinairement de l’amincissement antérieur du
corps. — Longueur 0,01.
Dans une infusion de gélatine et de nitrate d'ammoniaque du
26 décembre, je voyais, dix-huit jours après, et pendant les deux
mois suivants, des Monades d'une forme très-irrégulière entre-
mêlées de Monas lens dont on aurait pu les croire de simples
variétés ; les unes étaient rétrécies en arrière, d’autres l’étaient
aux deux extrémités , et d’autres en avant, tandis qu'il y en avait
d'oblongues et de presque carrées avec les angles arrondis ; mais
toutes présentaient des gibbosités plus ou moins prononcées, et
leur filament naissait évidemment d’un rétrécissement du corps.
L'infusion n'était nullement fétide. — J'ai revu des Monades
semblables , le 24 août 1836 , dans une infusion de gélatine pré-
parée depuis dix jours, et dans laquelle j'avais mis des Cypris,
dont quelques-unes vivaient encore malgré la fétidité du liquide.
8. MONADE vVaRIAPLE, — Monas varians.
Corps oblong, plus étroit en avant , très-mou et changeant de
forme incessamment. — Longueur 0,032 à 0,04.
J'observais, le 18 novembre 1538, dans de l’eau prise huit jours
auparavant dans une ornière au nord de Paris, cet Infusoire qui
par ses changements de forme continuels se rapproche beaucoup
des Péranêmes , mais qui n'ofire aucune trace de tégument, et
paraît au contraire formé d'une substance glutineuse très-molle.
g. MONADE INTESTINALE. — Monas intestinalis.
Corps très-allongé, de forme incessamment variable ou arrondi
à une extrémité et s’amincissant peu à peu pour se terminer en
un long filament à l’autre extrémité. Mouvement d’ondulation sur
tout le contour. — Long. 0,047.
Dans les excréments d’un Triton palmipes que je nourrissais de
Lombrics depuis le #1 mars, j'ai trouvé abondamment , le 8 avril
DES INFUSOIRES. 285
si
1838, des Monades allongées et trés-remarquables par ies chan-
gements continuels de forme que présentait leur corps qui s'agi-
tait tout entier d'un mouvement ondulatoire sur ses bords, le
filament qui terminait l'amnincissement d'une des extrémités était
bien visible, mais je ne puis le nommer filament antérieur,
parce que le mouvement était très-irrégulier, etque j'ai cru avoir
apercu un filament beaucoup plus délié à l’autre extrémité. Si
celte observation était vérifiée, cet Infusoire serait un Cerco-
monas ; dans tous les cas, je crois que c’est une des espèces de
Bodo, indiquées par M. Ehrenberg comme se trouvant dans
l'intestin des grenouilles.
* MonaoE rLUIDE. — Honas fluida.— P], 1V, fig. 10.
Corps mou, demi- fluide, de forme variable, irrégulièrement
ovoïde , quelquefois rétréci eni arrière, creusé de larges vacuoles.
SE — Long. 6,04:
Cette Monade, qui peut-être n’est qu'une variété de la Monace
variable, m'a paru bien remarquable en raison de ses larges va-
cuoles dans lesquelles avec de l'eau se trouvent engagés des cor-
puscules étrangers, tres-nombreux, qu'on voit agités vivement du
mouvement Brownien. Cette agitation des corpuscules ainsi em-
prisonnés, pourrait au premier instant être regardée comme un
phénomène vital propre à la Monade; mais en y réfléchissant et
en comparant ces corpuscules à ceux qui flottent dans le liquide
ou qui reposent au fond, on reconnaît que ce sont bien les
mêmes ; et qu'ils ont élé renfermés dans le corps de l’Infusoire
pendant que l’animal rampait au fond, à la manière des Amibes,
ou nageait au milieu en changeant de forme.
10. MONADE RESSERRÉE.—/Monas constricta.
Corps allongé , quatre ou cinq fois plus long que large , resserré,
et souvent comme étranglé au milieu. — Longueur, 0,02,
Le 14 août 1836, j'avais préparé une infusion de gélatine avec
du chlorate de potasse, et j'y avais mis des Cypris et des Oscil-
laires qui continuérent à y vivre pendant quelque temps. Le
#
24 août, j'y trouvai un grand nombre de ces Monades allongées ,
286 HISTOIRE NATURELLE
dont plusieurs offraient au milieu un étranglement bien prononcé;
elles se rapprochent beaucoup de certains Cercomonas, maïs leur
corps est épais et arrondi en arrière, au lieu d'être étiré et pro-
longé en queue ; c’est d'ailleurs une nouvelle preuve de la varia-
büité des Monadiens et de l'impossibilité d'établir pour ces ani-
maux, d'autres divisions que des genres provisoires.
*® MonanE vERTE. — Monas viridis.
Je trouve dans mes notes le dessin d'une Monade verte globu-
leuse munie d’un seul filament, mais j'aurais besoin de revoir cet
Infusoire pour m'assurer que ce ne doit pas être un Thécamo-
nadien.
CYCLIDE. — Cyclidium.
Corps discoïde, déprimé ou lamelliforme , peu variable,
avec un filament plus épais ét roide à la base, agité seu-
lement à l'extrémité.
Ce genre est encore artificiel et en quelque sorte provi-
soire; en effet les vraies Monades, quand ‘elles ont acquis
tout leur développement, peuvent avoir un filament plus
épais à la basé; d'un autre côté, le caractère d’avoir le
corps de forme constante, pourrait provenir dans certains
cas de la présence d’ün tégument, et alors ce serait à la
famille des Thécamonadiens qu’ils devraient être re-
portés.
1. Grove nopuLEUx.—Cyclidium nodulosur.
Corps plat, discoïide, avec des séries de nodules et des va-
cuoles. — Mouvement extrêmement lent. — Longueur 0,048.
Observé le 28 décembre dans de l’eau de Seine gardée depuis
l'été avec des Wyriophyllum.
2. CYGLine coupé. — Cyclidium abscissum. — PI. IV, fig. 11.
Corps membraneux, lamelliforme , ovale , tronqué en arrière,
filament roide , mouvement lent , régulier. — Long. 0,0275.
Observéle 28 décembre dans l'eau de Seine gardée depuis l'été.
DES INFUSOIRES. 387
3. Crouine épais. — Cyclidium crassum, — VA. AI, f. 8.
Corps ovale , épais et arrondi sur les bords; filament épaissi à
sa base et un peu sinueux. Mouvement plus vif en zigzAg. — Lon-
gueur 0,014.
Dans l’eau d’une ornière au nord de Paris, le 11 novembre
1838. Le filament est long de 0/04 et épais de 0,0005 à sa base.
4 CYCLIDE CONTOURNÉE. — Cyclidium distortum. — PI. IV, fig. 12°
Corps ovale, plat, noduleux , et irrégulièrement contourné ave
avec un rebord renflé. — Longueur, 0,014 à 0,023.
Cet Infusoire, qui n’est peut-être qu’un degré de développement
des Mônas lens, se trouvait dans l’eau de Seine gardée depuis trois
mois, et dans jaquelle étaient morts divers Zoophytes'et Systolides.
Lorsqu'il est jeune, il a la forme d'un disque à bord renflé nodu-
leux ; mais quand il est plus grand , il se contourne sur lui-même,
et son mouvement devient alors irrégulier. Quelques individus
offraient un certain rapport de forme avec les Trepomonas, ce
qui tend à faire penser, comme je l'ai déjà dit, que la plupart de
ces Monadiens pourraient être des modifications d'un ou de plu-
sieurs types.
3° GENRE. CERCOMONAS.— Cercomonas.
An. arrondi ou discoïde , tuberculeux, avec un prolon-
gement postérieur variable, en forme de queue, plus ou
moins long , plus ou moins filiforme.
Les Gercomonas ne différent absolument des Monades que
par.un prolongement postérieur, formé par la substance
même du corps qui s’agglutine au porte-objet, et s'étire
plus où moins, de manière à n'être tantôt qu’un tubercule
aminci, tantôt une queue allongée transparente, tantôt en-
fin un filament presque aussi fin que le filament antérieur,
et susceptible d’un mouvement ondulatoire ; mais bien sou -
vent j'ai cru voir les Monades passer par degrés à Pétat de
Cercomonas.
2885 HISTOIRE NATURELLE
1. CERCOMONAS ÉTIREE. — Cercomonas detracta.
Corps discoïde ou oblong, granuleux, à queue épaisse. —
Long. 0,0086 à 0,013 sans la queue et jusqu'à 0,020 avec la queue.
Je l'ai observée, du 16 au 20 janvier 1836, dans une infusion
préparée le 0 décembre avec le contenu des vésicules séminales
du Cobaïe et beaucoup d'eau. Le filament flagelliforme avait plus
de 0,02 et le prolongement caudiforme égalait quelquefois le
diamètre du corps. Dans la même infusion avaient paru d'abord
des Vibrio lincola puis des Monas lens, et plus tard des 4miba
Gleichenit s'étaient développées avec les Cercomonas.
Une infusion de foin préparée le 24 décembre 1835, me mon-
trait déjà, le » et le 5 janvier, des Cercomonas dela même espèce,
quoique beaucoup plus grandes; leur corps était couvertde no-
dosités et souvent creusé de vacuoles ; leur filament avait de 0,02
à 0,03 de longueur ; au grossissement de 300 diamètres ; il parais-
sait aussi épais qu'un cheveu de 0,07 vu à l'œil nu, ce qui porte
sa grosseur réelie à 0,00023.
Une infusion de gomme avec du carbonate de soude, m'a
offert, le auarante-cinquième jour , un Cercomonas de cette
espèce long de o,o10 à 0,014, dont la quene épaisse, peu con-
tractile, oscillait par suite du balancement du corps.
2. CERCOMONAS A QUEUE ÉPAIssE, — Cercomonas crassicauda. —
PA Her.
Corps allongé, noduleux, flexible et de forme variable, plus
ou moins aminel postérieurement en manière de queue. — Lon-
gueur de 0,006 à 0,010.
J'observais au mois de janvier cet Infusoire dans le liquide où
était plongé depuis six jours un tube de verre fermé avec de da
vessie de cochon et rempli d’eau sucrée pour des expériences
d’endosmose ; en même temps il y avait beaucoup de HMonas lens
qui paraissaient susceptibles de s’allonger pour prendre la forme
des Cercomonas.
Dans une infusion de gomme avec de l’oxalate d'ammoniaque
et de Ja limaille de fer, il s'était développé, au bout de trente ou
quarante-cinq jours, des Monades de 0,007 qui s’allongeaient jus-
DES INFUSOIRES. 289
qu'à 0,010 et 0,014, en se fixant par leur partie postérieure et
s'étirant de manière à présenter une longue queue contractile, qui
après s'être détachée se raccourcissait peu à peu et finissait par dis-
paraître; le corps était noduleux, moins transparent.
Une infusion de sucre de réglisse avec du sulfite de soude,
s'était couverte d'une pellicule blanche, et répandait une odeur
fétide ; le quatrième jour (6 février) , elle contenait déjà des Mo-
nades arrondies de 0,006, qui le 8 étaient plus grosses, et pour la
plupart s'allongeaient jusqu'à 0,010 en prenant la forme des Cer-
comonas à queue épaisse.
L’infusion de chenevis broye m'a présenté cette mème espèce
au bout de dix jours en hiver; sa longueur variait de 0,009 à
0,011.
3. CERCOMONAS VERTE. — Cercomonas viridis.
Corps ovoïde, oblong , tuberculeux, verdâtre, prolongé pos-
térieurement en une queue plus ou moins amincie, ou en un lobe
arrondi, Ou en uneexpansion spatulée, diaphane. Longueur 0,048.
Elle était très-abondante dans de l’eau de Seine conservée de-
puis huit jours avec des herbes et divers animaux; sa couleur
verte la distingue de toutes les autres espèces.
4. CERCOMONAS LARME. — Cercomonas lacryma. — PI, 1V, fig. 17.
Corps globuleux inégal, prolongé en une longue queue flexueuse.
— Longueur du corps, 0,005 à 0,009. — Longueur de la queue,
0,010. — Longueur du filament, 0,035.
Il se trouvait abondamment, le 24 décembre 1838, dans une
infusion de gélatine avec nitrate d'ammoniaque, préparée le
26 décembre 1835, et qui avait été réduite par l'évaporation à
la douzième partie du volume primitif ; c'était alors un liquide
brunâtre, limpide , sans saveur et sans odeur.
5. CErcomonwaAs ACUMINÉE.— Cercomonas acuminata.—P]. Il], fig. 10,
et PI. IV, fig. 20.
Corps globuleux ou ovoïde, aminci postérieurement en une
queue courte terminée en fil très-fin. — Long. de 0,01 à 0,014.
Cet Infusoire était le 25 janvier dans de l’eau douce qui, un
INFUSOIRES. 19
290 HISTOIRE NATURELLE
mois auparavant, avait servi au lavage et à la macération d’une
grande quantité d'Algues marines sèches, et qui s'était putréfiée.
—J'ai vu, le 14 mars 1838 , un Infusoire semblable, quoique plus
petit, o,0066, dans une vieille infusion de gélatine et de sel am-
moniac. — Dans une infusion de chair crue préparée depuis deux
mois, j'ai vu ce même Infusoire long de 0,0085 à 0,010, le 16 jan-
vier, avec des Monas lens qui paraissaient être le même ani-
mal plus ou moins développé ; le 22 février, ces Monades avaient
de largeur o,o1.
6. CEncomonas GLOBULE. — Cercomonas globulus. — PI, IV, fig. 16.
Corps globuleux avec deux filaments opposés deux ou trois fois
aussi longs ; l’antérieur plus vivement agité. — Longueur de 0,041
à 0,042.
J'ai observé plusieurs fois cet Infusoire que je crois bien distinct,
dans des eaux de marais longtemps conservées; son corps globu-
leux , creusé de vacuoles, est couvert de tubercules peu saillants,
ses filaments prennent naissance d'un amincissement du corps,
l'antérieur est plus délié, le postérieur est plus roide.
6. CERCOMONAS À LONGUE QUEUE, — Cercomonas longicauda.
Corps fusiforme flexible, terminé en arrière par un long filament
très-dlélié, flexueux, en forme de queue. — Longueur du corps
de 0,008 à 0,009. — Queue longue de 0,015. — Filament flagelli-
forme très-délié, long de 0,05 à 0,02.
Elle vivait, au mois de mars 1838, dans une vieille infusion de
racine de réglisse et de cyanoferrure de potassium, préparée deux
ans auparavant et réduite par l'évaporation au tiers de son vo-
Jume primitif.
Je l'ai vue aussi, le 24 août 1836, dans une infusion préparée le
25 décembre 1835, avec de la gomme. de l'acide oxalique et du
peroxyde de manganèse, et réduite, par l'évaporation, à la sixième
partie de son volume.
L'infusion de pomme de terre crue m'a présenté au bout de
huit jours en hiver, et pendant les deux mois suivants , des Cer-
comonas semblables aux précédentes, mais ayant la queue moins
flexueuse et le mouvement plus lent et plus uniforme.
DES INFUSOIRES. 291
*, Cencomonas rustroRME.— Cercomonas fusiformis.—FPl]. IV, fig. 21.
Corps renflé au milieu , rétréci en avant et prolongé en arrière
en une longue queue amincie. — Longueur, 0,014 sans la queue.
Dans une infusion de mousse,
7. CERCOMONAS cyLixpRiQuE. — Cercomonas cylindrica. — PI. IV,
fig. 19.
Corps cylindrique allongé, rétréci postérieurement et terminé
par une longue queue droite très-mince. — Longueur du corps
0,010.— Largeur, 0,0025 à 0,0053.—Longueur de la queue, 0,10.
Dans une vieille infusion de mousse, ie 2 février 1836.
8. CErcomMoNAs TROoNQUÉE. — Cercomonas truncata. — PI]. IT, fig. 7.
Corps aminci en arrière, tronqué en avant avec un filament
partant de l’un des angles de la troncature , et l’autre angle plus
ou moins prolongé en lobe. Long. de 0,0085 à 0,0140.
Cet Infusoire, dont la queue paraît se fixer comme un pédi-
cule , ce qui donne lieu à un mouvement vif de balancement
jusqu'à ce que cette adhérence ait cessé, se trouvait abondam-
ment, le 11 février, dansune infusion préparée depuis dix jours
avec 1 gr. de gélatine, 1 gr. de phosphate de soude et 75 gr.
d'eau, et répandant une odeur félide. Avec lui se trouvaient
beaucoup de Monades arrondies, larges de 0,006 qui paraissaient
susceptibles de s’étirer pour devenir autant de Cercomonas. Si
j'avais pu apercevoir un second filament à l’angle latéral, j'aurais
regardé cette espèce comme identique avec l’4mphimonas cau-
data.
Dans une infusion de gomme avec du nitrate de potasse, pré-
parée le 12 janvier 1836, je voyaisle 28 février un grand nombre
de Cercomonas tronquées, longues de 0,015, de forme variable, les
unes insensiblement amincies en arricre, les autres avec une queuc
brusquement rétrécie, quelques-unes plus étroites en avant ou
arrondies , etc.
Une autre infusion de gomme avec du nitrate d'urée et de la
19.
292 HISTOIRE NATURELLE
limaille de fer, avait pris au bout de quarante-quatre jours une
couleur rouge et une odeur ammoniacale, mais sa saveur était
nulle ; elle contenait des Monades de 0,0054 susceptibles de s'al-
longer jusqu'à 0,01, et quinze jours plus tard il y avait des Cer-
comonas tronquées longues de 0,014.
9. CERCOMONAS LOBÉE, — Cercomonas lobata. — PI. 111, f. 6.
Corps de forme variable , tuberculeux, portant un filament fla-
celliforme à l'extrémité d'un lobe antérieur et émettant un ou
deux autres lobes ou bras. — Longueur de 0,008 à 0,047.
J'ai vu cet Infusoire au bout de dix jours, le 12 février, dans
une infusion préparée avec 3 gr. de gélatine , 0,83 de sel marin,
0,83 d'oxalate d'ammoniaque , 0,83 de phosphate d'ammoniaque
ét de soude et ;5 gr. d’eau. 11 présentait les formes les plus
variées , et sans son filament locomoteur , on l’eüt pris pour une
Amibe ; le plus grand nombre cependant avaient le prolonge-
ment caudiforme des Cercomonas , mais ils se distinguaient tous
parce que le filament partait de l'extrémité d'un lobe antérieur.
Un autre Infusoire qui pourrait être rapporté à cette espèce
s’est développé au bout de huit jours dans de l’eau où avaient été
lavées et macérées des Algues marines sèches, sa longueur était
de 0,01 , il émettait latéralement en nageant des prolongements
variables comme ceux des Amibes.
4° Genre AMPHIMONAS. — Amphimonas.
An. de forme irrégulière variable, ayant au moins deux
filaments, dont un antérieur et l’autre latéral, naissant
d’un amincissement du corps, ou tous deux latéraux, avec
ou sans prolongement caudiforme.
On ne doit voir dans ce genre, comme dans le précédent,
qu'une distinction artificielle pour aider à désigner certaines
formes de Monadiens qui, bien loin d’être rigoureusement
Jimitces, paraissent paster les unes aux autres.
DES INFUSOIRES. 293
1. AMPHIMONAS VARIE. — Æmphimonas dispar. — PI. li, fig. 9.
Corps oblong , de forme très-variable , rétréci indifféremment à
une de ses extrémités, ou prolongé latéralement en deux filaments,
ou présentant ses deux filaments rapprochés à l'extrémité anté-
rieurc, mouvement vif de tremblottement—Long. 0,0066 à 0,0092.
Une infusion de racine de réglisse avec du sulfate de soude pré-
parée depuis deux ans et réduite au tiers de son volume par l'éva-
poration spontanée, m'offrait le 19 mars 1838, un grand nom-
bre de ces Infusoires des formes les plus variées et qui changeaient
de forme à chaque instant, en s'agitant vivement dans le liquide.
Les deux filaments étaient semblables, leur longueur était de
0,018 à 0,025.
2. AMPHIMONAS A QUEUE.— Amphimonas caudata. (1}—P1. VII, fig. s.
Corps de forme très-variable ordinairement déprimé , tubercu-
leux, convexe d’un côté, anguleux du côté opposé, avec un fila-
ment partant du sommet de chaque angle.—Long. 0,042 à 0,020.
Cette espèce, qui me paraît pouvoir être rapportée à la Cercaria
gibba de Müller, ou au Bodo saltans de M. Ehrenberg, s'était dé-
veloppée en quantité considérable, le 12 janvier 1836, dans une
infusion préparée le 26 décembre avec 1 gr. de gélatine et 0,66
d'oxalate d'ammoniaque dans 128 gr. d'eau, et répandant une
odeur faible de fraises pourries ; sa forme était très-variable; quel-
quefois c'était un triangle irrégulier ayant un de ses côtés en arc
convexe et les deux autres en arc concave, ou bien c'était la figure
d'une virgule ou d'une spathule, etc. Mais dans tous les cas, je
voyais bien nettement deux filaments flagelliformes, l'un à l'angle
antérieur , l’autre terminant l'angle latéral dont il semblait être
le prolongement. Le prolongement caudiforme , tantôt obtus, tan-
tôt aminci et plus étiré, m'a paru susceptible de devenir aussi un
troisième filament, souvent il s'agglutine à Ja plaque de verre du
porte-objet , et c'est précisément alors qu'il s'étire davantage ; le
(1) Voyez Annales des Sciences naturelles , avril 1836, PI. 9, fig. G.
Cercaria gibba ? Müller, PI. XVII, fig, 2.
Bodo saltans? Ehr, Inf, PI 11, fig. 11.
29%. HISTOIRE NATURELLE
mouvement simultané des deux filaments donne à l'animal un
mouvement saccadé tout particulier.
* AMPHIMONAS A ras. — Æmphimonas brachiata, — PI. IV, fig. 10. *
Jé signale sous ce nom un Monadien que je n'ai rencontré
qu'une seule fois en 1839 , dans une eau de marais conservée de-
puis longtemps; il paraît être le résultat de quelque mutilation
ou de quelque altération de forme , mais, par cela même, il doit
mieux faire comprendre la vraie nature des diverses expansions.
Cet Infusoire était formé d'une masse ovoïde ou pyriforme de
substance glutineuse remplie de granules, et émettant de son
extrémité antérieure plus étroite, un filament flexueux simple et
un lobe variable renflé et palmé, d’où partaient deux autres fila-
ments agités d'un mouvement ondulatoire : il se mouvait par
saccades et en tournoyant. Le lobe latéral qui changeait de forme
à chaque instant était évidemment analogue aux expansions des
Amibes, et les filaments eux-mêmes étaient des prolongements
de ce lobe,
5° GENRE. TREPOMONAS. — Trepomonas.
An. à corps comprimé plus épais et arrondi en arrière,
contourné en ayant en deux lobes amincis, infléchis laté-
ralement, et terminés chacun par un filament flagelli-
forme , d'où résulte un mouvement de rotation très-vif et
saccadé.
Les Trepomonas, quoique très-communs dans toutes les
eaux de marais conservées avec des herbes et déjà putréfices,
sont de tous les Monadiens, les plus difliciles à bien con-
naître , à cause de l’irrégularité de leur forme et de la rapi-
dité de leurs mouvements. Aussi j'ai plutôt aperçu que je n’ai
réellement vu leurs filaments flagelliformes , et j'ai vaine-
ment essayé bien des fois de les dessiner exactement,
1. TREPOMONAS AGILE. — Trepomonas agilis. — PI, III, fig. 14.
Corps granuleux , inégal. — Long. de 0,022.
Dans les eaux de marais putréfiées.
DES INFUSOIRES. 3295
6 Genre. CHILOMONAS. — Chilomonas.
An. à corps ovoïde oblong, obliquement échancré en
avant, et portant obliquement en avant un filament très-
délié qui naît du fond de l’échancrure. — Mouvement en
tournant d'avant en arrière sur son centre.
C'est avec doute que je rapporte au genre Chilomonas
de M. Ehrenberg lInfusoire que je nomme ainsi. Le mode
d'insertion de son filament, en arrière d’une partie saillante
comme une lèvre, le rapproche des Euglènes et de certains
Thécamonadiens ; mais je n’yai pu reconnaître aucune trace
de tégument, ni contractile, ni résistant.
1. CHILOMONAS GRANULEUSE, — Chilomonas granulosa. — PI. III,
fig. 1°,
Corps oblong, plus large en avant, de forme presque inva-
riable , quoique de consistance glutineuse , rempli de granules qui
paraissent faire saillie à la surface. — Filament flagelliforme très-
délié, partant d’une échancrure oblique. — Longueur de 0,028
à 0,050. — Longueur du filament 0,05.
Cet Infusoire incolore, mais rendu trouble par les granule
nombreux qu'il contient, se meut en tournant d'avant en arriére,
ce qui provient du mode d'insertion du filament. Je l'ai trouvé
dans une infusion de mousses.
2, CHILOMONAS OBLIQUE. — Chilomonas obliqua.
Corps ovoïde ou pyriforme, noduleux , de forme variable , avec
un filament naissant latéralement. — Long. 0,0095.
11 était dans une infusion de sucre et de nitrate d’urée, préparée
depuis le 26 décembre 1835 , et qui se trouvait réduite, par l’éva-
poration spontanée, au huitième de son volume, le 19 mars 1858.
Avec lui se trouvaient des granules de ferment et des sporules de”
moisissures.
296 HISTOIRE NATURELLE
7e Genre. HEXAMITE. — examita.
An. à corps oblong arrondi en avant, rétréci et bifide
ou échancré en arrière. Deux ou quatre filaments flagelli-
formes, partant isolément du bord antérieur ; les deux lobes
postérieurs prolongés en filaments flexueux.
Ce genre, caractérisé par la multiplité des filaments mo-
teurs, me paraît bien distinct des précédents; les espèces
qu’il contient se développent dans les eaux de marais putré-
fiées ou dans l’intestin des Batraciens, mais non dans les
infusions artificielles.
1. HEXAMITE NODULEUSE. — Hexamita nodulosa. — PI], II, fig. 16.
Corps oblong avec trois ou quatre rangées longitudinales de no-
dules, dont les deux latérales prolongées dans un lobe étiré et
terminé en filament. Mouvement vacillant. — Long. 0,012 à 0,016.
Cet Infusoire, que j'ai décrit et figuré dans les Annales des
sciences naturelles ( tome 9, 1838) se trouvait, le 30 mars 1838,
dans de l’eau recueillie à l'étang de Meudon , depuis huit jours, et
déjà gâtée quoique beaucoup d'animaux y vécussent encore. I]
montre quelquefois des vacuoles à l'intérieur, et la rangée moyenne
de nodules est susceptible de se prolonger en nn lobe postérieur
intermédiaire. |
" HEXAMITE ENFLÉE, — Hexamita inflata.
Corps ovale-oblong , rendu presque quadrangulaire par des pro-
longements d'où partent les filaments. — Long. de 0,047 à 0,020.
J'observais, le 12 avril et le 10 mai de la même année, dans
d'autre eau putréfiée venant aussi de l'étang de Meudon, de
Hexamites qui doivent peut-être ronstituer une espèce distincte ;
le corps , creusé de vacuoles nombreuses , est uniformément ren-
Îlé sans nodosilés ; au lieu d'être bifide en arrière , il est seulement
échancré et les deux angles postérieurs sont prolongés en fila-
DES INFUSOIRES. 997
—
ments flexueux bien visibles. Je n'ai pu voir en avant les quatre
filaments flagelliformes de l'espèce précédente , les deux latéraux
seuls étaient toujours visibles.
2. HEXAMITE INTESTINALE. — Hexamita intestinalis.
Corps fusiforme prolongé en queue bifide. — Long. 0,012.
Cet Infusoire se rencontre très-fréquemment dans l'intestin
et dans la cavité péritonéale des Batraciens et des Tritons. Les
deux filaments de sa queue sont assez distincts; il se meut
suivant une direction rectiligne, en vacillant de côté et d'autre.
8° Genre. HÉTEROMITE. — Heteromita.
An. à corps globuleux ou ovoïde, ou oblong, avec deux
filaments partant du même point en avant ; l’un, plus délié
et agité d’un mouvement ondulatoire, détermine la pro-
gression en avant; l’autre, plus épais, flotte librement en
arrière, ou s’agglutine cà et là au porte-objet, pour pro-
duire en se contractant un mouvement brusque en ar-
rière.
Les trois familles des Monadiens, des Thécamonadiens et
des Eugléniens, renferment des Infusoires qui offrent ce
caractère bien remarquable d’avoir à la fois un filament fla-
gelliforme, dont l'agitation continuelle détermine le mou-
vement en avant, et un autre filament, partant du même
point, plus épais, non agité d’un mouvement ondulatoire ,
mais flottant ou trainant, et s’agglutinant au gré de l'animal
sur quelque corps solide, pour y trouver un point d'appui
et ramener tout à coup en se contractant l’animal en arrière,
On sera donc exposé à confondre des Infusoires de ces trois
familles, si l’on ne parvient à reconnaître d’abord la pré-
sence d’un tégument résistant ou contractile.
Les mêmes indices qui permettent de penser que tel Mo-
nadien est dépourvu de tégument, l'apparence glutineuse de
la masse entière du corps , la faculté de s’agglutiner et de
298 HISTOIRE NATURELLE
s'étirer, la présence à l’intérieur de certains corpuscules qui
n’ont pu y pénétrer que par suite de la formation des va-
cuoles à la surface; tous ces indices feront rapporter au
genre Hétéromite, un Infusoire à filament traînant rétrac-
teur, qui, dans le cas contraire, eût été un Hétéronème ou
un Anisonème.
Le rôle différent de ces deux filaments locomoteurs, en
apparence organisés de même, ou, pour mieux dire, n’of-
frant l’un et l’autre aucun indice de structure interne, doit
jeter un nouveau jour sur la question de l’organisation des
Infusoires en général, et fournit un nouvel exemple de l’ex-
tensibilité et de la contractilité de la substance glutineuse
homogène dont ces animaux sont formés.
1. HérÉROMITE Ovoire. — Heteromita ovata (1), PI, IV, fig. 22
Corps oviforme, plus étroit en avant , contenant des vacuoles,
des granules et des navicules. — Long. de 0,027 à 0,085,
J'ai trouvé cette espèce, le 12 octobre 1837, dans l'eau de Seine,
au milieu de plantes aquatiques ; une vacuole creusée pres de la
base des filaments aurait pu être prise pour une bouche, mais
dans divers individus cette vacuole occupait une autre place. Le
filament flagelliforme, deux ou trois fois aussi long que le corps,
s'agitait dans toute sa longueur, son épaisseur était à peine de
0,0006 ; le filament traïnant, quatre fois aussi long que le corps,
était épais de o,0012 , quelquefois, il flottait librement, mais plus
souvent aussi, il se collait çà et là sur la plaque de verre du porte-
objet, et formait une ligne brisée dont chaque angle répondait à
un des points d’adhérence. Quand ce dernier filament était flot-
a 4, OURS 7. DRM ee LL
(1) Bodo grandis , Ehr, Infus. PI, II, fig. 12, p, 34.
C'est yraisemblablement notre espèce que M. Ehrenbergnomme ainsi,
et qu'il décrit comme ayant «le corps oblong , arrondi aux deux ex-
trémités, long de 0,031 , hyalin , avec une queue sétacéé , roide , at-
tachée au ventre , et de grands estomacs. » 11 cite les Drs Werneck et
Focke , comme ayant également observé cet Infusoire auquel il veut
attribuer des ovaires et un testicule ovale.
Ses autres Bodos ne sont point des Hétéromites, mais des Cercomonas
ou Æmphimonas mal observés.
DES INFUSOIRES, 299
tant, il réglait à la manière d’un gouvernail le monvement pro-
duit par le filament flagelliforme, et l'animal nageait lentement
et uniformément en avant. Quand le filament s’agglutinait, il re-
tenait à la manière d’un câble l’'Infusoire qui s'agitait plus vive-
ment, ou bien se contractant tout a coup, il le retirait brusque-
ment en arrière.
Le 18 mars 1838, je retrouvai dans une fontaine, au sud de
Paris, cette Hétéromite plus petite (0,027) et contenant encore
des navicules et des granules nombreux,
2. HÉTÉROMITE GRANULE, — Heteromita granulum. PI. IV, fig. 23,
Corps globuleux à surface granuleuse. — Long de 0,011. —
Marin.
. Je l’observais, au mois de mars, dans de l’eau de mer conservée
depuis quatre jours avec des Corallines et déjà un peu altérée; le
filament trainant était aussi mince que le filament flagelliforme.
3.? HÉTÉROMITE ÉTROITE. — Âeteromita angusta. P1, VI, fig. 24.
Corps étroit, lancéolé, légèrement flexueux, aminei aux deux
extrémités, avec un filament flagelliforme et un second filament
partant du même point, dressé en avant à sa base et flottant dans
le reste de sa longueur. — Long de 0,026.
Je range avec doute dans le genre Hétéromite cet Infusoire que
j'observais le 14 avril 1838 dans de l’eau recueillie à l'étang de
Meudon, et déjà putréfiée: son corps, en forme de feuille lancéo-
lée avec unerainure ou un pli longitudinal, était aminci aux deux
extrémités et terminé en avant par deux filaments, dont l’un, plus
délié , s’agitait dans toute sa longueur, et dont l’autre, roide et
dirigé obliquement en avant pour le premier tiers de sa longueur,
était flexueux et flottait dans le reste comme un fouet où une
ligne de pêcheur.
9° Genre. TRICHOMONAS. — Trichomonas.
Corps ovoïde ou globuleux, susceptible de s’étirer en
s’agglutinant au porte - objet, et présentant quelquefois
300 HISTOIRE NATURELLE
ainsi un prolongement caudal. — Un filament flagelliforme
antérieur est accompagné d’un groupe de cils vibratiles.
1. Tricaomonas vacinar.— Trichomonas vaginalis.—Pl.IV, fig. 13.
Corps glutineux, noduleux, inégal, creusé de vacuoles ; s'agglu-
tinant souvent à d’autres corps. Mouvement vacillant.—Long. 0,01.
Cet Infusoire, qui vit dans le Mucus vaginal altéré, a été ab-
servé d'abord par M. Donné qui me l'a communiqué. Il forme
des groupes irréguliers avec d’autres animalcules de son espèce
et avec des parcelles de mucus, et d'ailleurs par lui-même, en
raison de la consistance glutineuse de son corps, il adhère au
porte-objet et, continuant à s'agiter, il étire en maniere de queue,
une portion de sa substance. Le filament flagclliforme qu'il porte
en avant est flexueux, plus épais à la base et long de 0,028 à
0,033 ; sept ou huit cils vibratiles accompagnent ce filament,
rangés d'un côté à partir de sa base. Le corps est souvent creusé
de vacuoles.
2. TRICHOMONAS DES LIMACES.—T'richomonas limacis.—P]. IV, fig. 14.
Corps ovoïde lisse, prolongé en pointe aux deux extrémités et
terminé en avant par un filament fiagelliforme, de la base duquel
part une rangée de cils vibratiles dirigés en arrière. Mouvement
assez vif en avant et en tournoyant sur son axe. — Long. 0,045.
Je l'ai trouvé dans l'intestin de la Zimax agrestis. 1] présente
ordinairement des vacuoles régulières nombreuses.
10e GENRE. UVELLE. — Uvella.
An. globuleux ou ovoïdes, pourvus d’un seul filament fla-
gelliforme, et vivant agrégés en masses sphériques qui se
meuvent librement en tournant dans le liquide.
Les Uvelles sont des Monades habituellement agrégées et
bien reconnaissabies dans cet état, mais qu’on ne peut nul-
lement distinguer de ces Infusoires simples , quand sponta-
nément ou par accident elles se sont elles-mêmes désagré-
gées et quand elles se meuvent isolément dans le liquide.
M: Ehrenberg admet que les Uvelles vivent alternativement
DES INFUSOIRES. 901
agréées et isolées, et qu’elles changent plusieurs fois leur
manière d’être, Je n’ai rien vu qui me permette de penser
qu'il en puisse être ainsi. Les Uvelles désagrégées ne m'ont
point paru couserver une tendance à s’agréger de nouveau ;
et je regarde comme tout à fait fortuites les réunions de
certains Monadiens à corps glutineux, qu’on voit quelque-
fois dans les infusions remplies de ces animalcules.
1. UvELLE vEnDaTRE. — Uvella virescens. B ory(1).
Corps ovoides, verdâtres , longs de 0,015, réunis en groupes
serrés de 0,09 à 0,041.
Je l'ai observée en août 1838 dans de l’eau de l'étang du Plessis-
Piquet, où étaient mortes des Spongilles. Müller l'avait trouvée ra-
rement parmi les Lemna polyrhiza au mois d'août. M. Ehrenberg
avait cru d'abord voir ces Uvelles munies d'une couronne de cils
vibratiles, et il les représente encore ainsi dans son histoire des
Infusoires (pl. 1, fig. 26) ; mais dans le texte, il exprime l'opinion
qu'il pourrait y avoir seulement deux trompes flagelliformes,
comme chez d’autres espèces analogues ; quant à moi, je n'y ai
pu voir qu'un filament unique. Ce même auteur, qui n’a pu faire
absorber d’indigo à ces Infusoires, suppose que leur couleur verte
est produite par leurs œufs, et qu'une tache claire, dont parle
Müller, est ou la bouche, que lui-même, dit-il, a vue aussi, ou le
testicule qu'il n'a pu reconnaître.
2. UvELLE Rosace, — Uvella rosacea. Bory (2).
Corps globuleux incolores , longs de 0,008, réunis en groupes
lâches de 0,025.
(1) Folvax uva, Müller, PI. IT, fig. 17, 21.
Uvella virescens, Bory, Encycl. 1824.
Uvella flavoviridis, Ehr. 1831, mém. acad. Berlin.
Uvella virescens, Ehr. Infus. PI. I, fig. 26.
(2) Chaos. Gleichen, Inf. PI. XVII.
Volvox socialis, Müiler, PI. TL, fig. 8, 9.
Uvclla rosacca, Bory, 1824. Encyelop.
Volvox slaucoma, Hemp. et Ehr. 1828, Symb. Physica, PI IL.
Monas glaucoma, Ehr. 1820.
Urcllu slaucoma, H. et Ehr. 1831.
302 HISTOIRE NATURELLE
Müller, qui observa cette espèce dans de l'eau conservée depuis
un mois avec des Chara , la distingue par l’écartement mutuel des
corpuscules agrégés ; M. Ehrenberg, qui sous le nom d’Upella ato-
mus, veut réunir les Monas atomus et Monas lens de Müller et
dubitativement le Y’olvox socialis du même auteur , lui donne
pour caractère d'être d'un naturel vorace, d’avoir de grands es-
tomacs qui se remplissent aisément d'indigo dans les expériences
de coloration artificielle ; 1l attribue en outre une double trompe
flagelliforme à chaque animalcule.
* Polytoma uvella, Ehr. (1).
Le genre Polytoma de M. Ehrenberg diffère des Uvelles
suivant cet auteur, parce que les animaux au lieu d’être
alternativement libres et fixés, forment primitivement une
agrégation par suite de leur mode de division spontanée
en long et en travers : ils sont, dit-il, pourvus d’une trompe
flagelliforme double et d’une bouche terminale tronquée.
La seule espèce qu’il rapporte à ce genre a été décrite par
Müller sous le nom de Jonas uva; elle présente des agré-
gations larges de 0,07 formées d'animaux longs de 0,012 à
0,023, et se trouve seulement dans l’eau putréfiée.
41° Genre. ANTHOPHYSE, — Anthophysa.
An. ovoides ou pyriformes, munis d’un seul filament
flagelliforme, et agrégés à l'extrémité des rameaux d’un
support ou polypier, ramifié, sécrété par eux.— Groupes
devenus libres, semblables aux Uvella.
Il est fort difficile de distinguer une Uvelle et une Antho-
physe devenue libre, mais on ne peut conserver de doutes
ai l’on voit en même temps dans le liquide quelques-uns des
(1) Monas uva, Müller , PL 1, fig. 12, 13.
Spallanzani, p. 209, PL If, fig. 15, B, C, D.
Uvella chamæmorus, Bory , 1824, Encycel.
Monas polytoma , Ehr. 1830, Mém. acad. Berlin.
Polytoma uvella , Ehr, 1858. Infus. PL, x, fig. 32.
DES INFUSOIRES. 303
supports rameux des Anthophyses. Ces supports, en forme
de petits arbustes irréguliers, brunâtres à la base, sont
d’une couleur plus claire, et même diaphanes à l'extrémité
des rameaux qui paraissent noduleux ou raboteux ; ils sont
sécrétés par les animalcules, et on les voit fixés aux parois du
vase où l’on a mis depuis peu de temps l’eau contenant ces
Infusoires. Chaque groupe d’animalcules est d’abord fixé à
l'extrémité diaphane du rameau qui l’a sécrété; mais l'agi-
tation du liquide ou quelque choc brusque l'en détache
aisément, et alors il se meut en tournoyant dans le liquide.
Ce mouvement est le résultat de l’action simultanée des fila-
ments flagelliformes dont chaque animal en particulier est
pourvu ; fe sque d’ailleurs quelque groupe. a été désagrégé
par accident ou spontanément, on voit des individus olée
se mouvoir comme des Monades à filament simple.
Le support formé de rameaux , qui d’abord mous et glu-
tineux, deviennent peu à peu plus consistants, brunûâtres
et d'apparence cornée, et semblent ne plus participer à la
vie des animalcules , doit donner une idée du mode de for-
mation de la charpente fibreuse de certaines éponges. On
conçoit d’ailleurs que les rameaux se bifurquent là où les
groupes d'Infusoires se divisent eux-mêmes par suite de la
multiplication de ces animaux.
On ne connaît encore qu’une seule espèce d’Anthophyse.
Müller la rangea parmi les Volvox ; M. Bory en fit le genre
Anthophyse, qu’il classa dans son sous-règne Psychodiaire ;
M. Ehrenberg , qui sans doute ne l’a pas étudiée avec soin,
la place dans son genre Æpisty lis au milieu des Vorticelliens
les plus parfaits.
1. ANTuoruyse DE Muicer. — Anthophysa Mülleri. Bory (1). —
PL. IL, fig. 17 et 18.
Support irrégulièrement ramifié ; animalcules pyriformes plus
épais en avant. — Longueur des tiges , 0,1 à 0,2; épaisseur des ra-
QG) Volvox vegetans , Müller , Infus. PI, TI, f. 22-925,
Epistylis ? vegetaus, Ehrenb. Infus. PI XXVIL, Fe 5,
= —
304 HISTOIRE NATURELLE , à
meaux, 0,006 ; largeur des groupes, 0,024 à 0,032; Loue d'un
individu isolé , 0,010. 4
Je l'ai trouvée souvent dans l'eau de Seine; le 10 août 1834,
j'avais mis dans un petit bocal des cailloux recouverts de Conferves
et pris au fond de la Seine, le lendemain je vis déjà des Antho-
physes fixées aux parois. Le 11 octobre 1837, de l'eau avait été
prise dans ce même fleuve avec des Conferves; cinq jours après,
elle était déja altérée et sentait mauvais, cependantles Anthophÿses
s’y trouvaient abondamment. Müller l'avait observée dans l’eau
de rivière au mois de novembre. Les Animalcules isolés ont une
forme très-variable , ovoïde ou pyriforme ou renflée.
DES INFUSOIRES, 305
APPENDICE AUX FAMIZLLES
DES AMIBIENS ET DES MONADIENS.
ORGANISATION DES ÉPONGES.
Quand on déchire des éponges d’eau douce ou spon-
gilles vivantes, et qu'on soumet au microscope les
parcelles flottantes et celles qui adhèrent à la plaque
de verre, on reconnaît que ces parcelles (PI. III,
fig. 19-b) sont pour la plupart munies de filaments
vibratiles d’une ténuité extrême , analogues à ceux des
Monadiens, et qu’elles ont en outre la faculté d’émet-
tre des expansions variables en lobes arrondis, comme
certaines Amibes ; ce sont surtout les parcelles dépour-
vues de filaments vibratiles et reposant sur la pla-
que de verre (PI. ITT, fig. 19, a. a.), qui rampent à
la manière des Amibes au moyen de ces expansions
diaphanes arrondies ; les autres nagent dans le liquide,
ou bien, si elles reposent sur la plaque de verre, l’a-
gitation continuelle qu’elles éprouvent empêche que
leurs expansions ne soient aussi visibles. Toutes ces
parcelles de spongille renferment des granules colorés
et ordinairement verts, qui se comportent comme
la chromule des végétaux, et que dans aucun cas,
je crois, on ne peut nommer les œufs de ces spon-
gilles. En effet, on voit paraître à une certaine épo-
que de l’année , dans les spongilles, de nombreux glo-
bules jaunâtres, larges de deux tiers de millimètre
environ, et qui sont les corps reproducteurs de ces
êtres. D'autres corps reproducteurs émis par ces
mêmes spongilles, suivant les observations de M. Lau-
rent, sont couverts de cils vibratiles , comme les corps
INFUSOIRES. 20
306 HISTOIRE NATURELLE
reproducteurs des éponges marines, et se meuvent
dans le liquide jusqu’à ce qu'ils se soient fixés pour
se développer en éponges. Dans plusieurs éponges
marines, et notamment dans une masse charnue en-
croûtant la base du Fucus digitatus sur les côtes de
la Manche, j'ai vu des parcelles, isolées par le déchi-
rement de la masse , se mouvoir aussi à la manière des
Amibes ; et d’ailleurs M. Laurent a vu des lobes ou
fragments spontanément émis par les spongilles offrir
ces mêmes caractères.
On ne peut sans doute penser que les éponges soient
des amas d'Infusoires intermédiaires entre les Amibes
et les Monades ; tout, au contraire, tend à prouver qu’il
y à dans ces êtres une vie commune. Ainsi M. Laurent
a observé et m'a fait voir, à l’extérieur des jeunes
spongilles, des expansions diaphanes membraneuses
en forme de mamelons ou de tubes, dans lesquels se
produit un courant de liquide; et cette observation
bien exacte ne peut se concilier avec les précédentes,
qu'en admettant que cette même partie vivante com-
mune peut être divisée en parcelles qui conservent la
vie temporairement au moins, en offrant les mêmes
phénomènes que certains Infusoires. Ainsi , de part et
d'autre, dans les éponges comme dans les Amibiens et
les Monadiens, s’observerait la même simplicité d’or-
ganisation; ce serait toujours une substance glutineuse,
homogène, susceptible d'émettre des expansions va-
riables ou des filaments vibratiles.
Quant à la production des filaments cornés ou des
spicules des éponges, elle serait analogue à la produc-
tion du support rameux des Anthophyses et du têt des
Rhizopodes et des T'hécamonadiens qu’on voit dansles
divers genres corné ou calcaire, ou même siliceux
22
DES INFUSOIRES. 307
VIe FAMILLE.
VOLVOCIENS.
Animaux sans organisation interne appréciable,
sans bouche, pourvus d'un ou de plusieurs filaments
flagelliformes , et réunis par une enveloppe commune,
ou pourvus d'enveloppes propres qui se soudent en ure
masse commune.
Les Volvociens paraissent généralement aussi sim-
plement organisés que des Monadiens qui seraient
fixés dans une masse commune comme un polypier ; ou
plutôt ce sont des Thécamonadiens, dont les enve-
loppes, plus épaisses et plus molles, se soudent en
une masse commune à mesure que ces animalcules se
multiplient par division spontanée. On connaissait de-
puis longtemps le Volvox, type de cette famille ; il
avait excité l'admiration de Leeuwenhoek, de Rôsel,
de Degeer, de Spallanzani , de Müller, etc. ; mais c'est
à M. Ehrenberg qu’on doit, dans ces dernières années,
une connaissance plus complète de sa structure. Ce
n’est point un seul animal comme on l'avait cru ; c’est
une agrégation d’animalcules occupant la surface
d'une masse glutineuse, diaphane, d’abord pleine,
puis offrant en son centre une cavité que vient oc-
cuper l’eau à mesure que la surface s’'augmente par
suite de la multiplication des animalcules , et dans la-
quelle se développent , sous forme de boules plus pe-
tites et plus compactes, de nouvelles agrégations
d'animalcules semblables. Chacun de ces animalcules,
de consistance molle, coloré en vert ou en jaune bru-
nâtre, est pourvu d’un ou de deux filaments flagelli-
20.
308 HISTOIRE NATURELLE
formes qu'il agite continuellement au dehors de la
masse ; d'où résulte , à la surface externe, un mouve-
ment vibratile irrégulier, très-difficile à reconnaître,
qui détermine le mouvement général assez lent de ro-
tation et de translation de la masse. Une petite tache
irrégulière rouge, dans chacun des animalcules, a été
prise pour un œil par M. Ebrenberg , et lui a fourni
un caractère distinctif pour plusieurs de ses genres de
Volvociens.
Les caractères que nous venons de tracer sont ceux
des Volvox proprement dits; un autre genre, Pando-
rina, en diffère parce que tous les animalcules forment
un ou plusieurs groupes au centre d’une masse globu-
leuse diaphane, au lieu d’être répartis à la surface.
Un troisième genre, Uroglena, présente des animal-
cules retenus au centre d’une masse globuleuse dia-
phane servant d’enveloppe commune, par un prolon-
sement caudiforme qui leur permet d’agiter à la
surface leurs filaments flagelliformes. Dans un qua-
trième genre, Gonium, les animalcules , en se multi-
pliant par division spontanée, restent agrégés en une
plaque quadrangulaire, souvent régulière. Un cin-
quième genre enfin, Syncrypta , se distinguerait, sui-
vant M. Ehrenberg , par l'existence d’une double enve-
loppe; savoir, une enveloppe propre à chaque animal-
cule, et une enveloppe glutineuse commune ; mais
peut-être doit-on le reporter parmi iles Thécamona-
diens , comme notre 7'étrabæna.
Müller institua le genre Gonium, et y plaça, avec
l'espèce qui nous sert de type, quelques Infusoires fort
douteux. Il adjoignit au f’olvox globator de Linné
une Pandorine sous le nom de Wolvox morum, et plu-
sieurs autres espèces douteuses ou tout à faitétrangères
à la famille des Volvociens.
DES INFUSOIRES. 309
M. Bory forma un genre Pandorina pour le Folvox
globator et la Pandorina morum , et le prit pour type
de sa famille des Pandorinées, qui comprend à la fois
le genre Pectoraline, institué pour le vrai type du
genre Gonium ; et le genre Uvella , que nous plaçons
avec les Monadiens. Cet auteur créait en outre une
famille des Volvociens avec les mauvaises espèces de
Volvox de Müller, formant ses genres Gygès et Volvox,
auxquels ilajoutaitle genre Enchelys, qui n’a avec eux
aucun rapport.
M. Ehrenberg , en 1830, placait les genres Gonium ,
V’olvox et deux autres genres nouveaux, très-voisins du
Volvox, dans sa famille des Peridinæa, laquelle, paral-
lèlement aux Cyclidina, devait contenir des Infusoires
cuirassés de la deuxième section des Polygastriques
anentérés , ou des Épitricha , ayant pour caractère le
corps cilié, la bouche tantôt ciliée, tantôt nue, etc.
C’est qu'alors cet auteur regardait encore un Volvox ,
un Gonium, etc., comme un animal unique pourvu
de cils à sa surface , etc. ; mais dans son troisième mé-
moire (1833), il modifia sa classification d’après des ob-
servations plus exactes. Séparant les Volvocina des
Peridinæa, il en fait une famille placée à la suite de ses
Cryptomonadina parallèlement aux Monadina, c'est-
à-dire dans la série des Infusoires cuirassés , en leur at-
tribuant un corps spontanément divisible dans une cui-
rasse qui estcommune à plusieurs et susceptible de des-
truction. Il y plaçait alors dix genres, divisés suivant
la présence ou l’absence de la tache rouge qu’il nomme
œil ; savoir, les Gygès, Pandorina, Gonium , Sphæ-
rosira, Syncrypta et Synura, qui n'ont point d'œil ou
de tache rouge; et les Chlamidomonas, Eudorina ,
Polvox et Uroglena, qui en sont pourvus. Il déclarait
310 HISTOIRE NATURELLE
alors que ce ne sont point des Polygastriques épitri-
ques , comme il l'avait cru d’abord , mais des Gymni-
ques nus, agrégés, pourvus chacun d'une trompe
filiforme qu'ils agitent d’un mouvement ondulatoire ;
et qu'en conséquence on ne doit point supposer une
bouche unique au globule entier formé par une telle
agrégation d'animalcules : c’est alors chacun de ces
animalcules en particulier qui a une bouche, un ap-
pareil digestif, des œufs, etc.
En 1838 (Infusionsthierchen, pag. 49), l’auteur
conserve les mêmes genres dans sa famille des Volvo-
cina, en les caractérisant d’une manière différente,
d'après la découverte des yeux ou points rouges dans
les Sphærosira, et la présence d’un double filament
dansles, Ÿ’olvox et Chlamidomonas. Ainsi, dans une
première division, sont les Volvocina sans œil; les
uns , sans queue, forment, s'ils ont une cuirasse sim-
ple, les trois genres Gygès, Pandorina et Gonium ;
les deux premiers étant de forme globuleuse, le premier
seul, sans trompe ou filament flagelliforme , et le troi-
sième étant comprimé en forme de tablette. Le genre
Syncrypta comprend ceux qui ont une cuirasse dou-
ble : ceux qui ont une queue constituent le genre
Synura.
Les Volvocina pourvus d’un œil se partagent en cinq
genres d’après leur mode de division spontanée; si cette
division est uniforme, simple, sans donner lieu à la for-
mation de gemmes ou de groupes internes, ce sont ou
des Uroglena, pourvus d’une queue; ou des Eudorina,
si, manquant de queue, ils ont une trompe simple,
ou des Chlamidomonas, s'ils sont sans queue et avec
deux trompes. Si, au contraire, la division spontanée
n'a pas lieu uniformément , et s’il en résulte des gem-
DES INFUSOIRES. 311
mes ou des globules internes, ce sont, ou des Sphæ-
rosira qui n’ont qu’une seule trompe, ou des ’olvox
qui en ont deux. |
Dans la définition actuelle, M. Ehrenberg dit que
ses J’olvocina sont des « Polygastriques anentérés,
gymniques , à corps uniforme, semblables à des Mo-
uades, mais pourvus d’une enveloppe ou d’une cui-
rasse sous laquelle ils éprouvent une division sponta-
née complète, d’où résulte une sorte de polypier ;
cette cuirasse se rompant enfin, les animalcules deve-
nus libres recommencent ce même cercle de dévelop-
pement. » Ensuite, dans les remarques subséquentes,
il mentionne l'existence du filament simple ou double
qu'il nomme une trompe; il considère comme produite
par des œufs très-nombreux de grandeur égale, la co-
loration ordinairement verte de ces animaux ; il dit
avoir vu les organes mâles sous la forme de deux glandes
ovales bien distinctes dans les genres Gonium , Chla-
midomonas, Volvox et Uroglena, et avoir vu en ou-
tre des vésicules séminales contractiles dans les trois
premiers de ces genres; quant aux estomacs, il ne les
a vus, dit-il, que d'une manière douteuse.
En admettant même cette définition, nous croirions
devoir séparer de la famille des Volvociens les genres
Gygès et Chlamidomonas , pour les joindre aux 'Fhé-
camonadiens ; et nous le ferions mieux encore d’après
notre propre définition, qui veut que les vrais Volvo-
ciens soient réunis par une enveloppe commune, ou
pourvus d’enveloppes particulières soudées entre elles.
Ne pouvant d’ailleurs attribuer aux taches rouges la
signification et l’importance que leur donne M. Ehren-
berg, nous sommes conduits à réunir ses Eudorina aux
Pandorina, ses Synura aux Uroglena; à considérer
312 HISTOIRE NATURELLE
comme douteux son genre Syncrypta, et à rapprocher
dubitativement les Sphærosira des Pandorina. Ainsi
nous ne conservons que quatre genres comme authen-
tiques, même en nous fondant sur les observations de
cet auteur.
Les Volvociens, ordinairement de couleur verte,
n'ont été trouvés jusqu'à présent que dans les eaux
douces limpides, entre les Conferves et les autres
plantes aquatiques.
1 GENRE. VOLVOX. — Zolvox.
Animalcules verts ou jaune - brunâtre , régulièrement
disséminés dans l'épaisseur et près de la surface d’un glo-
bule gélatineux transparent, devenant creux et rempli
d’eau par suite de son entier développement , et dans lequel
alors se produisent d’autres globules plus petits au nombre
de cinq à huit , organisés de même, et destinés à éprouver
les mêmes changements quand par la rupture du globule
contenant ïls sont devenus libres. Animaleules munis
chacun d’un ou de deux filaments flagelliformes, qui, par
leur agitation hors de la surface, déterminent le mouve-
ment de rotation de la masse.
1, Vorvox rournoyanr. — Wolvox globator. Müll, (1). — PI. IH,
fig. 25 et PI. IV, fig. 50.
Globules verts ou jaune - brunâtre, larges d'un tiers de milli-
(:) Leeuwenhoek, Contin. arcan. natura , p. 149, fig. 2, 1608.
Kugelthier, Baker, Employ. for the micr. p. VE PI. XII , fig. 27.
Kukelikier. Rœsel ; t. 111, PI. CI, fig. 1-3 ; p. 6,
Volvox globator , Linné, Syst. nat. ed: X, 17 5.”
Volvox globator, Pallas, Each zooph. p. Are
Volvox globator , Müller , Inf. PI. II, fig. 12, 13, pe 18.
Polvox , Spallanzani , Opusc. phys. trad, franc. t. [, p. 193 , Pit,
f. 11.
Pandorina Leeuwenhoekii, Bory , 1824.
Volvox globator, Ehrenb. 1830- 1534, 838, Infus. PI. IV, fig. 1.
DES INFUSOIRES. 313
mètre à un millimètre, formés d’animalcules longs de 0,009 et larges
de 0,0066 , épars dans l'épaisseur d’une membrane sphérique, gé-
latineuse , diaphane , dont chacun est muni d’un filament flagelli-
forme , égalant trois fois sa longueur , et d’un point intérieur
rouge. — Cinq à huit globules plus petits contenus à Pintérieur.
C’est ainsi que j'ai toujours vule ’o/vox globator, qui se trouve
abondamment en été dans l'étang de Meudon ( juin 1838), et
que j'ai revu en juin 1839 dans les eaux stagnantes aux environs
de Toulouse; mais je n’ai pas vu la double trompe flagelliforme
indiquée par M. Ehrenberg, ni les cordons qui, suivant cet auteur,
uniraient comme un réseau tous les animalcules à la surface des
globules. Quand on a mis dans un flacon de l'eau contenant des
Volvox, on voit leurs globules monter et descendre en tournoyant
lentement dans le liquide, comme pourraient faire des corps lé-
gers dans de l’eau agitée ; il suffit d'en approcher une loupe forte
ou une lentille d'un court foyer pour distinguer la forme géné-
rale du globule, et les petits grains verts épars à la surface, et
les cinq ou six globules colorés plus petits contenus à l'intérieur.
Leeuwenhoek le premier observa le Volvox dans l'eau des ma-
rais, le 30 août: « Je vis , dit-il, dans cette eau une grande quantité
de particules rondes flottantes de la grosseur d’un grain de sable.
En les approchant du microscope, je remarquai non-seulement
qu'elles sont bien rondes, mais aussi que leur membrane exté-
rieure est, ça et la, couverte de particules saillantes, nombreuses,
qui me semblaient à trois facettes et terminées en pointes. Quatre-
vingts de ces particules également espacées occupaient la circon-
férence d'un grand cercle du globule, de sorte que le nombre
total des particules, réparties sur la surface, n'est pas moindre
que deux mille.
» Cela m'offrait un spectacle charmant, parce que ces globules
n'étaient jamais en repos, et que leur mouvement avait lieu en
tournoyant (per circumvolutionem)... Mais plus ces particules
étaient petites , plus elles montraient la couleur verte, tandis que,
au contraire, dans la partie extérieure des plus grandes, on ne
pouvait reconnaître aucune coloration.
» Chacun de ces globules avait à l’intérieur cinq, six, ou sept,
et même jusqu'à douze globules plus petits, ronds, de même struc-
ture que le corps dans lequel ils étaient renfermés. Ayant tenu
assez longtemps ma vue fixée sur un des plus gros globules placé
314 HISTOIRE NATURELLE
dans une petite quantité d’eau, je vis se produire, dans sa partie
extérieure, une ouverture par laquelle sortait une des particules
rondes incluses qui montrait une belle couleur verte, et qui
exécutait dans l’eau les mêmes mouvements que faisait précédem-
ment le globule d'ou elle était sortie.
» Ensuite le premier globule demeurait immobile et laissait
sortir à peu d'intervalle, par la même ouverture, une seconde,
puis une troisième particule, et il arrivait que toutes ces parti-
cules incluses sortaient successivement ainsi en acquérant un mou-
vement propre.
» Après un intervalle de quelques jours, le premier globule
s'était en quelque sorte dissous dans l’eau; je ne pouvais en re-
trouver aucune trace.
» Dans l'observation de ces globules, j'étais surtout surpris de
ce que, pendant tous leurs différents mouvements, je ne voyais ja-
mais les particules incluses changer de place , quoiqu'’elles ne fus-
sent point contiguës, mais qu'elles restassent écartées d’une cer-
taine distance. »
Leeuwenhoek dit ensuite comment, ayant renferme dans un
tube de verre, gros comme une plume à écrire et en partie
rempli d'eau, deux gros globules de Volvox contenant chacun
cinq globules plus petits, et un troisième Volvox contenant sept
globules très-petits, il vit quatre jours après que la membrane
externe des deux premiers, devenue très-mince et transparente,
s'était déchirée , et que les dix petits globules inclus se mouvaient
en tournoyant dans l’eau tantôt d'un côté, tantôt de l’autre. Au
bout de cinq jours, il vit que les globules plus petits, renfermés
dans le troisième Volvox, avaient augmenté de volume, et qu'on
ÿ pouvait distinguer d'autres particules devant naître à l’intérieur.
Après cinq autres jours, le troisième Volvox s'était déchiré d’un
côté, et les particules contenues étaient devenues libres ; néan-
moins le Volvox, quoique ouvert d'un côté, continuait à se mou-
voir en tournant dans le liquide comme auparavant. Quelques
autres jours après, on ne pouvait reconnaître que quelques frag-
ments des grands Volvox, lesquels bientôt ne furent plus du
tout visibles. I] continua à observer chaque jour les petits Volvox
sortis des granüs , et remarqua non-seulement qu'ils grossissaient
peu à peu, mais aussi que les particules incluses devenaient plus
grandes, Quand ces nouveaux Volvox se rompaient à leur tour
pour mettre au jour les particules incluses , ils étaient quatre fois
DES INFUSOIRES. 315
plus petits que ceux dont ils étaient issus, ce qui fait penser à
Leeuwenhoek qu'ils n'avaient point atteint tout leur développe-
ment, ou qu'ils n'avaient pas reçu assez de nourriture. Sans se
prononcer sur la nature et sur la destination de ces globules,
Leeuwenhoek est conduit à reconnaître qu'ils ne naissent pas
spontanément , mais qu'ils se propagent comme toutes les plantes
dont nous savons que chaque graine, si petite qu’elle soit, con-
tient déja la jeune plante qui en doit provenir. Cette opinion de
Leeuwenhoek, basée sur l'idée que le globule du Volvox est un
être individuel , a été adoptée et développée par tous les auteurs
qui, apres lui, ont observé le Volvox; et, jusqu'à ces derniers
temps, on a regardé ce phénomène de sa propagation comme
une des preuves les plus manifestes du principe de l'emboîtement
des germes.
Baker vit le Volvox comme Leeuwenhoek , mais de plus, il aper-
çut les cils partant des granules de la surface , et reconnut que ce
sont là les vrais moyens de locomotion de cet être. Rôsel n'ayant
pu, aprés Baker, distinguer les cils moteurs, en nia l'existence
et proposa, pour expliquer le mouvement du Volvox, un mode
d'explication fort bizarre, en supposant que chaque granule de
la surface aurait un orifice susceptible de s'ouvrir et de se fermer
au gré de l'animal.
Müller ne vit point non plus les cils moteurs du Volvox, il le
décrit comme formé d'une membrane diaphane couverte et
comme hérissée de molécules répandues abondamment à la sur-
face, et renfermant à l'intérieur plusieurs globules immobiles
transparents au centre. Les molécules de la surface peuvent, dit-
il, se détacher, et la membrane alors reste nue. Cet auteur dé-
crit ainsi la parturition : « La membrane se fend, et les petits, ou
les globules inclus, sortent par la déchirure, et la mère elle-
même ou la membrane se dissout. Ainsi cette mére, par suite d’un
admirable emboîtement de sa race, se montre souvent grosse de
ses fils, de ses petits-fils, et de ses arrière-petits-fils, »
* Volvox aureus et Volvox stellatus, etc.
M. Ehrenberg décrit comme une espèce distinete le Volvox jan-
nâtre que Müller regardait comme simple variété du Vo/vox glo-
balor; Jai vu moi-même beaucoup de nuances diverses parmi
des Volvox que je crois devoir laisser dans la même espèce. Quant
316 HISTOIRE NATURELLE
au Volvox stellatus, qui aurait été signalé d’abord par Schrank ,
il différerait parce que les globules internes seraient tuberculeux
et paraïîtraient comme dentelés en étoile sur leur contour. Les
dimensions de ces espèces sont les mêmes que pour la précédente.
* Sphærosira Volvox. Eh. Infus. 1838, pl. III, fig. 8.
Le même auteur fait un genre particulier de cet Infusoire qui,
suivant lui, n'aurait qu'une trompe flagelliforme simple, au lieu
de l'avoir double comme les Volvox ; mais, ainsi que je l'ai dit
plus haut, je n'ai pu voir qu'un filament simple à ceux que j'ai
observés dans plusieurs lieux. Les animalcules du Sphærosira sont
décrits comme ayant de longueur 0,022, et formant des globules
de 0,56.
2e GENRE. PANDORINE. — Pandorina. Bory.
Animaux verts très-petits, groupés en plusieurs globules
épars dans l’intérieur d’une masse gélatineuse, diaphane,
ovoïde ou globuleuse,
Les Pandorines ne montrent pas, comme les Volvox, les
animalcules fixés à la surface, mais ce sont des animalcules
plus ou moins rapprochés ou groupés au milieu d’un globule
transparent; par conséquent aussi le mode de propagation
ne peut ètre le même, et l’on ne voit pas, comme chez les
Volvox, des globules intérieurs être mis au jour par suite
de la rupture de {a membrane externe, pour se développer à
leur tour en une membrane parsemée de grains verts.
Müller avait distingué, comme espèce de son genre Vol-
vox, la seule Pandorine qu'il connût. M. Bory réunit cette
même espèce et le vrai Volvox dans le genre Pandorine qu'il
créa, M. Ehrenbersg, enfin, a circonscrit plus exactement le
genre Pandorine; mais il en a voulu séparer aussi, sous le
nom d’ÆZudorina, une espèce qui n’en diffère que par la pré-
seuce des points rouges pris par lui pour des yeux.
DES INFUSOIRES. 317
1. PANDORINE MuRE. — Pandorina morum (1). Bory.
Animaux verts longs de 0,009, pourvus d’un filament flagel-
liforme deux fois aussi long , et diversement groupés dans un glo-
bule diaphane hors duquel sortent les filaments , large de 0,20 à
0,25. — Mouvement lent de rotation.
Müller, quiobserva cette espèce en automne, parmi les Lemna,
la décrit comme formée d’un amas de globules verts entourés
d'une membrane sphérique diaphane ; et il parle aussi d’un rebord
noir qui n'est autre chose qu'une illusion d'optique produite par
la réfringence de l'enveloppe.
2, PANDORINE ÉLÉGANTE. — Pandorina elegans (2).
Animaux globuleux, verts, longs de 0,015, pourvus d'un
point rouge oculiforme et d’un long filament flagelliforme , et réu-
nis au nombre de 10 à 40 dans un globule diaphane de 0,04
à 0,195.
M. Ehrenberg a observé, auprès de Berlin et en Russie, cette
espèce, qu'il prend pour type de son genre Eudorina ; il conjec-
ture qu'elle a été vue par les divers observateurs qui ont décrit le
Volvox comme présentant trente à quarante globules intérieurs.
* Le même auteur nomme Pandorina hyalina une espèce dou-
teuse qu'il aurait observée dans l'eau du Nil, parmi les Conferves,
et qui formerait des globules incolores de 0,037.
3° Genre. GONIUM. — Gonium. Müll.
Animaux verts ovoides, réunis par suite de la division
spontanée, au moyen d’une enveloppe commune en forme
de plaque quadrangulaire qui se meut lentement dans
l’eau. |
(1) Volvox morum , Müller , Infus. PL. II, fig. 14-16.
Pandorina mora , Bory, 1824.
Pandorina morum , Ehr. Infus. PI. IT, fig. 33.
(2) £udorina elegans, Ehr. Infus. PI. IT, fig. 6.
318 HISTOIRE NATURELLE
Les Gonium ont été aperçus d’abord par Müller, qui ne
soupconna pas du tout leur organisation, et prit leur en-
veloppe commune pour un seul animal. Schrank, en nom-
mant d’ahord f’olvox complanatus l'espèce type de ce genre,
semble avoir pressenti leur vrai rapport avec le Volvox.
M. Bory voulut former le genre Pectoraline avec le Gonium
pectorale ; mais il n’avait rien vu de plus que ses prédéces-
seurs. M. Ehrenberg, en 1830, le décrivait comme formé
d’une enveloppe comprimée, carrée, ciliée aux angles, et
contenant seize gemmes à l’intérieur ; mais, en 1834, ilen
donnait une description plus exacte d’après ses nouvelles ob-
servations. Les globules verts n'étaient plus des gemmes,
mais des animaux distincts, dont la réunion en carré for-
mait une famille, et chacun d'eux lui paraissait pourvu
d’une trompe filiforme. - |
1. Goxiux rEcroRAL. — Gonium pectorale (x). Müll.
Animaux ovoïdes ou globuleux , verts, larges de 0,006 à 0,020,
réunis par 46 en plaques carrées ou quadrangulaires de 0,025
à 0,085.
Müller décrit ce Gonium comme formé de seize corpuscules
ovales, presque égaux, verdâtres, demi-transparents, insérés
dans une membrane quadrangulaire qui réfléchit la lumière sur
chacune de ses faces. Il se propage par la séparation de chacun
des globules qui bientôt se montre, à son tour, composé de seize
globules plus petits. Turpin l’a décrit comme un végétal dans les
Mémoires du muséum (1828, t. XVI, pl. 13), et dans le Diction-
naire des sciences naturelles, sous le nom de Pectoraline, en le
signalant comme une preuve de sa théorie de la globuline.
* Gonium punctatum. Ehbx. Inf. 1838, pl. TI, f. 2.
M. Ehrenberg a décrit sous ce nom une espèce qui paraît difié-
rer de la précédente par des taches noires sur chacun des animal-
cules verts; il l’a observé à Berlin.
(x) Gonium pectorale, Müñér , Infus. Pl. XVI, fig. 9, 11.
Pectoralina hebraica , Bory, 1824 , Encycl.—1828, Dict. class. {. 13.
Gonium pectorale , Ehr. Infus. 1838, PL. IL, fig. x.
DES INFUSOIRES. 319
Le Gonium pulvinatum de Müller ne peut être rapporté avec
certitude à ce genre; il a été observé dans une eau de fumier
et décrit par cet auteur comme une plaque quadrangulaire ren-
flée en forme de coussin et formée de trois ou quatre bourrelets
parallèles, présentant ensuite des divisions transverses et animée
d’un mouvement vibratoire lent.
On doit , je crois, regarder comme un végétal le Gonium tran-
quillum décrit par M. Meyen dans les Nov. acta nat. curios,t. XIV,
PI. 43, fig. 36, comme formé de seize corpuscules verts , disposés
par deux ou par quatre dans une plaque quadrangulaire quelque-
fois plus longue que large, et sans mouvement propre.
%° Genre. UROGLENE. — Uroglena. Ehr.
M. Ehrenberg a formé les deux genres Uroglena et Sy-
nura pour les Infusoires agrégés dans une enveloppe géla-
tineuse commune, ainsi que les autres Volvociens ; mais dis-
tingués par la présence d’un prolongement caudiforme qui
les retient adhérents au centre de la masse commune. Ses
Uroglena forment une seule espèce, U. Folvox (Ehr. Infus.
PL. II, fig. 11), présentant des animalcules oblongs jau-
nâtres, retenus par une queue trois à six fois plus longue
que le corps qui s’avance hors de la masse commune; ils
diffèrent surtout des Synura par la présence d’un point co-
loré , que l’auteur nomme un œil. Ces derniers, également
jaunêtres, saillants hors de la masse commune, forment ia
seule espèce Synura uvella (Ehr, Infus. PI. IT, fig. 9).
* Syncrypta. Ehr.
Le même auteur institueun genre Syncrypla pour des Infusoi-
res verts agrégés, qu'il décrit comme pourvus d'une enveloppe
propre, et réunis dans une enveloppe commune. Ces Infusoires
loûgs de 0,009, réunis en globules de 0,047, forment une seule es-
péce, Synerypta volvox (Ehr. Infus. PI. HI, fig. 7); il l'a observée
à Berlin. J'ai bien aussi de mon côté rencontré des Infusoires,
agrégés, et munis d’un tégument propre; mais n'ayant pas re-
connu distinctement chez eux une enveloppe commune, j'ai cru
devoir les reporter parmi les Thécamonadiens. (Voyez Crrptomo-
nas- Tetrabæna. )
320 HISTOIRE NATURELLE
VII FAMILLE.
DINOBRYENS.
Infusoires à filament flagelliforme, contractiles au
fond d'une carapace ouverte ; se multipliant par gem-
mation, de telle sorte que les nouvelles carapaces restent
adhérentes par leur base au sommet des précédentes ,
d’où résulte un polypier rameux.
Les Dinobryens, dont je n’ai observé que deux es-
pèces, m'ont paru être des animalcules analogues aux
Monadiens ; mais la rapide altération de l’eau qui les
contenait avec d’autres productions de l'étang de
Meudon, ne m'a pas permis de les étudier compléte-
ment, et de reconnaître chez eux l’existence du fila-
ment flagelliforme, ni de m'assurer si, dans leur ca-
rapace , ils auraient un second tésument contractile
analogue à celui des Eugléniens, ce que pourtant je ne
puis croire; car ils ne me montraient qu'une masse
verte changeant lentement de forme au fond de chaque
petite carapace en forme de cupule. Ces animalcules
forment, par la gemmation, de nouvelles carapaces qui
se greffent successivement les unes sur les autres, d’où
résulte un petit polypier comme un Sertulaire mi-
croscopique, ordinairement fixé sur les Cyclopes et les
autres petits animaux aquatiques , mais souvent aussi
flottant librement dans le liquide , après s'être détaché
de son support. Quand les Dinobryens se sont décom-
posés en mourant , leur polypier se conserve parfaite-
ment transparent.
M. Ehrenberg, qui le premier a fait connaitre les
Dinobryens en 1833 et 1834, en les définissant des
DES INFUSOIRES,. 321
animaux polygastriques cuirassés, anentérés (sans in-
teslin) , sans aucun poil ou appendice externe, et dont
le corps est de forme changeante, les classait alors à
côté des Volvociens ; mais il les place aujourd’hui (/n-
fusionsthierchen , 1838) à la suite de ses Astasiæa, en
les regardant comme des Astasiées à carapace. Il dit,
avec plus de réserve, « qu’ils sont évidemment ou
vraisemblablement polygastriques, anentérés, eym-
niques , cuirassés, de forme spontanément variable. »
Et tout en déclarant que dans cette famille l’organisa-
tion n'est pas suflisgmment connue, il assure avoir
vu chez les Dinobryon comme organe locomoteur une
trompe simple filiforme; puis il dit que les granula-
tions verdâtres ou jaunâtres de tous les individus
paraissent constituer l'ovaire, et qu'une vésicule claire,
au milieu du corps de son Æpipyxis, pourrait être la
vésicule séminale contractile. Enfin il accorde un œil
rouge au Dinobryon. Cet auteur place dans cette fa-
mille, avec ses Dinobryon , un second genre Epi-
pyxis, qui se distingue par l'absence du prétendu
œil.
1 Genre. DINOBRYON. Ehr.
(Mémes caractères que pour la famille. )
1. Dinosryon sErruLaire. — Dinobryon sertularia. Ehr. (1). —
PI. I, fig. or.
Animaux dans des urcéoles ou cupules sessiles, formant un
polypier, souvent libre. — Longueur d’une cupule, 0,04. — Lon-
gueur du polypier, 0,32.
J'ai trouvé abondamment cette espèce flottant dans l’eau de
l'étang de Meudon , entre les spongilles, le 20 mars 1838. Le
(1) Dinobryon sertularia, Ehr. Infus. 1838 , PI. VII, fig. 8.
| INFUSOIRES. 21
s22 HISTOIRE NATURELLE
corps des animalcules est vert, et le polypier est d'une diapha-
néité parfaite. M. Ehrenberg l’a observée en mars et avril 183,
près de Berlin. Il fixe la longueur des cupules à 0,047.
2. DINOBRYON PÉTIOLE. — Dinobryon petiolatum. — (PI. I, fig. 22.)
Animaux verts dans des urcéoles ou cupules longuement pé-
donculées, qui partent de l’intérieur des cupules plus anciennes.
— Longueur d'une cupule et d’un animalcule , 0,048.— Longueur
du pédoncule , 0,08 à 0,40. — Longueur du polypier, 0,25.
J'ai trouvé, en même temps que la précédente, cette espèce
fixée sur des Cyclopes ; quelques-uns des pédoncules les plus longs
montraient un bourgeon latéral.
" Dinosnyon socraz. — Dinobryon sociale. Ehr. (1).
M. Ebrenberg a décrit sous ce nom une autre espèce qu'il avait
d'abord prise pour une Vaginicola, et qui diffère surtout de la
premiére par ses dimensions moindres d'un tiers.
* Errpyxis. Ehr.
Le même auteur institue sous ce nom un genre particulier pour
un Dinobryon incomplétement observé, et nommé par lui-même
d'abord (1831) Cocconema utriculus ; il est en forme d'utricules
coniques remplies de granules jaunâtres, et fixées par un pédi-
cule sur les conferves. 11 soupconne que la Frustulia crinita de
Martens et l'Aristella minuta de Kützing sont la même chose que
son Épipyxis.
: (1) Waginicola socialis , Ehr. 1830-1831 , Mém. acad. Berlin.
Dinobryon sociale , Ehr. 1838 , Infus. PI. VILL, fig. 9.
DES INFUSOIRES. 529
VIIL FAMILLE:
THÉCAMONADIENS.
Animaux ordinairement colorés, revêtus d'un tégu-
ment non contractile, membraneux ou dur et cassant,
et n'ayant pas d’autres organes locomoteurs qu'un ou
plusieurs filaments flagelliformes.
Les Infusoires de cette famille n'ayant de commun,
en quelque sorte, qu’un caractère négatif, la non-con-
tractilité d’un tégument , pourront sans doute être di-
visés plus tard en plusieurs familles, d’après leur
forme , d’après la nature de leur tésument, et d’après
le nombre et la disposition de leurs filaments moteurs.
On en voit en effet de globuleux et de foliacés; quel-
ques-uns ont une coque dure, comme pierreuse ;
d’autres ne sont revètus que d’une membrane mince,
flexible ; il en est enfin qui n’ont qu’un seul filament,
tandis que d’autres en ont deux semblables, ou bien
deux de grosseur différente, ou encore en ont plu-
sieurs. En attendant que de nouvelles observations
aient augmenté le nombre et la connaissance des es-
pèces , ces différences que nous venons de signaler ser-
viront seulement à caractériser des genres bien plus
réellement distincts dans cette famille que parmi les
Monadiens. C’est qu'aussi les T hécamonadiens sont
plus avancés en organisation que les Monadiens ; on
ne Les voit point comme ceux-ci se produire dans les
infusions artificielles, et changer de formes et de ca-
ractères suivant la nature du milieu où ils vivent. Ils
sont aux Monadiens ce que les Rhizopodes sont aux
Amibiens ; ils n'ont pas plus d'organes distincts, mais
a
324 HISTOIRE NATURELLE
leur individualité est déjà plus précise; ils se multi-
plient dans des eaux stagnantes, qu'on peut bien assi-
miler à des infusions faites en grand; mais il n’est
plus permis de penser qu'aucun d'eux puisse être le
produit d’une génération spontanée , ou du développe-
ment de ces corps préorganisés qu'admettait Spallan-
zani; de ces germes disséminés dans l'atmosphère,
auxquels on attribuerait l'origine des Monadiens , des
Amibiens, des Vibrioniens , et de quelques autres In-
fusoires.
Ainsi les Thécamonadiens , de forme globuleuse et
munis d’un seul filament, seront des Trachelomonas,
si leur enveloppe est dure et cassante; ce seront des
Cryptomonas, si elle est membraneuse et molle. Ceux
qui, n'ayant aussi qu'un seul filament , sont de forme
aplatie, formeront les genres Phacus et Crumenule
qui diffèrent, parce que celui-ci n'a pas le prolonge-
ment caudiforme qu’on observe plus ou moins pro-
noncé chez celui-là. Les Thécamonadiens à deux fila-
ments seront les Diselmis, si les deux filaments sont
également vibratiles ; mais si lun de ces filaments est
traînant et rétracteur, l’autre étant vibratile et flagelli-
forme, on en fera les deux genres Anisonème et Plæo-
tie; ce dernier se distingue par sa forme en nacelle ,
l'autre est ovoïde ou en forme de pepin: Enfin, sil
y à plusieurs filaments vibratiles, ce sera le genre
Oxyrrhis, dont le nom indique comment son corps se
prolonge antérieurement en forme de nez.
Plusieurs de ces animaux ont été vus par les anciens
micrographes , qui ne soupconnèrent nullement [a pré-
sence des filaments moteurs. Müller en a décrit quel-
ques-uns dans ses genres Monas, Volvoxet Cercaria.
M. Bory les a laissés aussi confondus avec des Infu-
DES INFUSOIRES. 325
soires nus dans plusieurs genres. Mais M. Ehrenberg,
le premier, sentit la nécessité de créer une famille pour
les Infusoires revêtus d’un tégument résistant, et d’ail-
leurs semblables aux Monades ; il la nomma famille des
Cryptomonadina, du nom d’un de ses principaux
genres Cryptomonas. Cette famille, la première des
cuirassés , anentérés, gymniques, était caractérisée
chez cet auteur, en 830, par « une enveloppe membra-
neuse, subglobuleuse ou ovale, propre à chaque indi-
vidu , qui était non divisible ou divisible avec l’enve-
loppe. » Une première section, comprenant les ani-
malcules simples , était partagée en trois genres ,
savoir : les Cryptomonas, sans yeux, mais avec une
bouche ciliée: les Gygès, sans yeux et sans bouche
ciliée; et les Cryptoglena, avec un œil rouge. Un
quatrième genre, Pandorina , reporté depuis dans la
famille des Volvociens, était censé contenir les Cryp-
tomonadines composées, ou se reproduisant par des
divisions internes. Le genre Gygès , Sans être mieux
connu qu'à cette époque , a été également reporté de-
puis par cet auteur dans la famille des Volvociens, de
sorte qu’il ne reste plus que deux des genres primitifs,
lesquels sont même réunis dans notre genre Crypto-
monas. Mais, en 1832, dans son troisième mémoire,
M. Ehrenberg, en même temps qu'il instituait sa fa-
mille des ’olvocina , créait les nouveaux genres Pro-
rocentrum , Lagenella et Trachelomonas, chez les-
quels il avait reconnu l'existence d’un filament flagel-
liforme qu'il prend pour une trompe. Enfin, en 1836,
il créait le genre Ophidomonas ; de sorte que sa fa-
mille des Cryptomonadina est, dans son Histoire des
Infusoires (1838), divisée en six genres de cette ma-
nière. Les espèces sans yeux, à carapace obtuse ,
326 HISTOIRE NATURELLE
sont des Cryptomonas, si la forme est courte et si la
division spontanée est nulle ou longitudinale ; ce sont
des Ophidomonas, si la forme est longue etla division
transversale. Celles qui, sans yeux, ont la carapace
antérieurement prolongée en pointe, sont les Proro-
centrum. Quant aux espèces pourvues d’un œil ou d’un
point rouge, elles sont divisées en trois genres , suivant
la forme de la carapace : les Lagenella ayant une ca-
rapace globuleuse avec un prolongement en forme de
goulot ; les 7rachelomonas ayant la carapace globu-
leuse, sans goulot ; et les Cryptoglena ayant une cara-
pace ouverte d’un côté, ou en forme de bouclier.
De ces dix genres, nous en acceptons deux seule-
ment, en réunissant les Cryptoglena et les Lagenella
aux Cryptomonas comme des sous-genres. Le Proro-
centrum pourrait être la même chose que notre Oxyr-
rhis; et, d’ailleurs, nous réunissons aux 7 rachelomonas
les genres Chætotyphla et Chætoglena, placés, par
M. Ehrenberg, parmi les Péridiniens. Quant au genre
Phacus, il a été réuni aux Euglènes par cet auteur,
maloré la différence que présente son tégument non
contractile. Notre Diselmis enfin se rapporte en partie
aux Chlamidomonas du même auteur.
Les Thécamonadiens sont tous très-petits, mais ils
deviennent visibles à l’œil nu, en raison de leur grand
nombre et de leur coloration; ils sont ordinairement
verts, et colorent la surface des eaux stagnantes, des
ornières, etc. Il en est aussi de rouges qui produisent
la coloration des salines. Ils sont reconnaissables , le
plus souvent, à leur raideur et à l’uniformité de leur
mouvement. M.Ehrenberg attribue à la plupart de
ces Infusoires un double filament flagelliforme; il
n’a pu leur faire avaler de substances colorées ; néan-
DES INFUSOIRES, 927
moins il prend pour des estomacs les vésicules internes,
sauf celle qu’il appelle vésicule séminale contractile ,
et qu'il indique dans une seule espèce de Cryptomo-
nas. Il a nommé testicules ou glandes séminales, des
corpuscules arrondis, incolores, qui se voient dans
plusieurs de ces animaux ; enfin, comme pour d’autres
familles , il dit que leur couleur verte consiste en
globules serrés qui lui paraissent être les œufs, et il
désigne comme un œil le point rouge que plusieurs
présentent à l'intérieur en avant.
Tégument dur et
+ TRACHELO :
ET CN AIN 1. TRACHELOMONAS
Corps ovoide ,
ou globuleux. Tégument om
heu ve nsc edf rt CRyrToMOoNAs.
Corps déprimé {?Y°° 1? pores) 3. Paacus.
à filame nt flagelliforme
unique
a ou en forme) °° Manière de queue.
E de feuille.
a \Sans prolongement. . 4. CRumEnurA.
<
2
< Deux filaments semblables. . . . . . 5. DiseLmis.
<> LU
ER
54 : .
1 © Corps prismatique
3 £ |Unfilament flagel- ou en nacelle. | D ei
s & Î liforme et un fila-
ment trainant ré-f Corps ovoïde ou) Fr,
\ tracteur. en forme depepin. { 7 o
L4 .
à plusieurs filaments. he gi ne CL) 8. Oxvrnuis.
prolongé en pointe.
1” Genre. TRACHELOMONAS.— Trachelomonas. Ehr.
An. Sécrétant un têt globuleux ou ovoïde , dur et cas-
sant, par une pelite ouverture, duquel sort un long fila-
ment flagelliforme. \
328 HISTOIRE NATURELLE
1. TRACHELOMONAS vOLYOCINE. — Trachelomonas volvocina. Ehr.
PNB ETS
Corps sphérique , jaune-brunâtre ou rougeâtre , avec un point
oculiforme, rouge. Bord de l'orifice épaissi intérieurement. —
Long de 0,0167.
Cette espèce se trouve en hiver (25 janvier 1837) dans le grand
bassin du Jardin des Plantes à Paris, et au premier printemps
dans la mare d'Auteuil ; son têt est dur et cassant. M. Ebrenberg
dit avoir constaté qu'il est siliceux et résiste à la combustion ; je
n'ai point répété cette expérience, mais il m'a paru que l'acide
nitrique le dissout lentement sans effervescence et en le rendant
transparent. Le filament, long de 0,04, tres-délié, s’agite toujours
auprès et autour du têt, et produit souvent l'apparence d'un
nœud qui de sa base s'avance vers l'extrémité.
* Trachelomonas nigricans et Tr. cylindrica. Khr.
£ D 4
M. Ebrenberg distingue sons le nom de Tr. nigricans une
espèce qu'il avait d’abord confondue avec la precédente , et qu'il
décrit comme ayant le têt ovoïde, presque globuleux ; une troi-
sième espèce, Tr. cylindrica , est décrite par lui comme ayant le
corps, oblong presque cylindrique ; mais elle avait également été
nommée d'abord Wicroglena volvocina comme les denx autres,
dont elle ne paraît en effet différer que par sa forme moins glo-
buleuse.
** Chætotyphla armata , Ehr. Infus. 1838, p. 350, PI. XXIE, f. 10.
M. Ehrenberg a placé dans sa famille des Peridinea un genre
Chætotyphla qui paraît ne différer des Trachelomonas que par
les soies et les épines dont son têt est entouré. Il créa ce genre
en 1532 et le définit ainsi : « Polygastriques, anentérés, épitri-
ques, revêtus d’une cuirasse roide tont entourée de soies. OEil
nul. » 11 supposait que le mouvement vibratile à la partie anté-
rieure était plus probablement dû à des cils qu'à une trompe.
Dans la description qu’il en donne plus tard en 18338, il paraît
douter davantage de la présence des cils, en ajoutant que le mour-
DES INFUSOIRES. 329
vement de rotation autour de l'axe longitudinal peut bien être
dû à une trompe; il dit que le têt siliceux est couvert de petites
pointes ou soies dont les postérieures sont les plus fortes, et
attribue comme toujours la coloration à des œufs. Il n’a pu faire
pénétrer à l'intérieur le carmin ou l'indigo. Le Chætotyphla
armata, qu'il avait d'abord nommé Pantotrichum armatum, est
brun, ovoïde, hérissé de soies courtes dont les postérieures plus
fortes et noires, au nombre de huit environ, forment une cou-
ronne assez régulière en arriére; l’auteur ajoute que les soies
tines de la surface sont quelquefois indistinctes. Il a fait une se-
conde espèce, Ch. aspera, pour des individus trouvés près de
Berlin avec ceux de la première espèce, dont ils ne different que
par une forme un peu plus allongée, et par les épines postérieures
éparses sans ordre. Leur longueur est de 0,043. Il a aussi rap-
porté à ce genre, mais avec doute, un corps fossile, oblong,
hérissé de soies , observé dans le silex pyromaque de Delitsch.
*% Chætoglena volvocina, Ehr. Inf. 1838, p.352, PI. XXII, f. 12.
Le même auteur a désigné ainsi depuis 1832 un Infusoire qui
se rapproche encore plus que les précédents du Trachelomonas ;
il est ovoïde , long de 0,023, vert brunâtre , tout hérissé de soies
courtes avec un point rouge oculiforme et un filament flagelli-
forme plus long que le corps. 11 fut trouvé auprès de Berlin entre
les Conferves, et c'est un des premiers Infusoires chez lesquels
a été reconnu le filament que M. Ehrenberg nomma alors une
trompe. Son têt dur, siliceux , se rompt par la pression en frag-
ments anguleux, et montre autour de la trompe un prolonge-
ment court en forme de goulot. Le genre Chætoglena, placé par
l’auteur dans la famille des Peridinea, ne diffère du Chætotyphla
que par le point rouge pris pour un œil.
2° Gevre. CRYPTOMONAS. — Cryptomonas. Ehr.
An. de forme globuleuse ou peu déprimée, sécrétant un
têt membraneux, flexible, et pourvus d'un filament flagel-
liforme très-délié.
Dans ce genre Cryptomonas, je comprends tous les Thé-
camonadiens à un seul filament dont le têt n’est pas dur et
330 HISTOIRE NATURELLE
cassant , et dont Le corps n’est pas déprimé comme celui des
Phacus et Crumenule : aussi ne douté-je pas que parmi ces
Enfusoires, quand ils seront mieux connus, on ne doive
trouver à établir plusieurs genres bien distincts par leur
forme plus ou moins globuleuse, par le degré de consis-
tance de leur enveloppe, et surtout par leur manière de
vivre. J’indique déjà au moins comme sous-genres les Za-
genella, dont l'enveloppe est prolongée en manière de gou-
lot, et les Tetrabæna, qui vivent agrégés par quatre, sans
cependant être réunis comme les Volvociens dans une en-
veloppe commune. Quant au caractère fourni par la pré-
sence chez certains individus d’un point rouge pris pour
un œil par M. Ehrenberg, je ne peux y trouver un carac-
tère générique pour distinguer ces animaux ; non plus que,
chez les Cryptomonas et Cryptoglena de cet auteur, je
ne peux reconnaître un têt en forme de bouclier et ouvert
d’un côté ; bien au contraire, j'ai vu dans tous ceux que j'ai
observés ce têt enveloppant entièrement la partie vivante
de l’animal et paraissant seulement dans certains cas dé-
primé d’un côté pour s'appuyer plus exactement sur cette
partie vivante, Le tégument dans tous les cas est notable-
ment plus large que le contenu, et en paraît écarté sur tout
son contour par un espace diaphane en forme d’anneau
qui donne bien nettement la notion de l’existence d’une
enveloppe.
M. Ehrenberg, en 1830, créa une famille des Crypto-
monadinæ caractérisée par une enveloppe globuleuse ou
ovoïde , et ayant pour type son genre Cryptomonas, auquel
il attribuait une bouche ciliée; il distinguait en outre ce
genre par l'absence du point rouge qu'il nommaït un œil
chez ses Cryptoglena. Plus tard , en se fondant sur des
observations plus récentes , il caractérisa ainsi en 1838 le
genre Cryptomonas : « Anim, dépourvu d'œil, à cuirasse
courte, obtuse en avant , divisible spontanément dans le
sens longitudinal ou jamais divisible. » La cuirasse, ajoute-
t-il, est dans la plupart des espèces un bouclier ouvert en
DES INFUSOIRES. 331
dessous eten avant, et recourbé au bord ; dans une seule
espèce, C. ovata , elle paraît êtreuneutricule fermée. Comme
organe locomoteur , trois de ses espèces , €. curvata, C.
ovata et C. erosa, lui ont montré un filament flagelli-
forme, simple, et le €. glauca lui en a laissé voir deux. Il
désigne d’ailleurs comme des estomacs les vacuoles ou vé-
sicules internes, et comme des œufs les granules colorés; de
plus , il attribue deux testicules ovales ou ronds à trois de
ses espèces, et une vésicule séminale contractile au €.
ovata. Son genre Cryptoglena ne diffère absolument que
par le point rouge oculiforme ; il lui attribue également une
cuirasse ouverte en avant et en dessous, et formant un
petit bouclier roulé sur les bords. Dans une seule espèce, C.
conica, il a observé un double filament moteur qu’il nomme
une trompe, et d’ailleurs il reconnaît dans ces Infusoires,
comme dans les précédents, des estomacs et des organes
sexuels.
Nos Cryptomonas, et nous ne parlons sous ce nom que de
ceux qui n’ont qu'un filament moteur, sont toujours colorés,
et le plus souvent ils sont verts; on les trouve dans les
eaux de mer ou de marais, quelquefois dans des eaux stag-
nantes infectes, mais non dans les vraies infusions.
1, CRYPTOMONAS GLOBULE. — Cryptomonas globulus, — P1, VIT, fig. 2.
Corps globuleux vert, souvent plissé, presque aussi large que
l'enveloppe diaphane. Longueur de 0,010 à 0,043.
- Dans un flacon où je conservais depuis deux jours de l’eau puisée
à la mare d'Auteuil avec des Conferves, le 16 mars, je voyaisun
grand nombre de ces globules verts munis d’un filament très-dé-
lié, s’agiter en tout sens dans le liquide, et venir se fixer à la
paroi éclairée du flacon ; alors ils cessaient d’être aussi ronds, et
montraient quelques grands plis et des rugosités.
2. CRYPTOMONAS INÉGALE, — Cryplomonas inæqualis, — P], VII,
fig. 3.
Corps ovoïde vert , moins épais que large , avec une dépression
332 HISTOIRE NATURELLE
longitudinale , et une ou deux échancrures inégales dans la partie
colorée , qui est toujours beaucoup plus étroite que l’enveloppe.—
Longueur de 0,010 à 0,041. — Marin.
Cet Infusoire colorait en vert l'eau de mer stagnante sur la plage
à côté du port de Cette.
Li Cryptomonas. — Ehr.
M. Ehrenberg décrit dans son dernier ouvrage, en 1838, sept
espèces de Cryptomonas, dont deux, Cr. glauca ( Ehr. Inf. PI. II,
fig. 20) et Cr. fusca (Ehr. Inf. PI. IT, fig. 21), sont indiquées par lui-
même comme douteuses. Celle-ci, en effet, nommée d’abord par
lui Bacterium fuscum, a le corps brun, oblong, prismatique à
angles émoussés , arrondi aux deux extrémités, long de 0,018.
Elle n'a été vue qu'enSibérie, et l’on ne peut dire ce qu’elle est réel-
lement. L'autre munie d’un double filament, avait déja été citée
par l'auteur comme pouvantêtre le type d’un nouveau genre qu'il
aurait nommé Diplotricha, Une troisième espèce, Cr. curvata (Ehr.
Infus. PL. IT, fig. 16), longue de 0,094, est tellement comprimeée,
qu'elle doit appartenir à notre genre Crumenula. Les quatre au-
tres sont probablement de vraies Cryptomonas , mais ne les ayant
pas rencontrées moi-même, je n'en puis parler avec certitude.
L'une, Cr. ovata (Ehr. Infus. PI. II, fig. 17), longue de 0,047 à
0,094, a le corps vert, ovale, déprimé, deux fois plus long que
large. Elle est rapportée avec doute par l’auteur à l'Enchelys vi-
ridis de Müller, dont M. Bory avait fait une Craterine; une
deuxième , Cr. erosa (Ehr. Infus. PI. IL, fig.18), longue de 0,028 ,
également verte, ovale et äéprimée, présente en avant une
place diaphane, comme une large érosion de la partie verte; une
troisième , Cr. cylindrica ( Ehr. PI. I, fig. 19), longue de 0,087,
oblongue , presque cylindrique, trois fois plus longue que large,
obliquement tronquée et échancrée en avant, n’a pas laissé voir
son organe moteur ; sa coloration est produite par des granules
verts dont le diamètre est la vingtième partie de la longueur du
corps; une quatrième enfin , Cr. lenticularis (Ehr. PI. I, fig. 22),
longue de 0,016, verte, de formelenticulaire et à cuirasse épaisse,
n'a point non plus laissé voir son filament moteur.
DES INFUSOIRES. 339
#x Cryptoglena, Ehr.
Des trois especes de Cryptoglena de M. Ehrenberg, l’une, Cr.
conica (Ehr. PI. II, fig. 25), lui ayant montré un double fila-
ment flagelliforme, ne doit pas être comptée parmi nos Cryrpto-
monas ; les deux autres , trop imparfaitement observées avant
1832, ne peuvent être rapportées avec probabilité à aucun de
nos genres caractérisés par leurs filaments moteurs, puisqu'à
cette époque l’auteur n'y a rien vu de tel. L'une, Cr. cærulescens
(Ehr. PI. 11, fig. 27), longue de 0,0045, a le corps ovale déprimé,
échancré en avant, vert bleuâtre avec une bande plus claire
longitudinale, et un point rouge au milieu; l’autre, Cr. pigra
(Ebr. PI. II, fig. 26), longue de 0,009, est moins déprimée et d’une
couleur plus verte. L'une et l’autre ont été observées près de
Berlin entre des Conferves.
3. CRYPTOMONAS (LAGENELLE) ENFLÉE. — Cr. (Lagenella) inflata. —
FIVE Ro 2
Corps ovoïde , renflé en arrière , rétréci en forme de goulot à
la partie antérieure; tégument diaphane plus épais en avant et
autour du goulot, rempli d’une substance verte avec un point
rouge au milieu.— Mouvement en zigzag.— Long. 0,0225.
J'observais , le 24 fevrier 1838 , cet Infusoire dans un flacon où
je conservais depuis l'automne de l'eau de marais avec des Lemna.
M. Ehrenberg décrit sous le nom de Lagenella euchlora un In-
fusoire de même grandeur qui differe du nôtre par sa forme plus
allongée, et surtout parce que la substance verte s'avance davan-
tage près du goulot, tandis que dans ie nôtre l’épaississement du
tégument est tel à la partie antérieure qu'il paraît ne laisser
qu'un passage étroit pour le filament flagelliforme.
4. CRyProMoNAs (TETRABÆNE) SOCIALE. — Cr, (Tetrabæna) socialis.—
PI. V, fig. 1.
An. à corps ovoïde , régulier , vert avec un point rouge au mi-
lieu , enveloppé d’un tégument épais, diaphane et offrant souvent
à l'intérieur un commencement de division spontanée. — Vivant
334 HISTOIRE NATURELLE
agrégés en groupes réguliers de quatre individus simplement
agglutinés, et ayant leurs filaments flagelliformes dirigés du
même côté. — Long. de 0,0156 à 0,020.
Le 26 janvier, dans l'eau d’un tonneau d'arrosage au jardin du
Roï , à Paris, j'observais ces Infusoires formant des groupes nom-
breux de quatre individus faiblement agglutinés et se mouvant
lentement par l'effet de l'agitation simultanée du filament fla-
gelliforme de chacun d'eux. Je les aurais pris pour des Gonium
s'il m'eüt été possible d’y apercevoir quelque trace d’enveloppe
commune; je ne peux douter néanmoins qu'ils n'aient la plus
grande analogie et avec les vrais Gonium, et avec ce que M. Eh-
renberg a nommé Syncrypla dans sa famille des Y’olvocina. On
concoit d’ailleurs que la division spontanée, dont on voit le com-
mencement dans quelques individus, étant suivie de la disso-
lution du tégument, a dû produire de telles agrégations dans
ces divers genres d'Infusoires. Ce mode de propagation a sans
doute lieu dans la plupart de ceux dont le tégument est mou et
glutineux ; mais dans des animaux comme les Trachélomonas,
dont le tégument est dur et cassant, on ne sait pas comment
s'opére la multiplication.
3° Genre. PHACUS. — Phacus. Nitzsch.
An. à corps aplati et comme foliacé, ordinairement vert
et orné d’un point rouge en avant , avec un filament flagel-
liforme, et revêtu d’un tégument membraneux résistant ,
prolongé postérieurement en manière de queue.
Le genre Phacus a été proposé par M. Nitzsch pour la Gerca-
ria pleuronectes de Müller ; il comprend quelques autres es-
pèces que M. Ehrenberg a réunies à son genre Æuglène à cause
de l’analogie de coloration ; la différence entre ces deux genres
estcependant très-considérable, car dans celui-ci se voit un té-
gument contractile qui permet à l’animal de changer de forme
à chaque instant; chez les Phacus, au contraire, le tégument
paraît totalement privé de contractilité et la forme est abso-
Jument invariable. Les Phacus montrent d’ailleurs une ten-
dance bien marquée à la disposition spirale par la manière
DES INFUSOIRES. Jo)
dont leur corps foliacé est quelquefois légèrement tordu ou
contourné autour de l’axe longitudinal ; leur surface est sou-
vent sillonnée dans le sens de la longueur, et leur bord an-
térieur offre une sorte d’entaille, dont un des bords s’avance
obliquement plus que Pautre , et de laquelle part le filament
flagelliforme qui est très-long et très-délié. Ge filament , qui
par son agitation continuelle produit le mouvement lent et
régulier de l’animal , a été, je crois, aperçu pour la première
fois tel qu’il est réellement par moi à la fin de 1835, et re-
présenté dans les annales des sciences naturelles (1836,
tome V, pl. 9); cependant M. Ehrenberg, qui précédem-
ment avait vu imparfaitement dans divers Infusoires un fi-
lament flagelliforme , et qui, sous le nom de trompe, l’a tou-
joursreprésenté trop court et trop épais, a peut-être la prio-
rité pour cette observation,
Le tégument des Phacus persiste après la mort de l’ani-
mal, et même après la destruction de la substance verte in-
térieure, et apres l’action de divers agents chimiques ; il dé-
vient alors d’une transparence parfaite. Le filament moteur
disparaît au contraire comme le reste de la partie vivante ;
mais parmi les globules ou disques qu’on anercçoit au milieu
du corps, il en est un ou plusieurs qui persistent aussi après
Ja mort. Comme on n’a jamais observé aucun indice de con-
tractilité dans ces disques ou globules où vésicules apparents
de l’intérieur, comme on n’y à jamais vu pénétrer ni sub-
stances colorées, ni aucun corps étranger, et comme d’ail-
leurs on n’apercoit aucune relation ou communication entre
eux, il est impossible de se faire une idée juste de leur na-
ture et de leurs fonctions ; cependant M. Ehrenberg, qui a
nommé œil le point rouge antérieur, et œufs les préten-
dus granules dont serait formée la substance verte, veut
reconnaître aussi des estomacs dans les globules incolores,
et des testicules dans les disques persistants. Il suppose aussi
qu'il y aurait une bouche dans l’'échancrure antérieure.
Nous pensons qu’il serait plus convenable de dire que les
Phacus, par le manque absolu de contractilité dans leur en-
336 . HISTOIRE NATURELLE
veloppe et dans leur substance interne, sembleraïent être
des végétaux si on ne connaissait pas leur filament flagelli-
forme , qui est l’attribut des Infusoires de notre troisième
ordre.
L'espèce la plus anciennement connue est une Cercaire de
Müller dont M. Bory a fait une Y'irguline, et que M. Nitzsch
a pris pour type de son genre Phacus ; elle se trouve, ainsi
que les autres espèces, dans les eaux stagnantes ou même
dans les eaux vertes des ornières et des fossés ; ou bien dans
ces mêmes eaux conservées très-longtemps dans des flacons ;
mais on n’en voit pas dans les infusions artificielles.
1. Pæacus PLEURONECTE. — Phacus pleuronectes. Nitzsch (1).—PI. V,
fig. 5.
Corps très-déprimé, ovale, presque circulaire, vert, avec des
sillons longitudinaux peu marqués, et un prolongement caudi-
forme trois ou quatre fois plus court. — Longueur de 0,040 à
0,045 ; mouvement vacillant.
Cet Infusoire, tres-commun dans les eaux stagnantes, a été ob-
servé dans presque toute l'Europe; cependant, il serait possible
que plusieurs espèces trés-voisines eussent été confondues sous le
même nom, car j'en ai vu de plus allongées et de plus circulaires
dont les sillons longitudinaux étaient plus ou moins nombreux,
plus ou moins prononcés. Son filament flagelliforme est un des plus
difficiles à distinguer; il est plus long que le corps, et s'agite vive-
ment soit à côté, soit devant le corps même. Son épaisseur au
grossissement de 300 ne paraît pas plus forte que celle d'un brin
de laine fine, vu à l'œil nu; on ne peut donc lui supposer plus
de 0,00006 d'épaisseur réelle, J'ai observé fréquemment cet Infu-
soire ; en 1835, je le trouvais dans une eau douce stagnante des
côtes du Calvados, son point rouge oculiforme était très-marqué ;
en décembre 1836, je l'avais vu dans des eaux marécageuses in-
fectes des environs de Paris ; il n'avait pas de point rouge bien
(1) Cercaria pleuronectes, Müller, Infus. PI. XIX , fig. 19-21.
Virgulina pleuronectes, Bory, Encycl. 1824, dict, class. 1830.
LEuglena pleuronectes, Ehr. Infus. 1838, PI. VE, fig. 12.
DES INFUSOIRES. 392
marqué ; sa forme était plus oblongue; en novembre 1837, je
l'étudiai de nouveau dans l’eau de l'étang de Meudon; il était plus
circulaire, montrait un ou deux disques incolores bien nets à
l'intérieur, et douze sillons longitudinaux bien prononcés, son
point rouge était aussi net. Enfin , le Phacus que jusque-là je n’a-
vais rencontré qu'isolément , je l'ai vu à Toulouse, le 10 janvier
1840, colorer en vert foncé l’eau des fossés du boulevard ; il était
long de 0,04 à 0,043, large de 0,0225 à 0,03 avec dix à douze
sillons granuleux, presque effacés , avec un point rouge très-ir-
régulier que je ne pus prendre pour un œil, et avec plusieurs
disques incolores à zones concentriques (PI. V, fig. 5. c. ), souvent
perforés au centre, et de forme tout à fait invariable. Voulant
m'assurer de la nature de ces disques, je les traitai sur la plaque
de verre, successivement par l'acide nitrique, par une solution
bouillante de carbonate de soude, par l'ammoniaque, par l’al-
cool et par l’éther, sans les attaquer ni les dissoudre ; l’éther lais-
sait aprés le traitement quelques gouttelettes vertes, huileuses,
provenant de la substance verte intérieure. 11 m'est donc bien
impossible de voir dans ces disques si invariables les organes que
M. Ehrenberg a voulu y reconnaitre. Dans un de ces Phacus, on
voyait au centre un grand disque bien transparent, à moitié en-
touré par une plaque marquée de zones et recourbée en arc de
cercle qui paraissait être de même nature.
2. PHAGUS À LONGUE QUEUE, — Phacus longicauda. — PI, V, fig. 6.
Corps déprimé en forme de feuille, ovale, arrondi, tordu sur son
axe, marqué de douze à quinze larges sillons longitudinaux avec
une fente ou une entaille au milieu du bord antérieur, d'où part
un long filament flagelliforme , et prolongé postérieurement en
une queue diaphane , droite, presque aussi longue que le corps.
— Longueur, 0,092 avec la queue.
De l’eau rapportée de l'étang du Plessis-Piquet, le 23 novembre
1535, et conservée dans un flacon avec des débris de plantes ma-
récageuses, me fournissait abondamment ce Phacus que j'ai re-
présenté dans les Annales des sciences naturelles (1836, €. 9, PI. 1X),
pendant les mois de décembre et de janvier. Le filament, aussi long
(1) Euglena longicauda, Ehr. 1831-1838, Inf. PL VII, fig. 13.
INFUSOIRES. 22
338 HISTOIRE NATURELLE
que le corps, était notablement plus épais et plus visible que dans
l'espèce précédente; son épaisseur à sa base n’était pas moindre
que 0,00o1, les intervalles des sillons de la surface étaient régu-
liérement tuberculés; il n’y avait pas de point rouge antérieur,
quoiqu'on l'y voie quelquefois. M. Ehrenberg regarde, au con-
traire, ce point rouge comme un organe essentiel et caractéris-
tique; il attribue au Phacus longicauda des œufs verts de 0,003
à 0,0028, des estomacs, un testicule et deux vésicules séminales
contractiles, et enfin , il dit avoir vu , dans cette espèce , un gan-
glion nerveux, clair, nettement circonscrit au-dessous du point
oculaire rouge. Quant au filament flagelliforme, que cet auteur
persiste à nommer une trompe partant d’une lèvre supérieure, il
ne l’a représenté, pour la premiere fois, que dans un mémoire
imprimé à la fin de 1836 , et envoyé le 13 mars 1837, à l'Institut
de France. A la vérité, dans son troisieme mémoire (1833), il dit
quelque part (pag. 104-105) avoir reconnu que le mouvement de
certaines Euglènes est produit par une trompe et non par les cils
qu'ilavait figurés et décrits précédemment ; mais dans ce mémoire
même , il n’a point représenté d'Euglènes avec cet organe.
3. Puacus TRPTÈRE, — Phacus tripteris. — PI, V, fig. 7.
Corps oblong à trois feuillets longitudinaux réunis dans l’axe,
un peu tordu sur cet axe, avec un point rouge en avant, et un
prolongement caudiforme diaphane en arrière. — Longueur de
0,065 à 0,080.
J'ai trouvé cet Infusoire, d’abord au mois de novembre, dans
l'eau des ornières, au sud de Paris, et plus tard, le 15 juin 1838,
dans de l’eau où s'étaient pourries des spongilles de l'étang de
Meudon.
* Phacus triquetra. — (Euglena triquetra. Ehr. 1832, IIIe mém.
pl. VIT, 1838. Infusionsth. PI. VII, fig. 14, pag. 112.)
Cette espèce, qui diffère de la précédente par sa forme plus cir-
culaire, et par sa longueur beaucoup moindre (de 0,023 à 0,046)
a été trouvée par M. Ehrenberg, entre des Lemna minor, en avril
et en juin 1832, auprès de Berlin. Elle est moins tordue sur son
axe ; elle est caractérisée ainsi par cet auteur : « corps ovale, fo-
liacé, caréne, triquètre, vert, avec une queue diaphane courte, »
Elle ne montre pas de stries ou de sillons longitudinaux.
DES INFUSOIRES. 399
4° Genre. CRUMENULE. — Crumenula.
An. à corps ovale, déprimé, revêtus d’un tégument ré-
sistant, obliquement strié et comme réticulé, laissant sortir
obliquement d’une entaille du bord antérieur un long fila-
ment flagelliforme. — Mouvement lent.
1. CRUMÉNULE TREssèe. — Crumenula texta. — PI, V, fig. 8.
Têt résistant, réticulé rempli de substance verte avec des va-
cuoles ou des globules hyalins , et un gros globule rouge en avant.
— Longueur, 0,05.
Cet Infusoire , que j'ai observé plusieurs fois, en décembre et
janvier, dans l’eau de l'étang du Plessis -Piquet, conservée depuis
quelques mois avec des végétaux vivants et des débris (voyez An-
nales des sciences natur. 1836, t. 5, PI. IX), a la forme d’un sac
tressé , aplati et rempli de matière verte entremélée de granules
et de globules hyalins; versle quart ou le tiers antérieur, se voit
un globule rouge large de 0,009 , que je ne puis regarder comme
un œil ; et, tout à fait en avant, se voit un pli ou une entaille for-
mée par une saillie en maniere delèvre; du fond de cette entaille
sortun filament trois fois plus long que le corps, et épais de 0,000 16,
lequel contourné sur lui-même un grand nombre de fois, s’agite vi-
-vement sans faire beaucoup avancer l’animal. Avec les Cruménules
vivantes, il s’en trouve de mortes, dont le test limpide ne contient
plus que des granules brunâtres, réguliers , longs de 0,0016 , qui
sont peut-être des corps reproducteurs.
* GENRE PROROCENTRUM. Ehr.
M. Ehrenberg nomme Prorocentrum micans (Infus.
PL IL, fig. 23), un des Infusoires phosphorescents de la mer
Baltique, observé précédemment par M. Michælis qui ne
put y reconnaître le filament moteur. Cet Infusoire, de cou-
leur jaunâtre, long de 0,06, est ovale, comprimé, plus
étroit en arrière, revêtu d’une cuirasse glabre prolongée en
pointe au milieu du bord antérieur ; il présente à l’intérieur
99
ét sit
540 HISTOIRE NATURELLE
plusieurs vésicules ou globules plus clairs, que l’auteur
nomme des estomacs, et se meut en sautillant au moyen d’un
filament flagelliforme qui sort du têt, en arrière de la pointe
antérieure, M. Ebrenberg place son genre Prorocentrum
dans sa famille des Cryptomonadina, et le caractérise ainsi :
«An. dépourvus d'œil, à cuirasse glabre , terminée par une
pointe frontale, » Sa forme déprimée et son tégument me
font croire que cet Infusoire, sil n'appartient pas au genre
Cruménule , doit en être fort voisin.
5e GENRE. DISELMIS. — Diselmis.
An. à corps ovoïde ou globuleux, revêtus d’un tégument
presque gélatineux non contractile, et pourvus de deux
filaments locomoteurs égaux.
Ce genre, qui répond à peu près au Chlamidomonas de
M. Ehrenberg, tel que cet auteur le définit aujourd’hui,
mais non tel qu’il le voyait précédemment, comprend des
Infusoires presque globuleux, verts, dont les organes loco-
moteurs n’ont pu être vus des anciens micrographes, et qui
ont dû conséquemment être classés avec les Monades, par
Goeze, par Müller, par M. Boryet même par M. Ehrenberg en
1831. Je reconnus en 1837, leur double filament moteur, et
ce caractère me paraissant devoir les distinguer de tous les
autres Infusoires indiqués comme ayant une trompe simple,
je proposai dans les Annales des sciences naturelles
(tom.8, 1837), d'en former le nouveau genre Diselmis. À
cette époque en effet, M. Ehrenberg était censé définir en-
core son genre Chlamidomonas, comme dans son troisième
mémoire en 1832, c’est-à-dire en lui attribuant une trompe
filiforme simple ; mais dans son histoire des Infusoires, en
1838 , il lui a reconnu une trompe double et il a continué à
l'inscrire dans sa famille des J’olvocina; parce qu’à l'intérieur
de la carapace on voit des indices de division spontanée en
deux ou en quatre.
Cette même raison devrait faire reporter à la famille des
DES INFUSOIRES. 341
Polvocina, notre Tetrabæna, mais comme je l'ai dit précé-
demment, je ne place dans ma famille des Volvociens que
les Infusoires montrant une agrégation d'individus com-
plets dans une enveloppe commune.
Les Diselmis m'ont toujours paru composés d'un tégu-
ment diaphane non résistant, susceptible de se dissoudre
après la mort; déjà même, quand l'animal n’est plus dans
les conditions normales , on voit sortir à travers le tégument
plusieurs globules de sarcode , d’une transparence parfaite,
ce qui semble bien annoncer que le tégument est perméable
et que la partie vivante est essentiellement formée de ce sar-
code diaphane. Toutefois le tégument est rempli d’une sub-
stance verte, dont M. Ehrenberg attribue la coloration à des
œufs : cette opinion me semble d'autant moins probable que
ces animalcules, remplis de cette substance verte, sont sensi-
bleseux-mêmes à la lumière, et, comme des végétaux, se fixent
à la partie la plus éclairée du vase en dégageant du gaz (oxy-
gene?) s'ils sont exposés aux rayons du soleil, Au milieu de la
substance verte, se voient des granulations inégales et un dis-
que renflé aux bords, nommé sans motif un testicule, et sou-
vent aussi un point rouge pris à tort pour un œil ; car, je le
répète , c'est par la substance verte tout entière, que les
Diselmis paraissent être sensibles à la lumière, et non par le
point rouge seul. Les filaments moteurs sortent par une même
ouverture du tégument , et souvent même, ils partent d’un
lobe diaphane , saillant par cette ouverture. Les Diselmis se
trouvent dans les eaux stagnantes, au milieu des débris de
végétaux plus ou moins décomposés, ou dans des flacons où
on conserve depuis longtemps des eaux de marais, mais non
dans les infusions artificielles faites en petit. La coloration
en rouge des salines de la Méditerranée est due à un Infu-
soire qui paraît appartenir à ce même genre,
312 HISTOIRE NATURELLE
1. Disezmis vERTE. — Diselmis viridis (1), — PI. INT, fig. °0-°1."
Corps ovoïde, renflé, vert avec un point rouge, et deux fila-
ments d'une longueur double environ. — Longueur de 0,040 à
0,019.
J'observais, au mois de juin 1837, cet Infusoire dans de l'eau
de pluie qui depuis quinze jours baignait du terreau laissé à l’om-
bre dans une terrine, et qui en était totalement colorée en vert.
Cette eau verte exposée dans un flacon au soleil, dégageait beau-
coup de gaz , et les Diselmis montraient une disposition bien ma-
nifeste à se fixer aux parois les plus vivement éclairées, ou à for-
mer une pellicule continue à la surface. Je les ai revues fréquem-
ment depuis, mais jamais en si grande quantité. À l’intérieur, on
distingue quelquefois un disque déprimé au centre et regardé
comme un testicule par M. Ehrenberg. Les deux filaments mo-
teurs me parurent deux fois et demi aussi longs que le corps dans
les individus observés au mois de juin. Ils sortaient d’une ouver-
verture oblique placée un peu en arrière du bord antérieur;
dans les individus observés au mois d'avril 1838, les filaments
n'avaient pas deux fois la longueur du corps; ils étaient quelque-
fois portés par un lobe charnu sortant par une ouverture presque
terminale. Ces filaments, d’une extrême ténuité, ne deviennent vi-
sibles que quand ils cessent de s’agiter aussi vivement; quand
tous les deux sont agités également, l'animal se meut uniformé-
ment en avant, mais quelquefois l’un d'eux s’agite seul , et l'autre
fixé ou agglutiné à la plaque de verre retient l'animal qui se ba-
Jance autour de ce point d'appui ; d'autres fois , les deux filaments
se fixent en même temps en formant entre eux un angle presque
droit, et l'animal reste immobile pendant quelques instants ; sou-
vent aussi ils se détachent à leur base, et on les voit flotter dans
(1) Monas ovulum, Goeze, Wittemb. magazs3 , p. 3, 1783.
Monas pulvisculus, Müller , Infus. PI. 1, fig. 5-6.
Monas lens, Nees d’Esenbeck.—Hornschuch, Nov. act. nat. cur. t. X,
p. 517.
Monas pulvisculus, Ehrenb, 1831, mém. Berlin.
Chlamidomonas pulvisculus, Ehr. 1832-1838. Infus. pl. III, fig. 10.
Diselmis viridis, Duj. Ann. sc. nat. 1837, t. 8.
DES INFUSOIRES, 319
le liquide. Les Diselmis tenues depuis quelque temps entre les la-
mes de verre laissent exsuder sur leur contour des globules dia-
phanes de sarcode qui ont dû passer à travers le tégument, quoi-
qu'on n'y apercoive ni mailles ni lacunes; si ces Infusoires sont
comprimés, ils font sortir par l'ouverture antérieure une masse
sarcodique qui s'étale en large disque, et ne contient que quelques
parcelles vertes ou même reste entièrement diaphane. Parmi les
Diselmis fixées et devenues ainsi plus globuleuses, je voyais plu-
sieurs giobules verts un peu plus gros, divisés intérieurement en
deux ou en quatre, et qui peut-être étaient ces mêmes Infusoires
én voie de se diviser spontanément.
1] est probable que Müller a voulu parler de cette même espèce
sous le nom de Monas pulvisculus, 1] l'a observée dans les eaux
stagnantes, au mois de mars, et la décrit comme des granules
sphériques, translucides, à bord vert, dont les plus grands mon-
trent à l'intérieur des indices de division spontanée : ces granules,
dit-il, se trouvent dans chaque goutte d’eau par myriades, et for-
ment une pellicule verte à la surface de l’eau, et sur les paroiïs du
vase abandonnées par l'eau.
2, DISELMIS MARINE, — Diselmis marina.
Corps presque globuleux , obtus et arrondi en avant, granuleux
à l'intérieur. — Long de 0,027.
Cette espèce, plus grande que la précédente, plus globuleuse et
peut-être toujours dépourvue de point rouge, se trouvait abon-
damment, le 3 mars 1840, dans de l'eau de mer stagnante et co-
lorée en vert, sur la plage à côté du port de Cette.
3. Disezmis ÉTROITE. — Diselmis angusta, — P]. V, fig. 22.
Corps pyriforme, oblong, paraissant plissé et tuberculeux à l'in-
térieur, ayant quelquefois un point rouge peu visible. — Long.
de 0,0106 à 0,01445 ; largeur, 0,0072.
Cet Infusoire qui, vu de côté était allongé et rétréci en avant,
et qui vu perpendiculairement paraissait un simple globule vert,
se trouvait, le » février, dans un bocal contenant depuis cinq
mois de l’eau prise à l'étang de Meudon, et conservée avec divers
végétaux.
D HISTOIRE NATURELLE
Je Pons citer d’après mes notes plnsieurs autres espèces de
Diselmis ét notamment une espèce de forme ovoïde , à tégument
granuleux, inégal et comme floconneux en dehors, ayant un
point rouge bien prononcé. Sa longueur était de 0,02 et 0,024,
et sa largeur de 0,013.
* Diselmis Dunalii. — (Monas Dunalit, Joly, Histoire d’un petit
Crustacé, etc. Montpellier, 1840.)
M. Joly, en recherchant la cause de la coloration des salines
de la Méditerranée, a reconnu que cette coloration en rouge,
souvent très-vif, est due à des Infusoires qu'il nomme Monas
Dunalii, et qu'il décrit ainsi : |
« Corps ovale ou oblong, souvent étranglé dans son milieu,
quelquefois cylindrique ; incolore chez les très-jeunes individus,
verdâtre chez ceux qui sont plus avancés, d'un rouge ponceau
chez les adultes. Bouche en forme de prolongement conique,
rétractile, d'un blanc hyalin. Deux trompes flagelliformes plus
longues que le corps, situées sur les côtés de cette bouche. Point
d'yeux. Estomacs indistincts. Anus et queue nuls. Corps rempli
d’un nombre variable de globules verts ou rouges donnant à
l'animal la couleur qui le distingue, et servant probablement à
perpétuer son espèce. »
6° Genre. ANISONÈME. — Anisonema.
An. à corps incolore, oblong, plus ou moins déprimé,
revêtu d’un tégument résistant par une ouverture, duquel
sortent deux filaments ; l’un flagelliforme dirigé en avant,
l’autre plus épais traînant et rétracteur. — Mouvement
lent.
Comme je l'ai dit en parlant de l'Hétéromite (page 297),
nous trouvons dans trois de nos familles, des Infusoires pour-
vus comme l’Anisonème de deux filaments moteurs différents;
l'un plus délié, sans cesse agité d’un mouvement ondula-
toire et servant uniquement à faire avancer l’animal ; l’autre
plus épais, non agité de même, mais flottant dans le liquide
DES INFUSOIRES. 349
et servant alors comme un gouvernail pour rendre plus ré-
gulier le mouvement, ou s’agglutinant pour retenir l'animal
ou pour le tirer brusquement en arrière par sa contraction
subite. L’Anisonème se distingue des autres par son tégu-
ment résistant non contractile et qu’on voit quelquefois
dans le liquide rester vide et parfaitement diaphane. Il se
pourrait que le Bodo grandis de M. Ehrenberg, se rap-
portât à quelque espèce de ce genre en même temps qu'à
l’'Hétéromite.
1. ANISONÈME PEPIN., — Ænisonema acinus.— P]. V, fig. 27.
Corps oblong, déprimé, arrondi en arrière , plus étroit en avant
ou en forme de pepin, avec une ouverture presque terminale.
Mouvement rectiligne en avant. — Long de 0,20 à 0,031.
J'ai trouvé cette espèce abondamment avec les Trinèmes dans
les flacons où je conservais en hiver, de l’eau prise avec divers
débris dans l'étang du Plessis-Piquet. Son têt membraneux trans-
parent paraît assez résistant et ne se décompose pas après la mort
de l'animal, il présente souvent en dessus une côte arrondie, sail-
Jante.
2. ANISONÈME SILLONNE. — Anisonema sulcata. — P], V, fig. 28.
Corps ovale, déprimé, avec quatre ou einq sillons longitudi-
naux , et une entaille oblique en avant, d’où sortent les deux fila-
ments. — Mouvement vacillant circulaire. — Longueur 0,022.
Cet Infusoirequi , probablement plus tard , devra constituer un
genre distinct du précédent, a bien pu être confondu avec les
Cyclides par les anciens micrographes, son filament flagelliforme
est trois fois aussi long que le corps; le filament trainant n'est
qu'une fois et demie ou deux fois aussi long.
11 vivait dans l’eau de l'étang de Meudon, conservée depuis un
mois.
7° GENRE. PLOEOTIA. — Plœotia.
An. à corps diaphane , ayant plusieurs côtes ou carènes
longitudinales , saillantes au milieu , et un bord circulaire
346 HISTOIRE NATURELLE
d’une ppt parfaite, d’où résulte quelque analogie
avec la forme d’un navire ( rhoiov ). Deux filaments loco-
moteurs différents partant d’une extrémité,
Sous ce nom, je désigne une forme d’Infusoire tout à
fait distincte, et que j'eusse prise pour une Bacillariée, si
je n’eusse bien vu ses deux filaments moteurs; il me paraît
extrèmement probable que Müller a décrit quelque chose
d’analogue à notre Plæotie ; sous le nom de Trichoda prisma
({nfus. p. 187, pl. xxvr, fig. 20-21). IL l’observa comme
nous dans de l’eau de mer conservée depuis plusieurs jours,
son mouvement était vacillant comme celui d’une barque
flottante. Il le caractérise ainsi: « animal des plus petits, à
peine visible, en raison de sa transparence de cristal, ovale,
convexe comme une nacelle en dessous , comprimé en forme
de carène en dessus, plus étroit en avant, sans aucune trace
de poils ou de cils. » Les organes locomoteurs que Müller
ne peut avoir apercus, jé les ai vus dans notre Plæotie sous
la forme de deux filaments différents , comme ceux des Ani-
sonèmes , l’un flagelliforme, agité continuellement d’un
mouvement ondulatoire, l'autre plus épais, flottant, sus-
ceptible de s’aglutiner aux corps solides pour retirer brusque-
ment l’animal en arrière quand il se contracte.
ï. PLŒOTIE viTRée. — Plœotia vitrea, — PI]. V, fig. 3.
Corps hyalin, avec trois ou quatre lignes longitudinales sail-
lantes au milieu, et quelques granules intérieurs. — Longueur
0,02, — Mouvement lent.
Dans l'eau de mer prise à Cette , le 13 mars, et conservée de-
puis deux mois.
8° Genre. OXYRRHIS. — Oxyrrhis.
An. à corps ovoïde, oblong, obliquement échancré en
avant et prolongé en pointe; plusieurs filaments flagelli-
formes partant latéralement du fond de l’échanerure.
Les Infusoires ont été jusqu’à présent si peu observés
DES INFUSOIRES. SIA à
dans la Méditerranée et dans les autres mers des pays chauds,
qu’il n’est pas douteux que de nouveaux genres , tels que ce-
lui-ci et le précédent ne doivent être établis plus tard avec
les espèces qu’on y aura découvertes. Get Oxyrrhis dont le
nom dérivé du grec (pp) indique le prolongement an-
térieur du tégument , est bien reconnaissable par sa forme
oblongue, irrégulière, tronquée obliquement, et par ses fi-
laments flagelliformes.
1. OXYRRHIS MARINE, — Oxyrrhis marina. — PI, V, fig. 4.
Corps incolore, sub-cylindrique, rugueux, arrondi en arrière.
— Longueur 0,05.
Vivant dans l’eau de la Méditerranée, conservée depuis deux
mois avec des Ulves.
* OPruipomonas JENENSIS. — Ehr. Infus. 1838, p. 43.
Sous ce nom, M. Ehrenberg a décrit un Infusoire brunûtre,
long de 0,04, filiforme, à corps trés-mince , courbé en spirale,
également obtus aux deux extrémités, ayant une trompe filiforme
pour organe locomoteur , et beaucoup de cellules stomachales à
l'intérieur. 11 le découvrit, le 18 septembre, près d'Iéna, et le
prit pour type d’un nouveau genre Ophidomonas, caractérisé
ainsi : « Animaux dépourvus d'œil, à carapace obtuse, nue, en
forme de fil, et se multipliant par division transverse complete. »
IX° FAMILLE.
EUGLÉNIENS.
Animaux de forme très-variable, pourvus d’un
tégument contractile, et d’un ou plusieurs filaments
flagelliformes servant d'organes locomoteurs.
Nos Eugléniens répondent en grande partie à la fa-
mille des Æstasiæa de M. Ehrenberg , et j'aurais con-
servé le nom d’Astasiens, si lon ne m'eût pas fait
348 HISTOIRE NATURELLE
remarquer la ressemblance de ce nom avec celui d’Asta-
ciens, déjà employé pour des Crustacés. Les Euglé-
niens, bien caractérisés par l'instabilité de leur forme
et par leur filament flagelliforme moteur, ne pourraient
être confondus qu'avec certains Monadiens, si l’on ne
savait constater suffisamment chez eux la présence
d’un tégument ; mais pour cela plusieurs indices de-
vront guider l'observateur ; ainsi, quand le corps est
susceptible de s’aglutiner et de s’étirer ensuite, c’est
une preuve de l'absence d’un tégument; quant, au con-
traire , le corps toujourslibre ne présente dans ses chan-
gements de formes que des renflements et des lobes ar-
rondis, comme le pourrait faire un sac élastique non
entièrement rempli d’une certaine quantité de matière
qui change de place à l’intérieur sans changer de vo-
lume ; on peut conclure que l’Infusoire est enveloppé
lui-même aussi d’un tégument contractile. Un autre
indice est pris de la disposition de la surface qui , dans
les Monadiens nus, est inégalement renflée en nodules,
tandis que dans les Eugléniens elle est lisse ou réguliè-
rement plissée ou striée. Ces animaux ne pourraient
d’ailleurs être confondus avec des Thécamonadiens, que
s'ils étaient tout à fait privés de mouvement: c'est bien
ce qui arrive pour des Euglènes qui, à une certaine
époque de leur vie, se fixent en prenant une forme
globuleuse ; mais elles sont ordinairement en si grand
nombre dans le liquide, qu’on en doit voir en même
temps quelques autres en mouvement, et qu'on peut
dès lors prononcer avec certitude sur la nature de celles
qui sont fixées.
Certains Eugléniens sont remarquables par leur co-
loration.en vert ou en rouge, et par la présence d'un
ou de plasieurs points colorés que M. Ehrenberg a
DES INFUSOIRES. 349
nommés des yeux, d'où le nom Euglena (is, beau;
ém , œil); mais cela ne suffirait pas, à notre avis,
pour établir des distinctions génériques ; c'est dans la
nature ou la structure apparente du tégument, dans
le nombre, et dans le mode d'insertion des filaments
moteurs, qu'on doit mieux trouver ces caractères. Ainsi
nous pouvons séparer d’abord un genre Polyselmis, ca-
ractérisé par la multiplicité de ses filaments, puis de
ceux qui ont deux filaments, faire les deux genres
Zygoselmis et Hétéronème , suivant que les deux fila-
ments sont inégaux dans celui-ci comme dans les Ani-
sonèmes et les Hétéromites, ou égaux dans celui-là
comme dans les Diselmis. Restent les Eugléniens à un
seul filament , pour lesquels les distinctions seront bien
plus artificielles et incertaines. Ceux dont le corps
ordinairement coloré se prolonge en queue et qui ont
un point rouge oculiforme , sont les £uglènes, ayant
pour type la Cercaria viridis de Müller; mais pour
ne pas rompre des rapports naturels, on est obligé
d'ajouter à ces Euglènes à queue des espèces qui
sont habituellement arrondies en arrière. Les es-
pèces sans coloration et sans prolongement caudi-
forme sont des Æstasia, si le filament, agité dans
toute son étendue, est inséré brusquement comme
chez les Euglènes, au fond d’une entaille du bord an-
térieur ou sur ce bord même; ce sont des Péranèmes,
si ce filament est plus épais et plus roide à sa base, où
il semble n'être que le résultat de l’amincissement gra-
duel du corps en avant. Mais ces deux derniers genres,
surtout, ne doivent être considérés que comme établis
provisoirement pour aider à la désignation de certaines
formes ; ils montrent des passages si insensibles de l’un
à l’autre, et même aux Monadiens , que l’on sera exposé
350 HISTOIRE NATURELLE
à placer dans des genres différents les divers degrés de
développement d’un même animal. Gela tient, je le
répète, à l’état d’imperfection de nos connaissances
réelles sur les Infusoires en général, et n’oblige à ré-
péter encore que la classification proposée ici a seule-
ment pour but de faciliter une étude que des classifica-
tions , basées sur de pures hypothèses , avaient rendue
presque inaccessible.
Trois espèces du genre Euglène ont été connues de
Müller, qui les classa dans ses trois genres, Wibrio,
Cercaria et Enchelys; il est vraisemblable que dans
ce dernier genre, cet auteur a placé également des Pé-
ranèmes ou des Astasia; mais on ne peut, comme je
l'ai déjà dit, reconnaître avec certitude ces espèces
| trop imparfaitement décrites. M. Bory, frappé des ca-
ractères de la Cercaria viridis de Müller, la prit pour
type de son genre Raphanelle, caractérisé par un corps
cylindracé, contractile, au point d’être quelquefois
polymorphe, aminci postérieurement en manière de
queue; mais il plaça dans le même genre le Pro-
teus tenax, et les Enchelys caudata et gemmata,
de Müller. D'un autre côté, il plaça dans son genre
Lacrymatoire, le Fibrio acus du même auteur, qui
est une véritable Euglène; et laissa dans son genre
Enchélide, lEnchelys deses, de Müller, qui est aussi
une Euglène, mais qu’il regarde comme étant évi-
demment un Zoocarpe.
M. Ehrenberg créa, en 1830, la famille des Æsta-
siæa, comprenant « les polygastriques nus et gymni-
ques ou sans appendices, à bouche ciliée ou nue, à corps
allongé devenant polymorphe par la contraction , sou-
vent cylindrique ou fusiforme, et se divisant sponta-
nément dans le sens lonsitudinal ou obliquement. » Il
DES INFUSOIRES. 351
en faisait trois genres, savoir, les Æstasia sans yeux,
les Euglena et les Amblyonhis , pourvus d’un seul œil ;
mais ceux-ci sans queue, et ceux-là avec une queue,
Plus tard, en 1831, il créa un quatrième genre, Di.
stigma pour les espèces à deux points colorés, ou,
comme il le dit, à deux yeux. Puis , en 1832, il ajouta
encore le genre Colacitum pour des espèces sans yeux,
comme les Astasia, mais fixées par l'extrémité de la
queue et pourvues de cils rotatoires (?). Précédemment
il avait attribué à tous ses Astasiés, comme à ses Mo-
padiens , une bouche entourée de cils; mais alors il
commencait à douter de ce caractère, et quelque temps
après il reconnut en elfet que ces animaux ont pour
organe locomoteur un fiiament qu'il nomme une
trompe. En 1838 , enfin, il ajouta un sixième genre,
Chlorogonium, formé d’une ancienne espèce d’'Astasia,
qui n'est pas, dit-il, privée d'œil comme ses congé-
nères, et qui, de plus, possède deux trompes filiformes.
Maintenant ses 4stasiæa sont pour lui des « polygas-
triques anentérés (ou sans tube intestinal), gymni-
ques (ou sans appendices ni cuirasse), changeant spon-
tanément la forme de leur corps, qui est ou qui n’est
pas terminé par une queue, et ayant un seul orifice à
Vappareil digestif. » Il distingue d'abord le genre
Æslasia, sans yeux; puis, parmi ceux qui ont un
œil, les Colacium , qui sont fixés par un pédoncule ;
tous les autres étant libres, sont les CAlorogonium,
s'ils ont deux trompes; des Amblyophis, s'ils sont sans
queue; des Euglena, s'ils en sont pourvus au con-
traire ; un seul genre enfin, Distigma, est caractérisé
par la présence de deux yeux. De ces six genres, nous
en admettons deux, Æstasia et Euglena, en réunis-
sant à ce dernier les Æmblyophis, et en le réduisant
352 HISTOIRE NATURELLE
aux espèces contractiles. Le genre Colacium, que nous
avons rencontré sans l’étudier suffisamment, ne peut
être qu'indiqué ; les deux autres nous sont inconnus.
Mais nous complétons la famille par l’adjonction de
diverses formes que M. Ehrenberg n’y admet pas, ou
qu'il n’a pas connues.
Cet auteur interprète à sa manière les divers détails
qu’on aperçoit par transparence dans l’intérieur du
corps des Eugléniens ; comme il a été dit plus haut, les
points colorés sont pour lui des yeux, et il a voulu
reconnaître un ganglion nerveux auprès de l'œil de
son ÆAmblyophis. I] attribue à des œufs la coloration
en vert ou en rouge de plusieurs de ces animaux, et
croit voir des estomacs et des organes génitaux mâles
dans les parties de forme diverse qu’on voit au milieu
de la substance colorée , et qui réfractent plus forte-
ment la lumière, mais qui n’ont aucune connexion
entre eux.
La plupart des Eugléniens vivent dans les eaux sta-
gnantes, quelques-uns même y sont tellement abon-
dants, qu’ils les colorent en vert ou en rouge; d’autres
se développent dans de vieilles infusions exposées à
la lumière. On est exposé à les prendre pour des êtres
différents quand on les voit nager, ou quand on les voit
fixés sous forme de globules colorés; on les voit sou-
vent en outre se mouvoir en rampant à la manière des
Amibes, quand ils ont perdu leur filament moteur
qui se détache à une certaine époque , et reste flattant
dans le liquide. Leur mode de propagation n’est pas
exactement connu; M. Ehrenberg dit avoir observé
chez eux la division spontanée dans le sens longitudi-
nal pour quelques-uns; il attribue un mode de divi-
sion spontanée multiple dans une direction oblique au
DES INFUSOIRES. 353
Chlorogonium. Je n'ai rien vu de tel, et je ne puis
même bien concevoir la possibilité de ces faits; mais
j'ai vu dans les Euglènes, fixée sous forme de globules,
la substance colorée divisée en deux masses distinctes ,
ce qui m'a paru être un indice de multiplication pro-
chaine.
Filament plus épais a sa base, partant d'un PSE ie
longement aminci. . : . . +. . . ... . 4 7
Sans point oculiforme. . AsrasiA.
Filament mince à sa
base, partant du fond
d'une entaille. Avec un ou plusieurs
points oculiformes. . . .
EUGLÉNIENS pourvus
d’un seul filament.
} EuGLENA.
Deux filaments égaux. . . . ., ZycoseLmis.
EUGLÉNIENS à deux
RL antoine Un filament flagelliforme plus
mince et un filament irait} HETERONEMA.
rétracienurs 2242200 LE ste fe
EUGLEÉNIENS à plusieurs filaments. . . . . . . . . » . PoryseLzmis,
17 Genre. PERANEME. — Peranema.
An. à corps de forme variable, tantôt presque globuleux,
tantôt renflé en arrière et aminci en avant, où il se pro-
longe en un long filament aminci à l'extrémité. — Mouve-
ment lent, uniforme , en avant.
Les Péranèmes, dont le nom est formé des mots grecs
répz Sac, vaux fil, avaient d’abord été nommés par moi Py-
ronèmes (Ann. sc. nat. 1836, t. 5, pl. 9), pour indiquer
leur forme souvent en poire; mais cette dénomination pou-
vant être comprise autrement d’après l'emploi d’une autre
racine (rÿp), et d’ailleurs étant employée par les Botanistes,
j'ai dû la changer.
Les Péranèmes sont incolores, formés d’une substance
diaphane demi-fluide , entremêlée de granules et de vacuoles
INFUSOIRES. 23
354 HISTOIRE NATURELLE
ét entourée d’un tégument contractile, dont l’existence ,
quelquefois douteuse , ne se manifeste que par le mode de
contraction générale, ou par des plissements et des réticu-
lations peu marquées. Elles n’ont aucun autre organe exté-
rieur que le filament fiagelliforme qui, très- long et agité
seulement à l’extrémité, produit un mouvement lent , uni-
forme en avant, pendant que le corps change de forme en
se contractant plus ou moins. Ce filament se détache quel-
quefois à sa base ; l’animal alors, au moyen de sés contrac-
tions variées, rampe sur la plaque de verre, et présente une
certaine ressemblance avec une Amibe, mais on reconnaît
cependant que les lobes ou expansions variables qu’il émet
de côté et d'autre, ne sont pas entièrement dépourvus de
tégument comme chez les Amibes., Chacun de ces lobes se
retire après s'être avancé, au lieu de devenir un point de dé-
part pour de nouvelles expansions.
Il est probable que les Péranèmes ont été vués par les pré-
cédents observateurs , qui les auront prises pour des Enché-
lides. Je soupçonne que M. Ehrenberg a décrit une espèce de
ce genre, sous le nom de 7'rachelius trichophorus, en citant
le J'ibrio strictus de Müller comme synonyme douteux.
Ces Iufusoires se trouvent dans les eaux de marais plus ou
moins altérées , et principalement à la surface des végétaux
morts et couverts de vase.
1, PÉRANEME ÉTIRÉE, — Peranema protracta. (Pyronema. Ann.
, sc. nat. 1890, t. 5. p. 9.)
Corps oblong ; mou , renflé en arrière, très-aminci en avant. —
Longueur de 0,051 à 0,070. — Largeur de 0,014.
J'observais cet Infusoire, au mois de janvier 1836, parmi des
débris de plantes marécageuses prises à l'étang du Plessis-Piquet
deux mois auparavant. Son filament , long de 0,0% à 0,10, est
épais de 0,00016 à l'extrémité où il s’agite vivement, et il de-
vierit de plus en plus épais vers sa base où il n'a pas moins de
0,001, et où il se continue avec la partie amincie du corps. J'ai vu
quelquefois cet animal privé de son filament par quelque acci-
DES INFUSOIRES. 355
dent , et continuant à se mouvoir comme une Amibe, mais sans
émettre de prolongements comme elle, etsurtout sans changer de
lieu , il présente alors une certaine ressemblance avec le Proteus
tenax de Müller.
Son corps est le plus souvent pyriforme, alongé, mais il prend
quelquefois la forme d’un sac arrondi, et montre une ou plusieurs
vacuoles à l’intérieur ; je le décrivais, en 1836, comme ayant sa
surface garnie de tubercules ou de granules assez gros disposés
en séries irrégulières , et j'ajoutais qu'on n'y peut reconnaitre un
tégument réel, quoiqu'il paraisse avoir à l’intérieur plus de con-
sistance que les Monades. Depuis cette époque, l'étude que j'ai eu
l'occasion de faire plusieurs fois de cette espèce et de la suivante
me permet d'interpréter différemment les apparences extérieures
et les circonstances du mouvement de cet Infusoire , et d'y consi-
dérer, sinon comme certaine , au moins comme probable, l'exis-
tence d’un tégument. Des Péranèmes que j'observais au mois de
mars 1838, dans de l’eau de marais longtemps conservée, mon-
traient plus distinctement un tégument. Leur longueur était de
0,034 40,09. “
Je crois que c'estune Péranéme que M. Ehrenberg a décrite sous
lenom de Trachelius trichophorus (Inf. PI, XXXIII, fig. 11) , en Jui
attribuant un corps cylindrique variable, long de 0,022 à 0,062,
presque en massue , avec une trompe flagelliforme très mince. Il
ajoute que cette trompe est terminée par un bouton, mais il dit
n'avoir point revu ce bouton terminal dans la même espece
observée en Russie. Il n’a pu lui faire absorber de couleur. Ce-
pendant, il dit que cet Infusoire est très-gourmand (gefrassig),
et qu'il avale des objets volumineux par une ouverture située à la
base de sa trompe. #
;
2. PÉRANÈME GLOBULEUSE, — Peranema globulosa. — PI. II,
Corps presque globuleux, plus ou moins étiré en avant, avec des
plis obliques à la surface. — Longueur de 0,046 à 0,020. — Lar-
seur 0,013.
Cette espèce, bien distincte par sa contractilité en boule, et par
le plissement de sa surface qui dénote clairement l'existence d'un
tégument, se trouvait, le 19 novembre 1838, dans l’eau de la
Seine conservée depuis dix jours avec des Callitriches.
23°
356 HISTOIRE NATURELLE
* PÉRANÈME VERDATRE. — Peranema virescens.
J'observais, le 11 octobre 1837, dans l’eau de la Seine, une Pé-
ranème qui, en raison de ses rapides changements de forme, pa-
raissait demi-fluide, comme une Amibe. Elle était longue de
0,03 à 0,05, d'une couleur verdâtre; de nouvelles observations
montreront peut-être que c’est une espèce distincte.
de GENRE. ASTASIE, — ZAstasia. Ehr.
An. ordinairement incolores, à corps oblong de forme
variable , avec un filament flagelliforme , articulé brusque-
ment au bord antérieur, ou partant d’une entaille plus ou
moins profonde.
Les espèces de ce genre intermédiaire entre les Péranèmes
et les Euglènes, sont groupées artificiellement ici d’après
des caractères insuffisants, et en attendant qu’une étude plus
approfondie permette de diviser autrement tous les Euglé-
niens à filament unique. Nous n’y comprenons pas sans
doute toutes les espèces dont M. Ehrenberg a composé son
genre Astasia , car il le distingue seulement du genre de ses
Euglènes, par l’absence du point rouge oculiforme, et y
place également des Infusoires verts ou rouges à corps plus
ou moins prolongé en queue, dont un seul, Astasia pusilla,
Jui a laissé voir le filament flagelliforme. Pour nous, en ce
moment , les vraies Astasies sont incolores, revêtues d’un
tégument bien réel et souvent marqué de stries en spirale,
et leur corps, de forme variable , est plus ou moins obtus ou
arrondi en arriére; elles se trouvent dans les eaux de mer
ou de marais , conservées avec des végétaux vivants.
1. ASTASIE TORDUE. — Æstasia contorta. — P]. V, fig. 15.
Corps incolore, demi-transparent, contenant des grains fau-
ves, cylindroïde , renflé au milieu, obtus aux deux extrémités,
DES INFUSOIRES. 391
et marqué de stries obliques bien distinctes, ou paraissant tordu.
— Longueur 0,057. — Marin.
Elle vivait dans de l'eau de mer, prise le 13 mars 1840 dans
l'étang de Thau et conservée à Toulouse depuis quinze jours. Elle
offrait en avant une saillie diaphane en forme de lévre au-des-
sous de laquelle était inséré le filament flagelliforme long de 0,07
à 0,09 et épais de 0,001 environ à sa base ; a l’intérieur se voyaient
le long de l'axe beaucoup de grains fauves comme dans la Cru-
ménule , et qu'on pourrait également regarder comme des corps
reproducteurs. Le corps était bien flexible et contractile, mais
beaucoup moins que celui de l’Astasie limpide ou des Euglènes.
2. ASTASIE ENFLÉE. — Astasia inflata, — PI. V, fig. 11.
Corps demi - transparent, contractile, ovoïde , obliquement
plissé ou strié avec régularité. — Long de 0,046.
Cette espèce, qui se trouvait dans l’eau de mer ainsi que la
précédente, paraît bien distincte par sa forme moins alongée et
moins variable, par sa transparence plus grande, et parce que son
tégument paraît moins résistant.
3. ASTASIE LIMPIDE. — Astasia limpida, — PI, V, fig. 12.
Corps diaphane, lisse, très-variable, fusiforme , plus ou moins
obtus aux deux extrémités, comme fendu en avant et souvent
obliquement replié ou tordu sur son axe. — Long de 0,04 à 0,05.
J'ai observé, au mois de décembre 1838, cet Infusoire dans le
dépôt formé au fond d’un verre où je faisais végéter depuis long-
temps des Zemna en rajoutant de l'eau de temps en temps; sa
forme était aussi variable que celle de l’Euglène verte, et quel-
ques petits granules plus opaques étaient avec de rares vacuoles
tout ce qu'on distinguait à l'intérieur ; son filament flagelliforme
long de 0,06 était bien visible.
* Astasia flavicans et Ast. pusilla, Ehr. (Inf. PI. VIT, fig. 2 et 3.)
Des quatre espèces rapportées aujourd'hui par M. Ehrenberg à
son genre Astasia , les deux qui sont colorées en rouge et en vert
(4. hœmatodes, 4. viridis), me paraissent, malgré l'absence du
358 HISTOIRE NATURELLE
point oculiforme rouge, devoir être reportées ayec les Euglènes;
les deux autres, À. flavicans et 4. pusilla, sont sinon identiques
du moins bien voisines de notre Astasie limpide. Leur forme
varie exactement de la même manière, et elles ne different guère
que par leur grandeur , la première étant longue de 0,0625 et la
seconde de 0,0312; il est bien vraisemblable qu'elles ont l’une et
l'autre un filament flagelliforme quoique l'auteur ne l'ait vu que
dans la plus petite; l'autre , observée en 1831 au printemps,
présentait une couleur jaune d'ocre bien manifeste, et même elle
colorait de la même nuance la surface d'une eau stagnante. Elle
montrait aussi en avant une entaille comme notre Astasie lim-
pide. M. Ehrenberg attribue sa coloration à des œufs; il n'a pu
lui faire avaler des substances colorées non plus qu'à l'A. pusilla
qu'il croit distincte en raison de la présence du filament et de la
grandeur plus considérable des vacuoles ou vésicules internes
qu'il nomme des estomacs.
3e Gexre. EUGLÈNE. — ÆEuglena. Ehr.
An. ordinairement colorés en vert ou en rouge, de
forme très-variable, le plus souvent oblongs et fusiformes
ou renflés au milieu pendant la vie, contractés en boule
dans le repos ou après la mort; avec un filament flagelli-
forme partant d’une entaille en avant, et un ou plusieurs
points rouges ou irréguliers vers l'extrémité antérieure.
Le genre Euglène, ayant pour type la Cercaria viridis de
Müller, a été institué par M. Ehrenberg, et composé, d’une
part , avec des espèces analogues à celle-là , également con-
tractiles ; et d'autre part , avec des espèces de forme compri-
mée ou foliacée, entièrement dépourvues de contractilité , et
devant appartenir au genre Phacus. Aussi cet auteur distin-
gue-t-il simplement ses Euglènes des autres Astasiés par la
présence d’un œil rouge et d’un prolongement caudiforme. Il
leur attribuait , dans ses premiers mémoires , une couronne
de cils vibratiles autour de la bouche; mais plus récemment,
il a reconnu leur filament moteur qu’il nomme une trompe
simple filiforme. Comme organes digestifs , il décrit chez ces
DES INFUSOIRES, 359
Infusoires de nombreuses vésicules ou vacuoles, mais il n’a pu
leur faire avaler des substances colorées ; la coloration propre
de tous ces êtres lui paraît provenir d’une accumulation de
granules qu'il prerd pour des œufs, et dans plusieurs espèces,
il a voulu nommer testicules des concrétions internes de di-
verses formes ; ce sont des corpuscules transparents, bacil-
laires dans l'ÆZuglena acus ; ces corpuscules ressemblent à
des cristaux polyédriques dans l'ÆZ. deses, et ce sont deux
gros corps annulaires dans lZ. spirogyra. Il indique la di-
vision spontanée del’ ÆZuglena acus , comme ayant lieu dans
le sens longitudinal ; il déclare que be points rouges sont de
vrais yeux, et termine en disant que les vaisseaux, en rai-
son de leur finesse , sont restés inconnus.
Les Euglènes, parmi lesquelles je ne comprends , comme
je l'ai déjà dit , que les espèces contractiles, m'ont paru tout
autrement organisées qu'a M. Ehrenberg. En effet, le point
rouge dont cependant j'indique la présence comme caracté-
ristique, bien loin d’être un œil véritable, se montre souvent
comme une agrégation irrégulière de deux , trois ou même
quatre grains rouges quelquefois très-écartés les uns des
autres ; la substance verte intérieure paraît tapisser irrégu-
lièrement le tégument contractile diaphane, et quand on
écrase l’animal entre deux lames de verre, cette substance
verte se répand comme une pulpe molle glutineuse qui se
contracte en globules inégaux , ainsi que la substance gluti-
neuse des autres Infusoires, mais elle n’est point du tont for-
mée de granules réguliers. Au milieu de cette pulpe verte,
il reste dans l’enveloppe, après l’écrasement, un disque blanc
qui réfracte un peu plus fortement la lumière , et qu’on ne
peut rationnellement prendre pour un ganglion nerveux ni
pour un testicule : c’est quelque chose d’analogue aux disques
diaphanes , résistants, des Phacus sur la nature desquels on
ne peut rien dire.
La substance verte, qui est assez uniformément répan-
due à l’intérieur dans les Euglènes bien vives, se contracte
en forme de gros plis irréguliers, laissant entre eux des la-
360 HISTOIRE NATURELLE
cunes et des vacuoles, quand ces animaux ne se trouvent
plus dans les conditions nécessaires à leur existence : les in-
tervalles sont occupés par une substance glutineuse dia-
phane , incolore, qu’on voit bien sortir en même temps,
lorsqu'on écrase une Euglène, et qui occupe seule la queue
et la partie antérieure du corps. J'ai bien vu d’ailleurs dans
l'Euglena acus, les corpuscules bacillaires signalés par
M. Ehrenberg, mais je ne sais ce qu’ils peuvent être. Les
Euglènes soumises à l’action de la potasse, meurent sans
présenter la moindre trace de tégument, la couleur verte
n’est pas altérée , et la tache rouge persiste comme un petit
noyau bien distinct, ou laisse plusieurs noyaux semblables.
L’acide nitrique, au contraire, change la couleur verte en
couleur olive; il n’altère pas les granules rouges, et laisse
une apparence de tégument transparent. Les Euglènes na-
geant librement dans l’eau au moyen de leur filament flagel-
liforme, sont ordinairement alongées en fuseau; mais si
elles éprouvent quelque gène, elles se courbent et se renflent
de diverses manières ; on les voit successivement prendre la
forme de navet, de radis ou de poire ou de toupie ou de
globule, mais elles prennent invariablement cette dernière
forme, quand elles se fixent aux parois les plus éclairées du
vase, ou aux bords du liquide; et comme alors elles sont pri-
vées de mouvement et dégagent du gaz (oxygène ?) sous l’in-
fluence de la lumière solaire , elles peuvent bien être prises
pour des végétaux, comme elles l’ont été en effet par beau-
coup de botanistes. Quand elles sont ainsi fixées, on en
voit souvent qui présentent à l’intérieur d’une enveloppe
diaphane la substance verte formant deux masses distinctes,
ce qui semble annoncer une division spontanée commen-
cante. Les Euglènes sont quelquefois en si grand nombre
dans les eaux , qu’elles les colorent en vert ou en rouge, et
qu’elles forment à la surface et sur les bords une pellicule
luisante, vivement colorée; cette pellicule, recueillie sur du
papier, conserve pendant quelque temps sa nuance brillante,
mais peu à peu elle la perd et se fane comme la chromule
des végétaux.
DES INFUSOIRES. 361
On observe que quand l’eau commence à manquer, le fi-
lament des Euglènes se détache, et on le voit isolé dans le
liquide, tandis que l’animal privé de cet organe continue
à se mouvoir en changeant de forme presque comme les
Amibes.
Les Euglènes se trouvent principalement dans les eaux
stagnantes, dans les ornières et dans les fossés près des ha-
bitations ; on en voit souvent dans des eaux de marais con-
servées depuis longtemps avec des débris de végétaux; on
les voit aussi quelquefois dans de très-vieilles infusions ex-
posées à la lumière, et même dans l’eau de pluie gardée dans
un flacon vivement éclairé.
1. EUGLÈNE vERTE. — Euglena viridis (1). PI. V. fig. 9 et 10.
Corps fusiforme , aminci postérieurement en manière de queue ;
vert. — Longueur de 0,05 à 0,09. — Largeur 0,025, quand il
est contracté en boule.
Cette espèce, la plus commune de ce genre, et peut-être la
plus répandue de tousles Infusoires, est celle quicolore le plus ordi-
nairement les eaux stagnantes. On ne peut donc manquer de la
rencontrer toutes les fois qu'on voudra l'étudier. Je l’ai même
trouvée vivante dans l’eau gelée des ornières en hiver. C’est à elle
que se rapportent surtout les généralités exposées ci-dessus. Son
filament moteur est plus long que le corps, et d’une ténuité ex-
trême. Müller, qui la nomma Cercaria viridis, lui attribua fausse-
ment une queue bifide, par suite d'uneillusion d'optique. 1] l'ob-
serva , au mois d'avril, dans l’eau d'un fossé de faubourg, recou-
verte d'une pellicule verte , et signala fort bien tous ses change-
ments de formes.
Sa longueur est plus souvent au dessous qu'au dessus de la
(1) Ænchelys tertia, Hill. Hist. of anim. 1741.
Enchelys viridis, Schrank. 17980 , mém. de Munich.
Cercaria viridis, Müller, Infus. PI. XIX , fig. 6-13.
Furcocerca viridis, Lamarck, An. sans vert, t. 1.
Ænchelys viridis, Nitzsch. Beytr. — Encycl, 1927.
Raphanella urbica, Bory , Encycl. 1824.
£Euglena viridis, Ehr. mém. 1830. Infus. 1838, Pl. VII, fig. 0.
362 HISTOIRE NATURELLE
longueur moyenne 0,07. Une Euglène, longue de 0,045, s'é-
tait développée abondamment dans une vieille infusion de ré-
glisse, et tapissait d'une couche verte l'intérieur du flacon; sa
couleur était un vert très-foncé , et le point rouge était peu visi-
ble; l'extrémité caudale était aussi plus obtuse que dans l'Eu-
glène verte ordinaire. Aussi avais-je pensé à la regarder comme
une espèce distincte, d'autant plus que beaucoup d'individus
contractés en boule montraient à l'intérieur la matière verte
divisée en deux lobes, ce qui était un indice certain de multi-
plication ; mais depuis lors, je me suis convaincu que cette Eu-
glène varie considérablement de grandeur, suivant les circon-
stances de son développement.
2, EUGLENE GENICULEE. — Euglena geniculata. — PI, V. fig. 15-16.
Corps alongé, cylindrique, flexible, mais peu contractile, à
mouvements lents, ayec une queue amincie, articulée en angle ou
géniculée ; vert, — Longueur de 0,125 à 0,150.
J'ai observé plusieurs fois (16 octobre 1837), dans l’eau deSeine,
ou dans l’eau des étangs des environs de Paris, cette grande es-
‘pèce d'Euglène remarquable par sa forme alongée, par son dia-
mètre presque égal dans toute sa longueur, sans renflement
comme dans la précédente, et par sa queue articulée, et sus-
ceptible de se fixer en s'agglutinant à la plaque de verre.
3. EUGLENE OBsCURE. — Æuglena obscura.
Corps épais, oblong, renflé et obtus en arrière , de forme très-
variable , vert-noirâtre, plus clair et rougeûtre en avant, avec un
point oculiforme rouge-noirâtre ; filament une fois et demi aussi
long que le corps. — Longueur 0,03.
Dans l'eau d’un fossé, à Sucy, près de Paris, avec des Conju-
gées et des Hydres, le 18 juin 1837. Le filament était bien
visible.
DES INFUSOIRES,. 363
4. EucLÈèNe LENTE.—ÆEuglena deses (1).— PI. V, fig. 19.
Corps très-alongé , cylindrique, obtus ou terminé en pointe peu
marquée , flexible et contractile de diverses manières, mais avec
lenteur ; vert. — Longueur de 0,07 à 0,442. — Largeur, 0,044.
Je l'observai, le 15 juin 1837, dans l’eau où s'étaient pourries
des Spongilles apportées de l'étang de Meudon; le filament en
est bien visible ; la partie antérieure du corps est incolore, le
point oculiforme n'y existe pas toujours; et dans le reste du
corps, on voit des corpuscules rectangulaires alongés qu'on croi-
rait être des cristaux de sulfate de chaux.
M. Ehrenberg a distingué pour la première fois cette espece
dans son troisième mémoire (1832), et il en a complété la des-
cription dans son Histoire des Infusoires (1838), en disant que
son corps, ressemblant à un fil non élastique, n'est jamais fusi
forme , mais seulement cylindrique ; jamais nageant , mais ram-
pant; et en lui attribuant une bouche fendue dont la lèvre supé-
rieure porte une trompe filiforme égale au tiers ou au quart de
la longueur du corps, et qu'il dit avoir observée depuis 1834. Il
regarde la couleur verte comme produite par de très-fins gra-
nules qui paraissent envelopper en partie les estomacs, et entre
lesquels se trouvent beaucoup de corpuscules diaphanes analogues
à des cristaux pol yédriques considérés par lui comme des testicules.
5. EuGLÈNE sAnGuINE. — Euglena sanguinea, Ehr. (2).
Corps oblong , cylindrique ou fusiforme, arrondi en avant,
terminé par une queue courte, conique, un peu aiguë. — Fila-
ment flagelliforme plus long que le corps. — Couleur d’abord
verte , puis d’un rouge sanguin. — Long de 0,112.
(1) Enchelys deses , Müller, Infus. PI. IV, fig. 45.
Enchelys deses, Bory , Encycl. 1824.
Euglena acus, var. Ehr. 1°" mém. 1830, PI. 1, fig. 5.
ÆEuglena deses, Ehr. 3e mém. 1832-33. Infus. 1838, PI. VII, fig. 8.
(2) Leeuwenhoek, Cont. arc. nat. p. 382, 1501.
Enchelys sanguinea, Nees et Goldfuss. Archiv. für Naturl. VIL, p.116.
Euglena sanguinea , Ehr. 1831. Inf. 1838 , PI. VIL, fig. VI, p. 105.
364 HISTOIRE NATURELLE
Cette espèce avait été apercue par les anciens micrographes,
mais c’est M. Ehrenberg qui, le premier , l’a décrite en lui attri-
buant d'abord (1831) une bouche entourée de cils vibratiles, et
plus tard (1838) une trompe filiforme qui est, dit-il, le prolon-
gement de la lèvre supérieure, qui lui semble en outre rétractile,
et au-dessous de laquelle doit se trouver une bouche bilabiée.
Une seule fois, il a vu deux trompes ou filaments, et regarde
cette particularité comme un indice de division spontanée com-
mencante. Le mouvement des Euglènes sanguines est lent, ce-
pendant elles nagent souvent en tournant sur elles-mêmes; c'est
à elles que M. Ehrenberg attribue la coloration des eaux en
rouge ou le prétendu changement des eaux en sang observé
dans l'antiquité.
L'Astasia hæmatodes (Infus. 1838, PL. VII, fig. 1), imparfaite-
ment observée par le même auteur pendant son voyage en Sibérie,
pourrait être un degré de développement de cette espèce dont
elle différe principalement par sa taille 0,068 , et par l'absence
du point rouge auquel nous ne voulons pas accorder une trop
grande importance,
6. EUGLÈNE AIGUILLE, — Euglena acus , Ehr. (1). —P1. V, fig. 18.
Corps très-effilé, en forme de fuseau mince , ordinairement
droit, quelquefois renflé ; vert au milieu , diaphane aux deux
extrémités. — Queue très-aiguë. — Longueur de 0,047 à 0,125.
Je n'ai vu cette Euglène que dans les eaux douces des côtes du
Calvados en septembre ; Müller la trouva deux ou trois fois seu-
lement dans les fossés du château de Copenhague; M. Ehrenberg
l'a observée à Berlin et en Sibérie , et l’a représentée en 1830
comme se divisant spontanément suivant sa longueur, ce que je
ne puis aucunement comprendre ; il a reconnu depuis en 1855
son filament moteur , et regarde les nombreux corpuscules ba-
cillaires de l'intérieur comme des testicules.
(1) Fibrio acus , Müller , Inf. PI. VIII, fig. 9-10.
Closterium acus , Nitzsch. Beytr.
Lacrymatoria acus , Bory , Encyclop. 1824.
Euglena acus, Ehr. 1831 , Infus. 1538 , pl. VIT, fig. XV, p. 312.
DES INFUSOIRES: 365
7. EucLèNe srinocyre. — Euglena spirogyra, Ehr. (1). — PI. V,
fig. 17.
Corps oblong , fusiforme , cylindroïde ou déprimé , arrondi en
avant, terminé par une queue courte , pointue. — Vert, obli-
quement strié en hélice. — Mouvement lent. — Longueur 0,106
à 0,125.
Je l’ai trouvée dans l’eau de Seine recueillie avec des Con-
ferves le 11 octobre 1837. M. Ehrenberg , qui l'a fait connaître
en 1830, l’a recueillie seulement dans les eaux courantes ou
remplies de végétation , parmi les Conferves et les Bacillariées ;
il lui attribue une longueur de 0,112 à 0,225 , une couleur vert-
brunâtre foncée , et la décrit comme sillonnée obliquement par
des stries très-granuleuses dont quatorze sont visibles à la fois
d'un côté ; il a vu souvent, dit-il , ces lignes , d'abord longitu-
dinales et paralleles, devenir obliques par suite de la torsion du
corps. Le filament flagelliforme que je n’ai pas vu moi-même est
indiqué par cet auteur comme ayant environ le tiers de Ja lon-
gueur du corps. Deux pièces ovales ou annulaires observées dans
l'intérieur ont été nommées aussi des testicules par M. Ehren-
berg.
* Euglena hyalina. (Ehr. Inf. PI. VIT, fig. 7.)
M. Ehrenberg a décrit sous ce nom, une Euglène de même
forme que l'E. verte, mais incolore; elle se trouvait le 14 mars
1839 , prés de Berlin, avec le Meridion vernale.
” Euglena rostrata. (Ehr. Inf. PI. VIT, fig. 16.)
Le même auteur désigne ainsi une espèce qui paraît réellement
distincte par un prolongement antérieur et aminci, dépassant
beaucoup le point d'insertion du filament flagelliforme. Cette
Euglène, longue de 0,046 à 0,056, verte au milieu, incolore aux
extrémités, rétrécie en arrière, et terminée par une queue courte,
(1) £uglena Spirogyra, Ehr, 1830, 1° mém. pl. IV, f. IV. — Inf.
1855, pl. VIL, fig. X.
366 HISTOIRE NATURELLE
a été observée à Berlin entre les Bacillariées. Elle ne paraît pas
se contracter en mourant, ce qui la rapprocherait beaucoup des
Thécamonadiens.
*** Euglena pyrum. (Ehr. Inf. PI. VII, fig. 11.)
Cette espèce a été décrite pour la première fois en 1831,comme
ayant le corps ovoïde gonflé, pyriforme, obliquement sillonné,
vert, avec une queue presque aussi longue. Elle se meut lente-
ment en tournant sur son axe, ce qui fait supposer l'existence
d’une trompe inapercue. Sa longueur est de 0,023 à 0,031:
**** Amblyophis viridis. (Ehr. Inf. pl. VII, fig. ».)
Cet Infusoire, long de 0,125 à.0,225, de forme alongée cylin-
drique ou comprimée , arrondi en arrière, vert avec l'extrémité
antérieure incolore, orné d’un point oculiforme rouge, a été
pris dès 183: pour type d’un nouveau genre par M. Ehrenberg.
Ce genre, caractérisé d'abord par une forme comprimée, non pro-
longée en queue, et par la présence d'un œil , était représenté
alors avec une couronne de cils autour d’une bouche bilabiée ;
mais en 1838, il a été caractérisé comme une Euglène sans queue,
plutôt cylindrique ou renflée, que comprimée ; avec une trompe
filiforme ayant la cinquième partie de la longueur du corps et
portée par la lévre supérieure de la bouche bilabiée. M. Ehren-
berg regarde la substance verte intérieure comme formée d'œufs;
il désigne comme organes cénitaux, divers corpuscules bacillaires,
et nomme ganglion nerveux, une masse globuleuse, située sous la
tache rouge oculiforme. Cette espèce qui, je crois, peut être réu-
nie aux Euglènes, se distingue par la lenteur de ses mouvements;
on la trouve rampante au fond du liquide, comme les £,spirogyre
etÆ, lente, avec lesquelles elle a beaucoup de rapport.
°°? Chlorogonium euchlorum. ( Ehr. Inf. PI. VII, fig. 17.)
C'est ainsi que M. Ehrenberg nomme un Infusoire appelé
d'abord par lui (1830-1831) As{asia euchlora ; il en fait le type
d’un nouveau genre que caractérisent la présence d’un œil unique
et de deux trompes filiformes, et la forme du corps non fixé par
un pédoncule, mais Jibre et terminé par une queue. Le Chloro-
DES INFUSOIRES. 367
gonium est surtout remarquable, suivant l'auteur, en raison desa
division spontanée multiple, suivant plusieurs lignes obliques. 11
se réunit souvent avec d’autres individus en groupes roulants, au
moyen de sa queue. Son corps, qui paraît ordinairement peu con-
tractile , prend quelquefois par la contraction, la forme d'une
grappe de raisin fusiforme. Il vit en commun avec l Eugléne verte
et le Chlamidomoras (Diselmis) dans l’eau verte des ornières; sa
longueur est de 0,023 à 0,093.
* Genre Coracium. — Ehr. Infus. 1838, p: 114.
Ce genre très-imparfaitement connu a été institué par
M. Ehrenberg dans son III° mémoire (1832) , et caractérisé
ainsi : « An. polygastriques anentérés, gymniques, non cui-
rassés , de forme variable , se fixant au moyen de leur queue
(avec ventouse terminale?) (trompe nulle?) cils de la bouche
rotateurs ? yeux nuls ? ». Mais cette caractéristique si dubi-
tative a été modifiée en 1838, et le Colacium est aujourd’hui
pour lauteur « un animal pourvu d’un œil unique, fixé par
un pédoncule simple ou rameux (par suite de la division
spontanée) ; dont les organes du mouvement ne sont pas
encore assez connus, mais se manifestent par un tourbillon
produit à la partie antérieure dans l’eau colorée , lequel on
peut attribuer à une trompe filiforme simple. » Des vési-
cules ou vacuoles internes sont pour lui des organes digestifs
bien connus ; les organes génitaux femelles sont les granules
verts qui produisent la coloration ; quant aux organes mâles,
ils sont, dit-il, inconnus, de même que les vaisseaux san-
guins.
Une première espèce indiquée comme douteuse, Colacium?
vesiculosum , et nommée d’abord Stentor? pygmæus, a le
corps ovale fusiforme, variable, d’un vert gai, avec des vé-
sicüles internes distinctes et un pédoncule très-court , rare-
ment ramifié. L'auteur y a vainement cherché le point rouge
caractéristique , et il dit que les vésicules internes pourraient
êtré des estomacs. Ce Colacium vit fixé sur le corps des Cy-
clopes , mais si on l’en détache , il se meut en rampant et en
3068 HISTOIRE NATURELLE
se tordant avec lenteur comme l’Zuglena deses. Sa longueur
est de 0,31.
Une deuxième espèce, Colacium stentorinum , également
nommée d’abord S£entor? pygmœæus, se trouve aussi fixée
sur les Cyclopes, mais elle diffère de la précédente par sa
longueur moindre 0,023, par sa forme variable presque
cylindrique, conique , ou presque en entonnoir, et surtout
par ses pédoncules le plus souvent rameux, d’où résultent
des groupes de 2 à 12 animaux. Le point coloré pris pour
un œil est quelquefois tellement pâle, qu’on ne peut l’aper-
cevoir; ce qui, suivant nous , tend à montrer combien a peu
de valeur le caractère fourni parce prétendu organe de
vision.
** GENRE DistTicma. Ehr.
Le genre Distigma, établi en 1830 par M. Ehrenberg pour
des Infusoires de forme très-variable, pourvus de deux
points oculiformes et sans queue, est caractérisé dans le
dernier ouvrage de cet auteur, 1838, par les seuls mots :
liberum , oculis duobus insigne. Les organes locomoteurs,
dit l’auteur, ne sont pas visibles, et il paraît n’en point exis-.
ter à l’extérieur, car les Distigma ne nagent point, ne pro-
duisent pas de tourbillons dans l’eau colorée, et rampent
plutôt comme les sangsues en changeant la forme: de leur
corps, sans cependant émettre de prolongements, comme
les Amibes. De nombreuses vésicules observées dans deux
espèces ont été prises pour des estomacs, quoiqu’on n’y voie
point pénétrer la couleur délayée dans l’eau. Gomme or-
ganes de reproduction , auteur cite seulement la couleur
verte d’une espèce qu'il dit produite par des œufs; mais
dans les autres espèces , il déclare n’avoir pu reconnaître au-
cun organe sexuel. Enfin, il veut nommer des yeux les très-
petits points noirs qu'il indique près du bord antérieur,
N'ayant moi-même rien vu qui se rapporte entièrement à
cette description, je ne puis avoir d'opinion sur la vraie na-
ture des Distigma. Les espèces décrites au nombre de quatre
DES INFUSOIRES. 369
sont : le Distigma? tenax (Ehr. Infus. PL VIE, fig. 3),
long de 0, 112, hyalin jaunâtre, tour à tour renflé et res-
serré çà et là, avec des yeux peu distincts : il est donné à
tort comme synonyme du Proteus tenax de Müller (nf.
PI. 11, fig. 13-18); 2° le Distisma proteus (Ehr. Infus.
PI. VIL, fig. 4), long de 0,0625, incolore, tour à tour trës-
renflé et très-resserré çà et là, avec des yeux distincts ; 3° le
Distigma viride (Ehr. Infus. PI. VIT, fig. 5), long de 0,0625,
vert, donné avec doute comme synonyme de l'Ænchelys
punctifera de Müller (nf. PI. IV, fig. 2-3); 4° enfin, sous
le nom de Distigma planaria, un animal long de 0,112,
moins renflé que les espèces précédentes , eflilé et pointu
aux deux extrémités , observé seulement pendant le voyage
de l’auteur en Afrique, et qui, vraisemblablement, n’est pas
mème un Infusoire.
4° GENRE. ZYGOSELMIS. — Zygoselmis.
An. de forme variable, nageant au moven de deux fila-
, NA$ à À
ments flagelliformes égaux , sans cesse agités.
C'est la contractilité et la variabilité du corps des Zy20-
selmis qui les distinguent des Diselmis ; la seule espèce con-
nuc ne montre pas de tégument réticulé, distinct, et c’est
plutôt par ses changements de forme que par l'observation
directe , qu'on est conduit à y admettre ce tégument,
1. ZYGOSELMIS NÉBULEUSE, — Zygoselmis nebulosa. PI. II, fig. 23.
Corps incolore, tantôt globuleux, tantôt diversement renflé en
poire ou en toupie, rendu trouble par des granules nombreux. —
Long de 0,02 avec deux filaments égaux, de cette même longueur,
et qui sont épais de 0,0006 environ.
Cet Infusoire, qui change incessainment de forme en nageant,
se trouvait, le 18 mars 1838, dans l’eau d’une fontaine (fontaine
Amular), au sud de Paris.
INFUSOIRES. 2h
370 HISTOIRE NATURELLE
5e Guvre. HETÉRONEME. — Zicteronema.
An. de forme variable, oblongue, irrégulièrement ren-
fléc en arrière ; ayant un filament flagelliforme plus fin
et un filament traînant plus épais, rétracteur.
Je ne puis que répéter ici ce que j'ai dit précédemment
en parlant des Hétéromites et des Anisonèmes, au sujet des
deux filaments de ces divers Enfusoires , et du rôle différent
que chacun d’eux remplit dans la locomotion. Les Hétéro-
nèmes se distinguent par la présence d’un tégument contrac-
tile, obliquement strié; mais on ne peut méconnaître leur
rapport bien prononcé avec les Anisonèmes.
1. HÉTÉRONÈME MARINE. — Âleteronema marina. — P]. V, fig. 14.
Corps oblong, irrégulièrement renflé en arrière, plus étroit en
avant, marqué de stries obliques très-nombreuses. — Longueur ,
0,06.
J'observais, le 28 mars 1840, cet Infusoire dans de l'eau de
mer apportée de Cette depuis quinze jours ; les filaments étaient
plus longs que le corps.
6° Genre. POLYSELMIS.— Polyselmus.
An. oblongs, de forme variable, nageant au moyen de
plusieurs filaments flagelliformes partant du bord antérieur.
Le seul Infusoire que j'aie trouvé avec ces caractères,
ressemblait à une Euglène oblongue et arrondie aux deux ex-
trémités ; un filament plus long s’agitait en avant; et autour
de sa base, se voyaient distinctement trois où quatre fila-
ments très-déliés plus courts.
1. Poryseras verre. — Polysélmis viridis. — PI. TII fig. 26.
Corps alongé, arrondi aux deux extrémités, plus on moins ren-
flé et plié au milieu, vert avec un point oculiforme rouge. — Lon-
gueur, 0,04.
Observé le 7 décembre 1838 dans un verre où était conservée
depuis plusieurs mois de l'eau de marais avec des Lemna.
DES INFUSOIRES. 371
XS FAMILLE.
PÉRIDINIENS.
Animaux sans organes intérieurs connus, enve-
loppés d'un têt résistant ou membraneux régulier,
d'où sort un long filament flagelliforme , et qui prèé-
sente en outre un sillon ou plusieurs sillons occupés
par des cils vibratiles.
Les Péridiniens sont encore très - imparfaitement
connus, parce qu'il n’en existe que fort peu dans Îles
eaux douces , et que l’épaisseur et le peu de transpa-
rence de leur têt roide et non contractile empêchent
d’apercevoir distinctement ce qui se trouve à l'inié-
rieur ; il semble toutefois que ce têt ne présente aucune
ouverture béante, car on n’y voit point de corps étran-
gers, et les substances colorées, si facilement avalées
par d’autres Infusoires , n’y pénètrent point pendant
la vie de l'animal. On ne voit de vivant, au dehors,
qu'un long filament analogue à celui des Thécamo-
niens , dont les Péridiniens se rapprochent par la non
contractilité de leur têt, mais dont ils sont sufhisam-
ment distincts par des cils vibratiles, occupant un sillon
ordinairement transverse. Plusieurs d’entre eux ont
Jeurtêt prolongé en pointes, ou en cornes de la manière
la plus bizarre; plusieurs aussi montrent à l'intérieur
nn point coloré, que M. Ebrenbers prend pour un œil
comme chez certains Thécamonadiens,
Deux ou trois espèces seulement de Péridiniens,
dont une marine, ont été aperçues par Müller, qui ne
soupçonna pas leurs organes locomoteurs, et placa
l’une dans son genre Bursaire (BP. hirundinella), Yautre
24.
312 © HISTOIRE NATURELLE
parmi ses Cercaires (C. tripos), et la troisième, qui est
encore douteuse, parmi ses Vorticelles ( Ÿ. cincta); la
première fut revue par Schrank, qui, avec raison,
la prit pour type d’un nouveau genre , et l’appela Ce-
ralium tetraceros. La seconde espèce fut rapportée par
Nitzsch à ce même genre Ceratium ; elle fut plus par-
ticulièrement étudiée avec plusieurs espèces nouvelles
de la mer Baltique, sous le rapport de la phosphores-
cence , par M. Michaelis. M. Bory avait peut-être revu
la première, dont il fit le genre //irondinelle. Enfin
M. Ehrenberg fit connaître un peu mieux la structure
et les organes locomoteurs de ces mêmes espèces et de
plusieurs autres, et le premier il créa le genre Peri-
dinium, et la famille des Peridiniæa. Mais cette famille
fut d’abord fort mal conçue : en 1830 elle devait cor-
respondre comme famille d’Infusoires cuirassés aux
Cyclidina , qui étaient des Infusoires nus, et former
avec eux la deuxième section des polygastriques anen-
térés, celie des Æpitricha, ayant le corps cilié ou garni
de soies ; la bouche tantôt ciliée, tantôt nue, etc. Avec
le genre Peridinium , auquel étaient réunis les Cera-
tium ; cette famille contenait le genre Chætotypala et
plusieurs F’olvociens. Ceux-ci ne furent érigés en fa-
mille par l’auteur allemand qu’en 1832-1833, et la
famille Peridiniæa fut complétée par le genre Chæto-
glena et par le genre Æcineta, qui en est si diffé-
rent. Eufin, dans son histoire des Infusoires (1838),
M. Ehrenberg, laissant toujours cette famille à côté
des Cyclidina, la compose définitivement des quatre
genres Chætotyphla, Chœtoglena, Peridinium et
Glenodinium. Or les deux premiers, entièrement dé-
pourvus de sillon et de cils vibratiles, et n'ayant au-
cun autre organe locomoteur qu’un filament flagelli-
DES INFUSOIRES. 313
forme, sont évidemment à reporter avec les Théca-
monadiens, dont ils n'ont pu être séparés que quand
on a voulu confondre les épines ou aspérités du têt
avec des cils vibratiles. Quant au genre Glenodinium,
il doit être fondu dans le genre Peridinium , dont il se
distingue seulement par la présence d’un point coloré
que M. Ehrenberg prend, suivant son usage , pour un
œilet pour le représentant d’un système nerveux. Mais
le genre Peridinium nous paraît devoir être restreint
aux espèces globuleuses et sans cornes alongées, tan-
dis que les espèces, plus ou moins concaves d’un côté
et prolongées en cornes, forment le genre Ceratium.
Si maintenant nous passons à l’examen des caractères
donnés aujourd'hui par M. Ehrenberg, aux Peridi-
niæa, en ces termes : « An. évidemment ou vraisem-
blablement polygastriques , anentérés (sans intestin),
cuirassés, vibrants, appendiculés par des cils ou des
soies épars sur le corps ou la cuirasse; souvent ornés
d’une ceinture ou d’une couronne de cils, avec une
ouverture unique de la cuirasse ,» on voit que sans
parler des organes digestifs qui ne sont pas même vrai-
semblablement connus, il vaudra mieux ne faire men-
tion que de la ceinture de cils, et ajouter, comme ca-
ractère de première valeur, la présence du filament
flagelliforme, pris pour une trompe par cet auteur. La
coloration artificielle de leurs estomacs ne lui a réussi,
dit-il, qu'avec les Peridinium pulvisculus et Peridi-
nium cinctum; mais d'après ce qu'on voit dans tous
les autres Infusoires à filament, on peut douter ou de
la vraie dénomination générique de ces deux espèces,
ou de la réalité de l'expérience. Il croit qu’une cer-
taine tache observée dans le Ceratium tripos, est le
testicule de cet animal ; enfin il ajoute :« Toutes les es-
374 HISTOIRE NATURELLE
pèces des divers genres sont colorées en vert, en jau-
nâtre ou en brun; et, chez plusieurs espèces, cette
coloration provient évidemment de granules internes
qui sont des œufs. » Quant à la vésicule contractile
dont il fait le complément de l'appareil génital mas-
culin , il avoue qu’elle n’a pas encore été reconnue
dans cette famille ; ce qui, en somme, n’apprend pas
grand chose de positif sur l’organisation des Péridi-
niens.
Les Infusoires de cette famille vivent, soit dans la
mer, soit dans les eaux douces stagnantes, au milieu
des végétaux , ils ne se trouvent ni dans les infusions
ni dans les eaux conservées.
4 Genre. PERIDINIUM (1). Ehr.
Corps globuleux ou ovoïde , entouré d’un ou de plu-
sieurs sillons garnis de cils vibratiles. Têt membraneux.
1. PERIDINIUM OCULÉ. — Peridinium oculatum (2).
Corps ovoïde, jaunâtre , entouré d’un sillon, duquel part, d’un
seul côté à angle droit, un autre sillon marqué d’une tache co-
lorée ; cuirasse membraneuse , lisse. — Longueur, 0,047.
Cette espèce n'est connue que par les descriptions de M. Ebren-
berg qui a vu un filament flagelliforme de la longueur du corps
partir du point de rencontre des deux sillons au-dessous de la
tache colorée qu'il prend pour un œil en disant : « Une partie de
la tache blanche prés de l'œil peut bien être le cerveau lui-même,
comme cela se voit encore plus clairement dans l'Æmblyophis vi-
ridis.» 1] n’a pu lui faire avaler du carmin ; il admet que la bou-
che est au centre, et que de nombreux estomacs entourés par les
ovaires se voient distinctement. En raison de la signification quil
(1) De epi , autour ; divoc, tourbillon.
(2) Glenodinium cinctum , Ehr. Inf, 1838, pl. XXII, p. 257.
DES INFUSOIRES, 379
attribue à la tache rouge, il a pris cette espèce pour type de son
genre Glenodinium qui diffère en cela seulement des vrais Peridi-
nium. À ce même genreil rapporte deux autres espèces, G. {abula-
tum et G. apiculatum , observées par lui, comme la précédente , à
Berlin ; l'une et l'autre sont d’un vert jaunâtre avec un point ocu-
liforme oblong. Celle-ci, obtuse aux deux extrémités, a la cara-
pace lisse, divisée en compartiments par des sillons hérissés de
cils; celle-là, bidentée, tronquée en arrière, un peu aiguë et
dentelée , a la carapace granuleuse, divisée en compartiments
par dés lignes élevées, formant un réseau, mais non hérissées.
2. PEntiniuM PoussIER. — Peridinium pulvisculus. (Ehr. Inf. 1838.
PI. XXII, F. x1v, 293.)
Corps brun, lisse , presque globuleux , à trois lobes peu mar-
qués , avec un sillon transverse, long de 0,0147 à 0,025.
M. Ehrenberg, qui seul a observé cet Infusoire près de Berlin,
dit avoir pu , en 1830, y reconnaître, par l'introduction du car-
min ou de l'indigo, plus de vingt estomacs trés- petits. Depuis lors
(1839), il y a constaté l'existence du filament flagelliforme.
* PERIDINIUM CEINTURE. — Peridinium cinctum. (Ehr. Infus. PI.
XXII, F. xx, p. 268) (1).
Corps vert, lisse, presque globuleux, à trois lobes peu marqués ;
avec un sillon transverse. — Diamètre, 0,046.
Ce n'est qu'avec doute que cette espèce peut être inscrite dans
le genre Peridinium , car M. Ehrenberg n’a pu y voir le filament
flagelliforme , et il assure avoir une fois vu les vésicules internes
ou estomacs se remplir d'indigo. Müller, qui l'avait plusieurs fois
observée au mois de novembre, dans l’eau des marais, la décrivit
comme étant opaque , d’une couleur noire-verdâtre , de forme
irrégulière , trapézoïde , entourée de cils trés-déliés, tous vibra-
tiles et plus longs d’un côté : elle se montre souvent, dit-il, ovale
et entourée d'une carène transversale, et présente sur ses bords
deux ou quatre entailles correspondantes. Elle se meut lentement
en tournant sur son centre.
mo EEE
(1) Worticella cincta, Müller, Inf. PI. XXXV, f. 5-6, p. 256.
376 HISTOIRE NATURELLE
** PERIDINIUM RUN. — Peridinium fuscum. — (Ehr. Inf. PI. XXII,
F. xv, p. 294.)
Corps brun, lisse , ovoïde , un peu comprimé , aigu en avant et
arrondi en arrière, avec un sillon transversal, et un autre sillon
partant à angle droit pour se rendre au sommet. — Longueur
de 0,062 à 0,094.
Cette espèce a été également observée à Berlin par M. Ebren-
berg, qui n’y a point vu le filament flagelliforme.
*Æ* PERIDINIUM ACUMINÉ. — Peridinium acuminatum. (Ehr. Inf.
PI, XXII. fig. 16, p. 254.)
Corps brun-jaunâtre , lisse, globuleux, à trois lobes peu mar-
qués avec une pointe saillante en arrière, et un sillon transverse
cilié. — Longueur , 0,045.
Dans l’eau de la mer Baltique à Kiel.
#%* Peridinium Michaelis. —(Ehr. Inf. PI. XXII, fig. 19.)
, Corps jaune, lisse, globuleux avec une pointe saillante en avant,
deux pointes en arrière, et un sillon transverse. — Longueur ,
0,027.
Cette espèce , qui habite aussi la mer Baltique, est phospho-
rescente dans l'obscurité. C'est une de celles que M. Michaëlis
avait fait connaître, en 1830, dans un mémoire sur Ja phospho-
rescence des eaux de cette mer.
2° Genre. CERATIUM. — Ceratium, Schrank.
Corps irrégulier , concave sur une partie de sa surface
et prolongé en cornes, avec un seul sillon garni de cils, et
un long filament flagelliforme.
Gette dénomination ayant été employée par les botanistes,
M. Ehrenberg a cru devoir la rejeter; mais il nous a paru
convenable Fa la conserver comme bien significative pour
les espèces à tèt cornu ( #épaç , COTE ).
DES INFUSOIRES, 311
1, CERATIUM HIRONDINELLE. — Ceratium hirundinella (1). — P1. IV,
fig. 2.
Corps brunâtre ou verdâtre , à surface rude, irrégulièrement
rhomboïdal ou trapézoïdal à côtés convexes ; latéralement pro-
longé dans le sers de la grande diagonale en cornes courbes , et
présentant en outre un tubercule oblique plus ou moins saïllant ou
aigu à chacun des autres sommets ; concave d’un côté, convexe de
l’autre, avec un sillon dans le sens de la petite diagonale sur le côté
convexe. — Longueur de 0,150 à 0,180.
J'ai trouvé abondamment dans l’étang de Meudon, le 23 mars
1838, un Peridinium d’une couleur vert-brunâtre, dont je donne
la figure, et que je crois analogue à l'espèce de Müller, quoique
je n'aie pu y voir les deux dents obliques représentées à tort, je
crois, par l’auteur danois aux extrémités du sillon. Müller l'avait
observé , aux mois de juillet et d'août, nageant en foule comme
une fine poussière autour des Lemna, dans l’eau des mares
d'une forêt; il le décrit comme formé d’une membrane trans-
lucide, excavé au milieu, prolongé sur ses bords en quatre lobes
ou en quatre pointes opposées deux à deux, et présentant une
double ligne saillante en travers; il nomme latérales les deux plus
petites pointes , et regarde, comme l’antérieure et la postérieure,
les deux plus longues. « Ces Infusoires, dit-il, tournoyant lente-
ment avec leurs bras étendus , rappellent la figure des hirondelles
rasant les eaux, ou des navires à la voile aperçus dans le lointain. »
L'espèce de Schrank et celle de M. Ehrenberg ne sont peut-être
pas identiques avec la mienne. Ce dernier a bien vu le filament
flagelliforme, mais il n'a pu faire absorber de substances colo-
rées, ce qui ne l'empêche pas de nommer estomacs les globules
nombreux , transparents, qu'on apercoit à l’intérieur. 1l donne
aussi le nom d'œufs ou d'ovaire, suivant son système, à la masse
grenue qui produit la coloration de l'animal. Enfin, il s'est as-
(1) Bursaria hirundinella, Müller, Inf, PL. XVIL, f. 9-12, p. 119.
Ceratium tetraceros. Schrank. Naturg. 1593, LI, p. 50.
Hirundinella quadricuspis , Bory , Encyel. 1824.
Peridinium cornutum , Ehr, nf, 1838, XXII, f. XVII,
378 HISTOIRE NATURELLE
suré que la carapace, ainsi que celle de son Glenodinium cinctum,
n'a rien de siliceux, car elle disparaît entièrement par la com-
bustion.
2. CéRatIuM TRÉPIED. — Ceratium tripos (1). — PI. IV, f. 29.
Corps jaune, lisse, phosphorescent, triangulaire à côtés con-
vexes, largement excavé ; avec deux longues cornes latérales re-
courbées en arrière, une troisième corne droite encore plus
longue en forme de queue, et un sillon cilié, obliquement trans-
verse. — Longueur totale, 0,187, ou sans les cornes, 0,06.
Müller, qui avait vu frès-rarement cette espèce dans l’eau de la
mer Baltique récemment puisée , la décrit comme ayant le corps
déprimé , transparent ; il attribue à des cils cachés son mouve-
ment de translation lent et sans aucune agitation ; remarquant
que, toutes les fois que l'animal se trouve arrêté par l’adhérence
de sa queue, il se produit le long de son corps un courant qui
part de son extrémité antérieure.
M. Michaëlis, qui l’observa depuis (1830) dans le même lieu,
et qui à fait connaître le phénomène remarquable de phospho-
rescence qu'il présente, a apercu le premier chez cet Infusoire
le filament flagelliforme caractéristique des Péridiniens ; mais
trompé par une illusion d'optique, il le crut multiple, et d’ail-
leurs il ne vit pas les cils vibratiles du sillon. C’est M. Ehrenberg
qui , étudiant de nouveau les Péridiniens phosphorescents de la
mer Baltique, a définitivement fait connaître leurs organes loco-
moleurs.
3. CERATIUM FUSEAU, — Ceratium fusus (2).
Corps jaune, lisse, phosphorescent, oblong et prolongé laté-
ralement, en deux cornes opposées, presque droites, et traversé
par un sillon cilié. — Longueur de 0,225 à 0,28.
(1) Cercaria tripos, Müller, Inf. PI. XIX, fig. 22, p. 136.
Ceratium tripos , Nitzsch , Beytr. p. 4.
Tripos Mülleri, Bory, Encyel. 1824. .
Cercaria tripos, Michaëlis, Leuchten der Ostsee. 1830, p. 38 , PL. 1.
Peridinium tripos, Ehrenb. Inf. 1838, PI. XXII, f. XVIII, p. 255.
(2) Michaëlis, Leuchten der Ostsee, 1830, p. 88, PL. 1. s
Peridinium fusus , Ehrenb, Infus. 1838, PI. XXII, fig. XX, p. 256.
DES INFUSOIRES, 379
C'est une des espèces phosphorescentes observées dans l’eau
de la mer Baltique , et montrant un filament flagelliforme bien
distinct.
*M. Ehrenberg décrit encore comme provenant du même lieu,
et également phosphorescente une espèce qu’il nomme Peridi-
nium furca, et qui pourrait bien n'être qu'une variété ou une
modification de la précédente.
*Le même auteur a classé avec doute parmi les Peridinium
denx corps organisés fossiles des silex pyromaques de Delitzsch.
Le premier, P. pyrophorum, présente une carapace ovoïde,
grenue , un peu aiguë en arrière et munie de deux pointes en :
avant. Sa longueur est de 0,046 à 0,056. C’est ce que Turpin
(Compte-rendus de l'Acad. 1837, p. 313), crut être un œuf de
Cristatelle ; l’autre, P. delitiense, présente une carapace ovoïde,
celluleuse, aignë en arrière et avec une pointe roide , latérale
au milieu ; sa longueur est de 0,062 à 0,093.
380 HISTOIRE NATURELLE
ORDRE IV.
Infusoires ciliés, sans tégument contractile, avec
ou sans bouche. — Nageants.
XI FAMILLE.
ENCHÉLYENS.
Animaux partiellement ou totalement revêtus de
cils vibratiles épars sans ordre. Sans bouche.
Nous manquons de connaissances suffisantes , et par
conséquent aussi de caractères positifs pour distinguer
les Infusoires ciliés de cette famille et de la suivante ;
il faut donc considérer seulement comme des groupe-
ments artificiels et provisoires ces familles et les genres
dans lesquels nous les avons divisées. Nous aurons en-
core ici des êtres aussi simples que dans les ordres pré-
cédents; nous serons aussi embarrassés pour préciser
dans beaucoup de cas des caractères d'espèce et de
genre ; car nous ignorerons si l'animal observé est
complétement développé jon s’il n’a pas subi quelque
modification importante de la part du milieu dans le-
quel il vit : cependant nous avançons vers les types
plus complexes qui nous montreront une bouche , une
manducation réelle et des organes locomoteurs mieux
appropriés au service d’une volonté. Rien de cela ne se
trouve encore chez les Enchélyens ; mais l’analogie des
cils vibratiles moteurs et de la forme extérieure pour-
raitfaire soupconner quelquechose de plus quece qu’on
aperçoit. Parmi les Enchélyens, les uns sont ciliés sur
DES INFUSOIRES. 381
une partie seulement de leur corps, ce sont les Æcomia
ciliés à une des extrémités, nus sur tout le reste, et les
Gastrochæta ayant seulement, d’un côté ou en dessous,
une fente garnie de cils vibratiles ou ondulants. Ceux
qui sont ciliés sur tout le corps sont des Enchelys, s'ils
n'ont qu’une seule espèce de cils ; des Ælyscum , s’iis ont
en outre quelques longs filaments contractiles qui leur
servent à s’élancer tout à coup d’un lieu à l’autre ; ou
enfin ce sont des Uronema , s'ils portent en arrière un
long filament droit.
Les Enchélyens, se développant presque tous dans les
infusions ou dans les eaux stagnantes putréfiées , ont
dû être vus par tous les anciens micrographes ; mais
il est impossible de reconnaître avec certitude ce qu’on
a voulu décrire, quand on n’a point indiqué les or-
ganes locomoteurs , ni la grandeur réelle de ces êtres,
qui eüt été au moins un caractère distinctif. Néan-
moins on peut conjecturer que plusieurs Enchélydes
et Trichodes de Müller appartiennent à cette fa-
mille, ainsi qu'une partie des Infusoires désignés par
Gleichen par le nom de petites ovales. M. Ehrenberg ,
ayant toujours basé la distinction de ses genres et
de ses familles sur la disposition des organes digestifs
qu'il est impossible de voir comme il les a vus, on ne
peut encore, qu'avec doute, rapprocher de nos En-
chélyens plusieurs de ses Cyclidium et Trichoda.
ENCHÉLYENS Ciliés a une extrémité. . . . « . , Acomra.
non ciliés partout.
Ciliés dans un sillon longitudinal, . Gasrrocuxra .
Cils tous semblables, . . . , . . . Encuécys.
ENCHELIENS Des cils et des filaments trainants} AN
ciliés partout. | T'ELLACÉEULS POP er At 0 » GER ire
Un long filament droit en arrière. Uronema.
382 HISTOIRE NATURGLLE
1% Genre ACOMIE. — Acomia.
An. à corps ovoïde oblong, ou irrégulier, incolore ou
trouble, formé d'une substance glutineuse, homogène,
contenant quelques granules imégaux, et cilié à une ex-
trémité.
Ce n’est pas, je le répète, d’après des caractères positifs ou
zoologiques, que je réunis sous ce nom divers Infusoires
sans bouche , sans autres organes visibles que des cils vibra-
tiles à une extrémité seulement : je reconnais, au contraire,
que , parmi ces animaux spontanément divisibles, les uns
transversalement, les autres longitudinalement ; les uns for-
més d’une substance glutineuse, diaphane comme les Mo-
nades, les autres, paraissant doués d’un degré de consi-
stance plus considérable ; je reconnais, dis-je, qu'il devra se
trouver, quand ils seront mieux étudiés, de quoi établir
plusieurs genres distincts.
1. Acoura cree. — Acomia cyclidium.— PI. VIT, fig. 5.
Corps ovale-oblong, déprimé, contenant des granules assez
volumineux . et quelques vacuoles , spontanément divisible en
travers. — Long., 0,04. — Marin.
C'est dans l’eau de la Méditerranée , conservée depuis quatre
jours, avec des Corallines, le 7 mars 1840, et déjà altérée, que
se trouvait en grand nombre cet Infusoire qui, par sa forme ex-
térieure , se rapproche beaucoup des Cyclides de M. Ehrenberg ,
mais qui n'a ni bouche ni cils sur son contour. Lorsqu'il se divise
spontanément , les jeunes individus sont discoïdes.
2. ACOMIE VITRÉE. — Acomia pitrea, — PI. VIT, fig. 6.
Corps ovoïde, en partie cristallin , rendu trouble par des gra-
nules, dans sa moitié postérieure , cilié au bord antérieur , spon-
tanément divisible , d'avant en arrière. — Long., 0,0208.
Cet Infusoire est remarquable par sa lmpidité parfaite en avant,
DES INFUSOIRES. 389
et par son mode de äivision spontanée d'où résultent des animaux
doubles et soudés en arrière par une partie commune diaphane ;
il se trouvait en abondance le 24 “écembre dans une eau fétide
où s'étaient pourris des lombrics depuis un mois.
2* ACOMIE OVALE. — Acomia ovala, — PI. VI, fig. 12. a-b.
Cette Acomie ne diffère de la précédente que par les granules
épars dans la partie antérieure qui est moins limpide, et par sa
longueur (0,03) d'un tiers plus considérable. Elle était dans une
eau de marais devenue fétide dans un flacon; elle m'a montre
d’une maniére bien remarquable le phénomène de la formation
spontanée de vacuoles dans les exsudations discoïdes du sarcode.
(PI. VI, fig. 12.b.)
3 ? AcomIE œur.— Acomia ovulum.— P]. VII, fig. 7.
Corps ovoide présentant une partie noduleuse ou granuleuse
qui semble se contracter à l'intérieur d’une enveloppe diaphane.
— Mouvement de tournoiement. — Long. 0,02.
Je ne place qu'avec donte parmi les Acomies cette espèce que
j'observais le 20 décembre 1835 dans l’eau verte prise, quinze
jours auparavant, dans une ornière prés de Paris. Elle me pa-
raissait alors revêtue d’une enveloppe sphérique, gélatineuse,
sous laquelle était irréguliérement contractée une masse nodu-
Jleuse trouble. En avant se voyaient difficilement des cils droits,
vivement agités ; son mouvement était bien celui que M. Ehren-
berg attribue à son Doxococcus.
4 ? ACOMIE vorTICELLE, — Acomia vorticella. PI. XI, fig. r.
Corps ovoïde , presque globuleux , incolore, trouble , cilié dans
sa moitié antérieure ; cils recourbés en arrière. Mouvement recti-
ligne en tournant sur son axe. — Long. 0,026.
Elle était le 28 février dans l’eau de la mare d'Auteuil , sur la-
quelle se trouvait encore de la glace. On peut croire que c'est le
inême infusoire que Müller a nommé Vorticella. Ce n'est qu'avec
doute que j'inscris ici cette espèce qui, par son mode de loco-
motion , diffère considérablement des précédentes.
J84 HISTOIRE NATURELLE
5 ? AGOMIE À cÔTES. — Æcomia costata, — PI. XI, fig. 2.
Corps ovoïde oblong, plus étroit en avant, paraissant enveloppé
d’une membrane épaisse ou d’une couche plus consistante , no-
duleuse , formant souvent une ou plusieurs côtes longitudinales
noduleuses. Division spontanée transversale. — Long. de 0,04
à 0,052.
Cet Infusoire , que j'observais au mois de décembre dans une
infusion d'algues marines fraîches, se montrait d'abord presque
cylindrique, avec une côte longitudinale saïllante , interrompue
par une échancrure un peu avant le bord antérieur qui seul est
garni de cils ; au bout de quelque temps il était creusé de vacuoles
aplaties , tres-grandes et très-nombreuses , qui se soudaient plu-
sieurs ensemble et paraissaient être sous le tégument. Puis, com-
mençant à se décomposer, il s’aplatissait sur la plaque de verre,
et laissait exsuder sur son contour de larges disques de sarcode
parfaitement limpides.
6. ?? AGOMIE VARIABLE. — Acomia varians. — PI, XI, fig. 3.
Corps oblong , cylindroïde, tronqué et anguleux en avant,
renflé ou resserré tour à tour en divers points de sa longueur , et
par suite alternativement aminci postérieurement, et terminé en
queue pointue ou arrondie. — Mouvement rectiligne en tournant
sur son axe. — Long de 0,026 à 0,035.
J'aurais besoin , pour être bien fixé sur ses organes locomoteurs,
de revoir cet Infusoire, observé dans une infusion fétide de
lombrics, en 1835, à une époque où mes moyens d'observa-
tion ne me permirent pas de voir s’il existe des cils ou des fila-
ments flagelliformes. Les angles prolongés du bord antérieur
pourraient faire penser qu'il y a des filaments, comme chez le
Trépomonas.
2° Genre. GASTROCHÆTE. — Gastrochæta.
An. à corps ovale, convexe d'un côté et creusé d’un
large sillon longitudinal du côté opposé ; cils vibratiles dans
tout le sillon et principalement aux extrémités.
J'ai institué ce genre pour une seule espèce bien impar-
DES INFUSOIRES. 309
faitement connue, ou bien remarquable par ja simplicité de
son organisation; car à une époque (9 novembre 1838), où
j'étais le mieux préparé à faire de bonnes et complètes ob-
servations , je ne l'ai vue que comme un corps ovale nu et
sans tégument sur la plus grande partie de sa surface, et
montrant seulement d’un côté, un large sillon évasé en avant,
où le corps est un peu échancré, rétréci en arrière et pro-
longé en pointe. Les cils vibratiles ne se montrent que dans
ce sillon, et c’est surtout à la partie antérieure qu'ils sont le
plus longs , ils sont agités d’un mouvement ondulatoire un
peu lent, qui fait tourner le corps de gauche à droite sur
son centre. Le corps, demi-transparent, contient à l’intérieur
des granules nombreux et des vacuoles. Il se pourrait que
cette forme singulière fût due à la présence d’un tégument
non contractile, comme celui des Ervilies, qui ont égale-
ment un sillon garni de cils vibratiles ; je ne les connaissais
pas encore lorsque j'étudiais le Gastrochæte : ce sera un point
à vérifier.
1. GASTROCHÆTE FENDUE. — Gastroch«æla fissa, PI, VII, fig. 8.
Corps demi-transparent, ovale tronqué en avant, montrant une
très-petite pointe mousse au milieu du bord postérieur , convexe
et lisse en dessus, creusé d’un sillon longitudinal en dessous. —
Longueur, 0,064.
Le 9 novembre dans l'eau de Seine recueillie avec des eallitri-
ches, un mois auparavant.
æ
3° Gexre. ENCHÉLYDE. — Enchelys. Hill.
An. à corps cylindrique, oblong ou ovoïde, entouré de
cils vibratiles droits, uniformes, épars sans ordre.
Le désir de conserver dans l’histoire des Infusoires une
des dénominations les plus anciennes et les plus fréquem-
ment employées, m'a determiné à former ce genre Enché-
lyde avec des espèces qui ont, bien certainement, été nom-
| INFUSOIRES. 25
336 HISTOIRE NATURELLE
mées ainsi par Müller et par d’autres micrographes ; mais
ce ne sont certainement pas celles que l'anglais Hill désigne
par ce nom qui, en grec, veut dire Anguille ; ilest probable
que ces premières Enchélydes étaient des Euglènes , et peut-
être des Trachélius, ou même le Spirostome et le Kondy-
lostome. Comme il est désormais impossible de concilier
cette signification du mot Enchelys avec la forme des Infu-
- soires auxquels nous pourrions l’appliquer aujourd’hui, j'ai
choisi pour cela une des formes les plus simples et les plus
fréquentes en même temps, une de celles qu’on sera tou-
jours certain de rencontrer, comme ies Kolpodes et les Pa-
ramécies , dès le début des recherches ; mais il est possible
que plusieurs espèces d’Acomies ou de Trichodes y soient
réunies par la suite, quand une connaissance plus exacte de
ces Infusoires , si simples, permettra d'établir différemment
la caractéristique du genre.
Des Enchélys de Müller, il en est tout au plus quatre
(£. seminulum, Æ. tremula, Æ. festinans et Æ. episto-
mium ? ), qu'on puisse rapporter à notre genre, où même
aux Enchélyens en général ; les autres sont des Monadiens
(£. intermedia , E. constricta). des Thécamonadiens (Z.
pulvisculus), des Eugléniens (Z. deses, Æ. viridis), des
Trachelius (Z. gemmata), et surtout des Paraméciens (Z.
similis, E. serotina, Æ. nebulosa, Æ. ovulum, Æ. pyrum ?
Æ. farcimen, Æ. pupa), dont lauteur n’avait pu distin-
guer les cils vibratiles ; plusieurs même sont tout à fait
indéterminables, telles que les Æ, index, Æ. truncus, Æ.
larva, Æ. pupula ; on pourrait enfin pénser que son Æn-
chelys retrosrada est une Planariée, et que son Æ. fusus
est une Navicule.
M. Ehrenberg a institué, en 1830, un genre Enchélys (1)
(1) M. Ehrenberg a pris son genre Ænchelys pour type d'une fa-
mille des Ænchelya, la quinzième de sa classification ;: cette famille, to-
talement différente de nos Enchélyens, est placée par cet auteur dans
la division des polygastriques entérodélés ou à intestin dislinet, enan-
tiotrèles ou ayant les orifices du tube digestif aux deux extrémités du
DES INFUSOIRES. 337
tout différent du nôtre, et il le caractérisait ainsi : « An. poly-
gastriques entérodélés (ou à intestin) enantiotrètes (à bouche
et anus opposés), ayant la bouche droite garnie de cils,
mais le corps entièrement nu, sans cils ni soies. » C’est en-
core ainsi qu'il le décrit dans son histoire des Infusoires,
corps. Il la divise en dix genres , de cette manière : un seul genre Pro-
rodon, ayant la bouche dentée, est placé à la fin ; des neuf autres,
deux seulement, les Leucophrys et les Holophrya, ont toute la surface
couverte de cils vibratiles ; ils diffèrent parce que les uns ont la bouche
obliquement tronquée avec une lèvre, et que eeux-ci ont la bouche
droite sans lèvre ; parmi ceux qui n'ont pas de cils vibratiles sur toute
la surface du corps, une première section caractérisée par la disposition
de la bouche droite , terminale , sans lèvre , comprend les genres Æ£n-
chelys et Disoma, montrant encore des cils vibratiles autour de la
bouche , et les genres Actinophrys, Trichodiscus et Podophrya, si
différents de tous les autres par leurs tentacules ou appendices filiformes,
rayonnants, non vibratiles; ce sont nos Actinophryens (voyez page 259) ;
une deuxième section, caractérisée par la disposition de la bouche obli-
quementtronquée et munie d'une lèvre, se compose des genres Yrichoda
et Lacrymaria , ce dernier seul ayant le corps prolongé en manière de
cou.
On voit done qu'a part les Actinophryens, il se trouve encore dans
cette famille des genres tout à fait dissemblables qui n’ont pu être réunis
que d'aprés la fausse supposilion d'un intestin droit que l’auteur n’a pu
représenter que d'une manière purement idéale , en 1830, dans quel-
ques Enchélys et Leucophres, qu'il a même été obligé de représenter
plus tard avec une forme et des caractères différents,
Les espèces rapportées par cet auteur à son genre Ænchelys me sont
inconnues , ce sont : 1° Ænchelys pupa de Müller (Müll. Inf. PI, V, f.
25-26.— Ehr. Inf. PI. XXXI, fig. 1), longue de 0,287, jaune verdätre,
en forme de massue plus mince en avant; 2° l'Ænchelys farcimen de Mül-
ler (Müll Inf. PI. V, fig. 7-8.—Ehr 1938, Inf. PI, XXXI, fig. 2), longue
- de 0,062, cylindrique ou en forme de massue. Ce même auteur la nom-
mait Ænchelys pupa en 1829-1831, il la décrit, comme amincie en
avant, tandis que Müller la dit quatre fois plus longue que large, par-
tout également épaisse, droite ou sinueuse, et tronquée aux deux ex-
trémités : 3° l'Enchelys infuscata (Ehr. Infus. PI. XXXI, fig. 3) longue
de 0,09 à 0,11, ovale ou sphérique, avec un cercle brun autour de la
bouche; 4° l'Ænchelys nebulosa (Ehr. Infus. PI. XXXI, fig. 4), longue de
0,011 à 0,046 , ovale , diaphane , à bouche saillante en forme de bec.
Quant au genre Disoma, il a été établi sur un Infusoire très-incom-
plétement observé pendant le voyage de l'auteur en Égypte , et l'on ne
peut s’en former aucune idée précise d'après le dessin qui le représente
seulement grossi æ
25.
358 HISTOIRE NATURELLE j
mais je dois dire que je n’ai jamais rencontré, dans le cours
de mes observations, aucun Infusoire auquel cette défini-
tion püt s'appliquer , en faisant même abstraction de la pré-
tendue disposition de l'intestin et de la grappe d’estomacs
qu'il supporte ; je suis donc conduit à penser que les Enché-
lydes de cet auteur sont des Paraméciens à bouche termi-
nale, ou des Bursariens mal observés, et dont on n’a pas su
reconnaître la surface ciliée. La famille des Cyclidina (1) de
cet auteur a beaucoup plus de rapport avec nos Enchélydes.
En effet, il ne suppose point aux Infusoires de cette famille
un intestin ni une bouche terminale; il ne distingue ses
(1) La famille des Cyclidina de M. Ehrenberg a pour caractère
la présence des soies ou des cils vibratiles sur tout le corps ou sur le
contour seulement , et d'un seul orifice auquel aboutissent les estomacs;
elle fait donc partie de ses polygastriques anentérés, épitriques. Elle
comprend trois genres mal définis et très-imparfaitement connus. L'un,
Chœtomonas, caractérisé par des soies non vibratiles, se compose de
deux espèces représentées par des figures tout à fait défectueuses au
grossissement de 300 diamètres qui permettent seulement de penser
que ce doivent être des Monadiens ; l'une (Chœtom. globulus, Ehr. Inf.
PI, XXII, fig. 5) vit dans l'infusion de chair ; l'autre (Chœt. constricta,
Ehr. Inf. PI. XXII, fig. 6), se développe dans le corps des Hydatines
mortes. 4
Les deux autres genres de Cyclidines se distinguent par les cils vi-
bratiles qui garnissent seulement le contour du corps aplati des Cycli-
dium , et qui couvrent au contraire tout le corps arrondi des Pantotri-
chum. Le Pantotrichum ÆEnchelys (Ehr. Inf. PI. XXII, f. 5), long de
0,023, observé dans l'infusion fétide de chair, paraît bien être notre
Enchelys nodulosa; le Pantotrichum volvox (Ehr. Inf. PL XXII,
fig. 8), long de 0,031, globuleux , vert, pourrait être le jeune âge de
quelque Paramécien ; le Pantotrichum lagenula (Ehr. Infus. Pl. XXII,
fig. 9), long. de 0,015 à 0,046, ovoide, également arrondi aux -deux
extrémités avec une saillie en forme de bec ou de cou, est représenté
par l’auteur aussi régulièrement cilié que nos Paraméciens.
Des quatre espèces de Cyclides, deux (C? planum, C. Lentiforme),
indiquées par l’auteur lui-même comme douteuses, ne sont décrites et
figurées que d’après les notes prises pendant son voyage d'Afrique en
1928; une autre , C. glaucoma (Müll. Infus. PL. XI, fig. 6-8. — Ehr.
Infus. PI. XXII, fig. 1), a le corps elliptique, aplati, long de 0,0155,
une dernière enfin, C. margaritaceum {Ehr. Infus. PL XXII, fig. 2. —
Cercaria Cyclidium , Mül. Infus. PI. XX, fig. 2) a le corps aplati,
oblong, strié en desst, long de 0,0268.
DES INFUSOIBES. 389
Pantotrichum et ses Cyclidium, que parce que ceux-ci sont
ciliés seulement sur le contour, tandis que ceux-là le sont
sur toute la surface, et véritablement les détails très-incom-
plets qu’il donne sur les uns et sur les autres permettent
bien de n’y voir que nos Enchélydes.
Ces Infusoires se multiplient par division spontanée trans-
verse.
1. ENCHÉLYDE NODULEUSE. — Enchelys nodulosa. — PI. VI, fig. 2,
et PI. VIL, fig. 95 1
Corpsincolore , peu transparent, ovoide, oblong, plus ou moins
plissé, et irrégulièrement noduleux; entouré de cils rayonnants
très-fins , ayant souvent une ou plusieurs grandes vacuoles., —
Longueur, 0,018 à 0,024.
Cette espèce, très-commune dans les eaux de fossé ou de ma-
rais qui se sont putréfiées dans les bocaux où on les conserve,
me paraît être la même que M. Ehrenberg a nommée Pantotri-
chum Enchelys (Inf. PI. XXII, fig. 7), quoique cet auteur, qui
lui assigne pour habitation les infusions fétides de chair, la dé-
crive comme ayant « le corps cylindrique, oblong, arrondi de
part et d'autre, jaunâtre-pâle, trouble au milieu, diaphane aux
deux extrémités.» 1l n’a pu lui faire avaler de substance colorée,
et regarde les espaces diaphanes des extrémités, l'un comme la
bouche, l’autre, avec doute, comme un testicule.
Notre Enchélyde a le corps oblong, plus étroit en avant, mar-
qué de cinq à six côtes noduleuses dont quelquefois deux ou trois
plus prononcées le rendent comme prismatique ; eile se multiplie
par division spontanée transversale , et plus rarement par divi-
sion longitudinale ; en mourant elle se contracte en boule nodu-
leuse, souvent creusée d’une grande vacuole; quelquefois aussi
elle laisse exsuder un large disque de sarcode. Elle montre ordi-
nairement, pendant la vie, une vacuole (terminale, et plus ra-
rement une ou deux vacuoles au milieu et en avant, lesquelles
sont peu profondes, et ont souvent l'apparence de cupules à re-
bords noduleux. En raison de sa disposition à prendre une forme
triangulaire, peut-être pourrait-on aussi rapporter cette espèce
au Paramecium milium de M. Ehreuberg , mais non au Crelidium
milium de Müller que cet auteur indique comme synonymes:
390 HISTOIRE NATURELLE
2 ,ExCRÉLYDE TRIQUÈTRE. — Ænchelys triquetra, — PI, NII, fig. 3.
Corps incolore, peu transparent{, oblong, rugueux avec trois
plis longitudinaux, irréguliers, qui le rendent comme prismatique,
ayant souvent une grande vacuole en arrière. — Longueur, 0,037.
Cette Enchélyde est très-abondante dans les eaux de marais
putréfiées, ainsi que la précédente, dont on la pourrait croire
une simple variété ; mais sa forme est toujours plus efflée, ses
plis sont plus marqués , et surtout sa longueur est beaucoup plus
considérable. Elle meurt en s'aplatissant, mais sans se contrac-
ter en boule, et en laissant sortir sur son contour plusieurs dis-
ques de sarcode. Ses cils sont moins longs que ceux de l'espèce
précédente.
C'est peut-être le Cyclidium milium de Müller.
3, ENCHÉLyDE RIDÉE, — Enchelys corrugata. — P], VII, fig. 11.
Corps incolore , peu transparent , oblong, plus étroit et limpide
en avant, rugueux , avec des plis longitudinaux noduleux ; ayant
souvent une vacuole en arrière et des granules à l'intérieur. —
Long de 0,042 à 0,049. — Marin.
Cette espece ressemble aussi beaucoup aux deux précédentes,
mais elle est encore plus grande, elle s'aplatit en mourant et laisse
alors sortir par expression, sur tout son contour, plusieurs
disques de sarcode. Le nombre des plis ou des rangées de no-
dnles varie de quatre à six sur une face. L'extrémité antérieure
est mince et flexible, l'animal s'en sert comme les Trachelins
pour palper les objets. |
Je l'observais au mois d'octobre et de décembre, dans de l’eau
de mer gardée depuis dix ou quinze jours avec divers zoophytes.
Je l'ai vue aussi dans l’eau douce qui avait servi à laver une
grande quantité d'algues.
4. ENCHÉLYDE suB-ANGULEUSE.— Enchelys sub-angulata.
Corps incolore, ovoïide, un peu granuleux, oblique et com-
primé de manière a présenter deux ou trois angles arrondis, ayant
souvent une vacuole profonde en arrière.—Long de 0,037 à 0,05.
J'ai trouvé, en 1835, dans l’eau de l'Orne conservée avec des
DES INFUSOIRES. 391
fontinales, cetle espèce que j'ai souvent revue dans des eaux
douces plus ou moins altérées. Elle se distingue par ses cils plus
* courts et plus nombreux, par sa surface simplement granuleuse
et non noduleuse ou rugueuse, comme chez les précédentes es-
pèces ; une vacuole qu'elle présente ordinairement en arriére, a
conséquemment une profondeur en apparence plus considérable.
Elle se meut en tournant sur son axe.
5. ENCHÉLYDE OVALE. — Enchelys ovata. — PI, VII, fig. 12.
Corps incolore, ovoïde ou oblong, également arrondi aux extré-
mités , couvert de cils courts ondulants, et contenant des granules
et des vacuoles. — Long de 0,045 à 0,060.
Cette Enchélyde se trouvait, le 26 janvier 1836, dans l’eau d'un
bassin au Jardin du Roi; elle se mouvait en tournant sur son axe,
elle avait en arrière une grande vacuole.
4° Gewre. ALYSCUM. — Alyscum.
An. à corps ovoïde-oblong irrégulier, entouré de cils
rayonnants, et portant en outre un faisceau latéral de longs
cils rétracteurs, au moyen desquels il saute brusquement
d’un lieu dans un autre.
La seule espèce d’Alyscam que j'aie reconnue, ressemble
beaucoup à l'Enchéiyde noduleuse, elle ne s’en distingue que
par ses filaments rétracteurs ; on pourrait même supposer que
des observations nouvelles feront connaître dans d’autres
Enchélydes quelque chose d’analogue.
1. ALYSOUM SAUTANT. — Ælyscum saltans. — PI, VI, fig. 3.
Corps incolore, oblong, arrondi aux extrémités, un peu con-
cave du côté qui porte le faisceau de filaments rétracteurs ; ayant
des sillons longitudinaux presque effacés. — Longueur de 0,020
à 0,025.
J’observais cette espèce, en janvier 1835, dans une infusion de
foin" préparée depuis un mois; en mars 1838, dans l’eau d'une
ornière de Montrouge conservée depuis longtemps ; et en janvier
1839 , dans de l'eau de Seine où s'étaient pourries des callitriches.
392 HISTOIRE NATURELLE
5° Genre. URONÈME. — Uronema.
An. à corps alongé, plus étroit en avant, un peu
courbé, entouré de cils rayonnants, et portant en arrière
un long cil droit.
C’est en examinant avec soin les Infusoires sans bouche
qui peuvent être confondus avec les Enchélydes, que j'ai
reconnu ce type, qui réellement a trop peu d'importance
pour constituer un genre ; mais je crois devoir le signaler
sous une dénomination particulière, pour appeler latten-
tion sur les particularités offertes par les Infusoires les plus
communs en apparence.
1. URONÈME MARINE. — Üronema marina. — PI. VII, fig. 13.
Corps incolore, demi-transparent, noduleux, alongé, rétréci
en avant, et courbé légèrement avec quatre ou cinq côtes longitu-
dinales peu marquées. — Longueur, 0,044.
Dans l’eau de la Méditerranée , gardée depuis trois jours avec
des Corallines , au mois de mars, et devenue fétide ; cet Infusoire
montrait ordinairement une vacuole à l'extrémité postérieure, et
quelquefois une autre au milieu. J'ai cru voir plusieurs fois un
long filament roide en avant.
XIIe FAMILLE.
TRICHODIENS.
Infusoires à corps mou, flexible , de forme plus ou
moins variable, cilié; ayant une bouche visible , ou
simplement indiquée par une rangée de cils plus
forts, en crinière , en écharpe ou en moustache. —
Dépourvus de cirrhes.
Comme je l'ai déjà dit plus haut, en parlant des
DES INFUSOIRES. 393
Enchélyens, cette deuxième famille aussi, qui pour-
tant paraît naturellement indiquée, n’est établie que
d’une manière incertaine; les types qui s’y rappor-
tent ne sont pas encore suffisamment connus, et ses
caractères sont trop vagues. Cependant, pour faciliter
l'étude , il faut nécessairement mettre à part les Infu-
soires qui, sans avoir une bouche aussi clairement
visible que les Kéroniens , ne peuvent pas étre regardés
comme en étant privés, et qu’on peut, jusquà un
certain point, considérer comme présentant un degré
d'organisation intermédiaire entre les Enchélyens,
qui sont les plus simples des ciliés ;- et les Kéroniens
qui nous conduisent aux types les plus complets de
la classe des Infusoires. Mais, je me hâte de le dire,
ce caractère de la présence d’une bouche non visible
ou supposée est en vérité trop loin dela précision qu'on
a droit d'exiger dans les classifications zoologiques ; il
faut donc chercher un caractère extérieur plus facile
à apprécier, quoique bien moins important en réalité,
et on le trouve dans la nature des cils vibratiles et des
appendices, dont aucun ne peut mériter le nom de
cirrhe, ou de style ou de crochet, comme ceux qu’on
voit dans la famille des Kéroniens. On est conduit
alors à grouper avec les Trichodiens, en attendant
qu'on en fasse une famille à part, le Dileptus, qui
est couvert de cils fins vibratiles , er qui a une bouche
bien visible à la base d’un prolongement antérieur en
orme de cou , mais sans la rangée caractéristique de
ciis en moustache. Un autre Infusoire, la Pelecida,
également pourvu d’une bouche visible, est terminé en
avant par un bord obliquement recourbé en fer de
hache. Les espèces sans bouche visible peuvent, d’après
leur forme sénérale et d’après la disposition de la ran-
Î
394 HISTOIRE NATURELLE
gée de cils, former trois genres, savoir : les Æcineria,
de même forme, ou plus alongés que les Pélécides,
avec le bord antérieur obliquement courbé et portant
une rangée de cils dirigés en avant ; les 7 rachelius, de
forme très-alongée, ou au moins rétrécie en manière
de cou en avant, avec une rangée des cils divergents
et disposés en crinière au bord antérieur ; etles Zri-
choda, de forme oblongue, ovoïde ou pyriforme, avec
une rangée de cils ordinairement dirigés en arrière.
Les Trichodiens ont été vus par Müller, et décrits
par cet auteur dans ses genres Trichoda, Vibrio et
Kolpoda. M. Bory a institué un ordre des Trichodés,
qui n’a presque rien de commun avec nos Trichodiens;
M. Ehrenberg, de son côté, a placé, dans sa famille des
Enchelia, un genre Trichoda qui répond en partie au
nôtre ; et d’ailleurs il a réparti parmi ses Leucophres,
ses Enchélys, ses Trachelius , ses Loxodes, elc., beau-
coup d’Infusoires que nous rapprochons dans cette fa-
mille, parce que nous ne pouvons voir, comme cet au-
teur, leurs organes digestifs. Les Trichodiens, vus
isolément, paraissent incolores, ou du moins ne sont
colorés que par les aliments contenus à lintérieur ;
quelques-uns , réunis en amas, peuvent présenter une
couleur brunâtre. Les uns se trouvent dans les infu-
sions , les autres dans les eaux stagnantes ou dans les
marais , entre les herbes aquatiques. Tous montrent
à l’intérieur des vacuoles plus ou moins grandes, plus
ou,moins nombreuses, qui, dans certaines espèces,
sont manifestement susceptibles de s’ouvrir au dehors
pour évacuer leur contenu, et qui, chez plusieurs 1
peuvent contenir des substances colorées admises à
l'intérieur par une bouche. Aucune trace d’intestin, -
aucun organe distinct ou déterminable ne se voit d’ail-
DES INFUSOIRES. 395
leurs , en outre de ces vacuoles et de quelques globules
non organisés , huileux ou autres. Le mode de propa-
gation a lieu par voie de division spontanée trans-
verse ou longitudinale.
4e Genre. TRICHODE. — Trichoda.
An. à corps ovoïde-oblong ou pyriforme , un peu flexible
en avant, avec une rangée de cils dirigés en arrière et
paraissant indiquer la présence d’une bouche.
Comme nous l’avons déjà dit précédemment (page 147),
le genre 7richoda de Müller était un amas confus d'Infu-
soires et de Systolides , n'ayant de commun que la présence
des cils apparents sur une partie plus ou moins considé-
rable de leur corps. M. Bory avait déjà trouvé à établir un
grand nombre de genres aux dépens de ces Trichodes ;
M. Ehrenberg a mieux effectué cette séparation, quoiqu'il
lait basée trop souvent sur des caractères supposés; etil ne
conserva sous le nom de 7’richoda qu’un genre très-peu nom-
breux faisant partie de ses Polygastriques entérodélés nus,
énantiotrètes : c’est-à-dire des Infusoires sans cuirasse, ayant
un intestin s’ouvrant au dehors par une bouche et un anus
opposés, il le caractérisait en ajoutant que, la bouche ter-
minale mais oblique , est souvent ciliée , que le corps n'est
pas cilié, et qu'il n’a point de prolongement en forme de tête
et de cou. Plus récemment , en 1838, cet auteur a modifié
la caractéristique de ce genre, en disant que les Trichodes
ont la bouche obliquement tronquée avec une lèvre; c’est
seulement ainsi qu'il les distingue des Actinophrys faisant
également partie de la section de ses Enchéliens sans dents,
sans cils vibratiles à la surface , mais qui auraient, dit-il , la
bouche tronquée parallèlement et sans lèvre, Ilne comprend
alors dans ce genre que six espèces, dont cinq observées très-
imparfaitement en 1828 , pendant son voyage en Égypte et
en Arabie, sont fort douteuses, et dont une seule, Trichoda
396 HISTOIRE NATURELLE
pura (1), observée plus récemment en Europe dans les in-
fusions, paraît se rapporter à notre genre Acomia. M. Eh-
renberg, en 1830, plaçait dans son genre Trichode une
septième espèce, Tr. carnium, qu’il a reportée depuis avec
les Leucophres, parce qu’elle a tout le corps cilié, et qui,
cependant , nous paraît bien mieux mériter le nom de Tri-
chode.
Cegenre, que je propose pour conserver convenablement
un nom créé par Müller, et fréquemment employé depuis,
devrait ne comprendre que des Infusoires plus ou moins
complétement ciliés, mais sans réticulation apparente ou
sans disposition sériale des cils, comme les Æcomia et les
Ænchelys, mais il se distinguerait de ces deux genres par la
présence d’une rangée régulière de cils, analogue à celle qui
accompagne la bouche des Kérones.
Les Trichodes qui sont encore des Infusoires d’une orga-
(1) M. Ehrenberg caractérise ainsi son genre Trichode :« Corpsnu,
bouche sans dents, munie de cils vibratiles, obliquement tronquée
avec une lèvre, mais sans cou. » Il ajoute que les rapports organiques
de ce genre sont incomplétement observés; il a cependant constaté
l'intromission les substances colorées et en a conclu la position de
l'anus, on. que les organes sexuels ont été imparfaitement
observés, et que la division spontanée n'a été vue que dans la 77.
pyrum qui est une des espèces si incomplétement observées pendant son
voyage en Arabie.
Sa Trichoda pura (nf. 1838, PI. XXXI, fig. 11, p. 307), est ainsi
décrite : « Corps oblong, en massue, aminci en avant, avec une bouche
latérale et des estomacs petits. Elle se trouve abondamment dans les in-
fusions végétales avec le Cyclidium glaucoma, et ressemble beaucoup a
la Leucophrys pyriformis qui est un peu plus grosse et ciliée partout.
Elle admet aisément dans son corps les substances colorées, mais elle
se distingue des espèces analogues par ses tres-petils estoinacs au nom-
bre de plus de vingt. Précédemment , dit-il, je confondais ces deux
espèces, et je vis souvent au milieu de leur corps une tache ronde
claire qui parait être un testicule , et que depuis j'ai revue seulement
dans la Leucophre. Cet Infusoire nage en tournant lentement sur sou
axe puisquil a seulement peu d'organes locomoteurs. Une Leuco-
phre semblable vit dans les infusions félides de chair , et l'on peut bien
lui comparer aussi le Glaucoma scintillans etie Chilodon cucullus. —
Grosseur 1/60 lig. (0,03:5), presque double de celle du Cyclidium, »
M, Ehrenberg pense que cette espèce est une de celles que Müller à
DES INFUSOIRES. 397
nisation en apparence fort simple, se trouvent surtout dans
les infusions et dans les eaux de marais conservées long-
temps ou putréfiées.
1, TRICRODE ANGULEUSE. — Trichoda angulata. PI. XI, fig. 8.
Corps oblong, obliquement et irrégulièrement plié ou anguleux,
ayant souvent une ou plusieurs vacuoles superficielles. — Lon-
gueur, 0,052.
Dans l’eau conservée avec des plantes marécageuses et déjà
gâtée. Ce pourrait être la même espèce que la suivante.
* Tricuona pyruM. — (Kolpoda pyrum? Müller.)
Corps ovoïde, oblong, aminci en avant ou pyriforme, plus épais
dans un sens que dans l’autre. — Long de 0,020 à 0,064.
Cette espèce, qui se voit fréquemment dans les infusions fétides
confondues sous le nom de Xolpoda pyrum avec la Trichoda pyrum ,
les Leucophrys pyriformis et carnium, et avec divers degrés de dé-
veloppement des Glaucoma scintillans, Chilodon cucullulus, Para-
mecium Kolpoda, etc. 11 caractérise lui-même ainsi (1. c. p. 308), sa
Trichoda pyrum qu'il n'a vue qu’au mont Sinaï et qu'il représente
grossie 200 fois et non ciliée : « Corps ovale, gonflé, subitement
aminci et pointu en avant. » Long de 0,0225.« Tous les synonymes pré-
cédents, dit-il, sont incertains, et l'on ne peut rien conclure des
figures dans lesquelles les caractères ont été omis. Tout ce que j'avais
précédemment considéré comme Z'richoda pyrum à Berlin, je suis
maintenant plus porté à le rapporter à la Leucophrys pyriformis dont
on ne peut apercevoir les cils de la surface, sinon quand on a délayé de
la couleur dans l’eau : son mouvement a lieu en tournant lentement. La
Trichoda pura, quand elle vient de se diviser spontanément, peut pré-
senter une forme analogue. »
Les Z'richoda nasamonum , Tr. ovata, Tr. asiatica du même au-
teur, ont été observées seulement à la hâte en Égypte et en Arabie; elles
avaient d’abord été décrites comme autant d'espèces de Condylostoma,
en 1928 , dans les Symbolæ physicæ de MM. Hempricht et Ehrenbersg ;
une dernière espèce enfin, décrite en même temps par ces auteurs sous
le nom de Trichoda œthiopica , est conservée sous ce nom comme
douteuse; mais il faut se rappeler que ces quatre dernières espèces ne
peuvent en aucune manière étre comparées ni d'aprés les figures, ni
d'aprés les descriptions avec ce que nous connaissons.
398 HISTOIRE NATURELLE
de chair, est sans doute la même que M. Ehrenberg avait nommée,
en 1830, Zrichoda carnium, la croyant alors ciliée seulement au
bord antérieur, et que depuis, en 1858, il a inscrit au nombre de
ses Leucophres ( L. carnium), parce qu'il a reconnu, seulement
en 1835, dit-il, qu'elle est ciliée partout, mais il admet que les
cils de Ja surface forment environ dix rangées de chaque côté,
ce qui véritablement serait un caractère de nos Infusoires ciliés à
tégument contractile , et ce qui, je crois, a bien lieu pour son
Leucophrys pyriformis, qu'on doit au contraire reporter avec les
Glaucomes et les Kolpodes. Cet auteur décrit ainsi sa Leucophrys
carnium (Infus. Pl. XXI, fig, 5, p. 313) : « Corps ovale, oblong
blanchätre, un peu pointu en avant, avec des estomacs plus
étroits. » 11 dit lui avoir reconnu récemment, comme organes
sexuels, desœufs de un 2000° de ligne, 0,001 12, un testicule rond
et une vésicule contractile simple, qui est sans doute la grande
vacuole que moi-même j'ai vue aussi. Il a observé le fait dela colora-
tion artificielle , et indique un anus à l’extrémité postérieure où
il croit avoir vu un amas de substances excrétées. Il a vu aussi la
division spontanée en long et en travers,
2e Genre. TRACHELIUS. — Trachelius, Schrank.
Corps plus ou moins allongé, notablement rétréci en
forme de cou en avant; cils du bord antérieur divergents
et disposés en crinière.
Le genre Trachélius a été établi par Schrank avec des
Débats des Vibrions et des Kolpodes de Müller, d’après
le caractère d’un prolongement antérieur en forme de cou,
comme l'indique son nom formé du mot grec Tp#yn)0ç, COU.
M. Ehrenberg, adoptant ce genre, le prit pour type de sa
famille des Trachelina (1), comprenant les polygastriques
entérodélés allotrètes , ou spontanément divisibles en long et
Li
-
(1) La famille des T'rachelina de M. Ebrenberg ainsi caractérisée est
divisée en huit genres de cette manière : ceux qui ont la bouche den-
tée sont les Chiots ou les Vassula , suivant que la lèvre supérieure
est ou n'est pas prolongée. Ceux qui ont la bouche sans dents, mais
avec une lame vibratile , sont les Glaucoma ; les autres sans lame vibra-
tile à la bouche, sont les Phialina, dont le front est prolongé en ma-
DES INFUSOIRES. 399
en travers, qui ont la bouche’inférieure et l'anus terminal ;
puis il distingua ce genre de ceux qui sont aussi sans dents et
sans couronne de cils, parce que sa lèvre supérieure ou son
front est alongé, cylindrique ou déprimé, et se prolonge en
manière de trompe étroite. Plus tard, en 1838, il l’a caracté-
risé ainsi: « Gorps cilié partout, bouche simple merme, lèvre
supérieure très-longue en forme de trompe. » En ajoutant
que les cils de la surface n’ont été vus par lui que dans cinq
de ses huit espèces, et que le prolongement en forme de
trompe qui porte la bouche non à son sommet, mais à sa
base sert principalement ou accessoirement à la locomotion.
Il a observé le fait de la coloration artificielle dans quatre
de ses espèces, et attribue un suc digestif rouge-pâle à son
Tr. meleagris ; il leur attribue des œufs, des testicules ronds
ou ovales et une seule vésicule contractilé ; il a pris le phé-
nomène de la diffluence pour la ponte chez deux de ses es-
pèces , etenfin, nonobstant sa définition de 1830 , suivant
laquelle la division spontanée devait avoir lieu de deux ma-
nières , il déclare avoir vu seulement la division spontanée
transverse dans deux espèces.
Pour nous, qui à la vérité ne pouvons voir de vrais Tra-
chelius dans toutes les espèces de cet auteur, nous n’attri-
buons pas une organisation aussi complexe à ces animaux;
bien loin de là : les Trachelius nous semblent dépourvus de
tégument contractile ou réticulé distinct ; leur corps se com-
pose d’une substance gluiineuse, contenant des granules
inégaux et irrégulièrement renflée en nodules formant
quelquefois des rangées; quand ils meurent sur le porte-
objet du microscope, ils s’aplatissent et s’étalent en laïssant
seulement des granulations irrégulières. En avant, ils ont,
comme nous l’avons dit, une sorte de crinière formée par
00m,
nière de tenon; les Spirostomum, dont la bouche est en spirale. Les
Trachelius , dont la lèvre est prolongée en forme de trompe ; les Loxo-
des , dont la lèvre est aplatie et dilatée en fer de hache : et les Bursuria,
dont le dos se prolonge en manière de front convexe au-dessus de la
bouche.
k00 HISTOIRE NATURELLE
des cils plus forts que ceux du reste du corps, mais ils ne
montrent pas de bouche distincte ; en arrière , on voit sou-
vent une vacuole assez grande. Les cils de cette crinière
sont d’ailleurs seuls visibles sur plusieurs espèces.
Les Trachélius se trouvent dans les eaux stagnantes ou
putréfiées, douces ou marines ; on en voit quelquefois aussi
dans les infusions artificielles.
1. Tracnzius ÉtroIT. — Trachelius strictus. — PI. VII, fig. 8.
Corps filiforme, un peu pointu aux deux extrémités, avec des
cils visibles en avant seulement. — Longueur, 0,065.
J'observais, au mois de février 1836, cette espèce dans un fla-
con où je conservais de l’eau de Seine, avec des débris de végé-
taux et des Lemna.
2. TRACHÉLIUS CYLINDRIQUE, — Trachelius teres. — PI. VII, fig. 9.
Corps filiforme, cylindrique, obtus en avant, aminci et pointu
en arrière , cilié au bord antérieur seulement. — Longueur, 0,15.
— Marin.
Dans l’eau de mer stagnante avec des Ulves à Cette, le 1°"
mars 1840. Cette espèce diffère de la précédente par son habita-
tion et par sa taille, il faudra que des observations ultérieures
fassent connaître d’autres caractères.
3. TRACHÉLIUS LAMELLE. — Trachelius lamella. — P]. VII, fig. 10.
Corps très-alongé, déprimé, ou en forme de bandelette flexible,
un peu plus large et obtus en arrière, cilié au bord antérieur seu-
lement. — Longueur de 0,45 à 0,18. — Marin.
J'ai vu fréquemment cette espèce, en octobre 1835, dans l'eau
de mer où étaient morts depuis peu quelques Zoophytes des côtes
de la Manche. 1] était souvent un peu tordu sur lui-même.
4. TracnELius Faux. — Trachelius falx. — P]. VI, fig. 8, get 17.
Corps alongé, déprimé, lancéolé ou sigmoïde, variable,
plus étroit et un peu recourbé en forme de faux en avant ; cilié
partout, avec une ou deux vacuoles en arrière.—Longueur, 0,062.
1
DES INFUSOIRES. RO
Je réunis sous ce nom plusieurs Trachélius de forme variable,
prenant parfois d'une maniere plus ou moins distincte la forme
d'une lame de faux , un peu obtuse à l'extrémité ; mais pouvant
aussi en se contractant se rapprocher beaucoup de l'espèce sui-
vante. J'ai vu dans ces Infusoires des vacuoles remplies de gra-
nules de carmin une demi-heure après avoir ajoute cette couleur
au liquide où ils nageaient. Je les ai particulièrement étudiés
dans l'eau de pluie ayant séjourné au fond d’une auge en pierre
avec des feuilles mortes, au mois d'avril: et dans l’eau des or-
nieres et des fossés au nord de Paris, le 15 novembre 1838.
\
9. TRACHELIUS ANATICULE. — Trachelius anaticula. PI. VI, fig. 16.
Corps pyriforme, aminci et alongé en avant, quelquefois en
forme de flacon à long goulot, cilié partout, avec une grande va-
cuole en arrière. — Longueur de 0,03 à 0,09.
Je l'ai vu dans des eaux de marais conservées depuis plusieurs
mois avec des herbes, et dans l’eau des bassins du Jardin du roi,
au mois de novembre. J'ai vu plusieurs fois deux individus collés
latéralement pendant plus d'une heure ; l’un était un peu plus
avancé que l’autre, et je ne pouvais voir là ni un accouplement ni
un fait de division spontanée, mais simplement un fait d'agglu-
tination fortuite, et une preuve de l'absence d'un tégument.
M. Ehrenberg observa, en 1832, ce même Infusoire qu'il decri-
vit dans son troisième mémoire; il le distingue seulement des
Leucophres, parce qu'il y reconnait une sorte de bouche, que
moi-même je nai pu apercevoir. Cet auteur d'ailleurs recon-
naît que le Trachélius anaticule ne peut avaler de couleurs; il
nomme vésicule séminale la grande vacuole postérieure. 11 assure
avoir aperçu, dans la partie trouble du corps, le contour peu dis-
ünct des estomacs et les œufs, enfin, il termine en disant que les
cils forment dix à douze rangées sur chaque moitié de ja surface,
et il renvoie à la comparaison de la Trichoda pyrum et de la Leu-
cophra pyriformis.
INFUSOIRES. 26
k02 HISTOIRE NATURELLE
3e Genre. ACINÉRIE. — Acineria.
Corps oblong, déprimé ou lancéolé, avec une rangée de
cils dirigés en avant sur un des côtés qui est recourbé
obliquement en lame de sabre.
Je crois devoir indiquer, comme pouvant former un genre
particulier, quelques Infusoires qui se distinguent des Tra-
chélius par la disposition de leur rangée de cils et par leur
courbure en avant. Ils paraissent dépourvus de bouche
comme les Frachélius, et c’est là surtout ce qui les distingue
des Pelécides , qui Oût une forme analogue.
4.
1. ACINÉRIE COURBE, — Acineria incurvata. — PI, XI, fig.
Corps contractile, oblong, comprimé, presque lamelliforme, ar-
rondi ou obtus enarrière, rétréci et recourbé vers l'extrémité an-
térieure , avec une rangée régulière de cils dirigés en avant sur
le bord convexe ; montrant cinq ou six côtes granuleuses peu mar-
quées, et une ou plusieurs vacuoles variables.—Longueur , 0,044.
— Marin.
C'est dans de l’eau de la Méditerranée conservée depuis vingt
jours , le 3 avril 1840, que j'observai avec soin cette espèce, qui
m'a paru n'avoir pas d’autres cils que ceux de la rangée anté-
rieure, et n'avoir pas de tégument réticulé et contractile, quoi-
qu'elle fût contractile et flexible en totalité. La vacuole posté-
rieure était variable et lentement contractile.
2. ACINÉRIE AIGU . — Acineria acuta. Pl. VI, fig. 19
Corps diaphane, avec des granules disséminés à l’intérieur,
oblong, comprimé, pointu aux deux extrémités ou lancéolé, avec
un des côtés plus convexe em avant, et garni sur presque toute sa
longueur d’une rangée de cils fins dirigés en avant. Une vacuole
à l'extrémité postérieure. — Longueur, 0,045.
J'observai cet Infusoire, avec beaucoup d'autres espèces remar-
quables, dans l’eau d’une ornière des Batignolles, au nord de
DES INFUSOIRES. 105
Paris, en novembre 1838. 11 me parut n'avoir pas d'autres cils
que ceux du bord convexe, sa surface était bien lisse, sans
côtes granuleuses, el sa consistance semblait être gélatineuse.
Les granules disséminés dans l’intérieur étaient plus abondants
sur deux bandes longitudinales, entre le bord et l'axe; je crois
qu'ils étaient étrangers à l'organisme, c’est-à-dire que ce n'é-
taient pas des œufs.
e Genre. PÉLÉCIDE. — Pelecida.
An. à corps flexible, contractile, oblong , comprimé,
arrondi en arrière, recourbé en fer de hache en avant,
cilié partout , et pourvu d’une bouche visible ou démontrée
par la présence à l’intérieur de divers objets avalés par
l'animal.
Dans les genres précédents, la présence d’une bouche
n'est que soupconnée, ici au contraire, elle est démontrée
comme dans la plupart des Paraméciens dont les Pélécides
ne diffèrent que par l'absence d’un tégument contractile.
Le type de ce genre a été placé par Müller avec les Kolpodes
et par M. Ehrenberg avec les Loxodes.
1. PÉLÉCIDE ROSTRE. — Pelecida rostrum (1). — PI. XI, fig. 5.
Corps oblong, un peu épaissi en arrière , lamelliforme et plus
flexible en avant, où il est obliquement recourbé en forme de vir-
gule, on en fer de hache, contenant à l'intérieur des vacuoles
nombreuses, et divers objets avalés. — Longueur de 0,45 à 0,20.
J'ai observé celte espèce , le 24 octobre 1835, dans l'eau de
l'Orne, conservée depuis 3/4 jours avec des fontinales. Elle conte-
nait un grand nombre de navicules qui lui communiquaient une
couleur jaunâtre et qui semblaient réellement être engagées dans
la substance glutineuse vivante de l'intérieur; entre elles, se
voyaient aussi beaucoup de vacuoles bien distinctes, ne contenant
(1) Kolpoda rostrum , Müller, Irfus. PL XII, fig. 7, 8, p. 94
Loxodes rostrum , Ehr. Infus. 1838, PI, XXXIV, fig. 4, p. 324.
26.
kO% . HISTOIRE NATURELLE
que de l'eau. Les cils épars sur toute la surface sont d’une té-
nuité extrême.
1] est vraisemblable que c’est la même espèce que Müller a dé-
crite sous le nom de Æolpoda rostrum, en la désignant par ces trois
mots : oblonga, anticè uncinata. C'est, dit-il, « un animal gris,
recourbé d’un côté en crochet vers l'extrémité antérieure, obtus
en arriére, rempli de molécules noirâtres, et dont un des bords
se replie souvent en avant jusqu'au milieu, de telle sorte que le
corps, d’ailleurs aplati dans cet endroit, paraît épais et triangu-
laire. Les plus grands individus, quand ils tournoyent, semblent
avoir le corps triangulaire ; ils montrent a l’intérieur 5 à 7 glo-
bules plus grands (ovules?); ils égalent dix fois la longueur des
plus petits, et sont jaunâtres, tandis que ceux-ci sont gris : quel-
ques-uns échouant sur le rivage, se décomposent peu à peu en
granules trés-petits; d'autres se dissolvent subitement en molé-
cules ; leur mouvement est lent et horizontal , avec de fréquents
changements de face (Müller, Infus. p. 94).» Müller indiquecette
espèce comme assez rare dans les eaux couvertes de Lemna.
M. Ehrenberg, qui la nomme Loxodes rostrum, la caractérise ainsi :
« Corps blanc, lancéolé , légèrement courbé en $S, à cause de la
lévre qui forme un crochet latéral. » — « Elle se trouve entre les
conferves, et elle devient trés-grande ; cependant, dit-il, j'en ai
vu aussi de petites en voie de se diviser spontanément , en même
temps que les grandes. J'ai vu souvent dans l'intérieur, des Navi-
cules, des Synédres et des Chlamidomonas avalées; mais elle n'a-
vale jamais de couleur. La bouche est à la base de sa trompe sécu-
riforme qui a un pli longitudinal, Les œufs forment souvent deux
bandes aux deux côtés du corps. Les organes mes ne sont pas
distincts (Ehr. Infus. 1838, p. 324.).»
5° GENRE. DILEPTE.— Dileptus.
An. à corps fusiforme, très-prolongé en manière de cou
de cygne en avant , avec une bouche latérale à la base de
ce prolongement antérieur; cils vibratiles sur toute la sur-
face , mais plus prononcés en avant, et près de la bouche.
Les Infusoires rapportés à ce genre ont été placés par
Müller parmi les Vibrions , en raison de leur flexibilité et de
leurs mouvements analogues à ceux des Anguillules, qui,
DES INFUSOIRES. LkO05
pour cet auteur, semblent avoir été le type des Vibrions.
M. Ehrenberg les a rangés dans son genre Amphileptus avec
d’autres Infusoires d’une forme à peu près analogue , mais
qui sont évidemment pourvus d’un tégument réticulé, lâche
comme les autres Paraméciens; tandis que nos vrais Dileptes,
par leur aspect, par leur mode de diffluence ou de décom-
position, semblent bien être sans tégument d’aucune es-
pèce. Leur corps paraît uniquement formé d’une substance
molle glutineuse assujettie à conserver une certaine forme
pendant la vie de l'animal, mais se répandant, se dispersant
en disques et en globules de sarcode aussitôt que la vie
commence à décroître ou à s’affaiblir en lui. La surface est
couverte de cils épars sans ordre , elle est parsemée de gra-
nules engagés dans l’épaisseur même de la substance gluti-
neuse et qui découlent avec les expansions sarcodiques,
lors de la décomposition par diffluence. Cette décomposition,
d’ailleurs, peut être provoquée par la plus légère cause de
modification du liquide où nagent les Dileptes.
Ainsi, il suflit d'approcher du porte-objet une plume
trempée dans l’ammoniaque, pour voir aussitôt l’Infusoire
se contracter et mourir en laissant échapper à la fois toute la
masse glutineuse farcie de granules ; mais si au lieu d’agir
brusquement, on soumet l’animal à une action délétère
plus faible et plus lente, on voit la matière glutineuse for-
mer tout autour du corps des expansions en lobes arrondis
qui s'étalent et s’agrandissent peu à peu. Il se produit alors
un phénomène bien digne d'attention , et dont l'explication
pourrait être très-utile : les granules primitivement immo-
biles dans la substance glutineuse vivante où ils sont enga-
gés, commencent à être agités vivement du mouvement
Brownien dans les expansions sarcodiques, à mesure que
ces expansions se forment. C’est ensuite ce mouvement Brow-
nien des granules , lequel a lieu plus vivement dans le sar-
code que dans l’eau pure , c’est ce mouvement qui détermine
l'agrandissement des lobes ou des disques sarcodiques, car
les globules de sarcode qui ne contiennent pas de granules
L06 HISTOIRE NATURELLE
ne s’étalent point ainsi. Ces phénomènes démontrent claire-
ment l’absence de toute membrane extérieure , de toute es-
pèce de tégument chez les Dileptes. On doit cependant re-
connaître que la surface présente un certain degré de résis-
tance excepté à la base du prolongement antérieure dans un
endroit qu’on peut nommer bouche. Cest par là, sans
doute, que les substances étrangères pénètrent à linté-
rieur et l’on peut croire que le mouvement des cils détermi-
nant en cet endroit l’afflux du liquide chargé de ces sub-
stances , une cavité produite par cette impulsion se creuse
et s’'augmente jusqu'à ce qu’elle puisse se refermer par le
rapprochement des parois contre lorifice ; il en résulte
la formation d’une vacuele pleine d’eau et de substances
étrangères ou une vésicule stomachale sans parois propres ,
qui, par suite de Pimpulsion sans cesse renouvelée au même
orifice et communiquée à toute la masse intérieure, se trouve
peu à peu transférée jusqu’à l'extrémité postérieure (1). Plu-
sieurs vacuoles ou vésicules, venant alors à se rencontrer au
même endroit, elles se soudent et se fondent en une seule
vésicule plus grande, à la manière des gouttes d’huile ou
des bulles de gaz qui se trouvent en contact dans l’eau. La
srande vacuole qui en résulte, se rapproche peu à peu de
la surface extérieure, et finit par percer la paroi et par se
vider en partie au dehors. C’est donc un anus accidentel,
sans aucune relation avec un intestin qui n'existe pas. Ii faut
mentionner aussi les vacuoles qui se forment en grand
nombre, quand l’animal est retenu entre des lames de verre.
(1) Je dois dire cependant que ÿe n'ai pas vu directement l'intro-
duction des matières étrangères s'effectuer ainsi, comme je l'ai vu
dans les Paramécies, et qu'il serait possible que l'animal, en rampant et
en appuyant cet orifice sur le plan de reptation, fit entrer par pression
dans sa propre substance les objets qu'il rencontre. Ce qui tendrait à
faire croire quil en est ainsi, c'est que d'une part les substances colo-
rées n'ont pas été introduites à l'intérieur par le tourbillon comme chez
les Paramécies, que d'autre part on voit des vacuoles semblables à cclles
qui contiennent les aliments, se former et disparaitre dans les diverses
parties du corps, même en avant de la bouche. ;
DES INFUSOIRES, k07
Fels sont les seuls détails d'organisation que nous connais
sions chez les Dileptes, et nous ne voyons rien qu'on y
puisse désigner comme des organes génitaux, pas même les
graänules disséminés dans toute la masse sancodique , et dont
le diamètre varie de 1/400 à 1/700 millimètre, (de0,0025 à
0,00143) , et que rien n'autorise à nommer des œufs.
Les Dileptes ne se trouvent que dans les eaux de rivière
ou de marais entre les herbes, ou dans des eaux stagnantes,
mais non dans les infusions.
1. Dicerre À Lonc cou. — Dileptus anser (1). — PI. VII, fig. 17.
Corps mou, demi-transparent, très-flexible, changeant de forme
par ses flexions et contractions continuelles. — Tong de 0,20 à
0,40. — Large de 0,03 à 0,40.
J'ai vu souvent cet Infusoire dans l'eau de la Seine ou des
étangs des environs de Paris; mais une seule fois, le 4 décembre
1836, je l'ai trouvé en quantité prodigieuse dans l'eau des or-
nières, le long du pare de Monceaux, à Paris. Il colorait en brun
la surface de la boue, naturellement blanchâtre sous le liquide
limpide; avec lui se trouvaient des Hydatines, des Euglènes et des
Diselmis. La couche brune ayant été recueillie dans un flacon avec
de l’eau , je vis, avec surprise, cette eau fourmiller de Dileptes,
que je pus alors étudier complétement. Ils se mouvaient dans
l’eau avec agilité, et en recourbant leur long cou en tout sens, ils
montraient distinctement un orifice latéral un peu saillant à la
base du cou. Je voyais des vacuoles se former spontanément à
l'intérieur , puis s'effacer ; et quand l'eau commencait à leur
manquer , ils se contractaient de manière à faire disparaître pres-
que entièrement le cou , et alors les vacuoles y devenaient plus
nombreuses et plus rapidement contractiles. Je voyais bien, pen-
dant le mouvement de l'animal , quelques vacuoles peu à peu re-
(1} — Joblot, Obs. micr. 1-2, p. 66, PI. VIIT, fig. 8.
Goeze, Trad. all. de l'Insectologie de Bonnet, p. 381, PI. IV, fig. 9.
V'ibrio anser, Müller, Inf. PL. X, fig. 7-11, p. 73.
Amphileptus anser, Ehr. 1830-1838, Infus. PI. XXX VIT, fig. 4,
p. 395.
LOS HISTOIRE NATURELLE
poussées vers l'extrémité postérieure où elles se fondaient en une
seule grande vacuole irrégulière ou lobée, contenant de petits In-
fusoires verts et d'autre objets avalés, qui étaient expulsés au de:
hors, comme excréments, par une ouverture fortuite qui se re-
fermait ensuite. Le carmin délayé dans l'eau ne pénétrait pas
dans les vacuoles , c’est à peine si l’on en apercevait quelques gra.
nules disséminés. Cet Infusoire se décomposait par diffluence d'une
manière fort remarquable en s’entourant de lobes sarcodiques,
dans lesquels s’agitaient vivement les granules auparavant im-
mobiles dans la substance charnue, et dans ce mode de décom-
position , on acquérait l'entière conviction de l'absence d'un té-
gument. Les cils, qui étaient irrégulièrement épars à la surface,
avaient environ 0,0066 de longueur, et 0,00028 d'épaisseur.
Müller, en décrivant cet Infusoire sous le nom de Y’rbr1o anser,
lui donna pour caractère d'avoir le corps elliptique avec un tu-
bercule dorsal à la base d’un long cou; ce tubercule que j'ai vu
de mon côté, ainsi que M. Ehrenberg, est la bouche. Voici la
description qu'en fait Müller (Infus. p. 73) :
« Le tronc elliptique, arrondi, sans bosse latérale, est diverse-
ment extensible et flexible, jusqu'à devenir membraneux ; il est
rempli de molécules, aminci et diaphane en arrière, prolongé à
l'extrémité antérieure en un cou diaphane, comprimé, plus long
que le tronc, et très-flexueux. Le cou est égal, non renflé à l'ex-
trémité, mais obliquement tronqué, et montre des canaux (1)
bleuâtres le long de chaque bord ; un courant rapide se voit dans
le liquide, depuis l'extrémité du cou jusqu’au commencement du
tronc ; une rangée de globules cristallins occupe souvent toute la
longueur du cou.
» Le mouvement du corpsest lent, celui du couflexueux, plus vif,
souvent en spirale. Il aime à se reposer sur un point en tenant la
moitié de son tronc repliée d’un côté et immobile , et en repliant
son cou et le portant de differents côtés.
« Dans le Vibrio anser, j'ai observé un phénomène rare. Au
milieu du tronc opaque, on voyait une ligne oblique de division ;
un rudiment de cou déjà distinct pour la partie postérieure, on une
saillie cristalline, anguleuse, s'y appliquait sur la partie antérieure.
La partie postérieure s’agitant de côté et d'autre en cet endroit,
s'efforcait de s'en séparer : en quelques minutes, la séparation
(1) C'est assurément une illusion d'optique.
DES INFUSOIRES. k09
s'effectua ; puis, sous mon œil , le cou de la partie postérieure
continuant à s'accroître en même temps que la queue de la
partie antérieure, l’une et l’autre moitié, dans l'espace d’une heure,
étaient devenues un animal complet qui n’eût pu être distingué
des autres. »
M. Ehrenberg, qui nomme ce même Infusoire Æmphileptus an-
ser, le décrit ainsi : « Corps gonflé, filiforme , blanchâtre, avec
une trompe obtuse de la longueur du corps, et une queue courte
pointue. » Il ajoute que la trompe, quoique en forme de cou, n'est
pas un cou, mais un front ou une lèvre supérieure, puisque la
bouche est à la base ; il n’a pu lui faire avaler de couleur , maisil
a vu des Chlamidomonas avalées dans les vésicules intérieures ; il
prétend aussi avoir vu une vésicule séminale contractile, et deux
testicules arrondis.
2. DILEPTE FEUILLE. — Dileptus folium. — PI. XI, f. 6.
Corps très-flexible , en forme de feuille lancéolée , rétréci en
avant ; avec des côtes noduleuses, réticulées, irrégulières.—Long
de 0,15 à 0,20. ,
Cette espèce, que j'observais en septembre 1835 dans l’eau de
l'Orne, est bien distincte par sa forme déprimée et par ses réti-
culations noduleuses, qui ressemblent un peu aux nervures d'une
feuille. On voit ordinairement à l'intérieur une ou deux vacuoles
interrompant les séries de nodules : ce qui tend à prouver que ces
nodules sont de simples renflements de la substance glutineuse.
Je n'ai pas bien vu les cils de la surface.
* J'ai observé, dans l’eau des mares dela forêt de Fontainebleau,
en avril 1838, un Dilepte dont je donne la figure (PI. XI, fig. 7),
et qui montrait à la fois l'orifice saillant à la base du cou comme
le Dileptus anser, et les rangées de nodules de la surface comme
le Dileptus folium , mais ces rangées de nodules avaient une ap-
parence de régularité qui aurait pu faire croire qu'on avait sous
les yeux un Æmphileptus. Les cils vibratiles étaient visibles sur
toute la surface , et des vacuoles se formaient dans le cou comme
dans le reste du corps.
k10 HISTOIRE NATURELLE
* Dizerrus (AMPHILEPTUS MARGARITIFER ; Ebr. Infus. PI, XXXVH,
fig. 5, p. 355).
M. Ebrenberg veut donner ce nom à un Infusoire que Müller Fe
confondu avec le précédent en signalant la rangée de vésicules
qni le distingue, et il le décrit ainsi : « Corps grêle, filiforme,
blanchâtre, orné d'une rangée de vésicules en ligne droite , avec
une trompe aussi longue que le corps, et une queue courte, l'une
et l'autre un peu pointues. » 11 regarde ces vésicules comme con-
tenant un suc digestif, incolore, et attribue au même animal de
petits œufs, et une vésicule séminale contractile, simple ; mais il
n'a pu voir de testicules.
XIIT° FAMILLE.
KÉRONIENS.
Animaux à corpsirrégulièrement cilié , mou , flexi-
ble, avec une rangée régulière de cils obliques vibra-
tiles conduisant à la bouche, et des cils forts ou cirrhes
en forme de stylets ou de crochets mobiles , mais non
vibratiles.
Les appendices en forme de stylets ou de crochets
caractérisent à la fois cette famille et celle des Plæs-
coniens ; mais celle-ci se distingue par une apparence
de cuirasse , et nos Kéroniens sont mous; flexibles,
sans aucune apparence de tésument. Ge sont des
Infusoires extrêmement communs qu'au premier coup
d'œil on reconnaîtra toujours à ces appendices qui
paraissent roides comme les soies ou les moustaches
des mammifères, mais qui, en réalité, sont d’une
nature bien différente. Ces appendices , en effet, ne
diffèrent pas du reste de la substance vivante et se
contractent ou se décomposent de même, lors de la
mort de l'animal; leur roideur n’est donc qu'appa-
DES INFUSOIRES. kA1
rente, et ils sont flexibles et contractiles par eux-
mêmes ; aussi l'animal s’en sert-il souvent comme de
pieds pour marcher sur les corps solides. D’après leur
forme, on a donné à ces appendices les noms de cils,
de soies, de stylets, de crochets ou de cornicules ;
mais comme ce sont toujours des prolongements d’une
même substance sans autre différence réelle que leur
volume ou leur flexibilité, on ne peut caractériser
d’une manière absolue des genres ou des espèces
d’après telle ou telle forme d’appendices. Cependant,
pour faciliter l'étude des Kéroniens, nous distin-
guons sous le nom de Kerona ceux seulement qui
ont des appendices courts , plus épais à la base
et ordinairement recourbés en crochet quand ils sont
appuyés contre un corps solide. Nous nommons Oxy-
tricha , ceux qui n'ont point ces cornicules ou cro-
chets, et qui sont seulement pourvus de cirrhes ou
d’appendices droits, roides en apparence et ressem-
blant à des soies ou à des stylets suivant leur volume.
Un autre genre, alteria, qui mériterait peut-être
de former une famille à part, se rapproche des pré-
cédents, seulement par le volume de ses grandes soies
roides , mais il en diffère considérablement par sa
manière de vivre et par ses mouvements.
Tous nos Kéroniens sont compris dans le genre
Kerona de Müller , que cet auteur caractérise par ses
appendices corniculés et dans son genre 7richoda
en partie. M. Bory, qui a créé le genre Oxytrique sans
cependant le circonscrire convenablement, l’a placé
avec le genre Kérone dans sa famille des Mystacinées,
caractérisée par la disposition des cils en petits fais-
ceaux ou en séries ; mais il reporta l’Halteria (7richo-
da grandinella, M.) parmi ses Urcéolaires.
4142 _ HISTOIRE NATURELLE
M. Ehrenberg a formé, en 1830, sous le nom
d’Oxytrichina, une famille qui EH à peu près à
nos Kéroniens; mais en voulant tirer de la forme des
appendices un caractère trop absolu, il a établi deux
genres de plus que nous, savoir : les Urostyla ayant
des stylets sans crochets, et que nous réunissons aux
Oxytricha distingués uniquement par l'absence de
stylets, et les Stylonychia pourvus de stylets et de
crochets que nous voulons réunir aux Kérones qui,
suivant cet auteur, n'auraient que des crochets sans
stylets. Un cinquième genre a été créé par M. Eh-
renberg sous le nom de Ceratidium , pour un Infu-
soire à front cornu , dépourvu de crochets et de stylets,
et qui paraît être quelque autre Kéronien altéré ou
mutilé. Quant à notre //alteria, cet auteur la réunit
avec de vraies Urcéolaires dans son genre 7richodina ,
dont cependant elle n’a nullement les caractères.
Les Kéroniens ne montrent qu’une substance molle,
diaphane, glutineuse, formant une masse oblongue
très-flexible et très-variable , rapidement décomposée,
au moins en partie, par un phénomène de difiluence
très-remarquable aussitôt que la vie a cessé ou que les
circonstances nécessaires à la vie ont commencé à chan-
ger. À l'extérieur on ne voit que les différentes sortes
d’appendices dont nous avons parlé, et un orifice large
servant de bouche à l'extrémité inférieure de la rangée
de cils vibratiles, en moustache ou en écharpe. Le
mouvement régulier, mais non continuel de la rangée
de cils, produit dans le liquide un courant qui, en frap-
pant l’orifice buccal , y détermine le creusement d’une
vésicule stomacale sans parois propres, contenant avec
de l’eau diverses substances avalées. Cette vésicule
venant à être séparée de cet orifice, par le rapproche-
DES INFUSOIRES. k13
ment de la substance glutineuse derrière l'orifice même,
est transportée dans l'intérieur de la masse en vertu de
l'impulsion reçue. À l'intérieur on voit des granules
et des corpuscules de diverse nature, les uns évidem-
ment avalés par l'animal , tels que des grains de fécule,
des Bacillariées, des débris de végétaux, de petits
Infusoires, etc. Souvent même on y voit des Infu-
soires encore vivants, qui, continuant à s’agiter dans
la vacuole pleine d’eau qui les contient, pourraient
donner lieu de croire qu'il y a là quelque organe par-
ticulier. D’autres corpuscules ou granules très-petits
sont disséminés dans toute la masse, mais leur irré-
gularité ne permet pas de penser que ce soient des œufs.
En outre des vacuoles ou vésicules internes, conte-
nant l’eau seule, ou les substances avalées, on voit
aussi à l'intérieur un ou plusieurs corps ovales demi-
transparents que M. Ehrenberg a nommés testicules.
Une ou plusieurs vacuoles plus grandes, plus visi-
blement extensibles et contractiles spontanément,
ont également été nommées par cet auteur vésicules
séminales. M. Ehrenberg n'a représenté directement
l'intestin quil attribue à ces Infusoires, que dans
une seulefigure desa Stylonychia mrytilus, en 1833,
et encore le représente t-il tout différemment de ce qu’il
l'avait annoncé d’abord, large partout, avec des esto-
macs en massue, à large pédoncule. Mais, ni dans cette
espèce, ni dans aucun autre Kéronien, je n'ai jamais
rien vu qui autorisât à y admettre l'existence d’un in-
testin quelconque, servant de lien commun aux pré-
tendus estomacs. Cependant j'ai bien vu, par une ou-
verture fortuite du contour, une excrétion véritable
des substances avalées et quelque temps retenues dans
les vésicules ou vacuoles à l’intérieur du corps.
Tu HISTOIRE NATURELLE
La division spontanée des Kéroniens s’observe très-
fréquemment; elle est plus ordinairement transverse, et
l'on doit faire attention que les animaux récemment
provenus de ce mode de multiplication diffèrent, plus
encore par leur forme que par leur taille, des individus
complets. Les premiers indices de division spontanée
sont un étranglement et une seconde rangée transverse
de cils au milieu de la longueur ; cela pourrait faire
croire qu'on a sous les yeux une espèce différente.
Mais des erreurs de cette sorte proviennent surtout
des déformations singulières produites chez les Ké-
roniens par une mutilation, par une blessure, ou par
une décomposition partielle.
Les Kéroniens se trouvent dans les eaux stagnantes,
douces ou salées ; quelques-uns se montrent plus par-
ticulièrement quand: ces eaux sont déjà altérées et
putréfiées, ou bien dans les infusions végétales. La
plupart sont incolores ou ne sont colorés que par les
substances avalées, mais il en est plusieurs qui ont
une couleur propre bien prononcée.
1e Gevre. HALTERIE. — Aalteria.
An. à corps presque globuleux ou turbiné, entouré de
longs cils rétracteurs très-fins qui, s’agglutinant au porte-
objet et se contractant tout à coup, lui permettent de
changer de lieu brusquement et comme en sautant. Une
rangée de cils obliques très-forts occupe le contour.
Le type de ce genre est un Infusoire très-commun qui avait
été nommé par Müller T'richoda grandinella, parce qu'il
paraît sauter et rebondir comme un grêlon. Son organisa-
tion est très-obscure, il montre à l’extérieur deux sortes
d'appendices ; savoir : 4e des cils droits rayonnants, d’une
ténuité extrême, qui paraissent être la cause de ses mouve-
0
DES INFUSOIRES. 45
ments , si brusques qu'on ne peut, maigré la plus grande at-
biéion , reconnaître exactement comment ils sont pr oduits :
2° des cils très-forts rangés obliquement sur tout le contour,
et qui rappellent bien, parleur disposition, la rangée e
cils en moustache des Kérones et des Oxytriques. Ils parais-
sent également destinés à conduire les aliments à la bouche,
mais je n’ai pas vu cette bouche, quoique M. Ehrenberg ait
représenté un de ces Infusoires occupé à avaler un long in
d'Oscillaire. A intérieur du corps des Haltéries, on ne voit
que des granules irréguliers et une ou plusieurs vacuoles no-
duleuses. Si on emprisonne un de ces animaux entre des
lames de verre avec de l'eau , il ne tarde pas à se décomposer
en laissant sortir de larges expansions sarcodiques diaphanes,
bientôt creusées de vacuoles régulières. En même temps, le
corps tout entier secontracte par petites secousses ; quelque-
fois, on voit au milieu de la masse un disque blanchâtre qui
réfracte la lumière plus fortement que la substance environ-
nante.
1 HALTÉRIE GRÉLON. — Halteria grandinella.
Corps presque globuleux ou turbiné , à peine transparent ; pa-
raissant, vu de face , comme un disque de 0,007 à 0,030 , entouré
de cils épais , obliques, et, vu de côté, comme un ovoïde court :
plus étroit en arrière , couronné par ces mêmes cils et entouré de
cils rayonnants extrêmement fins. Mouvement par sauts brusques.
Cet Infusoire , l’un des plus communs et des plus faciles à re-
connaître , est en même temps l’un des plus difficiles à étudier en
raison de la vivacité brusque de ses mouvements. Müller l'in-
dique comme vivant dans les eaux les plus pures et dans les In-
fusions végétales ; il le décrit sons le nom de Trichoda grandinella
(Inf. p. 160), comme un globule trés-petit, diaphane, muni sur
un point de sa surface de deux , trois ou plusieurs cils qui,
contractés avec beaucoup de force, le font presque à chaque in-
stant sauter hors du champ de la vision. Cet auteur, tr oImpÉ par
une fausse apparence, ajoute que les cils sont étalés en deux fais-
ceaux ou répartis sur tout le eontour d’une ouverture qu'il suppose
devoir exister.
416 HISTOIRE NATURELLE
M. Ehrenberg a placé cet Infusoire qu'il nomme Tricho-
dina dans sa famille des Y’orticellina, avec des espèces totale-
ment différentes et auxquelles nous restituons le rom d’Urcéo-
laire ; il la caractérise ainsi : « Corps conique, presque globuleux,
ayant le front tronqué et couronné de cils, et le dos un peu
pointu, inerme. » Il lui a fait avaler de l’indigo , et dit avoir vu
un individu continuant à tournoyer avec un brin d'oscillaire en
partie avalé et sortant encore d’une longueur double hors de la
bouche,
J'ai trouvé presque constamment l'Haltérie dans les flacons où
je conservais de l’eau de marais ou de rivière avec des conferves,
et dans l'eau qui baignait des conferves et des oscillaires dans une
soucoupe.
J'ai vu quelquefois exclusivement dans un liquide, des indivi-
dus tous très-petits (0,007) et qui pourraient bien être une espèce
particulière ; d’autres fois, j'en ai vu exclusivement aussi d’une
certaine grandeur plus considérable, et je pourrais même dire
d’une forme un peu différente ; mais il est si difficile de regarder
attentivement ces Infusoires pendant quelque temps, que jenepuis
être certain d’une différence spécifique réelle.
2e GENRE. OXYTRIQUE. — Oxytricha, Bory.
An. à corps mou, flexible, ovale ou oblong, plus ou
moins déprimé avec des cirrhes ou cils plus forts non vibra-
tiles en forme de soies ou de stylets, mais sans cornicules.
Les Oxytriques confondus par Müller, parmi ses Tri-
chodes, ont le corps évidemment mou, sans tégument, muni
de cils vibratites épars, entre lesquels sont d’autres cils plus
épais, droits, flexibles, mais non vibratiles, ayant l’appa-
rence de soies roides ou de stylets; une rangée régulière de
cils obliques plus forts se voit ordinairement en avant, et
produit dans le liquide un tourbillon destiné à conduire les
aliments à la bouche, A l’intérieur on observe des granules
de diverses sortes, et des vacuoles ou vésicules remplies
d'eau seulement, ou contenant en même temps des sub-
stances avalées. Quelquefois aussi on y voit des corps ovales
DES INFUSOIRES. 4147
ou arrondis, blanchâtres, demi-transparents, que M. Ehren-
berg a nommés des testicules.
M. Bory a formé son genre Oxytrique avec des Trichodes
de Müller, telles que la 77. lepus, Tr. pellionella, etc.,
qui sont bien, en effet, des Oxytriques comme nous les
comprenons, et les Kerona pullaster, et Lepus du même
auteur; mais il y a réuni beaucoup d’autres espèces de Tri-
chodes très-différentes, et dont plusieurs ont été établies
par Müller, d’après des Infusoires altérés ou mutilés.
M. Ehrenberg rapporte à ce genre huit espèces seulement,
mais deux de ses Trichodes ( 77. nasamonum, et Tr. æthio-
pica) nous paraissent devoir y être également rapportées,
ainsi que ses Urostyla. Lui-même, en 1838, y a réuni
une espèce dont il avait fait précédemment un l/roleptus ;
d’un autre côté, nous pensons que son Oxytricha cicada
appartient à la famille des Plœsconiens.
Les Oxytriques, dont plusieurs sont colorées en rouge,
se trouvent dans les eaux stagnantes douces ou salées, et
dans les infusions naturelles ou artificielles : elles se se
plient par division spontanée ordinairement transverse,
mais aussi longitudinale suivant M. Ehrenberg.
1. OXYTRIQUE PELLIONELLE, — Oxytricha pellionella. — PI. XI,
fig. 10 (1).
Corps déprimé, oblong, incolore , irrégulièrement granuleux ,
avec des soies droites à la partie postérieure. — Longueur
de 0,07 à 0,40.
Cet Infusoire est un des plus communs dans les eaux stagnan-
tes ou putréfiées; il a été vu par tous les micrographes, et comme
il est facilement altéré ou mutilé, il a donné lieu à l’établisse-
ment de plusieurs espèces. I1 se montre souvent bombé d’un côté
EE
(1) Trichoda pellionella , Müll. Inf. PI, XXXI, fig. 22.
Oxytricha pellionella, Bory, Encycl, 1834.
Oxytricha pellionella, Ehr. Infus. PL. XL, fig. 10.
INFUSOIRES. 27
k18 HISTOIRE NATURELLE
et un peu concave de l’autre : les granules ou nodules de Ja sur-
face sont irrégulièrement Cpars, cependant on distingue quel-
quefois des plis longitudinaux. Comme il se remplit fréquemment
des substances qu'il avale , il est diversement coloré par elles.
2, OXYTRIQUE RENFLEÉE, — Oxytricha incrassata. — P\. XI, fig. 14.
Corps ovoide, allongé , incolore, garni de soies roides en ar-
rière.— Longueur , 0,075. — Marin.
Cette sspece diffère de la précédente par s1 longueur moindre,
par son habitation, et surtout parce que son corps est bien moins
déprimé. Je l'ai observée dans l’eau de la Méditerranée, conservée
depuis trois jours et déjà altérée, au mois de mars.
9. OXYTRIQUE LANGUE. — Oxytricha lingua. — PI. XI, fig. 11.
Corps diaphane, déprimé, flexible, allongé, presque également
large partout et arrondi aux deux extrémités, sans soies etsans cils
apparents en arrière; granules de la surface en rangées presque
régulières. — Longueur, 0,125.
J'observais au mois de décembre cet Infusoire dans de l'eau
conservée depuis un mois avec des Conferves prises dans des fosses
au sud de Paris. Il se meut seulement en avant d'un mouvement
assez lent et sans tourner sur son axe; il s’'infléchit souvent en,
quand il rencontre des obstacles. A en juger par les figures ce
pourrait bien être le même que Müller a nommé 7richoda
linter.
4. OXYTRIQUE BOSSUE, — Oxytricha gibba. — PI, XI, fig. 12.
Corps incolore, oblong , renflé au milieu avec deux rangées
ventrales de cils. — Longueur , 0,11.
Je nomme ainsi une Oxytrique que j'ai observée dans l'eau de
la Méditerranée conservée depuis quinze jours, mais non gâtée;
mais je ne suis nullement certain que ce soit la même que
M. Ehrenberg désigne sous ce nom (Infus. Pl. XLI, fig. 2), et
qu'il a trouvée dans l’eau dorice entre des Oscillaires et des Navi-
cules au mois de février. Il la décrit comme ayant une large bou-
DES INFUSOIRES. h19
che arrondie et contenant de nombreuses vésicules stomacales
ét des Navicules avalées. Ce même auteur y rapporte comme
synonyme la Trichoda gibba de Müller (Müll., Inf. PI. XXV,
fig. 16-20), mais ce rapprochement me paraît fort douteux, car
Müller ne parle point de la double rangée de cils qui certaine-
ment ne lui eût pas échappé, et d’ailleurs il lui donne pour ca-
ractère d’avoir le dos convexe ou bossu, et le ventre concave ou
excavé , et lui attribue des stries longitudinales.
5. OXYTRIQUE AMBIGUE. — Oxytricha ambigua. —P1. XI, fig. 15.
Corps incolore, ovale, oblong , déprimé au centre, et concave
d’un côté avecles bords arrondis, renflés , pourvu de cils locomo-
teurs très-forts, épars sur la face concave et de soies roides en
arrière. Sans bouche. — Longueur , 0,08.— Marin.
J'observais ce singulier Infusoire le 30 mars 1840, dans de l'eau
de mer puisée dans l'étang de Thau dix huit jours auparavant.
Malgré tous mes efforts je n’ai pu y reconnaître aucun indice de
bouche ; aussi dois-je penser qu'il pourrait être le type d’un nou-
veau. genre à établir. Beaucoup de vacuoles existant à l’intérieur
présentaient au centre un globule huileux réfractant beaucoup
la lumiere et qui paraissait avoir été la cause de leur formation.
OxyrriQue RouGE. — Oxytricha rubra. —P]. XI, fig. 15.
Corps allongé, linéaire, rouge, aminei et pourvu de soies en ar-
rière. — Longueur de 0,18 à 0,22. — Marin.
J'ai trouvé abondamment cette espèce dans l’eau du canal des
Étangs , à Cette, avec plusieurs autres Infusoires également colo-
rés en rouge; les soies de la rangée antérieure étaient surtout
bien prononcées, mais je n'ai pas vu aussi distinctement les deux
rangées ventrales de soies que M. Ehrenberg attribue à l’Infusoire
marin qu'il nomme ainsi (Ehr., Infus. PI. XL, fig. 9). Cet auteur
l'a observé en décembre et janvier dans l’eau de la mer Baltique,
conservée depuis le mois d'août. 11 y était, dit-il, tellement
abondant, que l’eau en était colorée eu rouge. M. Ehrenberg
rapporte comme synonyme Ja Trichoda patens de Müller (Infus,
PI. XXVI, fig. 1-2 ),
27.
420 HISTOIRE NATURELLE
7. OXYTRIQUE À QUEUE. — Oxytricha caudata.— PI. XII, fig. 6.
Corps incolore, allongé, linéaire, lancéolé, arrondi en avant,
prolongé postérieurement en manière de queue. — Longueur,
0,20.
M. Ehrenberg (Infus. 1838, p. 365) nomme ainsi un Infusoire
qu'il a observé dans l'eau douce à Berlin, et il en rapproche un
autre Infusoire de même forme, mais quatre fois plus petit, qu'il
a vu dans l’eau de la mer Baltique. 11 l'avait d'abord (en 1833)
décrit sous le nom d’Uroleptus patens. J'ai observé de mon côté
une forme analogue dans les eaux stagnantes des environs de
Paris, et je l'ai représentée dans la planche 1%, fig. 6 (1).
OXxYTRIQUE RAYONNANTE. — Oxytricha radians. — PI]. XI, fig. 16.
Corps discoïde , rouge, entouré de longues soies rayonnantes,
bliques. — Longueur, 0,05.
Au nombrédes Infusoires rouges que j observai en grand nom-
bre dans l’eau du canal des Étangs, à Cette, se trouvait cette forme,
que je ne rapporte ici qu'avec doute, parce qu'elle pourrait n'être
que le jeune âge de quelque autre espèce.
(1) Le genre Uroleptus de M. Ehrenberg, à en juger d'après les
figures de la plupart des espèces, doit être en partie réuni aux Oxy-
triques, quoique cet auteur l'ait rangé parmi ses Colpodées en le ca-
ractérisant seulement par l'absence d'un œil, d'une langue et d'une
trompe, et par la présence d'une queue. Des cinq espèces qu'il y rap-
porte aujourd'hui, la première, Uroleptus piscis (Infus.. 1838 , PL. XL,
fig. 1), donnée comme synonyme du T'richoda piscis de Müller (Müll.
Inf. Pl. XXXI, fig. 4, 1-4), avait été en 1830 nommée par le même
auteur Oxytricha piscis ; elle a le corps cylindrique, presque turbiné,
aminci postérieurement en forme de queue épaisse. Sa longueur est de
0,18; ce pourrait bien être la même que nous nommons Oxytricha
caudata. La deuxième, Uroleptus musculus (1. c. fig. 2), donnée pour
synonyme du Trichoda musculus (Müll, Inf. PI. XXX , fig. 5-7), avait
été placée par M. Bory dans le genre Æatule ; elle a le corps blanc,
” pyriforme, renflé en arrière, puis aminci tout à coup en forme de
queue, long de 9,12. La figure donnée par Müller n’est assurément pas
celle d'une Oxytrique , et la phrase caractéristique de cet auteur indi-
DES INFUSOIRES. LA
** Oxytricha lepus. Ehr. Inf. PI. XLI, fig. 5, et Oxytricha pullaster.
Ehr. 1..c.f à:
Les deux espèces que M. Ehrenberg veut nommer ainsi nous
paraissent fort douteuses. En effet, il dit lui-même ne les avoir
pas revues depuis 1830 ; il décrit la première comme aÿant le
« corps blanchätre, elliptique, glabre, plat, cilié en avant, muni
de soies en arrière. » La seconde a le « corps blanchâtre, lancéolé,
obtus aux deux extrémités, et ventru au inilieu, avec une tête
un peu distincte, uñe queue hérissée , et la bouche fort étroite. »
Le Trichoda nasamonum du même auteur, nommé d’abord par
lui et par M. Hempricht Condylostoma paraît bien être, comme
il le pense aussi, une Oxytrique imparfaitement observée en
Afrique; elle est longne de 0,09, et la figure n’est grossie que
cent fois. Ce dont M. Ehrenberg a voulu faire le genre Ceratidium,
caractérisé par une profonde échancrure en avant, n'est sans
doute aussi qu'une Oxytrique mutilée ; il ne l’a pas revue depuis
1820, et, à cette époque, il la trouva parmi des conferves, et ne
put l’observer qu’au grossissement de 100 diamètres. 11 la décrit
comme ayant le corps cunéiforme, le front bicorné avec les
cornes tronquées.
quant une forme aplatie et une queue implantée en dessous et quelques
cils rares et très-courts en avant, se rapporterait plutôt à un Systolide
ou à une Ervilie. Dans l'ouvrage de M. Ehrenberg , la figure représente
bien un Infusoire muni partout de cils en séries régulières, comme les
Paraméciens ; mais les cils plus longs de la bouche, et la forme générale
se rapportent au contraire à une Oxytrique. La troisième espèce, Uro-
leptus hospes (Inf. PI. XL, fig. 3) a été vué par M. Ehrenberg en avril
et en août 183x, dans les enveloppes muqueuses vides du frai de Gre-
nouille. Dans chaque cellule il n'y avait qu'un seul animal long de
0,11, verdûtre, ovale-oblong , turbiné , obliquement tronqué et ex-
cavé en avant , et effilé en manière de queue en arrière. La quatrième
espèce, nommée avec doute Uroleptus ? lamella est probablement un
Trachelius; quant à la cinquième enfin, Uroleptus filum (Inf. PL. XL,
fig. 5), il est vraisemblable qu'elle a plus de rapports avec le Spi-
rostomum ambiguum, qu'avec les autres Uroleptus ou les Oxytriques,
ou avec l'Enchelys caudata de Müller (Inf. PL IV, fig. 25, 26), citée
mal à propos comme synonyme.
k22 HISTOIRE NATURELLE
** Urostyla.
Le genre Urostyla de M. Ehrenberg contient une seule espece,
Urostyla grandis (Ehr. Infus. PI. XLI, fig. 8), qui par sa forme
se rapproche bien des Oxytriques , mais qui, suivant la descrip-
tion de l’auteur, en différerait par des rangées de cils nom-
breuses et régulières, comme chez les Paraméciens et les Bur-
sariens. Sa longueur est de 0,18 à 0,28. Son corps est blanc,
demi-cylindrique, presque en massue, arrondi aux deux ex-
trémités, mais un peu plus épais en avant; il est muni de styles
courts. La bouche est une trés-grande fente située en avant,
bordée de longs cils, et égalant le tiers ou le quart de la lon-
gueur totale En arriere, dit M. Ehrenberg, on distingue une
fente plus petite, qui est évidemment l'anus et qui est seulement
bordée de cinq à huit petits stylets d’un côté. L'Urostyle avale
facilement l’iadigo; elle contient souvent à l’intérieur des Ba-
cillaires et de petits Infusoires qu'elle a dévorés et qui la font
paraître bigarrée.
3° Genre. KERONE. — XKerona.
An. à corps mou, flexible, ovale, déprimé avec des
cirrhes ou cils épais, non vibratiles , en forme de soies
ou de stylets, et avec d’autres cirrhes plus courts et plus
épais , recourbés en forme de crochets ou de cornicules, et
servant souvent de pieds.
Les Kérones de Müller, bien caractérisées par ce que cet
auteur nomme des cornicules , appartiennent presque toutes
à notre genre Kérone. M. Ehrenberg, au contraire, a sé-
paré des Kérones, pour en former son genre S{ylonychia,
toutes les espèces qui, avec les cornicules, ont aussi des
stylets, de sorte qu'il ne conserve le nom de Kérone, qu’à
une seule espèce, vivant parasite sur les Polypes d’eau
douce.
Les Kérones ne diffèrent des Oxytriques que par la forme
de leurs cirrhes ou appendices, dont la base est ordinaire-
DES INFUSOIRES, L23
ment renflée en un globule transparent qui se meut en même
temps. Elles sont également voraces, et se montrent de
même abondamment dans les eaux stagnantes et dans les
infusions. Elles éprouvent facilement des déformations très-
variées , qui ont donné lieu à l'établissement de beaucoup
d'espèces par Müller.
1. KÉRONE PuSTULÉE. Aerona pustulala (1). — PI, VI, fig. 10, 11,
14 et 18, et PI. XII, fig. 7.
Corps incolore, ovale, oblong , déprimé , contenant fréquem
ment des corps étrangers. — Long. 0,18.
Cet Infusoire, l’un des plus communs et des plus faciles à
reconnaître, se montre dans les infusions et surtout dans l’eau
des marais conservée avec quelques herbes, et déja altérée par
la putréfaction ; j'ai représenté (PI. VI, fig. 11, 14,18) quel-
ques-unes des déformations singulières qu'il présente par suite
d'une mutilation ou d'une décomposition partielle; on reconnaît
aisément dans ces altérations l'absence d'un tégument chez les
Kérones, et la possibilité qu'a un lambeau ou un lobe isolé de
continuer à vivre. La figure 18 de la planche VI montre com-
ment des corps étrangers (c) avalés par l'animal peuvent être
excrétés ou expulsés au dehors ; on y voit aussi une partie ova-
laire («) en apparence moins molle et moins transparente que le
ee]
(1) Grosse araignée aquatique, goulue. Joblot, Microsc. PI, 2,
fig. 3-5, PL..5, fig. 9, PI. 10, fig. 19.
Volvox oniscus , Ellis, Phil. trans. t. 59.
Trichoda silurus , — cyclidium , — pulex , — calvitium , — cursor,
— augur, Müller.
Kerona pustulata , -— Müller , PI. XXXIV , f. 14.
Himantopus larva , volutator, Fabr. Ap. Müller.
Oxytricha pulex , — volutator, — pullaster, Bory , Encycl.
Kerona pustulaia , augur, — forcata, — silurus, — larvoide ,
Bory.
Mystacodela cyclidium , Bory , Encycl.
Kerona pustulata, Ehr. Mém. Berlin, 1830-1831.
Stylonychia pustulata, Ehr. Inf, 1838, PI. XLIT, fig. 1.
RAM HISTOIRE NATURELLE
reste ; c'est ce que M. Ehrenberg a voulu nommer le testicule.
J'ai vu parl’addition d’uneseule gouttelette d’alcoolces Kérones
se décomposer à vue en commençant par une extrémité et laisser
flotter dans le liquide des globules sarcodiques et des lobules
encore retenus par cette même substance étirée , tandis que le
reste du corps continue à se mouvoir.
* Kerona calvitium (Müll. Inf. PI. XXXIV), fig. 11-13; et Trichoda
foveatà (Müll. Inf. PI. XXXVI, fig. 6-8).
On peut je crois rapporter à l'espèce précédente, comme sim-
ples variétés, les deux Infusoires décrits sous ce nom par Müller ;
car les appendices qui caractérisent cette espèce sont très-varia-
bles quant à leur nombre et quant à leurs dimensions ; quelque-
fois même on n'apercoit que par instants et dans certaines posi-
tions les cornicules caractéristiques. Le premier de ces Infusoires
est signalé par les seuls mots « latiuscula , oblonga, anticè corni-
culis micantibus.» Et à cette phrase linnéenne indiquant qu'il est
oblong , un peu large, muni en avant de cornicules agitées, l’au-
teur, dans la notice suivante, ajoute que le corps est égal presque
plan, obtus aux deux extrémités, rempli de molécules noirâtres,
qu'il a en avant deux ou trois cornicules et qu il est muni de soïes
en arriére. Îl a été trouvé dans les infusions végétales, et Müller
dit avoir rencontré un animal très-semblable dans l'eau de mer.
L'aütre (7r. foveata) a pour phrase caractéristique ces seuls
mots «oblong un peu large, avec des cornicules agitées en avant,
mais sans soies en arriere.» C'est dans les remarques suivantes
que Müller dit qu'il est excavé d'un côté et renflé en bosse du
côté opposé. Il a été trouvé dans l'eau de mer fétide.
“*_ Kerona histrio (Müll., PI. XXXIII, fig. 3-4) Séylonichia his-
trio (Ebr., Infus. PI. XLIT, fig. 4).
C'est probablement aussi une variété où une modification de la
Kerona pustulata qui a recu ces noms de Müller et de M. Ehren-
berg. Le premier de ces naturalistes l’a observee dans les eaux
douces, parmi les conferves ; il la caractérise par cette phrase
« K. ovale obiongue, pourvue en avant de points noirs mucro-
nés (punctis mucronatis nigris) et en arrière de pinnules longi-
udinales » ; et 1l ajoute dans ses remarques que les quatre ou
DES INFUSOIRES, L:95
cinq points noirs mobiles de la partie antérieure sont des pointes
mobiles sur un nodule, ou plus exactement sont des globules
pourvus d’une cornicule flexible et paraissant changer de place
par suite de leur agitation continuelle. Le corps membraneux,
diaphane, est rempli de très-petits points moléculaires entre les-
quels sont des globules plus grands, isolés, très-transparents, au
nombre de quatre ou davantage, et qu’il suppose être des ovules,
en observant qu'on ne les voit pas dans tous les individus. Les pin-
nules postérieures ressemblent à des soies, elles ne dépassent pas
le corps et sont rarement écartées. M. Ehrenberg, en la regar-
dant comme synonyme de l’espèce deMüller, décrit sa S{ylonichia
histrio comme ayant le «corps blanc, elliptique, un peu renflé au
milieu avec des crochets rassemblés en un groupe antérieur , et
pourvu de stylets, mais sans soies.» «Elleest dit-il, très-analogue
a la S4. pustulata et me paraît en différer seulement parce que ses
crochets sont groupés près du front au lieu d’être disséminés sur
toute la face ventrale, par l'absence des trois soies terminales et
par la position plus reculée de la bouche. » ( Ehr. 1. c. 373.)
** Keérone poulette.—Kerona pullaster. —(Müll.Inf. PI. XXXIIT ,
fig. 21-23).
Sous ce nom , Müller a décrit une espece dont il donne trois
figures totalement dissemblables et qui nous paraissent encore
des Kérones pustulées, mal observées ou déformées par une cause
quelconque. Cet auteur la décrit comme ayant le corps presque
ovale, sinueux en avant, le front corniculé, et l'extrémité posté-
rieure garnie de soies. M. Ehrenberg l'indique comme synonyme
de son Oxytricha pullaster (Inf. 1838. PI. XLI, fig. 9 ).
2. KERONE MOULE. — Æerona mytilus. — PI. XIII, fig. 2-3 (1).
Corps très-déprimé , ovale oblong, élargi et arrondi aux deux
extrémités, pourvu d’appendices très-longs , formant une rangée
A
(1) Le pirouetteur , Joblot, Micr. PL IL, fig. 2. — Paramecium,
Hill. 1951.
Kerona mytilus, Müller , Inf. PI. XXXIV > fig. 1-4.
Stylonychia mytilus, Ehr. 3° mém. 1833, PI. VI. — Infus. 1838,
Pl. XLI, fig. IX.
426 HISTOIRE NATURELLE
de cils tres-forts en avant; une seconde rangée de cirrhes recourbés
en crochet, et des stylets nombreux en arrière. La rangée de cils
qui conduit à la bouche n’atteint pas le milieu du corps.—Longueur
de 0,14 à 0,28.
Cet Infusoire, l’un des plus grands, vit dans l’eau de marais
conservée depuis longtemps, et surtout dans l’eau qui baigne des
Oscillaires ou des Conferves ; il ne différe encoreguere de la Kérone
pustulée que par ses dimensions et par la force de ses appendices ;
il faut cependant noter aussi que les bords antérieur et postérieur
sont plus minces, plus flexibles et susceptibles de se relever contre
les obstacles, de la même maniere que chez certains Pœlsconiens,
notamment chez la Flæsconie patelle, avec laquelle il a quelques
rapports, et chez les Loxodes. Il avale un grand nombre de corps
étrangers, et j'ai vu même un individu contenant une bulle d'air
que sans doute il avait avalée à la surface des conferves entre
lesquelles il vit. 11 se décompose en diffluant avec une extrême
facilité. Pour peu que le liquide soit modifié par l'évaporation ou
autrement, et si la décomposition n’est pas complete, le reste
continue à vivre sous une forme tout à fait différente. Ainsi,
comme le pense avec raison M. Ehrenberg, les Xerona cypris,
K, haustrum K. haustellum et Trichoda fimbriata de Müller, sont
établies sur des restes de la partie antérieure de notre Kérone
moule ; les Trichoda erosa et T. rostrata sont des restes de la partie
postérieure, et les Himantopus acarus, A. ludio H. sannio et A. co.
rona ont été institués par Fabricius , d'après les dessins de Müller,
représentant divers débris du même Infusoire.
Müller décrit la Kérone moule comme étant presque claviforme
avec les deux extrémités plus larges, diaphanes, ciliées, et comme
pourvue de cornicules en avant et de soies en arrière; puis il
ajoute que la forme de cet Infusoire, quiest l’un des plus grands,
est difficilement déterminée; il signale la présence d’une rangée
de globules diaphanes le long d’un des bords et décrit exactement
le mode de décomposition par diffluence. Il l’a trouvée commu-
nément dans l’eau de marais conservée longtemps dans des vases.
M. Ehrenberg, qui prend cette espèce pour type de son genre
Stylonychia, lui attribue un large intestin d’où partent de nom-
breux estomacs en massue , un ovaire granuleux, deux testicules
ovales et une vesicule séminale contractile. II lui assigne la forme
d'une moule et la représente entourée d’une rangée de cils infle-
chie d'un côté , que je n'ai pu voir comme lui.
DES INFUSOIRES. L27
3. KÉRONE sILURE. — Xerona silurus. — PI. XIII, fig. 4 (1).
Corps ovale oblong, plus large et arrondi en avant, garni de
cirrhes corniculés sur toute la face ventrale, et de stylets en ar-
rière; la rangée de cils qui conduit à la bouche occupe la moitié
du corps. — Longueur , 0,12.
Quoique très-voisine de la précédente , cette espèce parait s'en
distinguer suffisamment par sa taille et par ses appendices. Elle
se trouve de même dans l’eau de marais conservée longtemps.
Müller l’a fort mal figurée en la parsemant de crochets trop pro-
noncés, tandis que dans sa notice descriptive il dit que les crochets
ou cornicules ne s’apercçoivent pas facilement et que souvent ils
ne paraissent que comme de simples points mobiles. M. Ehren-
berg nomme Stylonychia silurus un Infusoire qu'il ne rapporte
qu'avec doute à l’espèce de Müller ; il le décrit comme de même
forme que la précédente espèce, mais plus petit et pourvu de
vingt cils frontaux, de huit crochets, de cinq stylets et de trois
soies , tous ces appendices étant tres-longs.
* Stylonychia appendicuiata (Ebr., Infus. PI. XLIL, fig. 3).
Sous ce nom M. Ehrenberg décrit un Infusoire qu'il a trouvé
dans l’eau de la mer Baltique, et qui me paraît bien voisin du
précédent ; l'auteur lui attribue également de longs appendices,
mais il le distingue par sa forme elliptique plus arrondie, et le
mode d'insertion oblique des soies.
4.? Kerona lanceolata. (Stylonychia lanceolata, Ehr. Inf. PI. XLII,
fig. 5.)
Cette espèce, que je n'ai point vue, paraît d’après la description
de M. Ehrenberg devoir être bien distincte de toutes les autres ;
elle a le corps long de 0,20 à 0,22 d’une couleur verdâtre pâle,
lancéolé, également obtus aux deux extrémités; son ventre est
(1) Kerona silurus ? Müll. Inf, PI. XXXIV, fig. 9.
Stylonychia silurus | Ehr. Inf, 1838, PI. XLII, fig. 2.
L28 HISTOIRE NATURELLE
plat, ses crochets sont groupés près de la bouche, elle manque
de stylets. Elle vit parmi les Conferves. L'auteur lui attribue seize
à dix-huit rangées dorsales régulières de cils, ce qui tendrait à la
faire prendre pour un Bursarien, Il a compté en avant cinq cro-
chets et en arrière quatre stylets ; il dit aussi avoir vu une vési-
cule séminale simple et un grand testicule ovale. Enfin il décrit
et représente la décomposition par diffluence comme le phéno-
mène de la ponte. On ne peut d’ailleurs, d’après sa description,
s'empêcher de supposer une grande analogie entre cette espèce et
l'Urostyla grandis du même auteur.
5. Kerona polyporum (Ehr., Inf. PI. XLI, fig. 7).
Sous ce nom M. Ehrenberg décrit un Infusoire qui aurait déjà
été vu par Leeuvenhoek , Trembley et Ræsel, vivant parasite sur
l'Hydre ou polype d'eau douce, et qui aurait été nommé Cyrclidium
pediculus par Schrank et par Olfers. Cet animal, long de 0, 18,
blanchâtre, déprimé, à contour presque réniforme, est pourvu
de cils et de crochets à la face inférieure , et présente en avant
une rangée de cils plus saillants. M. Ehrenberg ne conserve que
cette seule espèce dans son genre Kérone qu'il caractérise alors
par l'absence des stylets.
XIV: FAMILLE.
PLOESCGONIENS.
Animaux à corps ovale ou réniforme, déprimé,
non contractile et très-peu flexible, mais soutenu par
une cuirasse qui n'est qu'apparente, et se décompose
par diffluence en même temps que tout le reste; avec
des cils vibratiles autour de la bouche , formant souvent
une rangée régulière, et souvent aussi avec des cirrhes
en formes de stylets ou de crochets mobiles ; — nagéant
au moyen de cils vibratiles ou marchant au moyen des
autres appendices. |
La famille des Plæsconiens comprend des types
DES INFUSOIRES. 29
bien différents, qui n'ont de commun qu'une appa-
rence de cuirasse résultant d’une consolidation tem-
poraire de la surface du corps, qui n’est que peu ou
point flexible , et qui ne montre une sorte de contrac-
tilité que quand l'animal commence à se décomposer.
On voit bien alors que ces Infusoires , comme tous les
précédents, ne sont encore formés que d’une sub-
stance molle, glutineuse , sans traces de fibres ou de
membranes. De ces Infusoires , les uns ont des cirrhes
plus forts en forme de crochets ou de stylets comme
les Kéroniens, et pourraient véritablement constituer
une famille à part : ce sont ceux dont M. Ehrenberg
forme sa famille des Euplota , les autres n’ont que dé
cils minces , vibratiles , souvent à peine visibles ; cesont
les Zoxodes, genre établi par M. Ehrenberg, mais
reporté par lui avec ses 7'rachelina.
Les Plæsconiens, pourvus de cirrhes ou d’appen-
dices en forme de stylets, de crochets, etc., se divi-
sent en quatre genres, dont les deux premiers, Plæs-
conia et Chlamidodon , distingués par la présence
d’ane bouche bien visible, diffèrent l’un de l’autre
par l’armure dentaire qu'on observe chez le second
seulement. Les deux autres genres n’ont pas de bouche
visible; ils sont caractérisés par la position des cirrhes
ou appendices qui, chez les Diophrys, sont groupés
aux deux extrémités, tandis que, chez les Coccudina,
ils occupent toute la face inférieure.
Müller laissa tous ces Infusoires confondus parmi
ses Trichodes, ses Kérones et ses Kolpodes; M. Bory
a séparé les Plœsconia, mais il les a malheureuse-
ment associés avec des Systolides dans sa familles des
Citharoïdes.
Les Plœsconiens, comme les divers types des fa-
4365 HISTOIRE NATURELLE
milles précédentes, ont pour organes locomoteurs des
cils ou cirrhes plus où moins épais, plus ou moins
mobiles ; chez plusieurs, la bouche est très-visible,
ainsi que la rangée de cils destinée ,par son agitation,
à y conduire les aliments. Quelques-uns ont la bouche
entourée d’un faisceau desoies fortes. À l’intérieur on
voit aussi, comme dans les précédents, des vacuoles,
les unes contenant les aliments, les autres ne contenant
que de l’eau et se contractant plus rapidement ou dis-
paraissant tout à fait, mais rien n’y ressemble à un
Intestin.
Souvent des corps étrangers, avalés par l'animal,
se voient à l'intérieur, ainsi que des corps ovalaires
demi-transparents, que M. Ehrenberg , comme dans
les autres types, veut nommer des testicules.
Leur multiplication a lieu par division spontanée,
transverse ; mais on voit dans des infusions des indi-
vidus beaucoup plus petits, qui s’accroissent peu à
peu, et qui ont dü provenir d’un autre mode de pro-
pagation ; cependant je ne crois pas qu'on soit sufl-
samment fondé à nommer œufs les granules qu’on
aperçoit dans l’intérieur du corps de divers Plæsco-
niens , ni ceux qui restent après la décomposition de
ces animaux par difiluence.
Plusieurs se produisent abondamment dans les in-
fusions végétales non putrides, et dans les eaux de
marais conservées avec des débris végétaux ; d’autres
habitent en foule dans les eaux stagnantes, soit douces,
soit marines , parmi les herbes aquatiques.
DES INFUSOIRESs k3A
4 Genre. PLOESCONIE. — Plæsconia.
An. à contour ovale, plus ou moins déprimés, soutenus
par une apparence de cuirasse marquée de côtes longitu-
dinales, munis, sur une des faces ordinairement plane, de
cils épars, charnus, épais, en forme de soies roides ou de
crochets non vibratiles, mais mobiles et servant, comme
autant de pieds pour la progression sur les corps solides ;
portant sur l’autre face une rangée semi-cireulaire et en
baudrier ou en écharpe, de cils vibratiles régulièrement
espacés, dépassant le bord , et devenant plus minces à par-
tir de la partie antérieure jusqu’à la partie postérieure où
se trouve la bouche,
E n’y a pas d’Infusoires plus faciles à reconnaître d’une
manière générale que les Plæœsconiens, dont la forme et le
mode de natation sont assez bien indiqués par le mot grec
Floioy navire, et qui ont en outre l'habitude de se servir
des cils de leur face ventrale comme de pieds pour marcher
lentement sur différents corps solides à la manière des In-
sectes, ce qui leur a fait donner le nom de petites araignées
aquatiques, par d'anciens micrographes ; mais en même
temps , il n’en est pas de plus difficiles à étudier dans les
détails de leur forme et de leur organisation. Leur transpa-
rence est si grande, et leur cuirasse apparente comme leurs
cils, ont si peu de consistance, que pour se faire une idée
de leur structure , on n’a pas d'autre moyen que de dessiner
un grand nombre de fois et de comparer les apparences qu'ils
présentent sous différentes incidences de lumière ou quand
on fait varier légèrement la distance du porte-objet aux len-
tilles du microscope : et encore, malgré toutes ces précau-
tions, est-on fort embarrassé pour décider ce qui est le dessus
ou le dessous de l’animal, et si tels cils, tels appendices
en particulier, telles côtes saillantes appartiennent à la face
supérieure ou à la face inférieure. On ne sera donc pas sur-
pris de voir qu'il est absolument impossible de rapporter
hk32 HISTOIRE NATURELLE
avec certitude les espèces figurées par Müller, et notamment
son Zrichoda Charon à aucune des espèces qu'on voudra
étudier avec soin aujourd'hui. Bien plus, je dois dire qu'il
m'a été impossible de reconnaître une quelconque des es-
pèces que j'ai étudiées, dans aucune des figures données à
trois différentes époques (1830-1833-1838), comme de plus
en plus exactes, par M. Ehrenberg pour son Zuplæa ou Eu-
plotes Charon, qu'il dit être le même que le Trichoda Cha-
ron de Müller. Tout dans la forme des Plæsconia manque
de symétrie , je dirais même de régularité, si l’on ne trouvait
cette dernière condition dans la disposition des cils formant
la bande semi-circulaire, et jusqu’à un certain point dans
les côtes de la cuirasse apparente ; mais ni les cirrhes qui
servent de pieds, ni le contour du corps, ni les diverses sail-
lies, ne montrent la moindre régularité. On ne peut même
plus apercevoir aucune trace de régularité dans le reste,
quand par suite de l’altération du liquide ou par l'effet d’une
circonstance quelconque, l’animal n’est plus dans des condi-
tions convenables ; car alors cette apparence de cuirasse ve-
nant à s’eflacer peu à peu, il s’arrondit en un disque creusé
de vacuoles de plus en plus nombreuses, et ses cils ou cirrhes,
après s'être agités encore pendant quelque temps , se crispent
ou se flétrissent et finissent par disparaître (pl. X fig. 19) ;
tel est l'effet produit par l’approche d’une barbe de plume
trempée dans l’ammoniaque ; ou bien si l’animal a été blessé
ou déchiré par quelque frottement ou par la compression
entre les débris sur lesquels il se trouve, on le voit déformé
et contourné de la manière la plus bizarre (pl. X, fig. 7 et
fig. 13); sa cuirasse a disparu, et c’est à peine si l’on recon-
naît un indice de régularité dans les cils de l’écharpe. É
Je n’oserais assurer que dans tous les cas j'aie pu me
faire une idée bien précise de la structure des Plæœsconies ;
cependant voilà ce que j'ai cru voir à plusieurs reprises et
après de nombreuses observations : une Plæœsconie a la forme
d’un disque oblong, un peu plus épais au centre, La face
supérieure, lisse ou marquée de côtes suivant les espèces ,
DES INFUSOIRES. L33
présente une rangée de cils presque semi-circulaire, ou
mieux en écharpe ou en baudrier, qui, étendue d’abord
près du bord antérieur, descend à gauche jusqu’au delà du
milieu, en rentrant peu à peu vers le centre. Ges cils plus
épais à la base, infléchis diversement dans le reste de leur
longueur , ont une direction oblique vers la gauche : ils
éprouvent tous successivement un mouvement de vibration
rapide, qui se propage depuis le bord antérieur jusqu’à
l'extrémité postérieure où se trouve la bouche, et où ce
mouvement conduit les particules nutritives qui sont ava-
lées par l’animal, ou du moins logées dans les vacuoles qui
se forment successivement au fond de la bouche. C’est aussi
au moyen du mouvement vibratile des mêmes cils , que l’ani-
mal péut nager. La face inférieure, celle qui est toujours
tournée vers les surfaces sur lesquelles marche la Plæsconie,
est pourvue de gros cirrhes épais à leur base, amincis au som-
met , souvent roides ou courbés en crochet; mais toujours
tres-flexibles et susceptibles de se mouvoir dans toute leur
longueur au gré de l’animal qui s’en sert absolument comme
de pieds , tandis qu'il nage à l’aide des cils de la rangée en
écharpe. Les cirrhes de la face inférieure ou ventrale sont
disposés très - irrégulièrement; on remarque néanmoins
qu'ils sont plus abondants aux deux extrémités, et quel-
quefois , ils forment comme une rangée vers le côté droit.
Ils peuvent être tous semblables, mais ordinairement, ceux
de l'extrémité antérieure sont plus courts et ont la forme
de crochets (uncini de Müller); et ceux de l'extrémité
postérieure sont plus longs, plus roïdes et ont été dé-
signés par le nom de stylets (styli, Ehr.); leur base paraît
supportée par un renflement globuleux, ce qui a fait croire
qu'ils sont sécrétés par un bulbe comme les poils des ani-
maux supérieurs, mais c’est une erreur; bien loin d’être des
poils véritables, ce sont des prolongements de la substance
charnue de l’Infusoire , participant à la vitalité de tout le
reste. Ge qui le prouve, c’est la manière dont ils se dé-
forment et se contractent quand l’animal meurt.
INFUSOIRES. 26
L34 HISTOIRE NATURELLE
Ainsi, dans mon opinion, une Plæsconia, malgré la
complexité apparente de son ofrganisation , est encore un
animal aussi simplement organisé que ceux que nous avons
étudiés précédemment : une simple substance charnue ho-
mogène, prenant pendant la vie une forme assez complexe,
qu’elle perd à l'instant où l’animal va cesser de vivre, parce
que rien de membraneux et de fibreux ne la soutient; des
cils ou des cirrhes de diverses formes , mais encore de même
nature, et je dirais presque de mème consistance; une
bouche, mais point d’anus; des vacuoles creusées soit au
fond de la bouche par l’effet de l'impulsion communiquée
par les cils vibratiles au liquide environnant, soit creusées
spontanément dans un endroit quelconque près de la sur-
face, quand lanimal comprimé ou n'étant plus dans les
conditions normales, va cesser de vivre (PI. VI, fig. 7, —
PI. VIE, fig. 4. — PI. X, fig. 12); enfin des granules de di-
verse nature, disséminés dans la masse, et que je ne puis
prendre pour des organes déterminés ou pour des œufs.
Il y a bien loin de cette manière de voir à celle de M. Eh-
renberg ; en effet, pour cet auteur, les Plæsconia dont il a
changé le nom d’abord en Zuplæa (es bon, rhovoy navire),puis
en Æuplotes (evbon, rhorrc navigateur), sont des« Polygastri-
ques cuirassés, à tube intestinal distinct, ayant deux orifices
séparés et dont aucun n’est terminal.» Il a constaté, dit-il ,
la structure polygastrique de l’appareil digestif dans quatre
espèces, en leur faisant avaler des substances colorées, mais
ilne montre dans ses figures que des globules de couleur et
non l'intestin. Dans une seule espèce, il a reconnu directe-
ment la position de l’anus par la sortie des excréments ; dans
les autres , il la déduite de la saillie de la cuirasse en arrière.
Les appareils génitaux qu’il dit avoir vus dans leur dualisme
chez sept espèces, mais complétement dans une seule, sont à
Ja fois chez quatre de ces espèces des granules incolores, ronds
éuovoiïdes, qu'il appelle des œufs ; puis chez trois espèces, un
corps rond qu'il nomme testicule ; enfin, chez cinq espèces,
une vacuole ; et ehez une autre , deux vacuoles qu’il nomme
DES INFUSOIRES. L35
des vésicules séminales. Il dit que la division spontance à
été observée chez une seule espèce dans le sens longitudinal
et dans le sens transversal, et que chez les autres, ce dernier
mode seul a été observé.
Nous croyons qu’en effet la division spontanée ne se fait
chez ces Infusoires que transversalement, et le fait de deux
individus collés parallèlement, quoique vu par Müller une
seule fois et par M. Ehrenberg, est accidentel et sans rap-
port avec la propagation de ces êtres.
_ Les Plæsconies se trouvent très-abondamment dans l’eau
de mer stagnante et dans celle qui est conservée avec quel-
ques plantes marines ; elles se trouvent aussi dans les eaux
douces conservées de la même manière; enfin, certaines es-
pèces se produisent en quantité considérable dans les Infu-
sions.
1. PLŒSCOME ParELLE. — Plæsconia patella(s). — PL VIE, fig. 1-4.
Corps déprime, en ovale presque régulier (d'un quart plus long
que large), aminci et transparent sur les bords ; rangées de cils
vibratiles formant un arc de cercle assez éloigné du bord qui est
dilaté de ce côté, et ne dépassant pas le milieu de la longueur ;
20 à 25 cirrhes presque semblables en dessous ; cinq côtes peu mar-
quées à la cuirasse. — Long de 0,080 à 0,126.
J'ai trouvé abondamment cet Infusoire , le 23 janvier 1836 , et
du 1°" au 6 mars 1838, dans un bocal ou je conservais depuis six
mois de l’eau de l'étang de Meudon avec des Lemna et des Con-
ferves; j'ai vu des individus avec des cirrhes rameux, d'autres
avec un prolongement irrégulier en manière de queue; beaucoup
avec des vacuoles très-grandes. Quand l'eau dans laquelle na-
geaient les Plæsconies entre des lames de verre, s'était à moitié
Pré
(1) Trichoda patella , Müller , Verm. p. 95.
Kerona patella, Müll. Inf. Pl. XXXIIT, f. 14-18, p. 238.
Coccudina Keronina et C. clausa, Bory, Encyel. 1824, p. 540.
FRS patella, Ehr. 1833. — Infus. 1859, PI. XLII, f. 1X,
p. 376.
28.
k36 HISTOIRE NATURELLE
évaporée , si j'ajoutais tout à coup de l’eau fraîche, je voyais ces
animalcules changer de forme en s’arrondissant (PI. VIII, fig. 4),
émettant sur leur contour un ou plusieurs lobes sarcodiques ,
dans lesquels se produisaient, comme dans le reste du corps,
de nombreuses vacuoles qui en s’agrandissant finissaient par se
fondre ensemble, et d'ou résultaient des vacuoles plus grandes à
contour lobé; en même temps, les cils se contractaient et finis-
saient par disparaître.
Müller doit avoir vu cette espèce, mais il la figure de la ma-
niére la plus inexacte, sauf peut-être les figures 16 et 137. 11 la
définit comme une«Kérone urivalve, échancrée et corniculée en
avant, pourvue en arrière de soies (cirrhes) flexibles, pendantes.»
11 signale lesglobules mobiles qui supportent les cirrhes dont l'a-
nimal se sert alternativement comme de pieds ou de rames. Il
l’observait pendant l'hiver de 1776 à 1777 dans de l’eau de ma-
rais conservée avec des Lemna. M. hi Hg qui observa ce
même Infusoire au mois de janvier 1836, avec des Lemna re-
cueillies sous la glace, en donne une figure (Inf. PI. XLII, fig. 1)
qu'on ne peut s'empêcher de trouver fort inexacte. 1] lui attribue
sept côtes fines sur la cuirasse, dit que le gosier est en arrière du
milieu, et que l’anus est derrière la base des styles; il a compté
30 à 32 estomacs; il indique une grosse glande ovale (testicule)
au milieu du corps, et une vésicule séminale contractile simple
en arriere ; enfin, ilcompte 10 crochets, quatre rie deux soies
et vingt ou rente cils.
2. PLŒSCONIE van. — Plæsconia vannus (1). — PI. X, fig. 10.
Corps déprimé, ovale-oblong (deux fois plus long que large),
très-transparent, lisse, sans côtes ; la rangée de cils vibratiles en
écharpe s’approchant du bord , et atteignant presque le quart pos-
térieur de la longueur ; cirrhes de l’extrémité antérieure au nom-
bre de 5 à S en forme de crochets courts, quelques-uns près du
bord droit ; 7 à 8 autres, droits, peu allongés en arrière. — Lon-
gueur, 0,12.
Observée, le 2 avril 1840, dans de l’eau de la Méditerranée con-
or
(1) Kerona vannus, Müll. inf. PI. XXXIII, L. 19-20, p. 240,
Plœsconia vannus, Bory, Encycl. 1624.
DES INFUSOIRES. 437
servée depuis vingt jours. — Müller l'avait observée dans l’eau
de la mer Baltique.
? PLŒSCONIE BOUCLIER. — Plæsconia scutum, — PI. X, fig. 7.
Dans la même eau de mer, où j'avais précédemment observé
l'espèce précédente , j'ai vu, deux mois plus tard, une Plæsconie
plus grande, ayant la bande de cils vibratiles moins prolongée
en arrière, et les cirrhes de l'extrémité postérieure infléchis et si-
nueux ; d'ailleurs, les proportions étaient à peu près les mêmes ;
mais je n'ai vu que des individus plus ou moins altérés par le
frottement ou la compression, pendant que j'étudiais d’autres ob-
jets; je donne donc ici les trois figures 7 a-b-c, plutôt pour
montrer les modifications de forme dont ces animaux sont sus-
ceptibles, que pour proposer l'établissement d'une nouvelle es-
péce.
3. PLŒSCONIE À BAUDRIER, — Plæsconia balteata, — PI. X, fig. 1°,
Corps ovale (une fois et demie aussi long que large), un peu
plus étroit en avant, diaphane, avec cinq côtes grenues presque
effacées ; la rangée de cils vibratiles s’'approchant du bord gauche
en avant, et se prolongeant en arrière au delà descinqsixièmes de
la longueur ; cirrhes faibles, peu nombreux. — Longueur , 0,086.
Je l'ai observée, le 5 mars 1840, à Cette, dans de l’eau -de mer
déjà altérée et un peu fétide; le prolongement extraordinaire
de sa rangée de cils, qui dénote pour la bouche une position plus
reculée que dans aucune autre espèce, la distingue suffisamment ;
l'absence de cirrhes en formede crochet suffirait aussi pour empé-
cher qu'on ne la regardât comme variété de la Plæsconia vannus,
4. PLosconiE Luru, — Plæsconia cithara,—P]. X, fig. 6.
Corps ovale (une fois et demie aussi long que large), avec dix
côtes régulières, lisses, bien marquées ; la rangée de cils vibra-
tiles en demi-cercle , prolongée jusqu'aux deux tiers de sa lon-
gueur ; cirrhes peu allongés, presque tous à l'extrémité postérieure.
— Long de 0,090 à 0,095.
Cette belle espèce était excessivement abondante, à la fin de
L38 HISTOIRE NATURELLE
février, dans quelques flaques d’eau de mer stagnante, à côté du
chemin de fer de Cette, avec des Cryptomonas dont eile se nour-
rissait. Elle se distingue, au premier coup d'œil, par son contour
presque régulier et par ses côtes longitudinales, plus nombreuses
que dans aucune autre. J'aurais cru pouvoir affirmer'qu’elle n’a
pas de cirrhes en crochets ou corniculés à la partie antérieure, si
je n’en avais apercu deux ou trois très-difficilement, une fois seu-
lement. 11 paraît toute fois que ces appendices manquent souvent.
C’est une des espèces où j'ai cru voir la rangée de cils située à
droite au lieu d'être à gauche, comme dans le plus grand nom-
bre ; mais je n'ai pas une entière certitude à ce sujet.
- Les figures données par Müller, pour sa Trichoda charon , res-
semblent plus à cette espèce, par le contour et par le peu desaillie
des appendices, qu'à celle que nous nommons Plæsconie charon;
d’après la description de cet auteur, il est probable qu'il a con-
fondu plusieurs espèces sous la même dénomination.
5. PLorscONIE EPAISSE. — Plæsconia crassa.— PI. X,, fig. 5.
Corps ovale, oblong (la largeur n’est que les 3/5 de la longueur),
épais (de moitié dé sa largeur), diaphane, avee quelques indices
de côtes presque effacées ; la rangée de cils vibratiles peu courbée,
assez éloignée du bord, dépassant la moitié de la longueur; cir-
rhes groupés aux deux extrémités, les antérieurs, au nombre de 6 à
8, corniculés; les postérieurs, au nombre de 5 à 7, presque
droits. — Longueur de 0,072 à 0,080.
Cette espèce se trouvait abondamment avec la précédente dont
elle se distingue par sa forme plus allongée, plus épaisse, par
l'absence presque totale des côtes, par la présence des appendices
corniculés, et enfin par ses dimensions moindres. Elle est re-
marquable aussi par l’'écartement souvent considérable qu'on ob-
serve entre la rangée de cilset le bord externe.
Je l'ai revue dans l'ean du canal des Étangs apportée de Cette à
Toulouse, depuis vingt jours.
6. PLœsconiE Canon. — Plesconia Charon. — PI. X, fig. 8-13.
Corps irrégulièrement ovale (la largeur excède les 3/5 de la lon-
gueur), tronqué en avant, plus étroit en arrière, marqué de côtes ir-
DES INFUSOIRES. 439
régulières très-prononcées, qui le rendent comme plissé ou prisma-
tique et épais, ou en coque de navire; la rangée de cils presqu’au
bord , peu recourbée en dedans, et dépassant le milieu de la lon-
gueur , des cirrhes assez longs , droits en arrière , point de cirrhes
corniculés en avant. — Long de 0,065 à 0,07.
Cette espèce, extrêmement commune dans l’eau de mer conser-
vée, est vraisemblablement celle que Müller a décrite sous le nom
de Trichoda Charon, mais non celle qu'il a figurée ; il la dit
trés -abondante dans l’eau de mer déjà fétide ; de mon côté,
je l’ai observée sur les côtes de la Manche , en octobre 1835, et
daus l’eau de la Méditerranée que je conservais depuis vingt
jours, le 3 avril 1840. Elle est bien reconnaissable à ses côtes
très-prononcées, comme des plis allant aboutir en convergeant
à l'extrémité postérieure qui est un peu rétrécie ; le bord saillant
qui porte la rangée de cils présente à son point de départ, en
avant et à droite {quand on le voit par-dessus) , une échancrure
profonde qui, en raison de la forte réfringence de ce bord, fait
paraître le corps tronqué en avant. Les cils vibratiles, tres-longs
et tres-déliés, dépassent beaucoup le bord externe, dont leur in-
sertion est d’ailleurs assez rapprochée; je n'ai pas vu de cirrhes cor-
niculés vers l'extrémité antérieure; mais seulement des cirrhes
presque droits, longs, irrégulièrement distribués vers l'extrémité
postérieure , et le long du bord droit. Cet Infusoire , blessé par
une compression trop forte, a présenté la singulière déformation
dont je donne la figure (PI. X, fig. 15); il continuait à se mouvoir
avec une extrême agilité , mais il n’offrait plus aucune trace de
sa cuirasse et de ses cirrhes postérieurs.
Müller définit sa Trichoda Charon par ces paroles: « T. en forme
de nacelle, sillonnée, chevelue en avant eten arrière.» 1] la décrit
ensuite comme ayant le corps ovale, creusé en dessus d’une fos-
sette longitudinale qui contient les viscères , et replié sur les côtés,
lesquels, vus à un fort grossissement, sont sillonnés ; puis il ajoute
qu'en dessous ou à la face dorsale, il est convexe, sillonné, offrant
une poupe arrondie, garnie d’une touffe de poils infléchis, pen-
dants, et une proue plus étroite munie de quelques soies dressées.
Cet auteur a vu, quand l'animal mourait par suite de l’évaporation
de l’eau, les cils seuls disparaître, et les poils, ainsi que les sillons du
corps, persister tandis que le corps même se dissout à peine; mais
cela lient, je pense, à ce que l’eau de mer en s'évaporant laisse
AE HISTOIRE NATURELLE
une solution saturée de sels déliquescents, bien propre à conser-
ver infacts les Infusoires ; car j'ai vu moi-même, dans cette cir-
constance , toutes les Plæsconies marines, et d’autres espèces non
contractiles , conserver assez bien leur forme : dans l’eau douce, il
en est tout autrement.
Müller a pris pour un ovaire une expansion sarcodique ( bullu
pellucida) d'une de ses Trichoda Charon; et dans d’autres, il a vu
une grande vacuole qu'il nomme aussi bulla pellucida, vide et in-
colore , occuper soit la poitrine, soit une partie du ventre; au
bout de deux mois, il en vit un qui contenait une bulle opaque,
jaunâtre (bu/la farcta et flavida). Cet Infusoire, dit-il, se rompit
instantanément, comme un pétard d'artifice, et le corpstout entier
se décomposant en molécules, il ne resta que la bulle, à l'intérieur
de laquelle on voyait un globule assez grand rempli de granules.
Müller conséquemment veut y voir un ovaire que cet Infusoire por-
tait sous sa poitrine , à la manière des Cloportes; mais il est bien
plus probabie qu'il n’y a eu dans tout cela qu’un phénomène de
décomposition par diffluence, après lequel restait une masse
de substances précédemment avalées par la Plæsconie.
M. Ehrenberg a décrit et figuré de plusieurs manières un ZÆu-
plœa ou Euplotes Charon vivant dans l’eau douce, et qu'il regarde
comme identique avec la Trichoda Charon de Müller, mais que,
dans aucun cas, je ne puis rapporter à aucune des espèces que j'ai
vues. Il l'a décrit d’abord (1830 1° mém. PI. VI, fig. 2. Erlaut.
der Kupf, p. 102), comme nageant sur ledos qui est revêtu d'un
bouclier diaphane, muni en dessous d'une double rangée de cro-
chets dont il se sert comme de pieds, portant en arrière environ
cinq soies plus fortes et plus longues, et en avant, quelques autres
soies plus fines; ayant une bouche formée par une très-grande
fente latérale ciliée, qui occupe toute la longueur du côté droit et
offre au milieu un orifice particulier plus petit pour l'entrée de
l'œsophage; c'est à son extrémité postérieure, et un peu de côté,
que se trouve l'anus. En 1833, il rectifie, d'apres de meilleures ob-
servations, dit-il, la première description, quant au nombre des
divers appendices , et il ajoute ce qu'il nomme organe de féconda-
tion; ses figures montrant déjà la rangée de cils un peu moins pro-
longée en arrière, et les crochets qui servent de pieds moins nom-
breux et moins régulièrement placés. En 1838, enfin, il le décrit
comme ayant une cuirasse ovale, elliptique, un peu tronquée obli-
quement en avant, et avec 6à 7 stries dorsales granulées, 7 à 8 cro-
DES INFUSOIRES. ll 4
chets servant de pieds (Ærallenfüsse), 5 styles presque semblables,
et 20 à 40 cils ; ajoutant qu'il n’a pas vu de soies (Borsten). Les
nouvelles figures (Infus. PI. XLII, fig. 10) ne montrent plus du
tout la double rangée de cirrhes ou crochets servant de pieds, et
indiquent les stries dorsales comme autant de rangées de perles,
ce qui est totalement différent de ce que je puis voir; quant à la
rangée de cils, quoique trés-inexactement exprimée , elle n'est
plus trop longue.
7. PLŒSCONIE voisine. — Plæsconia affinis. — PI. VI, fig. 7.
Différant de la PI. Caron, seulement par son habitation dans
l’eau douce, et par sa forme plus étroite en avant , un peu plus
ronde et moins plissée en arrière. Ilm’a semblé aussi que le rebord
saillant qui porte la rangée de cils n’est pas échancrée de même à
l’origine. — Longueur, 0,068.
Elle vivait en grand nombre, le 8 janvier 1838, dans de l’eau
recueillie quinze jours auparavant dans une ornière près de Pa-
ris où vivaient d'abord des Æydatina senta et des Euglènes qui
la coloraient en vert. Les Hydatines avaient disparu, et les Eu-
glènes étaient en petit nombre et contractées. Ces Plæsconies com-
primées entre des lames de verre m'ont présenté les déforma-
tions les plus curieuses (PI. VI, fig. 7 b 7 c) ; elles s’arrondissaient
peu à peu, en cessant de présenter aucun indice de la cuirasse et
des cirrhes ; mais les cils vibratiles repoussés au bord continuaient
àas'agiter. En même temps, ces Infusoires se creusaient de vacuoles
très-nombreuses, qui bientôt, en s'agrandissant, venaient à se
toucher et à se confondre lentement comme des gouttelettes de
graisse sur du bouillon qui se réfroidil.
8 ? PLŒSCONIE ARRONDIE, — Plæsconia subrotunda.—P\. XIII, fig. 5.
Corps ovale (la largeur égale les 4/3 de la longueur d'abord ;
plus tard elle en est les 3/4 seulement), épais , trouble , ‘ranuleux,
sans côtes distinctes ; tronqué et échancré en avant. La rangée de
cils courte , éloignée du bord externe et ne dépassant pas le mi-
lieu de la longueur ; des cils longs et minces aux deux extrémités.
— Longueur de 0,041 à 0,055.
Cette espèce s’est développée abondamment dans une infusion
LL HISTOIRE NATURELLE
de foin préparée le 24 décembre 1835, et tenue à une tempéra-
ture de ro° à 12°. Le 21 janvier, il y avait déja beaucoup de
Plæsconies jeunes, arrondies, longnes de 0,041; ces Infusoires
étaient revus un peu plus gros à diverses époques ; le 22 février,
notamment, il y en avait de longs de 0,048 à 0,055 , et alors
d'une forme moins allongée ; de sorte que le principal caractere,
tire de la forme, pourrait bien tenir simplement à l'âge ou au de-
gré de développement; et si les côtes étaient aussi apparentes que
dans la P/æœsconie voisine , ou dans la Plæsconie Caron , on ne de-
vrait pas hésiter à la considérer comme une simple variété,
* S? PLŒSCONIE RAYONNANTE, — Plæsconia radiosa.
Elle diffère de la précédente par ses dimensions un peu plus
considérables (0,05 à 0,066) par des côtes aussi prononcées que
celles de la P/. Caron ,'et en-même temps par des cilstrès-longs,
égaux et étalés en rayons aux deux extrémités.
C'est dans l’eau de Seine gardée pendant cinq ou six mois dans
des bocaux avec des Myriophyllum , des Zygnema, etc., que j'ai
vu fréquemment en hiver cette Plæsconie, qui n'est peut-être
qu'une variété ou un âge plus avancé de l'espèce précédente.
9. PLOŒSCONIE LONGIREME. — Plæsconia longiremis. — PI. X, fig. 9
eb'12.
Corps très-déprimé , irrégulièrement ovale (la largeur égale les
2/5 de la longueur) , très-dilaté du côté de la rangée de eils, plus
transparent dans cette partie, et montrant trois ou quatre côtes
larges, grenues, presque effacées. La rangée de eils en écharpe
forme un demi-cercle accompagné d’une large bande diaphane
et dépasse la moitié de la longueur. — Cirrhes nombreux , très-
longs, flexibles. — Longueur de 0,065 à 0,085.
Cette espèce est très-commune dans l’eau de mer; elle fourmii-
lait dans de l’eau apportée des côtes de la Manche à Paris, depuis
un mois, le premier décembre 1835 ; d'autre eau du même lieu,
apportée le 10 décembre, en était encore remplie le 2 février
1836 ; je l'employai à préparer des infusions avec un 80° de son
poids de gélatine ou un 80° de gomme; dix jours aprés, ces infu-
sions contenaient encore les Plæsconies , peut-être plus grosses el
DES INFUSOIRES. Lkl3
plus arrondies, avec beaucoup d’autres Infusoires qui s’y étaient
développés. Cette espèce, exposée un instant à l'odeur de l’ammo-
niaque , s’est décomposée comme le montre la figure 12 a b ; elle
s'arrondit d'abord en disque, se creusa de vacuoles, et ses cirrhes
se crispérent, puis lesvacuoles devenant toujours plus nombreuses
et plus grandes, elle ne présenta plus que l'aspect de la figure : 2 6.
10. PLŒSGONIE 4 AIGUILLON. — Euplotes aculeata. (Ehr. Inf.,
PI. XLIL, fig. 15.)
Corps ovale oblong, presque carré, à dos convexe, avec deux
eôtes longitudinales, dont l’une porte au milieu ur'aiguillon court.
— Longueur, 0,062.
M. Ehrenberg a observé dans l'eau de la mer Baltique cette
espèce remarquable, qui pourrait bien avoir une cuirasse mem-
braneuse, et devrait alors appartenir à un autre genre; il lui
attribue six à huit cirrhes ou crochets épars à la face ventrale ;
il ajoute qu'elle paraît aussi avoir quatre à cinq styleis, et que
cependant il n'a pas vu clairement ces détails. 11 suppose que ce
pourrait être la Xerona rastellum de Müller.
"Le même auteur décrit sous le nom d'£uplotes turritus un
autre Infusoire portant sur le milieu du dos un long aiguillon un
peu courbé. 1] l'a trouvé dans l’eau douce et dans l’eau de mer;
il lui a vu cinq stylets en arrière, et cinq cirrhes en crochet à la
partie antérieure; mais il n’a pu lui reconnaître de cils, en raison
de la rapidité de ses mouvements.
"* Malgré tous mes efforts, je n’ai pu reconnaitre dans trois
autres espèces du même auteur : £uplotes striatus E. appendicu-
latus, E. truncatus, aucune des espèces que j'ai vues.
LE]
Le genre Discocephalus de M. Ehrenberg a été établi sur un
Infusoire observé, comme il le dit lui-même, non assez exacte-
ment, ni à un grossissement assez considérable (cent fois le dia-
mètre), en 1825, dans l’eau de mer. 1l est représenté comme
formé de deux disques inégaux, garnis de longs cirrhes, et carac-
térisé par l'étranglement qui sépare ainsi une sorte de tête discoïde
(Ebr. Inf. PI, XLH, fig. 6, p. 375).
ll le HISTOIRE NATURELLE
* Genre Âimantophorus. Ehr.
Sous ce nom, M. Fhrenberg a institué un genre qu’il
avait d’abord nommé , comme Fabricius, Himantopus, et
qui contient une seule espèce, fimantopus Charon (Fabr.,
Müll. Infus. PI. XX XIV, fig. 22), Zimantophorus Charon
(Ehr. Infus. PI. XLIT, fig. 7), vivant dans l’eau de mer et
dans Peau douce; mais que je n’ai pas vue moi-même, à
moins que ce ne soit quelque Plæsconie sans stylets visibles,
comme la Pl. .scutum ; dont tous les appendices seraient
également flexueux.
Müller la décrit comme étant « en forme de nacelle, sil-
lonnée et pourvue de cirrhes dans une excavation ventrale. »
Elle rappelle beaucoup, dit-il, sa Trichoda Charon, mais
elle est plus grande , et s’en distingue par l’absence des poils
(stylets) postérieurs et par les cirrhes flexueux, situés à la
face ventrale.
M. Ehrenberg distingue aussi son genre Himantophore
par l’absence des styles et par ses crochets (uncini) très-
nombreux ; il décrit l'Himantophore caron, comme ayant
le « corps diaphane , plan , elliptique , un peu obliquement
tronqué en avant, avec de petits cils et des crochets longs
et grèles. » Ces crochets, servant de pieds, forment une
large bande sur la face ventrale, où ils sont presque dispo-
sés par paires. De ce côté est aussi une rangée de cils allant
de la bouche fort loin en arrière. De nombreuses vésicules
stomacales se voient à l’intérieur, Au bord postérieur se
trouve une grande vésicule séminale contractile , et le long
de la rangée de cils une série de taches glanduleuses.
2% Gevre. CHLAMIDODON. — Chlamidodon. Ehr.
Animal de forme ovale aplatie; pourvu de cils et de cro-
chets à la face ventrale, et ayant une bouche entourée
d’un faisceau de baguettes ou de dents droites.
Une seule espèce, Chlamidodon Mnemosyne (Ehr. Inf.
Là
DES INFUSOIRES. kh5
PI. XLIT, fig. 8), dont nous donnons la figure d’après
M. Ehrenherg (PI. XIII, fig. 8), constitue ce genre bien
remarquable, créé par cet auteur et placé dans sa famille
des Æuplota, en notant que c’est une Oxytrique cuirassée et
dentée. Cet infusoire, long de 0,11, est vert ou hyalin,
élégamment bigarré de vésicules roses; il vit dans l'eau de
la mer Baltique.
8° Genre. DIOPHRYS. — Diophrys.
An. de forme discoïde irrégulière , épais, concave d’un
côté et convexe de l’autre , avec de longues soies groupées
aux deux extrémités. Sans bouche.
1. DioPHRYS MARINE. —Diophrys marina, — PI, X, fig. 4, a-b.
Corps ovale, avec une excavation longitudinale, terminée en
avant par cinq grands cils vibratiles, et en arrière par quatre
ou cinq soies très-longues , géniculées. — Longueur, 0,045.
Cet Infusoire, si remarquable par sa forme et par ses appen-
dices , se trouvait, au mois de mars 1840, dans l’eau du canal des
Étangs, à Cette. 1] diffère considérablement des Plæsconies, et
cependant plusieurs des figures données par Müller, pour sa
Kerona patella (les fig. 14, 19 et 18, PI. XXXIII), présentent de
mème des appendices en deux groupes terminaux, aux extrémi-
tés d’une excavation longitudinale, et surtout les cirrhes poste-
rieurs géniculés on infléchis en angle au milieu de leur lon-
_ gueur.
4 Genre. COCCUDINE. — Coccudina.
An. à corps ovale, déprimé ou presque discoïde , sou-
vent un peu sinueux au bord; convexe, sillonné ou gra-
nuleux et glabre en dessus ; concave en dessous et pourvu
de cils vibratiles et de cirrhes ou appendices corniculés
servant de pieds. Sans bouche.
. Les Infusoires réunis dans ce genre sont très-imparfaite-
Lkh6 HISTOIRE NATURELLE
ment connus : ils sont intermédiaires entre les Loxodes et les
PlϾsconies, comme ayant les appendices de celles-ci etla forme
_ générale de ceux-là ; mais c’est là tout ce que nous savons sur
leur organisation. On ne leur voit pas de bouche; on dis-
tingue seulement à l’intérieur des granules irréguliers et des
vacuoles remplies d’eau. [ls se servent de leurs cirrhes pour
marcher sur les corps solides, comme des insectes ou des
petites araignées ; aussi doit-on penser que Joblot a voulu
désigner sous cette dernière dénomination quelques Goccu-
dines.
Ge nom de genre a été créé par M. Bory, qui le donna
mal à propos à la Plæsconie patelle en même temps qu’à de
vraies Coccudines. M. Ehrenberg ne l’a pas admis et il a
laissé parmi les Oxytriques et les Plæsconies ou Euplotes
les espèces qu'il a connues, et que déjà précédemment Mül-
ler avait classées parmi les Trichodes (77. cicada, Tr.
cimezx ).
Leur multiplication a lieu par division spontanée trans-
verse.
1. CoccuninE à côTEs, — Coccudina costata. — PI. X, fig. v.
Corps ovale , obliquement rétréci et sinueux en avant, convexe
et sillonné en dessus, ou présentant cinqà six côtes très-saillantes,
tuberculeuses ; appendices groupés aux deux extrémités ; les an-
térieurs plus minces, vibratiles. — Longueur, 0,027. |
Je l'observais, au mois de décembre, dans de l'eau de marais
(du Plessis-Piquet), conservée depuis le mois d'août avec des débris
de végétaux.
>. CoccüniNE ÉPusse. — Coccudina crassa. — PI. X, fig. 2.
Corps ovale, plus large et comme tronqué en arrière , rétréci
et sinueux en avant, convexe en dessus et marqué de côtes pres-
que effacées; convexe en dessous, avec les bords épaissis. Ap-
pendices de la moitié antérieure en forme de crochets; les posté-
rieurs droits en forme de stylets. — Longueur, 0,05. — Marin.
Elle vivait dans l'eau de mer prise à Cette depuis huitjours avec
des Corallines, et déja gâtée. æ
DES INFUSOIRES. h4T
3. COocCUDINE POLYPODE. — Coccudina polypoda. — PI. X, fig. 3.
Corps ovale, sinueux en avant, convexe et marqué en dessus
de sept à huit côtes étroites, plat en dessous , et muni de cirrhes
épars , nombreux, longs et flexibles. — Longeur, 0,033. — Marin.
Dans l’eau de mer stagnante, près du chemin de fer, à Cette,
Je 5 mars.
4. CoccuninE cicae. — Coccudina cicada. — PI. XIII, fig. 1.
Corps ovale, granuleux , très-convexe, à bords arrondis, con-
cave en dessous , et muni de cirrhes épars longs et flexibles. —
Longueur , 0,032.
Cet Infusoire, que j'ai trouvé dans l'eau de Seine, entre les
Ceratophyllum, en novembre 1838, paraît bien être le même que
Müller a décrit sous le nom de Trichoda cicada (Müller, Infus.,
pl. XXXII, fig. 25-27), comme étant « ovale, à bords obscurs,
chevelue en avant et en dessous, sans cils en arriére.» Mais ce
n'est pas, je crois, l'espèce que M. Ehrenberg donne sous le nom
d'Oxytrieha cicada (Ehr., Inf., pl. XLI, fig. 4), comme syno-
nyme de celle de Müller. En effet cet auteur lui donne pour ca-
ractere d'avoir le dos sillonné et crénelé, ce qui ferait penser
qu'il a eu en vue notre Coccudina costata (1) et non la C. cicada.
" Coccudina cimex, Bory.
Je ne sais s’il faut réellement faire une espece de Coccudine de
l’infusoire nommé par Müller Trichoda cimezx (Müll. Inf. PI. XXXII,
fig. 21-24), ou si ce n’est pas simplement une Plæsconie mal
{1) M. Ehrenberg dit avoir réussi à colorer par l'indigo les nombreux
estomacs de son Oxytricha cicada, que nous croyons pouvoir être
nôtre Coctudina cicada ; il ni à compté huit à treize côtes dorsales , et
il a remarqué que dansla décomposition par diffluence de cet {nfusoire ,
on reconnait que le corps tout entier est mou, ce qui le conduit à le
ranger plutot parmi les Oxytriques qu'avec les Plæsconies, quoique ces
dernières aient bien ce mème caractère.
LkhG8 HISTOIRE NATURELLE
observée. Cet auteur la décrit comme étant « ovale, à bords
transparents , pourvue de cils en avant et en arrière. » Il ajoute
que, quand l’eau s'évapore, elle montre, en se contractant, des
sillons longitudinaux, et il termine en disant qu'elle est trop
semblable (zeimis similis) à sa Trichoda Charon, qui est une de
nos Plæsconies. 1] lui donne pour synonyme ce que Joblot (Micros.
2 part., p. 79, pl. 10, fig. 15) a nommé petite araignée aqua-
‘tique. 1 F
M. Ehrenberg a nommé d'abord cette espèce Séylonychia ?
cimex , puis il l’a confondue avec son Euplotes Charon , et enfin il
en a fait une espece distincte, sous le nom d'Euplotes cimex (Ehr.
Inf., p. 380, PI. XLIT, fig. 17), en déclarant toutefois qu’elle de-
‘ mande une observation plus exacte. 1] lui attribue un têt oblong,
elliptique, lisse, et la dit pourvue de cils, de stylets et de crochets.
** Coccudina reticulata.
Je ne fais qu'indiquer sous ce nom un Infusoire observé au mois
de décembre dans de l’eau de Seine, conservé depuis l’été avec
des Myriophylles vivants. Il était long de 0,045, et sa surface
granuleuse était évidemment réticulée où marquée de stries
croisées, d'où résultait une dentelure au contour. Il avait aux
deux extrémités des cirrhes coudés assez volumineux.
* GENRE Aspidisca. Ehr.
C'est bien, je crois, avec les Coccudines qu’il faut ranger
le Trichoda Lynceus (Müller, Inf. PI. XXXII, fig. 1-2),
dont M. Ehrenberg a fait le type de son genre Aspidisca
et par suite, de sa famille des AspipiscrnA qui, suivant lui,
devrait contenir les Polygastriques cuirassés, entérodélés,
à orifice double, mais dont l’orifice anal est seul terminal.
En décrivant son genre Aspidisca ( Ehr. Inf. p. 343), il dit
que cet animal a la plus grande analogie avec les ÆZuplotes,
mais que chez ceux-ci la cuirasse déborde le corps en arrière
comme en avant, ce qui fait que orifice anal, de même que
la bouche, n’est pas terminal.
Müller désigne sa Trichoda Lynceus par ces mots :
« Tr, presque carrée, à bec crochu, à boucheciliée, et bord
DES INFUSOIRES. Lk49
postérieur garni de soies. » Au premier aspect , dit-il , elle
ressemble à un Entomostracé du genre Lyncée, mais elle
n’est pourvue ni de cuirasse ni d'yeux , etc. « Son corps
est membraneux, comprimé, sans épaisseur, prolongé en un
bec recourbé en avant, et tronqué en arrière. Sous le bec
est un faisceau de poils pendants, qui par son agitation ferait
croire que l'animal avale de l’eau. Le bord postérieur est
sinueux, muni desoies rares qui s’agitent au gré de l’animal
et paraissent servir à la natation. Les intestins (interanea)
sont extrêmement remarquables; en effet, un tube courbé
s'étend de la bouche jusque dans les viscères (2ntestina) du
milieu du corps; ceux-ci, ainsi que le tube, éprouvent une
fréquente agitation; entre le bord postérieur et l’antérieur
est un autre tube longitudinal souvent rempli d’une liqueur
bleuâtre. Le corps et les molécules cristallines ont un bord
obscur distinct... J'en ai surpris quelques-uns accouplés;
les organes génitaux sont situés dans l’échancrure du bord
postérieur...» Müller a représenté en effet les Infusoires
de cette espèce joints par le bord postérieur ; mais tous ces
détails d’une organisation que Müller croit avoir vue n’ont
aucun rapport avec ce que de son côté M. Ebrenberg pré-
tend avoir découvert.
5° GENRE. LOXODE, — Zoxrodes.
An. à corps plat, membraneux ou revêtu d'une enve-
loppe membraneuse apparente , flexible , non contra
renflée au milieu de la face supérieure ou dorsale, souvent
concaye à la face inférieure ; à contour ovale irrégulier ,
sinueux, et obliquement prolongé en avant, pourvu de
cils vibratiles très-fins au bord antérieur seulement.
Ce genre, confondu par Müller avec les Kolpodes, est bien
réellement distinct, mais il est encore peu connu sous le
rapport de la structure et de l’organisation, et sa place
dans la série des Infusoires est très-difficile à indiquer avec
précision ; il ne peut être placé, ni avec les Paraméciens,
INFUSOIRES, 29
450 HISTOIRE NATURELLE
ni avec les Leucophryens, puisqu'il n’a point sa surface
réticulée ou garnie de rangées régulières de cils; il pourrait
peut-être avec plus de raison être rapproché des Traché-
lius dans la famille des Trichodiens ; mais il offre une appa-
rence de tégument tellement nette que je me suis trouvé
dans l’alternative de créer pour lui seul une famille parti-
culière, ou de le placer avec les Plœsconiens auxquels il se
rattache à la vérité par les Coccudines ; cependant il s’en
éloigne aussi par l'absence de cirrhes, et c’est ce qui empêche
de caractériser cette famille aussi nettement qu’on lepourrait
faire. De nouvelles observations permettront assurément
d'apporter dans la classification des Infusoires une précision
plus grande; pour le moment nous nous contentons de faire
connaître autant que possible ces animaux.
Les Loxodes sont de ceux qu’on rencontrera le plus sûre-
ment et le plus fréquemment dans les infusions et dans les
eaux de marais déjà altérées par la putréfaction. Ils ne mon-
trent à l’œil en quelque sorte qu'un disque presque diaphane
obliquement prolongé en avant en une manière de bec obtus
d’une transparence parfaite; ils rampent souvent sur la surs
face des corps solides et alors ils se plient pour s’accommoder
aux inégalités de ces corps , et leur bord antérieur se replie
contre tous les obstacles qu’il rencontre. On distingue pres-
que toujours le contour de la partie charnue vivante, au
milieu d’une enveloppe plus transparente ; maïs qui cepen-
dant n’est pas une membrane persistante, comme le prouve
la facilité qu’ont les Loxodes de s’agglutiner quand ils vien-
nent à se toucher entre eux.
Les cils du bord antérieur, seuls organes externes des Lo-
xodes, sont souvent très-difliciles à apercevoir; à l’intérieur,
on ne voit que quelques vacuoles isolées, ordinairement co-
lorées en rouge pâle. Une bouche est rarement visible, mais
des corps étrangers, tels que des Navicules, qu’on voit dans
l'intérieur, n’ont évidemment pu y pénétrer que par une
ouverture buccale. Quelques Infusoires, ressemblant d’ail-
leurs entièrement aux Loxodes, ont au contraire une bouche
DES INFUSOIRES. h51
que rend parfaitement visible un faisceau tubuleux de peti-
tes baguettes transparentes qui l'entourent. La présence de
cette armature buccale ne me paraît pas toutefois un motif
suffisant pour les réunir aux Chilodons qui ont toute la
surface ciliée comme les autres Paraméciens avec lesquels
je les ai placés.
M. Ehrenberg, en 1830, institua le genre Loxode et y
comprit six espèces, savoir : {4° le Z. cucullulus, dont ila
fait plus tard le genre Chilodon ; 2° le Z. cucullio, qu’il
place avec doute aujourd’hui dans son genre Xolpode; 3° le
L. rostrum, dont nous faisons le genre Pélecide ; 4° le Z.
cithara,quiest certainement un Bursarien ou un Paramécien;
5° le L, bursaria , regardé d’abord par l’auteur comme une
variété de son Paramecium chrysalis, et qui nous paraît
devoir, en effet, appartenir à la familie des Paraméciens ;
enfin , 6° le Z. plicatus, dont l’auteur lui-même signale la
grande analogie avec l'Oxytricha cicada ; il s'ensuit que le
genre Loxode de M. Ehrenberg n’a presque plus aucun
rapport avec le nôtre aujourd'hui (1).
1. LOXODE cHAPERON. — Loxodes cucullulus. — PI. XIII, fig. 9(2).
Corps ovale, lisse ou un peu granuleux, renflé au milieu,
aminci et flexible en avant. — Long de 0,03 à 0,06.
(1) Le Loxodes cithara (Ehr. Inf. PI. XXXIV, fig. 2) a le corps
triangulaire, comprimé, blanc, élargi et obliquement tronqué en
ayant, rétréci en arrière. Long de 0,125. — Le L. Lursaria (1. ec.
fig. 3) est vert, oblong, obliquement tronqué et comprimé en avant,
arrondi et renflé en arriére, long de 0,09. — Le L. plicatus (1. c.
fig. 4) a le corps elliptique, comprimé , renflé au milieu avec une lèvre
en crochet, et l'abdomen obscurément sillonné et plissé ; il est long de
0,06. — Tous les trois ont été observés dans les eaux douces des envi-
rons de Berlin.
(2) Petites huîtres, Joblot , Microsc. PI. II, PI. IV, PI. V, fig. 4.
de Hill. 1951. — Volvox torquilla , Ellis, Philos. transact.
1769.
Ovalthierchen , Gleichen , Infus. PL XXVII, XXVIII, XXX.
Kolpoda cucullus , Müller , Inf, PI, XV, fig. 7-11.
29.
452 HISTOIRE NATURELLE
Cette espèce , décrite par Müller sous le nom de Æolpoda cucul -
lulus , est une des plus communes dans les infusions et dans les
eaux stagnantes. J'observais ce Loxode le 14 janvier 1836 dans
l'eau d'un appareil d'endosmose préparé depuis cinquante-quatre
heures avec de la vessie de cochon et de l'eau sucrée ; il présentait
quelques vacuoles qui devenaient plus nombreuses quand il allait
cesser de vivre, il se contractait irrégulièrement alors et perdait
cette apparence membraneuse si distincte qu'il avait auparavant.
J'ai vu fréquemment dans le liquide où les Loxodes étaient très-
abondants, deux ou trois de ces Infusoires agglutinés par un
point quelconque de leur surface, ce que l'on ne pouvait au-
cunement , comme je l'ai dit, prendre pour accouplement.
Müller, qui les observa dans une infusion de Laitron (Sonchus ar-
vensis), où ils s'étaient excessivement multipliés au mois d'octobre,
dit en avoir vu ainsi jusqu'à cinq agglutinés par le dos et na-
geant ensemble pendant quelquesinstants. Ce même auteur décrit
son Kolpode comme ayant le corps prolongé en avant au delà du
contour ovale, et paraissant dans cette même partie comprimé en
carène : « C'est, dit-il, un animal tres-diaphane, cristallin,
pourvu de deux globules diaphanes (g/obulis pellucidis) en arrière,
ou d’un plus grand nombre de ces globules , épars au milieu.»
Ces globules sont ce que je nomme des vacuoles.
M. Ebhresberg en 1830 avait confondu cette espèce avec le
Chilodon cucullus qui est beaucoup plus grand ; aussi lui attri-
buait-il alors une longueur de 0,093.
Loxodes cucullio.
Je ne sais si l'on doit regarder comme une espèce distincte le
Kolpoda cucullio de Müller (Inf. PI. XV, fig. 12, 19), que cet àu-
teur décrit comme étant ovale, déprimé, très-légerement sinueux
près de l'extrémité antérieure , déprimé en dessus et convexe en
dessous; ayant le tiers antérieur de son corps formé d'une mem-
brane diaphane, ainsi que le bord postérieur. La membrane an-
térieure est très-flexible et susceptible de se replier contre les
obstacles. 11 se meut lentement en glissant dans une position ren-
versée, c’est-à-dire sur la partie convexe du corps. Müller l'indi-
que comme vivant dans les eaux couvertes de Zemna, avec les
Rotifères et les Paramécies; il l’a trouvé aussi dans une infusion
de poire, D'après cette description, on serait tenté de rapporter
DES {NFUSOIRES 453
cette espèce an Loxodes cucullulus, mais les figures données par
Müller sont totalement différentes, et l'on doit penser qu'il a re-
présenté en même temps plusieurs autres Infusoires voisins des
Acineria.
M. Ehrenberg avait nommé d'abord Zoxodes cucullio un Infu-
soire long de 0,03, qui est peut-être celui de Müller; mais plus
tard il l’a réuni à ses Kolpodes.
2 ? LoxopE RÉTICULÉ. — Loxodes reticulatus. — PI. XIII, fig. 9-10.
Corps ovale, un peu rétréci et sinueux en avant, où il est plus
flexible ; surface granuleuse , presque réticulée. — Long de 0,035.
J'observais, en janvier 1836, cet Infusoire dans l’eau de marais
qui s'était pourrie dans un flacon; je n’y ai pu distinguer de cils.
3. LoxonE marin. — Loxodes marinus. — PI, XIE, fig, 11.
Corps déprimé , à contour ovale, sinueux, presque réniforme,
avec une petite pointe en arrière : des granulations fines dans
l'intérieur, et une rangée de points près des bords antérieur et
postérieur, — Long de 0,073.
J'ai trouvé ce Loxode dans l’eau du canal des Étangs, qui com-
munique avec la mer à Cette. 11 avait une grande vacuole hya-
line dans l'intérieur, et contenait des Navicules, ce qui prouve
l'existence d'une bouche assez ample. Le bord antérieur est garni
de cils obliques très-fins.
4. LOxODE DENTÉ, — Z,0xo0des dentaius.
J'ai plusieurs fois rencontré des Infusoires de même forme que
le Loxode chaperon, mais pourvus d’un faisceau de baguettes au-
tour de la bouche comme les Chilodons, dont ils différent par la
Cuirasse et par l'absence des cils de la surface.
L5% HISTOIRE NATURELLE
XVe Famizze.
ERVILIENS.
Animaux de forme ovale plus ou moins déprimée,
revètus en partie d’une cuirasse membraneuse persis-
tante, et pourvus de cils vibratiles sur la partie dé-
couverte ; avec un pédicule court en formé de queue.
La famille des Erviliens se compose d'espèces peu
nombreuses et encore peu connues : elle est surtout
remarquable en ce qu’elle présente à la fois plusieurs
caractères de l’organisation des Systolides avec les
caractères négatifs les plus importants des Infusoires,
savoir : l’absence de symétrie et l'absence d’un canal
digestif. Ces animaux, en eflet, sous une cuirasse
résistante, paraissent composés seulement d’une sub-
stance sarcodique, homogène qui se creuse sponta-
nément de vacuoles. Leur multiplication a lieu aussi
par division spontanée transverse.
La seule espèce connue de M. Ehrenberg a été
confondue par cet auteur avec ses Euplotes (Plæs-
conia), sous le nom d’'ÆEuplotes monostylus. Peut-
être aussi, ce que Müller avait nommé Cercaria turbo,
et dont M. Bory a fait le genre Turbinella, et
M. Ehrenberg le genre Urocentrum , doit-il appar-
tenir à cette famille ? Ce serait alors un exemple d'Er-
vilien vivant dans l’eau douce, tandis que les espèces
connues avec certitude sont exclusivement propres à
l’eau de mer. Les deux seuls Erviliens connus doivent
appartenir à deux genres; le premier Ervilia caractérisé
par une cuirasse comprimée et ouverte d’un côté, le
deuxième Z'rochilia montrant une cuirasse ouverte en
avant seulement.
DES INFUSOIRES. 455
je Genre. ER VILIE,. — Zruilia.
An. de forme ovale , comprimée , revêtusid’une cuirasse
ouverte latéralement et en avant ; pourvus de cils vi-
bratiles tout le long de cette ouverture, et d’un appendice
formant un pédicule latéral à l'extrémité postérieure.
1. ERVILIE cOUSSE. — Ervilia legumen. — PI. X, fig. 14.
Corps très-diaphane , montrant quelques vacuoles à l’intérieur.
— Long de 0,04 à 0,06.
J'ai trouvé dans l’eau de le Méditerranée, en mars 1840, cet
Infusoire dont la forme rappelle un peu celle d’une gousse d’£r-
vum, d'où j'ai dérivé son nom générique. Le pédicule peut s’ag-
glutiner sur les corps solides. M. Ehrenberg a trouvé dans l’eau
de la mer Baltique un animal que je crois bien être le même,
quoique la description et la figure ne s'accordent pas tout à fait
avec ce que j'ai vu. Il le nomme ÆEuplotes monostylus (Ehr. , Inf.
PI. XLIT , fig. r4), et dit avoir observé sa multiplication par divi-
sion spontanée transverse, et sa coloration artificielle par l’indigo.
9e GENRE. TROCHILIE. — 7rochilia.
An. de forme irrégulièrement ovale, plus étroite en
ayant, où se montrent des cils vibratiles ; cuirasse oblique-
ment sillonnée, et comme contournée et terminée en arrière
par un pédicule mobile. — Point de bouche distincte.
1. TROCuILIE siGMOÏDE. — Trochilia sigmoïdes, — PI. X, fig. 15.
Corps ovale , rétréci et sinueux en avant; cuirasse montrant
cinq à six côtes arrondies, obliques; pédicule susceptible de
s’agglutiner au porte-objet. — Long de 0,028 à 0,035.
J'observais en grand nombre des Trochilies dans l’eau de mer
prise à Gette, au canal des Étangs, et conservée depuis un
mois à Toulouse , en avril 1840 : quelques-unes étaient en voie de
496 HISTOIRE NATURELLE
se diviser spontanément en travers; on distinguait alors au mi-
lieule nouveau pédicule de la moitié antérieure ; le nombre des
côtes ou des sillons était assez variable ainsi que leur degré de
torsion.
XVI Fame.
LEUCOPHRYENS.
Animaux de forme déprimée , ovale ou oblongue ,
revêtus de cils vibratiles très-serrés et disposés en
séries régulières. — Sans bouche distincte.
Les Leucophryens paraissent entièrement dépourvus
de bouche , ou bien s'ils en ont une, elle n’est pas
distincte et leur sert seulement pour avaler le liquide
au milieu duquel ils vivent , car les vacuoles de l’in-
térieur ne contiennent ni corpuscules étrangers, ni
rien de solide, et il est plus probable que ces animaux
se nourrissent uniquement par absorption. La plu-
part vivent parasites dans les cavités viscérales ou
interviscérales des Annélides et des Batraciens, et
quand ils en sont retirés pour être mis en liberté dans
l'eau pure, ils nagent d’abord avec une extrême viva-
cité, mais ils ne tardent pas à périr par suite de l’ac-
tion dissolvante , de ce liquide ainsi que les Helmin-
thes. C’est quand ils vont cesser de vivre qu'on voit
exsuder sur tout leur contour des disques et des glo-
bules de sarcode dans lesquels il se produit souvent
des vacuoles, d’une manière fort remarquable. Au
milieu du corps des Leucophryens on observe une ou
plusieurs masses d'apparence spongieuse, qui à la
mort de l'animal se contractent de plus en plus : on
ne peut supposer que ce soient des glandes don£ on
n’apercevrait point les relations avec d'autres organes :
DES INFUSOIRES. 451
ce sont plutôtles restes d’un tissuou d’une sorte de trame
contractile préalablement étendue dans tout le corps.
Les Leucophryens se multiplient par division spon-
tanée transverse. Nous en faisons trois genres, savoir :
les Leucophres et les Spathidies qui n’ont aucune
trace de bouche et qui se distinguent parce que
celles-ci sont élargies et tronquées en avant, et que
celles-là sont arrondies aux deux extrémités. Puis un
dernier genre, Opaline, chez lequel une fente oblique
en avant paraît indiquer une bouche.
Müller avait établi un genre Leucophre caractérisé
par les cils vibratiles dont la surface est entièrement
garnie. Ce genre très-nombreux contenait avec quel-
ques vraies Leucophres beaucoup de Paraméciens et
de Bursariens, et divers objets qui ne sont même pas
des Infusoires, tels que des débris de branchies de
Moule. Il avait placé dans son genre Enchelys notre
Spathidie. M. Bory a conservé presque sans chan-
gement le genre de Müller. M. Ehrenberz, dès l’année
1830 , admit un genre Leucophre faisant partie de la
famille des Enchéliens, mais caractérisé par une large
bouche obliquement tronquée , et par conséquent bien
plus voisin des Bursaires, quoiqu'il renferme aussi
une Leucophre sans bouche, celle de l’Anodonte
et la Spathidie qui est également dépourvue de
bouche. C’est au contraire dans son genre Bursaire
que cet auteur a reporté la plupart des vrais Leu-
cophryens avec d’autres Infusoires à bouche très-dis-
tincte.
1% Genre. SPATHIDIE. — Spathidium.
An. à corps oblong, plus épais etarrondi en arrière;
plus mince , élargi et (ronqué obliquement en avant.
L58 HISTOIRE NATURELLE
1, SPATHIDIE myALIN. — Spathidium hyalinum. — PI. NUL, fig, 10.
Corps oblong , lancéolé, hyalin , aminci et comme membraneux
en avant , et terminé par un bord rectiligne oblique, le long du-
quel s’observent des petits points noirs irrégulièrement rangés.
— Long de 0,18 à 0,24.
J'ai observé plusieurs Infusoires de cette espèce dans l’eau d’une
ornière des Batignolles, au nord de Paris, le 11 novembre 1838.
Ils étaient d'une transparence parfaite, ne contenaient aucune
particule solide qu'on eût pu croire avalée par eux, et montraient
une ou plusieurs vacuoles limpides ; on comptait sur une face
vingt à vingt-sept stries parallèles indiquant des rangées de cils
vibratiles très-fins; mais le bord antérieur ne montrait ni cils ni
aucun indice de bouche.
L’Enchelys spathula de Müller (Inf. PI. V, fig. 19-20) paraît
bien être la même espece ; l'auteur le décrit «comme ayantle corps
exactement cylindrique, trés-diaphane, cristallin, marqué de
stries longitudinales tres-déliées; dilaté, membraneux au sommet,
et tronqué, sinueux en avant, avec les angles tant soit peu repliés
en oreilles, d’où résulte une figure de spathule.» Müller a remar-
qué aussi des vacuoles ou vésicules hyalines ordinairement au nom-
bre de deux, l’une au dela du milieu , l’autre à l'extrémité pos-
térieure.
M. Ebrenberg a décrit sous le nom de ZLeucophrys spathula
(Ebr., Inf. PI. XXXII, fig. 2), comme synonyme de l'Enchelys de
Müller, un Infusoire qui paraît différer du nôtre par une rangée
de cils tres-prononcée au bord antérieur, où l’auteur suppose une
bouche en forme de fente ; les stries de la surface sont au nombre
de neuf seulement de chaque côté, et garnies également de cils
plus visibles. M. Ehrenberg dit en outre avoir coloré par l'indigo
les vésicules stomacales de son Infusoire.
2° Genre, LEUCOPHRE. — Zeucophrys."
An. à corps déprimé , ovale ou oblong, également arrondi
aux deux extrémités , couvert de longs cils vibratiles for-
mantdesrangées parallèles très-nombreuses.—Sans bouche.
DES INFUSOIRES. L59
Les seuls Infusoires auxquels je conserve le nom de Leu-
cophre vivent parasites dans le corps des Lombrics entre
l'intestin et l'enveloppe musculaire; peut-être doit-on y
ajouter aussi celle que M. Ehrenberg a trouvée dans l'Ano-
donte? Gleichen et Müller les avaient déjà observées, et on
les rencontrera certainement si on les recherche avec persé-
vérance dans le liquide qui s'écoule des blessures faites à des
Lombrics, surtout vers la partie postérieure, et si l’on sou-
met à cette recherche les Lombrics de diverses localités.
1. LEucOP&RE sTRIÉE. — Leucophra striatys. — PI. IX, fig. 1-4.
Corps oblong, marqué de 55 stries longitudinales granulées.
— Long de 0,08 à 0,125.
Pendant les mois de mars et d'avril 1838, à Paris, je trouvai
abondamment cette Leucophre dans les Lombrics de mon jardin.
Observée dans le liquide écoulé de la blessure du Lombric, elle est
uniformément demi-transparente , avec quelques petits granules
disséminés , et présente quelques vacuoles contractiles irrégulie-
rement rangés le long d’un des côtés ou des deux côtés. Tenue
dans ce même liquide préservé del’évaporation, la Leucophremon-
tre bientôt au milieu de son corps une bande longitudinale irré-
guliére, trouble. En ajoutant de l'eau, le mouvement de la Leu-
cophre est d'abord plus vif, son contour est plus tranché, et
l’on distingue un double rebord ; en même temps la bande cen-
trale devient plus distincte; bientôt les vacuoles se montrent plus
nombreuses , quelques-unes même sont multiples, mais on voit
clairement qu'elles ne communiquent point avec la bande cen-
trale, qui dans aucun cas ne peut être nommée unintestin; les
.stries cessent d’être aussi distinctes, et des exsudations discoïdes
ou globuleuses de sarcode se montrent sur le contour; enfin,
quand la Leucophre est morte, on voit, au lieu de la bande
centrale, une masse allongée plus ou moins infléchie et si-
nueuse.
Les stries granuleuses, épaisses de 0,60 14 et bien régulières d’a-
bord, s'effacent peu à peu, et les cils dont elles sont garnies ces-
sant de vibrer aussi uniformément , Se groupent diversement et
deviennent alors plus visibles.
460 HISTOIRE NATURÉLLE
Dans le nombre des Leucophres nageant dans le liquide inté-
rieur des Lombrics, il y en a souvent qui sont er voie de se divi-
ser spontanément; chacune des moitiés, apres cette division, est
moins arrondie du côté ou elle touchait à l’autre.
>. LEUCOPHRE NODULEUSE, — Leucophrys nodulata, — PI. 1X,
fig. 5-9 (1).
Corps oblong , regulièrement cilié, mais sans stries bien dis-
tinctes ; ayant deux rangées de vacuoles. —Long de 0,10 à 0,42. -
Au mois d'octobre 1835, en Normandie, j'observai , dans des
Lombrics , cette Leucophre que je crois distincte de la précédente
par l'absence de stries ; cependant toutes les fois que depuis lors
j'ai essayé de la trouver, je n'ai vu que la Leucophre striée; peut-
être cette différence tient-elle seulement à ce que mes Leucophres
de 1835 avaient déja été altérées par leur séjour dans l’eau.
J'ai décrit avec soin dans les Annales des sciences naturelles
(tome 4, décembre 1835), les phénomènes que présente cet Infu-
soire, dans l’eau, quand il va cesser de vivre; je donne dans
notre planche IX, fig. 7, 8, 9, quelques-unes des figures que j'a-
vais publiées alors pour montrer comment les exsudations de
sarcode se forment autour de la Leucophre et se creusent de va-
cuoles. |
Gleichen avait trouvé dans un Lombric un Infusoire que je sup-
pose être le même que celui-ci ; Müller a décrit sous le nom de
Leucophra nodulata un Leucophryen que je croirais bien être
exactement le nôtre, s’il ne l’eût trouvé exclusivement dans l’in-
testin de la ais littoralis, 1] lui attribue une forme ovale-oblon-
gue déprimée, une double rangée de nodules (vacuoles) et un pe-
tit tube intermédiaire.
3? LEUCOPRRE DE L'ANODONTE. — Leucophrrs Anodontæ.-- (Ehr.,
Inf., PI. XXXII, fig. 6.)
Sous ce nom M. Ehrenberg décrit comme douteuse une espèce
de Leucophre qu'il a trouvée en Sibérie dans un Anodonte , en
(1) Perlenthierchen,Gleichen, Microse. PI, XX VIE, f, 1 ,et Pl. XXVIN,
LE
Leucophra nodulata , Müller , Zool. dan. fase. 2, tab. 80 , fig. &-1.
— Infus. p. 153:
_ BES INFUSOIRES. 461
lui donnant pour synonyme, avec doute, la Leucophra fluida de
Müller (Müll., Zool. dan., fase. », PI. LXXIIT, fig. 1-6. — Inf.,
P. 156), trouvée par cet auteur dans l'eau de la moule commune,
et qu'on doit plutôt considérer comme un lambeau de la bran-
chie du mollusque. Quant à l’espèce de M. Ehrenberg, ce paraît
être un véritable Infusoire, cilié partout et sans bouche distincte.
Les vacuoles qu'il présentait à l’intérieur ont empêché l'auteur
de le confondre avec les lambeaux de branchies. Son corps est
ovale, gonflé, hyalin, très-obtus de part et d’autre, long de 0,062.
3° Genre OPALINE. — Opalina.
An. à corps ovale ou oblong, avec une fente oblique
indiquant une bouche vers l'extrémité antérieure.
Le genre Opaline proposé par MM. Purkinje et Va-
lentin , pour des Infusoires vivant dans l’intérieur du corps
des Grenouilles, est un genre tout à fait artificiel et pro-
visoire ; car si la bouche existe il faut le réunir aux Para-
méciens ; si elle n'existe pas il faut le réunir aux Leuco-
phres avec lesquelles il a la plus grande analogie; c’est
même cette analogie qui nous a déterminé à le placer ici en
attendant de nouvelles recherches. On trouve les Opalines
dans l'intestin ou dans les humeurs des Batraciens et des
Annélides.
0]
1. OPALINE pu LomBnic. — Opalina lumbrici. — PI. XII, fig. 12.
Corps ovale , déprimé, plus étroit en avant, tronqué en arrière.
— Long de 0,14 à 0,18.
Je trouvai, le 4 septembre 1836, dans un Lombric pris sur le
rivage humide de la Seine , des Infusoires très-ressemblants à des
Leucophres, mais ayant en avant une apparence de bouche obli-
que; l'un d'eux fortement tronqué et même excavé en arriére,
avait deux , rangées régulières de six vacuoles; un autre, plus
large et plus arrondi en arrière, avait une grande vacuole en-
tourée de petites vacuoles formant comme un rang de perles,
462 HISTOIRE NATURELLE
2. OPALINE pes naïs. — Opalina naïdum. — PL. IX, fig. 1O-11.
Corps oblong ou très-allongé , presque cylindrique , marqué de
stries longitudinales et transverses, et parsemé de vacuoles. Un
pli oblique partant de l'extrémité antérieure arrive presqu’au mi-
lieu. — Long de 0,10 à 0,20.
Cette Opaline était fort abondante dans le corps des Naïs qui
peuplaient les fossés du boulevard Mont-Parnasse, à Paris, le
24 février 1837; quelques individus très-allongés étaient presque
cylindriques et courbés en arc (fig. 10), d’autres étaient beaucoup
plus courts, mais les uns et les autres étaient revêtus de cils très-
déliés disposés en séries longitudinales. J'ai trouvé dans l'intestin
de l'Aæmopis sanguisuga des Opalines presque semblables qui
devaient provenir des Naïs dont cette Annelide se nourrit.
3. OPALINE DES GRENOUILLES. — Opalina ranarum. — P]. XIII,
fig. 13 (1).
Corps rond ou ovoïde plus ou moins allongé, de forme variable,
avec une large fente oblique , ciliée en avant. — Long de 0,10 à
0,20.
Dans les excréments d'un Triton nourri depuis vingt jours avec
des lombrics, au mois d'avril 1838, je trouvais beaucoup d’Infu-
soires à corps rond ovoïde, obtus en avant, plus etroit en arrière,
longs de 0,17 à 0,20, et larges de 0,107 à 0,125 , tournant sur
eux-mêmes, et ayant leur surface couverte de stries granulées ré-
guliéres très-fines. Des vacuoles contractiles, de plus en plus nom-
breuses et très-vastes, se montraient à l’intérieur, et quand cesani-
maux avaient séjourné dans l'eau pure , ils commencaient à se
décomposer en laissant exsuder des globules de sarcode qui se
creusaient de vacuoles, et souvent renfermaient des particules
agitées du mouvement Brownien.
Le 11 juin de la même année, dans le liquide mêlé de sang
qui occupait la cavité pectorale d'une grenouille morte depuis
vingt heures , je trouvai des Infusoires analogues , mais de diver-
ses formes; les uns presque globuleux, les autres presque ver-
miformes, quatre à cinq fois aussi longs que larges, rétrécis en
DES INFUSOIRES. 463
arriére ; tous parsemés de très-petits granules, et renfermant des
vacuoles souvent tres-grandes. Précédemment , en février 1836,
j'avais aussi trouvé, dans des excréments de grenouilles , des Opa-
lines de forme variable , dont quelques-unes étaient comprimées
ou contournées diversement, et qui finissaient par se creuser de
vacuoles très-nombreuses.
Toutes ces variétés me paraissent devoir constituer une seule
espèce que Leeuwenhoeck le premier a observée dans les excré-
ments de grenouilles où elle est très-commune, que Bloch observa
et décrivit sous le nom de Chaos intestinalis , et d’Hirudo intesti-
nalis, et que MM. Purkinje et Valentin décrivirent comme nou-
velle sous le nom d’Opalina ranarum ; maïs Müller lui-même en
avait déjà parlé sous le nom de Vtbrio vermiculus et de Leuco-
phra globulifera, et M. Ehrenberg, en 1831 , l'avait inscrite
parmi ses Bursaires, sous le nom de Bursaria intestinalis. Le même
auteur distingua, en 1835, sous le nom de Bursaria nucleus, ceux
de ces Infusoires qui ont le corps ovale plus petit, arrondi aux
deux extrémités, mais un peu plus étroit en avant ; puis, en 1838,
il nomma Bursarta ranarum ceux qui ont le corps ovale, lenticu-
laire comprimé , un peu aigu en avant, et souvent tronqué en
arrière. Mais, comme je l'ai dit, je présume que ce ne sont que
des variétés d’un même animal.
XVII Famiece.
PARAMECIENS.
Animaux à corps mou , flexible , de forme variable,
ordinairement oblong et plus ou moins déprimé,
pourvu d’un tégument réticulé lâche, à travers lequel
sortent des cils vibratiles nombreux en séries régu-
lières. — Ayant une bouche.
La famille des Paraméciens, pour qu’elle püût être
caractérisée plus nettement, devrait être débarrassée
de quelques genres comme les Pleuronema et La-
crymarta , dont on formerait des familles distinctes ;
464 HISTOIRE NATURELLE
mais en attendant que ces animaux soient mieux
connus, nous avons préféré les grouper tous ensemble
d’après les caractères un peu vagues tirés de la pré-
sence du tégument et de la disposition des cils vibra-
tiles. En effet , la bouche attribuée aux Paraméciens
-en général, n’est que soupconnée chez les Lacrymaria,
et elle nous paraît douteuse quoique l’enfoncement dé-
signé comme tel soit bien visible, chez les Pleuronema.
C'est chez les Paraméciens que l’on observe mieux
le summum d'organisation des Infusoires, car ils mon-
trent à la fois le tégument réticulé contractile , Les cils
en séries régulières servant d'organes locomoteurs , la
bouche au fond de laquelle le tourbillon excité par les
cils détermine le creusement d’une cavité en cul-de-
sac, et la formation de vacuoles sans parois permanentes
dans lesquelles sont renfermées les substances avalées
avec de l’eau; chez eux aussi on observe la production
spontanée de vacuoles contractiles près dela surface et
des exsudations de sarcode sur tout le contour, et
enfin on voit souvent à l’intérieur ce que M. Ehren-
berg a nommé le testicule.
Les Paraméciens ont été vus de tous les anciens
observateurs ; ils sont répartis dans les genres Para-
mécie, Cyclide, Kolpode et Vibrion de Müller.
M. Bory les a classés aussi dans plusieurs familles où
bien souvent ils sont confondus avec des animaux
tout à fait différents. M. Ehrenberg les à distribués
dans ses familles des Ophryocercina, des Enchelyens,
des Trachéliens et des Kolpodiens, suivant la position
de: là bouche qui est terminale chez les Enchélyens
seulement, et suivant la position de l’anus que cet
auteur prétend être terminal chez les Trachéliens.
Nous reconnaissons bien en effet que chez des Pa-
DES INFUSOIRES. LGS
raméciens la bouche est tantôt latérale et tantôt ter-
minale, et nous trouvons là de bonnes distinctions
génériques ; Mais, COMME nous l'avons dit précédem-
ment, nous n’accordons à ces animaux ni intestin, ni
anus, et conséquemment nous ne pouvons nous servir
des caractères supposés par M. Ehrenbers. Nous
avons donc dü , pour distinguer les genres de Para-
méciens , chercher des caractères dans la forme gé-
nérale du corps de ces animaux, et dans la présence
d’un faisceau de petites baguettes entourant la bouche
comme une sorte d’armure dentaire.
Séparant donc d’abord les Zacrymaria et les Pleu-
ronema dont la bouche est douteuse et qui diffèrent
entre eux parce que chez celui-ci le corps est ovale,
oblong, déprimé avec une large ouverture latérale
d'où sort un faisceau de filaments, et que l’autre a le
corps rond prolongé en manière de cou , il reste en-
core dix genres que l’on divise en deux groupes sui-
vant la position de la bouche , savoir : ceux qui ont
la bouche latérale, parmi lesquels on distingue d’abord
les Glaucoma et les Kolpoda qui ont la bouche ap-
pendiculée ou pourvue d’une lèvre qui est longitu .
dinale et vibratile dans ceux-là, inférieure et trans-
verse dans ceux-ci; les autres, ayant la bouche non
appendiculée, sont distingués par la forme du corps.
Le corps en effet n’est jamais globuleux chez les Pa-
ramecium , les Amphileptus, les Loxophyllum et les
Chilodon. Ces deux derniers à corps aplati, sinueux,
diffèrent parce que la bouche de l’un est nue et celle
de l’autre dentée ou entourée d’un faisceau de pe-
tites baguettes [cornées; les deux autres ont le corps
oblong marqué d’un pli oblique chez les premiers et
A , , Five
très-allongé ou rétréci chez les seconds.
INFUSOIRES . 30
&GG HISTOIRE NATURELLE
Le corps passe au contraire de la forme ovoïde ou
oblongue à la forme globuleuse chez les Panophrys et
les Nassula , qui diffèrent encore parce que la bouche
est nue chez ceux-là et dentée chez ceux-ci.
Le deuxième groupe, caractérisé par la position ter-
minale de la bouche , ne renferme que deux genres :
Holophrya à bouche nue, et Prorodon à bouche
dentée.
Les Paraméciens se multiplient par division spon-
tanée, le plus ordinairement transverse. Ils se dé-
veloppent pour la plupart dans les infusions ou dans
des eaux stagnantes, qui sont de vraies infusions na-
turelles ; d’autres se trouvent exclusivement dans des
eaux stagnantes, limpides, contenant certains prin-
cipes en dissolution; d’autres enfin dans les eaux
pures, entre les herbes aquatiques. Presque tous sont
blancs ou incolores, et leur multitude est quelquefois
si prodigieuse que l’eau en est troublée; quelques-uns
sont colorés soit par eux-mêmes, soit par leurs ali-
ments.
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h58 HISTOIRE NATURELLE
der GENRE. LACRYMAIRE, — Zacrymaria.
An. à corps rond ou pyriforme, très-contractile et varia-
ble, revêtu d’un tégument réticulé, et prolongéen manière
de cou avec une apparence de bouche indiquée par des cils
près de l'extrémité.
Les Infusoires de ce genre , tous caractérisés par leur forme
de fiole à long col, ou de lacrymatoire, ont été vus de tous
les micrographes , mais rapportés par eux à des genres diffé-
rents ou même à des familles éloignées ; ainsi Müller en fit
des Trichodes quand les cils étaient visibles pour lui, et des
Vibrions dans le cas contraire; Schranck les rangea dans
son genre Trachelius; M. Bory en fit des Amibes, des La-
crymatoires et des Phialines ; M. Ehrenberg enfin, admet-
tant que la plupart ont le corps non cilié, les a classés, d’après
la position supposée d’une bouche et d’un anus, dans le
genre Lacrymaria de sa famille des Enchéliens, ou dans le
genre Phialina de'sa famille des Trachéliens, ou enfin dans
le genre Trachelocerca , type de sa famille des Oranxocer-
QUES. Ainsi ses Lacrymaria auraient le corps sans cils pro-
longé en un cou étroit et terminé par une bouche ciliée
obliquement tronquée, et l’anus à l'extrémité opposée; ses
Phialina en différeraient seulement parce que le cou, au lieu
d'être terminé par un renflement simple, présenterait une
entaille près de l'extrémité qui serait alors en forme de te-
non, d’où résulte, pour l'emplacement présumé de la bouche,
une position un peu latérale; ses Trachelocerca, qu’il nomme
Vui-même des Lacrymaria à queue, sont censés avoir la bou-
‘che seulement terminale et l’anus latéral en avant du pro-
longement conique caudiforme. Cet auteur a réussi à colo-
rer artificiellement les vésicules stomacales des Lacrymaria,
et paraît même admettre que les substances avalées doivent
traverser un œsophage étroit de la longueur du cou. Ilnomme
œufs les granules blancs ou colorés qu’on observe chez la
BES INFUSOIRES. L&69
plupart; il signale aussi comme organe mâle une grande va- :
cuole postérieure qu’il nomme vésicule contractile chez les
Phialines. Enfin il n’a point vu ces Infusoires se diviser
spontanément. Ceux de ces animaux que nous avons ren-
contrés vivaient isolément dans les eaux de la Seine entre
les herbes; leur corps était très-contractile, de forme telle-
ment variable qu’ils méritaient bien le nom de Protée que
leur avait donné Baker. Leur surface était distinctement ré-
ticulée et ciliée.
5. LACRYMAIRE GyGNE, — Lacrymaria olor (1).
Corps fusiforme , prolongé en un cou très-long, renflé à l’extré-
mité. — Long de 0,11 sans le cou , ou 0,4 à 0,3 avec le cou.
Müller, qui trouva rarement cet Infusoire dans l’eau des marais
parmi les lentilles d'eau , le décrit comme agitant sans cesse avec
vivacité son long cou, qui est cylindrique, filiforme, égal, très-
diaphane, ordinairement étendu, souvent aussi flexueux , mais
jamais retiré et caché dans l'intérieur du corps; ce cou, renflé à
l'extrémité ou terminé par un tubercule, est deux fois, trois fois
et jusqu'a six fois aussi long que le corps. Müller n’a pu y voir
de cils, quoiqu'il en existe bien certainement.
M. Ehrenberg dit avoir vu le résidu de la digestion excrété par
une ouverture située au côté dorsal en avant de la queue, que
d'après cela il veut nommer non une queue, mais un rudiment
de pied.
(1) Proteus , Baker, Empl. micr.
Brachionus Proteus , Pallas, Elench. zooph. p. 94.
Vibrio Proteus, Müller , Verm. terr. fluv. 28. — Wibrio olor, Müll.
Inf. PI. X, fig. 12-15.
Trachelius anhinga , Schrank. Faun. boïc. 111, 2.
ar olor. — Phialina cygnus. — Lacrymaria olor , Bory, Encycl.
1824.
Lacrymaria olor, Ehr. Mém. 1830-1831. — 7rachelocerca olor ,
Ehr. Infus. 1838, Pl. XXXVIIL, fig. 5, p. 342.
470 HISTOIRE NATURELLE
2. LACRYMAIRE VERTE. — Lacrymaria viridis. = (Trachelocerca vi-
ridis, Ebr. Inf., pl. XXXWVIIL, fig. 8.) (1).
Corps fusiforme, vert, avec un cou très-agile et très-long , ter-
miné par une petite tête, comprenant une bouche ciliée et une
lèvre, — Long de 0,225.
M. Ehrenberg, qui seula vu cette espèce dont il fait une Tra-
chelocerca , dit qu’elle se distingue par ses ovules verts, mais
aussi par une sorte de lèvre articulée comme chez les Lacry maria.
Il ajoute que la surface est couverte de plis transverses fins,
* Le même auteur a inscrit dans son genre Trachelocerca,
comme une troisième espèce (7r. biceps), un Infusoire de même
forme que les précédents, mais bifide en avant et comme pourvu
d’une double tête. 11 ne l’a vu qu'une seule fois, et pense que ce
pourrait être une monstruosité.
/
3. LacRYMAIRE ProtTéEe. — Lacrymaria Proteus. (Ehr. Inf.,
pl. XXXI, fig. 17 (2).
Corps ovoide, obtus en arrière, pourvu en avant d’un cou al-
longé , rétractile. — Longueur totale, 0,18.
Müller l’a trouvée dans l’eau de rivière avec la L. cygne, à
laquelle elle ressemble beaucoup, mais dont elle diffère par la
rétractilité de son cou moins long et moins délié, et par la con-
tractilité de son corps. Cet auteur signale aussi les cils bien visi-
bles de l'extrémité du cou; mais il donne mal à propos cette es-
pèce comme synonyme du Protée de Baker. M. Ehrenberg, qui
la décrit comme finement plissée en travers, dit avoir vu l’indigo
pénétrer dans ses estomacs, en traversant rapidement, par molé-
cules, son œsophage étroit; mais il ne lui a vu ni ovules, ni tes-
ticules, ni vésicule contractile.
(1) M. Ebrenbersg institua, en 1831, une famille des Ophryocercina
pour un seul Infusoire qu'il nomma Ophryocercina ovum (v. pag. 487),
mais plus tard il reconnut que ce qu'il avait pris pour une queue et
dont il avait fait le caractère distinctif de ce genre , est au contraire une
partie antérieure ; en conséquence il reporta cet Infusoire au genre
Trachelius , mais en même temps il trouva d'autres formes dont l